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Contes d'Ise

Publié le par Nébal

Contes d'Ise

Contes d’Ise, [Ise Monogatari], traduit du japonais, présenté et annoté par G. Renondeau, traduction relue par Bernard Frank, [Paris], Gallimard – Unesco, coll. Connaissance de l’Orient, série japonaise – coll. Unesco d’œuvres représentatives, série japonaise, [1969, 1988] 2016, 181 p.

 

Mon regain d’intérêt pour la littérature nippone a des conséquences effroyables, notamment celle-ci : il me faut lire de la poésie…

 

Cela fait sans doute quelque temps que ce n’est pas revenu en ces pages, mais les plus préhistoriques des lecteurs de ce blog se souviennent peut-être d’un pathétique running gag à ce propos – et se souviennent peut-être aussi que j’en rajoutais délibérément… Le fait est que j’ai du mal avec la poésie ; bien souvent, son intérêt me dépasse, et ses jeux de sonorités autant que la subtilité de ses images me laissent de marbre. Il y a des exceptions, bien sûr (dont Une saison en enfer de Rimbaud, ou, pour des choses plus classiques, un peu de Hugo, un peu de Baudelaire, je ne crache pas dessus ; la poésie en prose, c’est autre chose, et ça peut très bien passer) ; parfois, d’ailleurs, une poésie découverte par le plus grand des hasards peut bel et bien me faire vibrer à la hauteur de ses prétentions – voyez, ici, Le Fou de Laylâ, par « Majnûn »…

 

Mais la poésie japonaise, c’est encore autre chose. Si elle se déploie sur plusieurs formes, les plus célèbres d’entre elles sont généralement très courtes, et obéissent avant toute chose à une structure rigide comptant les syllabes – la réalisation d’un poème japonais, ainsi qu’on aura l’occasion de le vérifier à propos de ces Contes d’Ise (le terme « contes » ne doit pas tromper sur le contenu exact du livre, j’y reviendrai), relève aussi en partie de la virtuosité technique, de l’exercice de style rendu plus ardu et palpitant par les contraintes imposées (forme du poème, thème précis, sur le moment, etc.). Ceci vaut pour le plus célèbre en Occident de ces styles poétiques, les haiku, mais aussi pour d’autres, et notamment les tanka, juste un peu plus longs, plus vieux par ailleurs (on en a même fait, parfois, les ancêtres des haiku ; la désignation sous le nom de tanka, cependant, est semble-t-il assez tardive, qui vise à les distinguer tant des kanshi – poèmes « à la chinoise » – que des chôka, ou poèmes longs), et qui constituent la forme essentielle dans le présent ouvrage : ces waka (poèmes japonais) sont ainsi composés de 31 syllabes, réparties sur cinq vers (5 – 7 – 5 – 7 – 7). Cette forme très particulière, cette focalisation sur la brièveté, débouche sur un art poétique de la miniature, où la précision et la concision sont essentielles – pas de place, ici, pour de longues métaphores filées, ou des évocations grandioses : il faut exprimer un sentiment, une image, une idée, en cinq courts vers – ce qui, au-delà de l’esprit brillant indispensable à la composition sur le moment d’un tel poème en cas de « défi », nécessite de manière générale une grande subtilité (il va de soi qu’un poème qui se contenterait paresseusement de jouer le jeu formel des 31 syllabes sans rien exprimer au fond serait vilipendé par ses lecteurs ou auditeurs – à vrai dire, c’est parfois le cas dans ces Contes d’Ise, qui témoignent à l’occasion de réactions violentes contre les « mauvais poèmes », avec une louche de mépris supplémentaire s’ils ont été commis par des « provinciaux » ou des gens « du commun »…). Autant d’aspects qui distinguent la poésie classique japonaise de la poésie occidentale, ne la rendant que plus déconcertante à nos yeux – fascinante aussi, à certains égards, mais je n’en demeure pas moins persuadé que l’appréciation de ces poèmes courts, tanka ou haiku, passe aussi par une éducation personnelle, requérant sans doute bien des années d’application, afin de se forger une sensibilité adéquate ; à vrai dire, cette éducation est d’autant plus essentielle que l’appréciation de la poésie japonaise implique aussi d’intégrer des référents culturels très précis – leur exotisme est déjà une difficulté à cet égard, mais le caractère souvent allusif et lapidaire de ces poèmes, qui ne peuvent se permettre de gaspiller de la place pour exprimer une chose que tout Japonais sait forcément, en rajoute une couche : les commentaires civilisationnels sont donc les bienvenus, à n’en pas douter…

