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Howard Phillips Lovecraft : Dreamer on the Nightside, de Frank Belknap Long

Publié le par Nébal

Howard Phillips Lovecraft : Dreamer on the Nightside, de Frank Belknap Long

LONG (Frank Belknap), Howard Phillips Lovecraft : Dreamer on the Nightside, Sauk City, Arkham House, 1975, XIV + 237 p. [+ x p. de pl.]

 

Frank Belknap Long était un des principaux correspondants de Lovecraft, qui le considérait comme son « petit-fils » (malgré une différence d'âge de treize ans seulement), et l'appelait du coup « Sonny » quand ce n'était pas la version latinisée « Belknapius » ; les deux irritaient à vrai dire énormément Long, mais on pardonnait bien des choses au gentleman de Providence... Quoi qu'il en soit, Long était, à l'instar de Lovecraft, membre du Kalem Club, ce petit cercle littéraire qui se réunissait de temps à autre à New York, et dont tous les membres (originels) portaient un nom commençant par les lettres K, L ou M. Au-delà, on le connaît surtout pour avoir écrit une des plus célèbres « Légendes du Mythe de Cthulhu » compilées par August Derleth, à savoir « Les Chiens de Tindalos ». Mais si Arkham House, la maison d'édition d'August Derleth (donc) et Donald Wandrei, a publié plusieurs ouvrages du monsieur, on n'ira pas jusqu'à dire de Long qu'il a eu une brillante carrière littéraire ; à vrai dire, n'était son association avec Lovecraft, on l'aurait sans doute oublié depuis pas mal de temps déjà...

 

Il y avait donc une certaine logique, j'imagine, à ce qu'il commette Howard Phillips Lovecraft : Dreamer on the Nightside (traduit en français sous le titre H.P. Lovecraft : le conteur des ténèbres), ouvrage relativement bref qui ne constitue pas à proprement parler une biographie, mais un recueil de souvenirs, avec ce que cela implique de subjectivité. Le Lovecraft de cet ouvrage est donc, non pas le « vrai » Lovecraft, mais celui que percevait son cadet. Précision importante, sans doute, qui peut expliquer – sans véritablement excuser – çà et là quelques distorsions fâcheuses de la réalité.

 

Ce qui a de quoi laisser perplexe, néanmoins. Dès le départ, ainsi, quand Long reprend la fausse lettre à August Derleth sur laquelle se fondait ce dernier pour expliquer sa conception manichéenne, et/ou judéo-chrétienne, du « Mythe de Cthulhu » : comment Long, qui connaissait Lovecraft, et pas seulement au travers d'une abondante correspondance, a-t-il pu se méprendre à ce point sur le sens profond de l'œuvre de son aîné et mentor ? On est en droit de douter de son honnêteté, à ce stade. Mais il est vrai que ce volume d'Arkham House fait régulièrement de la lèche à l'éditeur, trop content, sans doute, de se voir ainsi « justifié »...

 

D'autres passages, à vrai dire, ont de quoi laisser tout aussi sceptique, cette fois en rapport avec la biographie de Lovecraft. Ainsi, on a le sentiment que Long retarde autant que possible l'évocation du racisme de HPL, et ne s'engage enfin dans cette thématique qu'à reculons... et pour se contenter de reproduire une longue citation de Dirk W. Mosig contestant cette « légende noire » – l'éminent critique, pour le coup, se voilait la face ; Mosig n'a bien entendu jamais rencontré Lovecraft, à la différence de Long : si l'analyse en question peut être pardonnée dans le cas du critique, sans doute, elle relève cependant de la mauvaise foi pure et simple sous la plume par ailleurs malhabile de Long...

 

Pour le coup, même dans les passages moins sensibles, il n'y a somme toute pas grand-chose à retenir de cet ouvrage : son contenu biographique est donc pauvre, et s'attarde volontiers sur des anecdotes insignifiantes ; et l'analyse, quand il y en a – c'est loin d'être systématique –, pèche par une certaine naïveté au ras des pâquerettes. Ces quelques 240 pages sont ainsi souvent pleines de vide, quand elles ne croulent pas sous les mensonges et déformations...

 

Il y a pourtant un passage qui, à mon sens, rachète presque le livre. Presque : s'il avait contenu davantage de scènes de ce type, il aurait pu être recommandé ; mais en l'état, ce n'est guère qu'une exception qui confirme la règle... Ce passage, c'est celui de la première rencontre entre Long et Lovecraft, si je ne m'abuse à Brooklyn chez Sonia Greene, la future madame Lovecraft. Ici, en dépit d'un style quelconque, le livre prend des atours romanesques assez séduisants ; et le portrait de Lovecraft qui s'en dégage, non seulement a des accents de réel, mais en outre réchauffe le cœur : ce Lovecraft-là correspond bien à celui que tous ses camarades ont décrit, un peu excentrique certes (dans son affectation de « vieux gentleman », par exemple), mais très sympathique, aimable, chaleureux même, érudit bien sûr, et entier ; un homme qui gagnait à être connu et qui, dans l'enthousiasme de ses premières virées new-yorkaises, n'avait certes rien à voir avec la légende du « reclus de Providence ». Oui, ce passage est émouvant... et on regrettera d'autant plus que Long n'ait pas davantage usé de ce procédé (a fortiori dans la mesure où il en a employé d'autres aux conséquences plus malheureuses, voir son « interview imaginaire », plus ridicule qu'autre chose...) ; car c'est au travers de cette charge romanesque qu'il livre finalement le portrait le plus convaincant de Lovecraft...

 

Mais la majeure partie de ce document – centré essentiellement sur la période new-yorkaise pour ce qui est des souvenirs « purs » ne faisant pas appel à d'autres sources parfois éminemment contestables – est hélas bien loin de séduire et encore moins de convaincre le lecteur lovecraftophile, plus qu'à son tour perplexe, et parfois un brin agacé...

 

Howard Phillips Lovecraft : Dreamer on the Nightside est ainsi au mieux anecdotique, au pire tout simplement faux, et de manière générale pas fiable et guère intéressant ; ouvrage à manipuler avec des pincettes, mais qui, même avec toutes ces précautions, n'apprend finalement pas grand-chose, et ne sert pas davantage à apprécier son auteur à défaut de son sujet. Reste un passage de biographie romancée, qui aurait pu voire dû inspirer le reste de l'ouvrage, mais Long a failli à sa tâche...

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