Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Eclipse Phase : Firewall

Publié le par Nébal

Eclipse Phase : Firewall

Eclipse Phase : Firewall, Posthuman Studios, 2015, 183 p.

 

Firewall est le dernier supplément en date produit par Posthuman Studios pour Eclipse Phase. Il est, bien entendu, horriblement cher, mais bon : c’est un supplément pour Eclipse Phase, alors je ne pouvais pas passer indéfiniment à côté… D’autant que la gamme, jusqu’à présent, du moins pour ces gros suppléments hardcover, est vraiment d’une qualité exceptionnelle – je vous ai régulièrement bassinés avec ça. J’attendais comme de juste que Firewall vienne confirmer cette impression globale… et pour une fois – il fallait bien que ça arrive un jour, j’imagine – je suis un poil déçu… Juste un poil, ça reste recommandable et utile. Mais un bon cran en dessous des bouquins précédents, donc.

 

Pourtant, Firewall vient combler un manque, indéniablement. En effet, ce supplément appuie sur l’aspect « conspirationniste » du jeu de rôle transhumaniste, affiché dès le départ, mais sans que l’on ait disposé jusqu’à présent de tous les éléments pour mettre en œuvre de manière pertinente cet aspect essentiel dans les parties. Pour ma part, je dois dire que ce qualificatif de « conspirationniste » ne m’a jamais paru très pertinent : certes, Firewall est une société secrète, opérant dans tout le système solaire (et au-delà via les Portes de Pandore) en fonction d’un agenda bien précis ; j’ai du mal, cependant, à mettre dans le même panier l’activité « altruiste » de Firewall et les délires contemporains sur les Illuminatis et compagnie, réflexe instinctif quand on parle de « conspirationnisme » : il me semble que ça n’a pas la même connotation… mais bon, peu importe.

 

Il n’en reste pas moins que nous étions jusqu’à présent confrontés à un étonnant paradoxe : afin de donner du sens au regroupement des personnages et à leur action concertée, Eclipse Phase posait pour principe que tous les PJ étaient des « sentinelles » (les agents de terrain) de Firewall. À vrai dire, cela m’a toujours paru constituer une solution de facilité plus ou moins convaincante – d’autant que l’univers d’Eclipse Phase est assez riche (c’est rien de le dire) pour autoriser bien des approches différentes… Je ne suis pas certain que la gamme ait forcément joué de cet aspect, d’ailleurs : on trouvait régulièrement, ici ou là, des cadres ou des scénarios ne mettant pas en avant la société secrète dans sa lutte contre les « risques-X » (auxquels un prochain supplément sera consacré, au passage). Et le paradoxe est dans un sens encore renforcé dans ce livre consacré à Firewall, puisqu’on y trouve justement dans le chapitre des « informations de jeu » des suggestions… pour ne pas jouer dans Firewall, mais au sein d’une autre organisation (comme les Argonautes, ou les Ultimistes… Un petit gag concernant ces derniers, d’ailleurs : les auteurs recommandent, en cas de campagne ultimiste, d’éviter la bourrinade – même si, dans le cas des chasseurs de TITANs, ils parlent de « Quarantine Zones & Dragons » – et d’user d’une autre mécanique de jeu pour mettre en avant des problématiques, notamment éthiques ou plus largement philosophiques, différentes, et citent du coup Apocalypse World) ! Une bizarrerie de peu d’importance, peut-être, mais qu’il me paraissait néanmoins utile de relever…

 

Quoi qu’il en soit, si l’on excepte le traditionnel dernier chapitre « technique » (plus ou moins ; pas tant que ça, en fait, même si on trouve un peu d’équipement et quelques nouveaux traits), qui comprend aussi quelques inévitables « secrets » (notamment dans deux domaines, via, comme souvent, suggestions et rumeurs éventuellement contradictoires : les Prométhéens, qui ne sont par ailleurs pas évoqués dans le cœur de l’ouvrage – ce que j’ai trouvé un poil regrettable, mais bon –, et le « schisme titanien » : il s’agit alors d’expliquer pourquoi Firewall et la Pluralité Titanienne, en dépit de nombreux rapprochements et similitudes, tendent à se méfier l’un de l’autre, et à se regarder en chiens de faïence…), Firewall est donc composé de deux (très) gros chapitres. Le premier (qui fait dans les cent pages, tout de même) porte sur ladite organisation secrète, le deuxième sur les autres groupes (plus ou moins secrets ou orientés « espionnage ») que l’on peut rencontrer dans l’univers d’Eclipse Phase.

 

Commençons par Firewall, donc. Au fil des pages, vous saurez tout, tout, tout sur la société secrète (enfin, presque…). Ce qui passe par des développements variés, incluant un peu d’histoire (les origines de la société dans les divers groupes intéressés par la gestion des « risques-X » avant et pendant la Chute), des éléments sur l’organisation de la société (d’inspiration anarchisante, sans véritable hiérarchie et en tout cas sans organisme formel au sommet du machin, largement décentralisée dans des « serveurs » regroupant plusieurs « proxies » aux rôles variés et bien définis, mais soumis à une rotation), d’autres sur les différentes factions et cliques au sein de Firewall (on y trouve des gens aux opinions très variées, voire carrément contradictoires – ainsi des « pragmatiques » et des « conservateurs »), des détails sur le comportement concret de la société sur le terrain, une évocation sommaire mais pourtant assez riche d’opérations précises, quelques lieux notables (à vrai dire essentiellement des sources d’inspiration, plutôt que des trucs prêts à l’emploi, à mes yeux en tout cas), des personnages notables aussi (des proxies essentiellement, bien sûr, mais également quelques exemples de sentinelles), et enfin les relations entre la socité secrète et les autres groupes éventuellement concurrents.

