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Les Enfants de Dune, de Frank Herbert

Publié le par Nébal

Les Enfants de Dune, de Frank Herbert

HERBERT (Frank), Les Enfants de Dune, [The Children of Dune], traduit de l’américain par Michel Demuth, Paris, Robert Laffont – Presses Pocket, coll. Science-fiction, [1976, 1978] 1983, 538 p.

 

Ça y est ! J’ai enfin (re)fini Les Enfants de Dune, après une première lecture il y a un peu plus de vingt ans, qui ne m’avait peu ou prou laissé aucun souvenir… D’où une très sévère déconvenue : j’ai vraiment peiné sur cette lecture, qui ne se contente pas d’être inférieure aux précédents ouvrages du cycle de Frank Herbert, Dune et Le Messie de Dune, mais s’avère bien vite très mauvaise, multipliant les travers au fil de ses interminables pages…

 

Aucun souvenir ? Peut-être pas tout à fait… Il est évident que j’ai lu le « cycle de Dune » bien trop tôt, tant, passée l’aventure relativement épique du volume inaugural, les suivants jouent de la carte philo ou mystique ou les deux à la fois. Or c’est bien la mystique omniprésente qui pose ici problème : dès les premières pages, et jusqu’à la fin, on est bombardé en permanence de sentences faussement fines et autres pseudo-koan parfaitement insupportables (le pompon, c’est sans doute le « jeu des énigmes » fremen…). Des délires cryptiques et souvent gratuits qui parasitent tout, et m’ont fait soupirer plus qu’à mon tour.

 

Pour être franc, j’ai failli abandonner à plusieurs reprises. Je n’ai persévéré que dans la mesure où cela me paraissait constituer une épreuve obligatoire afin d’aboutir ultérieurement à L’Empereur-Dieu de Dune, le volume qui m’avait le plus fasciné à l’époque, et qui garde semble-t-il bonne réputation auprès des camarades – lesquels semblent tout autant s’accorder pour critiquer Les Enfants de Dune… Bon, on verra.

 

Mais peut-être me faut-il maintenant décrire un peu le contenu de ce troisième volet. Adonc, nous sommes pour l’essentiel sur Arrakis (même s’il y a quelques détours par Salusa Secundus à l’occasion), une dizaine d’années après la conclusion poignante du Messie de Dune, lorsque Paul, aveugle, a disparu dans le désert, au moment où naissaient ses enfants jumeaux, Leto et Ghanima – leur mère Chani ne survivant pas à l’accouchement.

 

Les enfants sont les héritiers de Muad’Dib, Leto du moins. Mais, en attendant leur majorité, la régence a été confiée à leur tante, Alia, l’Abomination – mais eux-mêmes sont sans doute également des Abominations au regard du Bene Gesserit, et il paraît bien vite impossible de les traiter comme des enfants, en dépit des apparences… Tous sont en lien avec leurs « mémoires intérieures », essentiellement les innombrables générations de sœurs du Bene Gesserit qui les ont précédés. Le problème, c’est qu’Alia en devient folle, se laissant posséder par la personnalité envahissante de son grand-père caché… qui n’est autre que feu le baron Vladimir Harkonnen ! Alia sombre ainsi dans une paranoïa aiguë qui lui fait voir des complots partout – et l’amène du coup à en susciter d’elle-même. Les enfants savent qu’ils ne sont pas en sécurité avec leur tante aux environs, et la tentation de la fuite dans le désert s’imposera à eux.

 

Peut-être doivent-ils aussi craindre les représailles de la Maison Corrino – l’ancienne famille impériale, reléguée sur Salusa Secundus avec une poignée de Sardaukar pour faire joujou… Mais l’héritier Farad’n n’est pas un imbécile, et ne se laisse pas instrumentaliser facilement.

 

Il faut évoquer la place particulière de la grand-mère de Leto et Ghanima, à savoir Dame Jessica. Celle-ci, qui s’était longtemps retirée sur Caladan, semble avoir réintégré pleinement les rangs du Bene Gesserit, et accorder ses propres plans à ceux des sœurs. Elle jouera un rôle déterminant dans cette complexe affaire, appuyant d’un côté puis de l’autre…

 

Il y a aussi, dans l’entourage de ces Atréides, des compagnons de route de Paul, comme ses serviteurs Gurney Halleck, passé au service de Dame Jessica, ou encore Duncan Idaho – son ghola, plus précisément –, qui a épousé Alia, mais aussi des Fremen qui ne savent plus forcément où ils en sont, qu’ils s’impliquent eux aussi dans des complots dont ils ne discernent pas vraiment les conséquences, ou s’affichent, tel Stilgar, en « neutres » simplement désireux de sauver ce qui peut l’être de la culture millénaire de Dune. Or la planète change ; l’eau y devient plus commune, ainsi que la végétation – le désert recule, et avec lui les zones où règnent les vers des sables… et donc celles où l’on trouve l’indispensable épice. Faut-il craindre à terme une pénurie de cet outil indispensable à la cohésion de l’Imperium ?

 

Enfin, il y a une certaine agitation dans la populace, suscitée par les sermons enflammés et très hostiles aux Atréides que multiplie çà et là un mystérieux Prêcheur aveugle – qui, comme de juste, pourrait bien être Paul…

 

Avec tous ces éléments, ces complots en veux-tu en voilà, ces plans dans des plans, Les Enfants de Dune avait sans doute tout pour être un bon roman – palpitant et intelligent, sans forcément être du niveau de ce qui précédait, mais bien suffisant. Mais non : ça passe très mal. Le pénible délire mystique omniprésent, riche en sentences cryptiques absolument imbitables, en rend la lecture très difficile ; et, plus généralement, le roman se traîne, se montre répétitif, et a bien du mal à captiver sur le long terme une attention rapidement défaillante.

 

Les scènes qui se voudraient fortes, des sermons du Prêcheur à la transformation de Leto en un étrange être hybride, une sorte de post-humain appelé à régner pendant des milliers d’années – la base de L’Empereur-Dieu de Dune, donc –, sont généralement plus ridicules qu’autre chose, hélas. Et, avant d’en arriver là, il faut subir bien des conversations ineptes, submergées par le jargon à la mords-moi-la-mystique, qu’il s’agisse de concepts flous ou de références gratuites, plombant dans les deux cas le récit.

 

Les Enfants de Dune se traîne, ne parvient guère, en dépit de ses multiples rebondissements, qu’à susciter un ennui de tous les instants, et agace régulièrement, à force de dialogues aussi incompréhensibles que pompeux. N’y allons pas par quatre chemins : c’est un mauvais roman. J’espère que la suite – L’Empereur-Dieu de Dune, donc, avec son charismatique et inquiétant Leto millénaire (ce qu’il est déjà censé être ici, en même temps…) – sera d’un autre tonneau…

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R
Bon
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E
Intéressant, ton avis. C'est justement un des volets que j'ai pas mal réévalué à la hausse à la relecture. Apparemment, ça n'a pas fonctionné sur toit, c'est même sans réserve. Dans le genre cryptique lassant au point d'en faire tomber le livre des mains, tu vas bien t'amuser avec Les Hérétiques et surtout La Maison des mères...<br /> <br /> E.
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N
"Les Hérétiques" m'avait laissé le pire souvenir à cet égard, je redoute un peu... Mais avant, il y aura "L'Empereur-Dieu de Dune", qui me fascinait quand j'étais gamin - on va voir si...