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"Lovecraft Studies", no. 34

Publié le par Nébal

"Lovecraft Studies", no. 34

Lovecraft Studies, no. 34, West Warwick, Necronomicon Press, Spring 1996, 36 p.

 

Je poursuis mon rattrapage (façon de parler) des Lovecraft Studies avec ce trente-quatrième numéro… qui, autant le dire de suite, ne m’a pas vraiment convaincu, et c’est le moins qu’on puisse dire.

 

Ça ne commence pas si mal, pourtant, avec « At the Mountains of Madness : A Panel Discussion », table ronde à propos des « Montagnes Hallucinées » réunissant Steven J. Mariconda (modérateur), Peter Cannon, Jason C. Eckhardt et Hubert Van Calenbergh (le public intervient également, à la fin bien sûr, mais on notera aussi quelques interventions au cours des débats, notamment de S.T. Joshi). Drôle d’idée de départ : se demander – les hérétiques ! – si ce « roman » de Lovecraft (probablement mon texte préféré du Maître) est une réussite foudroyante… ou un échec consternant. Bon, je vous rassure, en dernier lieu, tout en relevant quelques défauts (dont certains sont assez incontestables même pour un petit fan tel que votre serviteur), les participants se prononcent tous en faveur de la première hypothèse… Mais, à vrai dire, la question n’est pas tant creusée que ça : la discussion part vite dans tous les sens, chacun ayant ses éléments à apporter quant à son analyse du texte, de son style bien particulier, etc. Du coup, tout va très vite (le format de la table ronde l’impose…), et c’est passablement le bordel. C’est néanmoins plutôt intéressant, et on y trouve quelques idées bienvenues, offrant au moins des pistes de recherche.

 

La suite du numéro, hélas, joue dans une tout autre catégorie… Si l’on excepte le très court « Lovecraft in Brooklyn », texte sans grand intérêt de Rheinart Kleiner publié originellement en 1951 dans un « journal amateur », et consistant essentiellement en un portrait physique de Lovecraft du temps de son séjour new-yorkais, le reste du fanzine est occupé par des articles le plus souvent très pointus, et probablement trop, qui me sont largement passés au-dessus de la tête, à moi le béotien…

 

On fait ainsi dans le très, très pointu, très, très technique, très, très incompréhensible pour ma pomme avec le bref article de Dan Clore intitulé « Overdetermination and Enigma in Alhazred’s Cryptic Couplet », analyse grammaticale, syntaxique, rhétorique, poétique, etc., du fameux distique de l’Arabe fou cité pour la première fois dans « La Cité sans nom » et repris régulièrement depuis : « That is not dead which can eternal lie, / And with strange aeons, even death may die. » Ces considérations stylistiques supportent à vrai dire sans doute assez mal le passage à la traduction… Et la glose sur cette « mort qui meurt », avec d’autres exemples poétiques à la clef, est de même très anglo-saxonne. Le vrai problème, cependant, c’est que la technicité extrême de cet article dépasse largement les maigres compétences de votre serviteur, qui n’y a absolument rien panné… C’est sans doute très bien pour les spécialistes, ceci dit.

 

J’avais tout, en principe, pour comprendre et apprécier davantage l’article suivant, « "The Outsider", the Terminal Climax, and Other Conclusions », de Robert H. Waugh, qui analyse en détail la célèbre chute de « Je suis d’ailleurs » pour s’intéresser ensuite plus largement à ce procédé – dépassant la seule idée de chute – de point culminant de la nouvelle résidant dans ses dernières lignes (l’auteur cite d’autres nouvelles de Lovecraft l’appliquant). Mais je suis resté pour le moins perplexe devant cette analyse hermétique, qui m’a semblé bien pédante, à chercher midi à quatorze heures en s’attardant sur ce qui me paraît décidément n’être que des points de détail, et saoule notamment à force de balancer des références grecques pas forcément (…) très pertinentes. En ce qui me concerne – et ça vaut hélas pour une bonne partie de ce numéro –, c’est là un exemple assez consternant de ce que la critique littéraire (au sens fort) peut faire de pire ; autrement dit, vous me pardonnerez l’expression, hein, mais c’est de l’enculage de mouches (à défaut de shoggoths)…

 

Donald R. Burleson, dans « A Textual Oddity in "The Quest of Iranon" », s’intéresse quant à lui… à une coquille dans le texte de « La Quête d’Iranon » tel qu’il est reproduit dans Dagon and Other Macabre Tales ! Alors, certes, signaler l’erreur, et expliquer le pourquoi du comment, c’est très bien et même nécessaire… mais on ne peut pas dire que j’aie pour ma part retiré un grand bénéfice de cet article, sans surprise.

 

Et puis il y a enfin « The Vanity of Existence in "The Shadow Out of Time" » de Paul Monteleone, article que je redoutais un peu, dois-je dire, n’ayant guère été convaincu par sa communication sur « Ex Oblivione » dans la précédente livraison de Lovecraft Studies, dont on devine ici comme une suite logique… C’est mieux, cela dit – au moins formellement : l’auteur est toujours beaucoup trop didactique, mais ne sombre pas dans la paraphrase cette fois-ci, et c’est toujours ça de gagné… Pour ce qui est du fond, je suis davantage partagé, néanmoins. Paul Monteleone – qui, décidément, aime beaucoup Schopenhauer – livre parfois quelques idées intéressantes sur la signification profonde du texte, mais ne nous épargne hélas pas quelques lieux communs… et, plus gênant, s’avance parfois dans des interprétations hautement contestables, et qu’il n’étaye guère. Quant à ses considérations sur « l’humour » supposé de ce texte censément « ridicule » par moments, elles m’ont presque choqué, mais j’en suis un petit fan depuis ma moins tendre pré-adolescence, alors bon…

 

Bilan guère satisfaisant, donc, pour cette trente-quatrième livraison de Lovecraft Studies. Certes, il y a une bonne part de subjectivité dans cette critique, je ne prétendrai pas le contraire (et je ne peux bien évidemment pas me plaindre de ce que les deux articles de Dan Clore et Donald R. Burleson ne s’adressent en défintive qu’à un public anglo-saxon…). Mais on a fait dans l’excès, ce coup-ci… Ce qui ne m’empêchera pas de poursuivre, hein.

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