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AD&D2 : Dark Sun : Tribus-esclaves

Publié le par Nébal

AD&D2 : Dark Sun : Tribus-esclaves

AD&D2 : Dark Sun : Tribus-esclaves, TSR – Hexagonal, [1992] 1993, 96 p.

 

Je poursuis mon exploration de la gamme de Dark Sun, en commençant par les quelques suppléments traduits en français. Cette gamme n’a donc pas très bonne réputation dans l’ensemble, mais je demande à voir, malgré tout (je suis maladivement curieux et pas toujours d’accord à vue de nez sur les reproches qui lui ont été adressés)… Quelques suppléments de contexte, cependant, ont reçu un accueil plutôt favorable : ainsi Tribus-esclaves dont je vais donc vous entretenir aujourd’hui, mais aussi L’Alliance Voilée et Les Négociants des Dunes, que je compte lire dans les jours qui viennent.

 

L’esclavage est une donnée fondamentale d’Athas. Il donne l’impression d’avoir toujours existé (même si l’on trouve ici une légende quant à son origine), et existera probablement toujours… mais pas si sûr, en fait : Tribus-esclaves, même si ce n’est que par allusions disséminées çà et là, renvoie aux événements qui ont agité Tyr dans le scénario Liberté, et qui, décidément, semblent former le point de départ d’une trame globale à même de chambouler les perspectives dans le cadre d’une campagne de Dark Sun. Mais nous n’en sommes pas encore là, donc… L’esclavage reste à la base une réalité essentielle, jugée le plus souvent nécessaire, voire « normale », « juste », ou même « bénéfique », et les esclaves sont nombreux (bien plus que les citoyens libres et a fortiori les nobles dans la plupart des cités-États). Et nombreux sont ceux qui périront esclaves... mais certains trouvent cependant la force de briser leurs chaînes et de fuir dans le désert ; étant rarement formés pour y survivre bien longtemps, ils courent le risque de mourir accablés par la violence d’Athas sous toutes ses formes, avec pour seule compensation de mourir libres, mais il en est quelques-uns qui parviennent à survivre, le plus souvent en s’associant à d’autres esclaves en fuite (le supplément parle souvent d’ « affranchis » les concernant, désignation qui ne me paraît pas très pertinente…) : ainsi apparaissent les tribus-esclaves, nombreuses et diverses. Ce guide – qui, comme le Journal du Vagabond dans La Boîte de Dark Sun, prend la forme, que j’apprécie bien, d’un rapport subjectif, écrit cette fois par un nain « affranchi » du nom de Daled – rassemble ainsi les informations essentielles concernant l’existence de ces tribus dans la Région de Tyr.

 

Ce qui implique sans doute de commencer par quelques généralités sur l’esclavage en Athas, qui ne se montrent cependant pas très intéressantes, notamment dans l’évocation lapidaire de la pratique esclavagiste dans les différentes cités-États : on semble nous promettre des singularités, mais il n’y en a finalement guère. Quelques informations sont néanmoins bonnes à prendre, même si elles coulent un peu de source (façon de parler…).

 

J’aurais presque envie de dire la même chose du troisième chapitre, qui donne pour sa part quelques généralités, là encore, cette fois sur la vie au sein des tribus-esclaves, mais c’est globalement un peu plus intéressant. On retiendra ainsi quelques éléments, comme le rapport variable à la hiérarchie : les souvenirs des esclaves pourraient prohiber tout semblant d’organisation impliquant ne serait-ce qu’un minimum d’autorité, mais, en pratique, celle-ci, quand bien même relative, paraît le plus souvent inévitable. À ce petit jeu, ceux qui s’en sortent le mieux sont probablement les personnages aux profils de combattants, ex-gladiateurs ou soldats-esclaves ; il faut dire que la rude vie des tribus implique assez souvent de recourir à la loi du plus fort, voire à un certain « darwinisme social » plus ou moins conscient… Autant pour la liberté (même si les meilleurs « chefs » ne mettent pas en avant ce statut en dehors des situations où cela devient indispensable, et si une relative « démocratie directe » peut se rencontrer çà et là, pleinement opérante ou ne serait-ce qu’à titre de conseil). On s’en accomode : pas vraiment le choix… Par ailleurs, les tribus-esclaves, même les plus « bienveillantes », ont à cœur de défendre leur sécurité, ce qui ne facilite pas l’accueil des étrangers ; on conçoit mal de laisser partir un individu douteux qui pourrait en dire long sur la tribu aux oreilles des arkhontes, et notamment révéler son campement s’il y en a un… La mort, pour les individus jugés pas assez fiables – et parfois pas assez « compétents »… –, est ainsi une sanction courante (et le bannissement revient souvent au même). Par ailleurs, si toutes les races sont acceptées dans la plupart des tribus (l’opposition éventuelle entre les races est balayée au profit de la seule lutte entre les maîtres et les esclaves), certaines sont en définitive assez rares, la plupart des esclaves, sans doute, étant des humains, des nains ou des mûls. La question peut se poser également à propos de certaines classes : si les combattants tendent donc à occuper le devant de la scène, sans surprise, les ex-arkhontes (qui ne bénéficient donc plus des pouvoirs que leur conféraient les rois-sorciers) sont mal accueillis, et même s’ils peuvent intégrer la tribu en tant qu’esclaves en fuite, on ne leur confiera jamais de responsabilités ; les magiciens aussi sont le plus souvent accueillis avec méfiance (a fortiori les profanateurs, bien sûr – on trouve bien quelques préservateurs ici ou là ; en tout cas, les deux types de magiciens ne peuvent cohabiter dans la même tribu)…