 

Quoi qu’il en soit, tout ceci explique sans doute la difficulté presque insurmontable que représente à mes yeux la poésie japonaise. Son format si particulier, auquel il faut donc ajouter la question du contexte culturel, m’a longtemps fait supposer qu’elle ne pouvait, par essence, être traduite – ce qui est sans doute excessif… Mais il faut, du moins, de sacrés traducteurs pour parvenir à en tirer quelque chose. Cette méfiance originelle provient peut-être d’un scepticisme encore plus marqué portant sur l’élaboration de haiku en français – une importation pas toujours bienvenue, car pas toujours bien comprise (à la manière du zen ?)… Je ne sais pas. Ce que je sais, c’est que mes premières tentatives d’aborder véritablement la poésie nippone (il y a de cela douze ans environ, lors de ma première frénésie en la matière) se sont soldées par un échec cuisant : j’ai bien évidemment lu les Cent-Onze Haïkus de Bashô, généralement considéré comme le plus grand maître du genre, et n’y ai rien panné, n’y ai rien ressenti, rien de rien… Sans doute me faudra-t-il retenter. Mais j’avais aussi – très brièvement… – tenté une expérience tout aussi terrifiante, même si d’un autre ordre, avec les trois premiers livres du Man.yôshû, la fameuse et énorme anthologie de poésie japonaise primordiale, compilée vers le VIIIe siècle de notre ère, et dont le contexte culturel, si hermétique, nécessite des notes, disons, « conséquentes »… Or, si les Contes d’Ise mettent en avant la forme tanka (que l’on croise déjà dans le Man.yôshû, mais de manière bien moins systématique), ils n’en figurent pas moins, eux aussi, parmi les témoignages les plus fondamentaux d’une poésie japonaise archaïque (ce qui ne signifie pas dénuée de charme ou de subtilité, loin de là), finalement guère plus tardive : on a tout lieu de croire que les Contes d’Ise ont été rassemblés sinon conçus au Xe siècle (et ils décrivent des événements ayant eu lieu au IXe siècle) ; je redoutais donc de crouler à nouveau sous les notes, ce qui ne pourrait que nuire à mon appréciation… Mais, autant le dire de suite, ce ne fut pas le cas : les notes sont bien nombreuses et indispensables, mais remarquablement bien conçues, d’une précision et d’un à-propos constants – j’y reviendrai plus tard.

 

J’avais de toute façon envie de tenter – pour mon édification et ma culture personnelles, mais aussi, peut-être, parce qu’une expérience récente avec la poésie japonaise m’a bien plus parlé que toute tentative antérieure en la matière : j’ai en effet été séduit par la lecture d’Insectes, de Lafcadio Hearn, qui rapporte nombre de courts poèmes nippons tout à fait charmants… Alors c’était peut-être bien le moment de m’y (re)mettre…

 

