L'Île des morts, de Mosdi & Sorel
MOSDI & SOREL, L’Île des morts, Grenoble, Vents d’Ouest, coll. Les Intégrales, 2009, 240 p.
Oui, c’était bien là une bande dessinée que je comptais lire depuis pas mal de temps. Parce que j’aime bien le graphisme de Sorel (surtout perçu à travers les couvertures qu’il avait réalisés pendant un temps pour le collection « Lunes d’encre » de Denoël), et parce que j’avais entendu dire que son contenu était passablement lovecraftien, ce qui s’est vérifié à la lecture du Guide des comics lovecraftiens de Patrice Allart, quand bien même il ne mentionnait cette œuvre qu’en passant. Aussi, quand je suis tombé sur cette intégrale à bas coût lors de la Necronomi’Con, tiens tiens, je me suis dit qu’il était bien temps de m’y mettre.
Tout part de la fascinante série de tableaux intitulés L’Île des morts et peints par Arnold Böcklin entre 1880 et 1886 – une bonne idée eu égard à la thématique. On s’excite beaucoup autour de ces tableaux, la rêverie morbide originale étant bientôt entachée de suspicions plus noires et dangereuses – pour ne pas dire indicibles, of course –, ainsi qu’un jeune peintre français vient à le découvrir assez rapidement, lui qui se retrouve plongé dans une sombre et complexe cabale.
Et…
Le problème, c’est que je ne peux pas vous raconter la suite, ne serait-ce qu’un tout petit peu. Car je n’y ai rien panné, mais alors rien du tout.
Enfin, pas tout à fait… Je peux bien témoigner, au minimum, du contenu lovecraftien de la chose, indéniable et affiché – ne serait-ce qu’au travers d’une session d’invocation de Grands Anciens, mentionnant Cthulhu et R’lyeh, mais sans doute plus encore, au-delà de ce passage très voyant, par ces sortes de goules au Père Lachaise et, essentielle, la tentative d’un vieux sorcier pour revenir du monde des morts via ses descendants, à la Joseph Curwen dans L’Affaire Charles Dexter Ward ; et puis, bien sûr, il y a cette ambiance globale, à base de cultistes déments et de livres interdits… Sous cet angle, donc, le contrat est rempli…
Mais ça ne change rien à l’essentiel, qui est que je n’y ai rien panné ou presque. Et, du coup, que je me suis horriblement ennuyé à la lecture de cette bande dessinée qui avait tout pour me plaire, mais s’est avérée terriblement décevante.
Le graphisme de Sorel est beau, indéniablement, et d’une singularité digne de bien des éloges. L’Île des morts séduit l’œil, et c’est déjà pas mal. Il n’en reste pas moins que la construction, la mise en page, rendent l’action un peu (et même plus qu’un peu) fouillie. Certes, en faisant quelques petits efforts et en ménageant son attention, cela ne devrait pas être insurmontable…
Le scénario de Mosdi, cependant, n’arrange rien à l’affaire. Car lui aussi m’a paru extrêmement confus. On passe sans cesse du coq à l’âne, comme si l’on était contraint d’obéir à la logique alambiquée des rêves. Ce qui serait certes tout à fait à propos… mais foire ici, à mon sens en tout cas, en témoignant plus d’une certaine maladresse que de tout autre chose. On se perd dans les protagonistes, et on doit perpétuellement s’y reprendre à deux fois pour comprendre qui dit quoi et fait quoi, sans garantie d’y parvenir. Mais peut-être ne puis-je parler ici qu’en mon nom propre, certes : Nébal est un con…
Il y a cependant une chose qui me paraît aller bien au-delà de ma petite personne et de mes défaillances !! Et c’est le texte ! Car… oui ! le texte use et abuse de points d’exclamation ! Ils sont presque systématiques ! Et c’est pénible… très pénible !! Et ça n’arrange rien ! La bande dessinée en est d’autant plus illisible !!
Et, accessoirement, tout cela m’a paru assez arrogant et prétentieux, sans en avoir les moyens…
Reste quoi, du coup ? Un artbook de Guillaume Sorel, dans un sens. Car, oui, c’est joli. Que le graphisme soit un peu confus, si on aborde L’Île des morts pour le seul plaisir des yeux, ça ne pose finalement plus de problème… Mais en tant que bande dessinée, ça n’a pas marché à mes yeux, la dimension narrative étant ratée. Je me suis ennuyé tout du long (enfin, quand je ne pestais pas sur les points d’exclamation !), et ce fut une bien triste déception…
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