 

Ça fait beaucoup de choses… et pour le coup, même si j’ai bien conscience de la bizarrerie de ce reproche, peut-être un peu trop. J’avais régulièrement employé le terme de « densité » pour les précédents suppléments, une approche caractéristique expliquant à bien des égards tant la fascinante richesse de ce merveilleux background que son caractère éventuellement intimidant et pas toujours évident à mettre en place ; on peut probablement, pour certaines sections tout du moins, l’employer à nouveau ici. Mais j’ai dans l’ensemble trouvé ce chapitre un peu « bavard », car détaillant jusqu’à l’extrême le moindre aspect envisagé : c’est extrêmement précis… et du coup parfois un peu chiant. Pas totalement inintéressant non plus, hein : les aspects les plus historiques ou politiques, les évocations de proxies particuliers, ce genre de choses, sont même comme de juste passionnants. Je visais ici surtout les développements concernant l’organisation de Firewall et ses méthodes sur le terrain ; mais là aussi, indéniablement, il y a pourtant des choses à prendre, qui peuvent être très utiles, et donner aux parties un cachet qui leur faisait défaut auparavant, tant tout un chacun gérait Firewall à sa manière, sans grande précision ni pertinence, éventuellement. Mais voilà : à la lecture, c’est quand même parfois un peu indigeste…

 

Le deuxième chapitre porte donc sur les « autres groupes » que l’on peut rencontrer dans l’univers d’Eclipse Phase et qui, d’une manière ou d’une autre, peuvent également s’intéresser aux « risques-X », et entrer en relation ou se confronter à Firewall ; ce qui peut en faire des alliés (relatifs) de la société secrète, comme les Argonautes surtout, mais aussi éventuellement les Titaniens (malgré le « schisme ») et les chasseurs de TITANs (malgré leur amateurisme et leur côté « cow-boys », qui peut les transformer en menaces à l’occasion…), là où d’autres peuvent être envisagés comme « neutres » (certains oligarques, des groupes religieux, et même ces gros fachos d’Ultimistes), et d’autres enfin largement « hostiles » (les hypercorps et le Consortium Planétaire, et bien sûr les Joviens). On détaille moins, ici, dans l’ensemble (et peut-être parfois pas assez ; oui, je sais, faut croire que je ne suis jamais content !) – mais à l’occasion il y a bel et bien des développements assez pointus, notamment en ce qui concerne les Joviens et les Titaniens, du fait du grand nombre d’agences éventuellement concurrentes, et sinon redondantes, qui caractérisent ces deux régimes politiques on ne peut plus antagonistes. Un chapitre intéressant, qui, globalement, ne sombre pas dans la lourdeur du premier.

 

Je regrette cependant que certains thèmes n’y aient pas été développés : sans nécessairement revenir sur la relégation des Prométhéens dans quelques pages du dernier chapitre (ça peut se justifier), on peut en effet s’étonner de quelques lacunes dans ce supplément. Une, notamment, m’a un peu gêné : le Projet Ozma a beau être régulièrement cité au détour d’une phrase (comme de juste : c’est depuis le départ une némésis particulièrement redoutable de Firewall), on ne trouve pas de véritables développements le concernant dans ce supplément, qui me paraissait pourtant tout à fait indiqué pour nous en dire plus : évoqué ici ou là au fil des suppléments, le Projet Ozma a beau être crucial, il reste donc une nébuleuse extrêmement floue ; on peut certes considérer que c’est une occasion pour le MJ d’en faire ce qu’il veut (il y a toujours, dans Eclipse Phase, une grande marge de manœuvre en ce qui concerne les « secrets »), mais j’aurais apprécié, tout de même, de trouver ici quelques éléments constituant au moins une base de départ… Dans le même registre, on pourra trouver un peu dommageable, même si c’est bien moins important, que TAHI ne soit évoqué qu’une seule fois, dans un encadré bien maigrichon… Enfin, il manque peut-être ici un acteur essentiel de cette thématique « conspirationniste », qui reste plus que jamais dans le flou : les Courtiers ; mais j’imagine que ce n’était pas forcément l’endroit le plus propice pour en causer – peut-être dans le supplément à venir sur les « risques-X » ? On verra…

 

Au final, Firewall me paraît donc un cran en dessous des suppléments précédents (le Morph Recognition Guide est hors-concours, hein). Il reste recommandable, et même bon – c’est juste que les autres étaient pour leur part excellents… On y trouvera bel et bien des choses utiles, même si de manière plus ponctuelle que d’habitude. C’est probablement un ouvrage un brin déséquilibré, parfois trop précis, parfois lacunaire. Disons que ce n’est pas, en dépit de son thème, le supplément le plus prioritaire d’Eclise Phase, quoi.

Commenter cet article