Sans doute faut-il commencer par évoquer la forme adoptée par ce livre. Depuis tout à l’heure, je vous cause de « poésie » et de tanka, mais c’est une chose qui n’apparaît pas d’emblée dans le titre de l’ouvrage, parlant de « contes ». Il y a même un certain paradoxe, puisque, par « contes », on traduit ici monogatari, terme récurrent dans l’histoire littéraire du Japon, mais qui, en principe, désigne justement, au-delà de son rendu français par « récit », « choses racontées », ou, bien sûr, « dit »… des œuvres en prose, et non en poésie ! Même si, bien sûr, les œuvres en prose peuvent contenir de la poésie, et c’est sans doute là que se joue le titre… Le format, par ailleurs, n’a pas grand-chose à voir avec les plus célèbres des monogatari traduits dans les langues occidentales : les 125 Contes d’Ise occupent rarement plus d’une page chacun, autant dire qu’on est bien loin des colossaux Dit du Genji ou Dit des Heiké… Le terme de « contes », ici, renvoie en fait à la forme particulière de l’ouvrage, qui ne se contente pas de reprendre des poèmes, mais – originalité qui, sans doute, fait tout le sel de l’œuvre – les enrobe de prose ; si les tanka (au moins un par « conte », parfois plus, jusqu’à quatre ou cinq) constituent la matière essentielle du livre, celui-ci relève du monogatari en raison de cet écrin d’anecdotes justifiant et parfois expliquant les poèmes. Concrètement, on se trouve en présence de 125 « contes » (n’impliquant par ailleurs pas d’histoire « suivie », et ce en dépit d’un cadre généralement précis et de la récurrence de certains personnages, qu’elle soit affichée ou simplement discernable au travers d’allusions plus ou moins cryptiques ; bien sûr, il ne faut pas en outre faire l’erreur d’y associer une connotation de « merveilleux », totalement absent ici – je n’ai relevé qu’une occasion où un dieu s’exprime pour répondre à une prière, c’est tout…) qui débutent presque tous de la même manière : « Jadis un homme… » ou quelque variation de même sens ; sur cette base, on construit une anecdote – le plus souvent amoureuse, pour ne pas dire libertine, j’y reviendrai – qui, en posant brièvement personnages et contexte, explique comment et pourquoi untel a produit tel tanka, suscitant éventuellement telle réponse sous la forme d’un autre tanka, etc. Notons enfin que le texte, si l’on sait avec certitude qu’il date du Xe siècle, n’a été conservé qu’au travers de manuscrits postérieurs de quelques siècles (XIIe ou XIIIe au mieux), pouvant contenir des interpolations (généralement sous la forme de commentaires du copiste).

 

Ainsi que je l’ai mentionné plus haut, les Contes d’Ise se déroulent au IXe siècle de notre ère, sous le règne, sauf erreur, de trois empereurs (Nimmyô, Montoku et Seiwa). Ils mettent en scène quelques personnages récurrents, généralement issus, soit de la dynastie impériale, soit du clan des Fujiwara, parmi lesquels on relèvera tout particulièrement Takako (fille d’un haut-fonctionnaire Fujiwara, concubine puis épouse de l’empereur Seiwa, mère de l’empereur Yôzei, un temps auréolée du titre d’impératrice-douairière, puis déchue en raison de sa conduite « pas vraiment irréprochable » – sans doute les Contes d’Ise en témoignent-ils, d’ailleurs…), et plus encore Ariwara no Narihira (825-880), issu de la dynastie impériale, et qui fut en son temps un fonctionnaire de haut rang, notamment au travers d’attributions militaires prestigieuses, mais qui était aussi loué en tant que poète. Narihira est le personnage essentiel des Contes d’Ise, qui narrent donc, au fil d’anecdotes, les nombreux poèmes qu’il avait conçus (avec parfois des jugements portant sur leur qualité, d’ailleurs). Tout laisse à croire, en fait, que Narihira est bel et bien l’auteur de bon nombre des tanka recueillis dans ce monogatari, peut-être même la majorité, mais probablement pas tous (outre le fait que nombre de ces poèmes sont attribués, du fait des anecdotes, aux femmes qu’il courtisait, ou aux nobles qu’il fréquentait, etc.). Il y a là une difficulté peut-être insoluble… Mais qui que soit l’auteur des Contes d’Ise (on a pu mentionner aussi une poétesse du nom d’Ise, d’ailleurs, même si le mot renvoie plus probablement, je suppose, à un lieu ?), Narihira est bien son « héros ». Mais, pour s’en assurer, il faut fouiller dans les chroniques, et percer les allusions (sauf erreur, le nom de Narihira n’apparaît pas une seule fois dans le texte – mais on peut l’identifier par ses fonctions, ses périples, éventuellement un surnom, ce genre de choses)… D’autant que le texte met en avant une certaine « humilité » peut-être un brin forcée, diminuant la valeur poétique du « général », et, pour ce qui est des récits témoignant des dernières années de sa vie, en insistant peut-être faussement sur la déchéance du « vieillard »…

