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"De H.P. Lovecraft à J.R.R. Tolkien", de Francis Valéry

Publié le par Nébal

"De H.P. Lovecraft à J.R.R. Tolkien", de Francis Valéry

VALÉRY (Francis), De H.P. Lovecraft à J.R.R. Tolkien, préface de Marc Attalah, Chambéry, ActuSF – Maison d’Ailleurs, coll. Les Collections de la Maison d’Ailleurs, 2014, 92 p.

 

Certes, je ne peux hélas pas, vu le rythme de parution, lire tout ce qui se publie sur H.P. Lovecraft (ni sur J.R.R. Tolkien, bien sûr, mais c’est que je ne me suis pas encore trop posé la question, même si j’ai bien envie d’approfondir un peu). Ce tout petit livre publié par les éditions ActuSF dans leur collection consacrée à la Maison d’Ailleurs, à l’occasion de l’exposition « Alphabrick » (et parallèlement à un deuxième fascicule consacré pour sa part à l’univers étendu de Star Wars), avait néanmoins pour lui d’être aisément accessible (et on a bien voulu m’en donner un service de presse, merci), aussi pouvais-je difficilement passer à côté.

 

D’autant que ce titre, en dépit de sa maladresse (il n’est bien évidemment pas question de « chronologie » allant de H.P. Lovecraft à J.R.R. Tolkien, ce qui serait absurde), aiguisait quelque peu ma curiosité : l’idée de dresser un parallèle (car on ne peut pas faire plus, donc) entre ces deux auteurs phares de la culture populaire qui n’ont connu véritablement le succès que dans les années 1960 (et donc à titre posthume pour HPL, bien sûr) mais ont dès lors suscité un engouement transmédial comparable, me paraissait plutôt intéressante et bien vue. Hélas… mais ne mettons pas la charrue avant les shoggoths (ou les trolls, pour ce que ça change).

 

Trois choses frappent d’emblée. D’abord, la couverture, qui, selon l’usage de la collection, se veut sobre, mais est tristement moche (et dans le cas présent on aurait tout naturellement envie de dire « indicible », comme, on me l’a fait remarquer, une maladroite tentative de représenter de manière euclidienne une horreur toute non-euclidienne). Ensuite, l’iconographie (en couleurs), sélectionnée par Frédéric Jaccaud, et abondante à défaut d’être toujours très pertinente (n’en doutons pas néanmoins, et autant le dire de suite, c’est indéniablement le principal atout – et même le seul – de cette petite chose pleine de vide…). Enfin, l’extrême brièveté de « l’essai » en lui-même : sur ces 92 pages seulement, près des deux tiers sont consacrées à l’iconographie ; on ne compte en effet qu’une trentaine de pages de texte, ce qui est vraiment, vraiment peu…

 

Beaucoup trop peu. Les trois chapitres de ce fascicule se consacrent en effet uniquement, peu ou prou, à l’histoire éditoriale (très succincte…) des œuvres de H.P. Lovecraft puis de J.R.R. Tolkien (sans vraiment établir de comparaison pertinente, c’est totalement indépendant), avant de chercher (maladroitement) des prédécesseurs et successeurs dans cette optique transmédiale (type Sherlock Holmes, Tarzan ou Star Trek). C’est déjà une chose que l’on peut regretter... Certes, il n’est pas bien grave que les amateurs de biographie ne trouvent guère ici à se mettre grand-chose sous la dent, ils ont amplement de quoi se satisfaire ailleurs (mais il n’y a pas pour autant le minimum syndical). On regrettera par contre très fortement l’absence quasi totale d’analyse : ces trois « essais » séparés ne méritent guère cette désignation (sauf, à l’extrême limite, le dernier, le plus court, et seulement pour partie…) dans la mesure où ils sont purement factuels. Alors, en gros, on a des listes de parution, en VO et en français, avec des tirages et des ventes, et c’est à peu près tout… Trois mots pour conclure à chaque fois sur le portage de ces univers, « Mythe de Cthulhu » et Terre du Milieu, sur d’autres médias (cinéma, jeu de rôle, etc.), et hop ! c’est déjà fini. Bref (si j’ose dire…), ces quelques trente pages de texte, outre qu’elles ne sont vraiment pas assez nombreuses pour constituer une publication honnête (à 7,30 €, tout de même), sont pleines de vide.

 

D’autant que même le double sujet de l’histoire éditoriale et des « adaptations » diverses et variées est horriblement mal traité : ces « listes », dans les deux cas, sont en effet extrêmement lacunaires, procédant le plus souvent (mais tout particulièrement dans le cas du pauvre Lovecraft, ce qui n’étonnera personne au vu du rythme de publication pour le moins différent des deux auteurs envisagés), d’une sélection arbitraire vraiment mal venue, et qui, surtout, ne fait pas la part des choses : ainsi, parler des publications d’HPL dans le cadre du « journalisme amateur » (je crois que l’expression n’apparaît même pas…), c’est bien joli, mais sans étudier un minimum en quoi consiste ce phénomène, ni même le définir, on en arrive à des absurdités ; les publications en pulp elles aussi sont traitées de manière vraiment trop succincte pour que l’on puisse en tirer quoi que ce soit ; mais le pire est sans doute d'envisager tout cela sur le même plan ! Ce caractère lacunaire est déjà fâcheusement préjudiciable à « l’intérêt » (j’ai du mal à employer ce terme…) de ce fascicule. Et comme, en outre, il se montre en plus d’une occasion pour le moins approximatif…

 

Bref : tout cela est parfaitement inepte. Le lecteur qui connaît un tant soit peu la matière n’apprendra rien, au mieux, voire haussera de temps à autre le sourcil à la lecture expédiée de cette brochure. Le débutant sera quant à lui lâché sans la moindre préparation dans des listes qui ne veulent rien dire en elles-mêmes, et qui ne lui donneront sans doute guère envie d’approfondir. L’un comme l’autre, enfin, ne pourront pas tirer le moindre enseignement de ces « essais » qui n’en sont pas, qu’il s’agisse de s’intéresser spécifiquement à l’œuvre des deux auteurs, de tenter de dresser des passerelles entre ces productions singulières, ou d’envisager le phénomène pourtant sacrément intéressant a priori des « univers étendus » (à peine pourra-t-on noter l’affirmation finale, en rien étayée, selon laquelle cela n’a rien à voir ou si peu avec le marketing ; prendre le contre-pied de la vision critique globalement répandue à ce sujet aurait pu être intéressant, mais, bordel, on ne peut pas se contenter de balancer la chose comme ça, un minimum, rien qu’un minimum, d’argumentation s’impose, bon sang !).

 

Du vide. Absolument sans intérêt pour qui que ce soit. Passez votre chemin, vous avez bien d’autres choses à lire sur les sujets maltraités ici par Francis Valéry.

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C
Je me souviens du bouquin de Houellebecq par contre. Ça s'intitulait "H. P. Lovecraft. Contre le monde, contre la vie". J'avais adoré.
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N
Certes : http://nebalestuncon.over-blog.com/article-h-p-lovecraft-de-michel-houellebecq-64120013.html