Imperium : suppléments pour la quatrième édition
Les divers suppléments pour Imperium étant très courts, il m’a paru plus opportun de les rassembler pour donner mes retours. Ce premier article porte sur les suppléments pour la quatrième édition, et sera mis à jour au fur et à mesure le cas échéant (EDIT : en fait, non, la suite se trouve dans un nouvel article) ; un second article sera dédié aux suppléments antérieurs, pour le moment pas encore révisés.
Imperium : Manuel du Mentat, édition révisée, 2013, 20 p.
Le Manuel du Mentat comprend quelques informations sur les origines et les procédés de l’ordre, ce qui est toujours utile (notamment, par exemple, en ce qui concerne sa rivalité avec le Bene Gesserit).
Si les spécialisations proposées, notamment en regard de la possibilité de jouer des Mentats n’ayant pas accédé au grade de Conseiller, sont à mon sens assez peu intéressantes (encore que certains profils composites puissent faire sens), on retiendra par contre d’autres développements permettant de mieux interpréter un personnage mentat : il en va ainsi des points faibles, notamment, mais aussi des développements concernant le jeu de chéops, finalement pas si gadget qu’ils en ont l’air.
Restent encore des éléments réservés aux MJ : le programme Urgeist peut se montrer intéressant en fournissant une ambitieuse piste de campagne ; l’idée des « Mentats déviants », tel Peter de Vries, tardifs par rapport à la période de jeu habituelle, ne me paraît par contre pas si convaincante que cela (notamment en ce qu’elle tend à transformer lesdits personnages – des PNJ en l’espèce – en caricatures de « méchants »).
Imperium : Manuel du Bene Gesserit, édition révisée, 2013, 27 p.
Un Manuel du Bene Gesserit s’imposait, tant l’ordre joue un rôle crucial dans le « cycle de Dune », tout en cultivant le secret (mais sans trop laisser planer le doute sur l’existence d’intentions dissimulées…). On y trouve nombre d’informations utiles sur les raisons d’être et les ambitions de la secte, ainsi que sur les formes concrètes que peut prendre l’opportunisme machiavélique qui la caractérise.
On y trouve de nouveau des Vocations plus ciblées, qui permettent de conférer plus de personnalité aux PJ membres de l’ordre. Leurs facultés sont également développées, ce qui se montre cependant d’un intérêt variable : par exemple, si l’Imprégnation – et toute la maîtrise sexuelle qui va avec –, joue un rôle non négligeable dans les romans, j’avoue être un peu sceptique quant à son intérêt ludique…
Ce bref supplément envisage enfin une option de jeu quelque peu déconcertante : un « Jeu des Chapitres » remplaçant le traditionnel « Jeu des Maisons » ; il s’agit en somme d’une campagne prenant le Bene Gesserit pour cadre, et pouvant amener les joueurs, après une longue carrière, à incarner de puissantes Révérendes Mères. Je suis là aussi quelque peu sceptique sur l’intérêt de la chose (notamment du fait de la puissance de ces personnages)… Mais ces pages ne sont pas totalement inutiles, dans la mesure où elles détaillent les mentalités et facultés des Révérendes Mères, qui peuvent ainsi constituer des PNJ de choix.
Imperium : Manuel de l’École Suk, édition révisée, 2013, 15 p.