 

« Vieillard », comme de juste, il ne l’a pas toujours été… Et le noble personnage, militaire et poète tout à la fois (je ne peux m’empêcher, ici, de me laisser envahir par des images parasites, d’une noblesse européenne de l’époque, passablement moins raffinée, même si cela tient un peu du cliché j’imagine…), avait d’autres attributs : à l’évidence, il était aussi un chaud lapin… Les 125 chapitres des Contes d’Ise, et les 209 poèmes qu’ils contiennent, sont pour l’essentiel consacrés à l’amour. Nobles seigneurs et nobles dames (ou moins nobles, parfois…) y multiplient les aventures, infidélités et autres amours interdites et censément discrètes (elles ne le sont finalement guère, parfois – l’hypocrisie est régulièrement de la partie…), et, tout au long de cette cour obéissant à bien des « passages obligés », les amants composent de petits poèmes, témoignant de la ferveur de leurs sentiments… ou, bien plus souvent sans doute, critiquant l’inconstance et la cruauté de l’être aimé mais infidèle, dans des démonstrations larmoyantes de jalousie qui tiennent sans doute pas mal du théâtre en bien des occasions. La grande élégance des poèmes, leur pudeur aussi (apparente du moins – mais peut-être contestable si l’on s’y attarde un brin), ne trompent sans doute guère le lecteur/auditeur : c’est là un monde de libertins, qualificatif qui revient régulièrement dans le texte en prose, qui convient à n’en pas douter à Narihira lui-même (le jeune homme, en tout cas, mais il y a quelques indices laissant supposer qu’il en va toujours de même pour le vieillard…), et qui pourrait tout à fait s’appliquer à d’autres – ainsi cette Takako que j’avais mentionnée plus haut, personnage tout à fait romanesque, qui a grimpé les échelons de la hiérarchie sociale via l’amour… avant que sa conduite « pas irréprochable », donc, ne l’en fasse déchoir. Tout ceci donne une image assez séduisante, d’une aristocratie volontiers hédoniste, et que l’on n’a même pas vraiment envie de qualifier de « décadente » – le terme est presque inévitable quand on traite de ce genre de sujets en ayant en tête de nobles débauchés français, par exemple, mais il est porteur d’une condamnation morale qui n’a sans doute pas lieu d’être ici, et, par ailleurs, la période des Contes d’Ise n’a rien, au regard de l’histoire japonaise, d’une ère de « décadence » : c’est bien au contraire un « Âge d’or »… Enfin, la pudeur des anecdotes et des poèmes – ou leur affectation de pudeur – évacue du texte toute connotation scabreuse pour s’en tenir au raffinement du jeu amoureux.

 

Mais, si l’amour est le thème central des Contes d’Ise, tous ses tanka, pourtant, ne relèvent pas du genre amoureux, et on y relève un certain nombre d’exceptions, de plus en plus fréquentes d’ailleurs à mesure que l’on se rapproche de la fin (même si la chronologie n’est pas de mise, sauf erreur) : dans ces poèmes-là, par ailleurs ceux où l’on peut le plus facilement identifier Narihira (en raison de ses fonctions à la cour, notamment), on évoque plutôt des réceptions seigneuriales, des voyages d’émissaires, ou des parties de chasse au faucon – on est cette fois dans un cadre strictement masculin (au passage, on relève aussi de temps à autre des « poèmes d’amitié » entre deux hommes – les commentaires étant silencieux à cet égard, je ne sais pas s’il faut y voir, prosaïquement, une « amitié » au sens le plus strict, ou un peu plus que cela ? Disons que je me suis posé la question…), et c’est dans ce cadre que les nobles personnages se livrent à l’exercice poétique, ce que j’avais qualifié un peu abusivement peut-être de « défi » au début de ce compte rendu : untel suggère à ses camarades de composer un poème, au format défini, et donc en principe des tanka ici, évoquant les lieux qu’ils viennent de traverser ou celui auquel ils sont parvenus, en imposant éventuellement une contrainte supplémentaire – par exemple, le poème doit évoquer la fin du printemps, etc. Les nobles poètes composent sur le vif et se succèdent pour faire la démonstration de leur art, jusqu’à ce que l’un d’entre eux, en brillant d’une façon singulière, remporte tacitement le « concours », ses compagnons n’ayant plus rien à y ajouter – évidemment, c’est le plus souvent Narihira qui l’emporte…