 

Mais, entre ces deux chapitres « généralistes », se trouve le gros de l’ouvrage, et ce qui lui confère le plus d’intérêt : Daled nous décrit en effet par le menu sept tribus-esclaves, très diverses, avec leurs origines, leurs buts, leurs procédés, leurs membres… On quitte ici le domaine des généralités pour explorer des cas concrets, bien autrement instructifs, et tout à fait séduisants. La première de ces tribus, pourtant, fait un peu craindre pour la suite : ces Libres presque mythiques manquent vraiment trop de singularité, et je ne vois pas grand-chose à en dire… Mais les choses s’améliorent bien vite, et c’est avec plaisir que l’on lit ces descriptions assez complètes, donnant des aperçus saisissants de la multiplicité des formes de tribus-esclaves.

 

Après les Libres, on découvre donc deux autres tribus qu’on qualifiera de plutôt « bénéfiques », et qui, point commun intéressant, prisent toutes deux les arts (une occupation d’esclaves, sur Athas…) : la Bande de Tenpug, ainsi, résolument pacifiste (et tellement peu armée a priori pour les affrontements physiques que l’on peut s’interroger sur sa survie à brève échéance…), regroupe des artisans et artistes qui vendent leurs productions un peu partout en se faisant passer pour des hommes libres itinérants ; mais c’est surtout Point-Salé que l’on retiendra ici, groupe plus massif que la plupart des autres, relativement anarchisant dans son fonctionnement, et qui cultive tant les raids de pillage (ou de « libération », et en prenant ses précautions pour que les innocents n’en souffrent pas) qu’une pratique artistique étrange et qui s’exporte en partie, leur procurant des ressources : les « affranchis » de Point-Salé ont en effet inventé une nouvelle forme d’art, qui consiste à interpréter à plusieurs les histoires d’habitude narrées par un unique barde ; ils appellent ça le « théâtre »… J’aime bien cette idée, qui vient vraiment apporter un certain cachet à la tribu de Point-Salé (de là à la qualifier de squat d’hartisteux, en même temps…).

 

Point-Salé, c’est un peu la face lumineuse des tribus-esclaves… Mais il y en a une autre, hélas. Les esclaves aussi, après tout, peuvent être des ordures… Deux des groupements présentés ici sont donc clairement « maléfique ». Les Razzieurs des Sables Noirs, installés dans des ruines étranges et inquiétantes dénichées par un mystérieux profanateur, sont ainsi des brutes ultra-violentes et assoiffées de sang comme de pouvoir, avec à leur tête (ou pas...) un authentique tyran ; modèles d’égoïsme dénué du moindre sentiment éthique, ils pillent et tuent à tout va, sans discrimination. Du mal « basique », disons ; mais les Traqueurs de Werrik incarnent une autre forme de « mal », particulièrement répugnante : cette tribu nomade, composée d’anciens esclaves donc, subsiste… en capturant des innocents pour les vendre comme esclaves, ou en traquant à la demande les esclaves en fuite !

 

Entre ces deux extrêmes, on peut comme de juste trouver des choses différentes : la Harde de Krikik, un druide thri-kreen, incarne ainsi une certaine « neutralité » au sens des alignements ; elle pense à sa survie, et est vouée à protéger une oasis contre toute forme de profanation. Et puis il y a un cas à part : l’Armée de Sortar, du nom de son dirigeant, considère en effet être en état de guerre ouverte contre les esclavagistes quels qu’ils soient : les rois-sorciers et leurs arkhontes (voire les cités-États en général), les marchands d’esclaves (dont les Traqueurs de Werrik, du coup), etc. Ils ne font pas de demi-mesure et, dans leur lutte permanente contre les oppresseurs, font parfois preuve d’un certain fanatisme qui peut les conduire aux pires exactions, au-delà de leurs nobles intentions justifiant tout à leurs yeux ; Sortar, dans un sens, tient bien sûr de Spartacus (ou du syndicaliste d’Air-France) (non, pardon…), et son groupe et son rêve sont aussi enthousiasmants et « bénéfiques » sur le fond que vaguement dérangeants, à l’occasion, dans les méthodes employées.

 

Tribus-esclaves, enfin, propose en appendice des conseils pour créer sa propre tribu-esclave (que ce soit le fait du meneur ou des joueurs), en usant éventuellement de tables de génération aléatoires (ce qui ne me paraît pas plus utile que ça, mais bon…).

 

En définive, c’est clairement dans les descriptions fouillées de tribus-esclaves que réside l’intérêt du supplément, qu’il s’agisse de faire directement usage de ces groupes en jeu, ou d’y puiser une inspiration plus abstraite. Rien de renversant, rien d’indispensable non plus, mais cela reste un supplément tout à fait correct, et pouvant se montrer utile tant sa thématique est essentielle dans le monde de Dark Sun (et la possibilité que les PJ soient ne serait-ce qu’un temps eux-mêmes des esclaves n’est bien entendu jamais à négliger…).

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