Ce très bref manuel tente de rendre un peu plus attractive aux yeux des joueurs la fonction de Docteur Suk, en dépassant la seule conception utilitariste du « soigneur-express ». En insistant notamment sur le Conditionnement Impérial – caractéristique essentielle des Docteurs Suk qui les empêche de trahir d’une manière ou d’une autre leurs maîtres –, on en dégage ainsi d’autres aspects, du confident et conseiller bienvenu à l’enquêteur idéal (par exemple dans le corps restreint des légistes impériaux, une des nouvelles Vocations ici présentées). Mais il y a tout de même un souci : le fait que l’archétype du Docteur Suk dans Dune de Frank Herbert, Wellington Yueh… est justement un traître, et l’on n’a aucune indication sur les conditions de ce retournement censément impossible, si ce n’est la certitude que le « Mentat déviant » Peter de Vries a joué un rôle dans cette triste histoire – ce qui peut renvoyer à l’hostilité régnant entre les Docteurs Suk et le Bene Tleilax (on évoque par ailleurs les relations ambiguës entre l’École Suk et le Bene Gesserit, forcément). Un goût d’inachevé, du coup, peut-être, ce paradoxe n’étant pas facile à résoudre…
On trouve ensuite quelques pages consacrées aux poisons, d’une grande importance certes pour les Docteurs Suk, mais aussi pour d’autres types de personnages (comme, bien entendu, les assassins). Nombre d’entre eux sont très, très dangereux…
Enfin, en appendice, l’auteur évoque la rivalité entre les écoles de médecine Tsaï et Ming (la première débouchant sur l’École Suk par décret de l’Empereur), mais en rejetant la vision qui en est donnée dans la Dune Encyclopedia, jugée peu crédible ; en découle donc une interprétation « apocryphe », laquelle aboutit à la nouvelle Vocation de Docteur Ming, et à une thématique complotiste qui peut être intéressante à mettre en œuvre.
Imperium : La Voie du Pouvoir. Le Monde des Maisons nobles dans l’univers de Dune, édition révisée, 2014, 29 p.
La Voie du pouvoir est un supplément consacré à la politique (au sens large) dans le cadre du « Jeu des Maisons ».
Le premier chapitre se situe au niveau de l’Empire, et s’intéresse essentiellement aux liens entretenus par les diverses Maisons (via entre autres une règle très simple sur les « alliances »), notamment au sein du Landsraad et de la CHOM, mais aussi aux effets de divers « éléments perturbateurs » politiques, comme l’Empereur, le Bene Gesserit ou la Guilde des Navigateurs.
Le deuxième chapitre, pour sa part, se focalise sur la Maison à proprement parler, son organisation, son fonctionnement (avec quelques thèmes un peu plus approfondis, comme l’éducation des jeunes nobles, ou les épineuses questions de succession – dans lesquelles l’Empereur a son mot à dire, contre l’esprit général de la Grande Convention garantissant en principe une non-ingérance impériale dans les affaires intérieures).
Ces deux chapitres contiennent certes des éléments importants permettant de mieux saisir la place de la Maison noble des joueurs et les détails de son fonctionnement, mais on n’y trouve pas forcément grand-chose de très étonnant…
Du coup, et bizarrement peut-être, j’y ai préféré le contenu du troisième chapitre, le plus technique et de loin, qui s’intéresse au budget de la Maison et à son utilisation dans diverses opérations (militaires, commerciales, propagandistes, etc.), en utilisant une mesure abstraite des ressources (la Mesure d’Épice) ; c’est peut-être un peu délicat à mettre en œuvre, mais ça me paraît très intéressant, la coopération du MJ et des joueurs dans cette simulation de gestion semblant garantir une mine d’intrigues et de rebondissements.
Reste enfin une petite annexe, optionnelle, sur les éventuelles relations de suzeraineté et vassalité – que je n’ai pas trouvée très convaincante, mais bon…
Imperium : La Voie de l’Âme. Religion, humanité et destinée dans l’univers de Dune, édition révisée, 2014, 21 p.
