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"L'Art du Disque-Monde", de Terry Pratchett & Paul Kidby

Publié le par Nébal

"L'Art du Disque-Monde", de Terry Pratchett & Paul Kidby

PRATCHETT (Terry) & KIDBY (Paul), L’Art du Disque-Monde, [The Art of Discworld], illustré par Paul Kidby, traduit de l’anglais par Patrick Couton, Nantes, L’Atalante, coll. La Dentelle du cygne, [2004] 2007, [n.p.]

 

Ouep. Parfaitement.

 

Je me suis dit que, pour les fêtes, ça pourrait être sympa de rattraper mon retard en ce qui concerne les disque-monderies de Terry Pratchett.

 

Ouep. Parfaitement.

 

Bon, je n’avais pas tant de retard que ça, non plus. Juste deux romans des « Annales » à proprement parler, Coup de tabac et Déraillé, un petit machin parallèle qui m’a attiré des remarques sarcastiques de mon perfide libraire quand j’en ai fait l’acquisition, ce qui peut se comprendre, c’est-à-dire Le Monde merveilleux du caca (à lire semble-t-il dans la foulée de Coup de tabac), et deux beaux bouquins, L’Art du Disque-Monde qui date un peu et va nous retenir aujourd’hui, et le tout récent Tout Ankh-Morpork (je me garde les tomes 2 et 3 de La Science du Disque-Monde pour plus tard).

 

L’Art du Disque-Monde n’a absolument rien de narratif. Il s’agit d’un artbook de Paul Kidby, responsable de l’illustration des disque-monderies depuis un certain temps déjà (il a pris la succession de Josh Kirby, au style plus déconcertant, fouillé et baroque ; Kidby est plus classique, mais j’avoue préférer, pour le coup). Or, Paul Kidby parvient à ce tour de force incroyable : réaliser des chouettes couvertures pour des livres qui paraissent à L’Atalante. C’est pas rien, tout de même.

 

Au fil des pages de ce beau livre grand format, on passe ainsi par tout ce qui fait le Disque-Monde (enfin, essentiellement des personnages, cela dit). Et c’est très agréable à l’œil. Kidby sait manier crayons et pinceaux, et le résultat est généralement très impressionnant. De justesse, surtout : la plupart du temps, et mine de rien ce n’est pas toujours le cas loin de là, et c’est sans doute particulièrement délicat pour une œuvre au long cours telle que « Les Annales du Disque-Monde », Kidby tape dans le mille, et traduit graphiquement à merveille tant le propos de Pratchett que les fantasmes de son lecteur (enfin, les miens, en l’occurrence). Certains personnages sont même particulièrement bien vus, et là je pense notamment à la Mort (son regard !), à Nounou Ogg, ou encore aux Nac mac Feegle. Bon, il y a bien quelques cas où je ne suis pas d’accord (notamment, je trouve Vétérini bien jeune, ainsi représenté, et j’ai toujours du mal à me faire au look très « Clint Eastwood » de Vimaire), mais dans l’ensemble c’est tout de même assez remarquable de pertinence, et je suis loin d’accorder cette appréciation à tous les illustrateurs du genre, même aux plus prestigieux (à titre de comparaison, en matière de tolkienneries, j’aime beaucoup ce que font John Howe ou Alan Lee, mais suis loin de toujours acquiescer à leurs représentations de mes personnages fétiches ; il faut dire que cela fait plus de vingt ans que je m’en suis constitué une image mentale, certes…).

 

La variété des sujets est remarquable, tout comme l’est celle de leur traitement. On appréciera tout particulièrement, dans un esprit très pratchettien, quelques savoureuses parodies de tableaux célèbres (la « Mona Ogg » de la couverture est loin d’être la seule, et connaît une autre version dans le livre – plus intéressante, d’ailleurs – ; mais on pourrait aussi citer, je sais pas, moi, « Le Cri de Rincevent » ou encore « Lancrian Gothic »…), et même d’autres choses encore (j’avoue avoir explosé de rire devant l'affiche de « Feeglespotting »…). Un beau livre, donc, qui remplit bien son office ; je ne suis pas en temps normal très fan d’artbooks, mais celui-ci est tout à fait réussi, bien conçu, et vaut bien son prix. Un beau cadeau de Noël, quoi (c’est un peu tard cette année ? Ben, commandez-le au Père Porcher…).

 

Ce n’est cependant pas là le seul intérêt de cet Art du Disque-Monde. En effet, il est abondamment commenté. Assez peu, somme toute, par Paul Kidby lui-même, et essentiellement par Terry Pratchett (qui peut bien avoir son nom sur la couverture, du coup). L’auteur des « Annales » glisse bien quelques remarques, très justes le plus souvent, sur le travail de son illustrateur (pour le louer, bien sûr, même s’il émet à l’occasion quelques légers doutes – lui aussi a un vague problème avec « Clint Eastwood », par exemple –, très vite gommés au bénéfice de la liberté d’interprétation, sans surprise), mais le plus souvent il en profite pour revenir de manière assez intéressante sur son processus créatif, l’origine de tel thème ou tel personnage, et surtout leur évolution durant toutes ces années. Cela pourrait être convenu – d’autant que ce n’est certainement pas pour cela que l’on va faire l’acquisition de L’Art du Disque-Monde, en principe –, mais non, c’est tout à fait intéressant et instructif.

 

Un bien bel ouvrage, donc, riche et bien conçu, qui satisfait pleinement les mirettes mais sans négliger les neurones. Ce que sait parfaitement faire Terry Pratchett dans « Les Annales du Disque-Monde », en tout cas quand il est au mieux de sa forme (et là, je ne peux m’empêcher de faire cette remarque : j’ai donc entamé Coup de tabac, et, après 200 pages environ, ben, euh, je le trouve franchement mauvais… mais j’y reviendrai bientôt). L’Art du Disque-Monde, bien loin de constituer un simple gadget annexe et tristement mercantile, saura donc séduire les fans, même les moins jusqu’au-boutistes.

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