Ce supplément a nettement moins d’impacts « techniques » sur le jeu que les précédents, même si quelques petites règles optionnelles sont proposées, plus ou moins séduisantes ; il n’en constitue pas moins une source d’inspiration très intéressante, notamment dans sa partie religieuse, qui fait cependant part des difficultés d’interprétation inhérentes à ce thème fondamental, du fait de la multiplicité des conceptions incompatibles entre les romans de Frank Herbert, la Dune Encyclopedia, les romans de Brian Herbert et Kevin J. Anderson, et même le jeu de rôle « officiel » (et sans lendemains) Dune ; la question vaut notamment pour un point déterminant, à savoir les origines du Jihad Butlérien : pour une fois, on ne tranche pas (ou, plus exactement, on laisse une marge de manœuvre encore plus importante que d’habitude au MJ) ; restent des éléments intéressants sur le syncrétisme, notamment tel qu’il s’exprime dans la Bible Catholique Orange, ou encore dans les divers courants mêlant islam et bouddhisme, par exemple. On s’intéresse aussi à la foi des personnages, d’une manière bienvenue : il ne s’agit pas d’une donnée « objective » (a fortiori dans le sens où elle toucherait à la surnature…), mais elle peut avoir une importance relationnelle – en fonction des degrés de foi des intervenants, le « fossé » séparant leur rapport à la religion pourra ainsi intervenir sur les tests sociaux.
Le deuxième chapitre, consacré à l’humanité, se penche pour l’essentiel sur la question du Conditionnement (en premier lieu chez les Mentats, Sœurs du Bene Gesserit et Docteurs Suk, accessibles aux joueurs, mais on y trouve aussi des éléments destinés à des PNJ, « Mentats déviants » ou Sardaukars) ; il s’agit essentiellement de pistes pour l’interprétation.
Le dernier chapitre, enfin, concernant la destinée, avec des archétypes à suivre (plus ou moins) en rapport avec l’évolution du personnage, me paraît peu intéressant ; reste le Karama, qui peut avoir un grand rôle en jeu, même si ce concept me dérange un chouia, en ce qu’il se rattache plus à la conscience du joueur qu’à celle du personnage ; mais faut voir…
Imperium : La Voie des Armes. Guerre et art du combat dans l’univers de Dune, édition révisée, 2015, 46 p.
Ce supplément, plus volumineux que tous les autres, comprend bon nombre d’éléments très divers, qui sont autant de manières d’envisager la guerre et le combat dans l’univers de Dune. Les spécificités de l’Imperium à cet égard (notamment la Grande Convention, qui prohibe par exemple l’usage d’armes de destruction massive tels que les atomiques, et bien sûr, sur un plan technologique, l’emploi quasiment systématique des Boucliers Holtzman, que ce soit à l’échelle individuelle ou afin de protéger des structures) changent pas mal la donne par rapport à ce que l’on pratique d’habitude en science-fictionnie, et on trouvera ici nombre d’éléments en témoignant (dont des précisions sur la Guerre des Assassins, qui est la norme, mais aussi sur le rituel du Kanly, opposant dans un duel à mort et sans Bouclier deux chefs de Maisons nobles).
À l’échelle des personnages, on trouve ensuite des développements, plus techniques, permettant de spécialiser davantage les combattants, qu’il s’agisse de soldats (on envisage à part les Sardaukars, en les rendant jouables, mais comme de juste uniquement dans une chronique centrée sur ces soldats d’élite, ce qui ne me paraît pas plus intéressant que ça), de duellistes ou d’assassins (avec des renseignements sur les fameux Assassins Bothani, en théorie éliminés depuis bien longtemps…), en rapport ici avec leur éducation ; cela complique peut-être un peu inutilement les choses, il faut sans doute voir à l’usage… mais sur le plan du background, cela peut effectivement se montrer très intéressant. Il en va de même pour les applications en combat à l’arme blanche réservées aux meilleurs bretteurs – qui les rendent effectivement bien plus redoutables que quiconque (je me passerais par contre volontiers des quelques différences induites par les diverses sortes d’armes blanches, même si c’est bien moins compliqué que souvent – là encore, à voir à l’usage).
Le chapitre suivant commence par détailler les différents types de conflit armé pouvant survenir dans le cadre d’une chronique d’Imperium (débarquement, intervention extérieure ponctuelle, révolte de Maisons mineures, révolution de palais, insurrection, émeutes et guérillas) avec le modus operandi des différents intervenants – ce qui m’a paru, à la lecture seule, d’une utilité plutôt limitée. L’ancien système de combat de masse est ensuite abandonné (du fait de son caractère improbable), pour étudier plus précisément des opérations militaires de moindre ampleur (qui restent quand même des raids pouvant impliquer des centaines, voire des milliers, de personnes…) ; la chose est bien conçue… mais elle me paraît aussi bien lourde ; à l’évidence, le MJ devra bien préparer l’affrontement, autant que faire se peut – sous peine de nuire au récit en multipliant les pénibles comptes d’apothicaire sur le moment…
On s’intéresse ensuite au Bouclier Holtzman, en le rendant de puissance variable, notamment (en fonction d’un réglage influant sur la consommation d’énergie) ; très franchement, les règles de base d’Imperium, pour être moins précises, me paraissent parfaitement suffisantes. Il en va de même pour les Boucliers de structure (véhicules et bâtiments). On évoque également, avec des règles optionnelles, le cas de l’explosion nucléaire produite du fait de l’impact d’un rayon laser sur un Bouclier Holtzman ; une telle catastrophe me paraissant beaucoup trop dangereuse et aléatoire, avec le risque de supprimer un voire plusieurs PJ de manière particulièrement gratuite et néfaste à la narration, je préfère a priori m’en tenir au « truc » du « verrou de sécurité » empêchant cette éventualité… On trouve ensuite des règles optionnelles visant à limiter « l’invulnérabilité » conférée par les Boucliers Holtzman, mais elles me paraissent trop changer la donne pour être vraiment applicables de manière pertinente. On trouve enfin du matériel nouveau, dont un « module étrange » secret dépassant le champ Holtzman… et des armes de destruction massive (en théorie interdites, donc).
Imperium : Archives du Landsraad : Maison Moritani, version révisée, 2015, 21 p.
La Maison Moritani est à peine mentionnée dans les sources d’Imperium, ce qui a laissé une bonne marge pour la concevoir en tant que Maison noble prête à l’emploi (avec divers postes accessibles aux PJ). Très puissante et ancienne, fortement liée aux Corrino dès les débuts de l’Empire (notamment avec ses juristes qui ont participé à l’élaboration de la Grande Convention), membre du Haut Conseil du Landsraad et du Directoire de la CHOM, la Maison Moritani, de nature conservatrice, a acquis un immense pouvoir en se voyant attribuer comme fief la planète Grumman, seule source du commorium indispensable à la construction de vaisseaux spatiaux. Elle a, au cours de sa longue histoire brièvement résumée ici, traversé bien des crises, auxquelles elle a toujours survécu… mais d’aucuns affirment qu’elle est engagée depuis quelques siècles sur la voie de la décadence.
On décrit ensuite brièvement quelques PNJ, essentiellement des membres de la famille Moritani (dont, bien évidemment, le duc Hiérom Maximus Moritani, odieux despote paranoïaque), mais aussi deux serviteurs essentiels (il reste donc beaucoup de place pour les PJ éventuels). Les secrets – de famille et autres – sont lourds et tragiques, dessinant un cadre idéal pour des intrigues politiques au sein même de la cour planétaire.
Suit une évocation de la planète Grumman, le fief planétaire de la Maison Moritani. On y trouve bon nombre d’éléments de nature essentiellement politique et économique directement utiles à une chronique. Ainsi, par exemple, des données concernant les Maisons mineures de la planète, ou le rôle du Bene Gesserit, forcément important sur cette planète chapitrale. C’est un peu lapidaire, mais tout de même intéressant.
On trouve alors trois suggestions d’intrigues en rapport avec la Maison, intéressantes mais qui coulent de source après ce qui précède. Enfin, les deux dernières pages sont consacrées à l’évocation de la Maison Ginaz, adversaire déclaré des Moritani ; mais c’est peut-être un peu court…
EDIT : Pour poursuivre sur les suppléments de la quatrième édition, c'est par-là.
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