 

Dans tous les cas (ou presque), il en résulte des poèmes tout à fait délicieux, et charmeurs. Si les anecdotes qui les enrobent ne se préoccupent pas d’élégance, et posent hâtivement un bref contexte, leur sécheresse et leur laconisme mettant d’autant plus en valeur les tanka, ceux-ci se montrent quant à eux d’une grande finesse ; ils n’ont à cet égard rien d’archaïque – au sens où, trop souvent, on accole à ce qualificatif des connotations associées de brutalité, de rudesse, voire de barbarie. Les Contes d’Ise n’ont absolument rien de barbare ; s’ils témoignent d’un art poétique ancien, presque primordial (mais sans doute pas autant que le Man.yôshû, et, du moins j’ai cette impression mais je peux me tromper, d’une manière plus spécifiquement japonaise que la célèbre anthologie), il en ressort pourtant l’impression d’une tradition déjà bien ancrée, et qui fait ses délices des contraintes qu’elle se réjouit de s’imposer – d’où des « passages obligés », voire des « clichés » (déjà !), mais qui sont pleinement assumés et sans doute même envisagés comme étant autant d’occasions supplémentaires de briller, en en usant de manière inattendue, ou en y répondant de manière très ludique. Il y a souvent dans ces poèmes une certaine superficialité hédoniste, mais je n’emploie pas ce terme en ayant quelque reproche en tête : bien au contraire – il s’agit d’un jeu, vécu comme tel, et, au-delà de la sincérité des sentiments, et plus encore des douleurs (parfois indéniable cependant, je le suppose du moins), domine l’impression d’une heureuse et lumineuse compétition, agréablement frivole, pudique pour la forme, mais étonnamment libre au milieu même des contraintes.

 

Un jeu, oui, où, par ailleurs, les femmes ont comme de juste leur rôle – je suppose que la société japonaise était déjà fortement patriarcale, et que le passé mythique liant l’Empereur à Amaterasu était déjà mythique, justement, mais je peux me tromper, n’hésitez pas à me corriger le cas échéant ; quoi qu’il en soit, nous voyons ici de très beaux personnages de femmes (Takako en tête), qui, dans ces joutes amoureuses, n’ont rien de créatures soumises, bien au contraire, et ont l’occasion de briller au moins autant si ce n’est plus que le Narihira volage qui les poursuit toutes de ses assiduités. Si j’osais une absurde et anachronique comparaison, je dirais que ces libertines ont quelque chose de Merteuil en sympathique – à supposer que « Merteuil en sympathique » veuille dire quelque chose, bon… Disons que je n’ai pas osé cette comparaison, hein.

 

Bien entendu, on ne saurait traiter de cette édition des Contes d’Ise sans s’attarder sur la traduction… La traduction classique (1969) est due au général Renondeau (qui avait auparavant traduit nombre de ), et elle est relue ici par Bernard Frank ; quoi qu’il en soit, elle est remarquable : conserver l’élégance des tanka en les transposant dans une langue dénuée de tout lien avec le japonais et ayant généré une tradition poétique aux antipodes (littéralement…) n’avait sans doute rien d’évident, mais le fait est que le texte est ici des plus galants, faisant avec adresse la balance entre simplicité éventuellement crue et une certaine sophistication, rendant bien l’astuce joueuse du texte original (enfin, je le suppose…). Comme dit plus haut, j’ai tout à fait apprécié l’appareil de notes, un vrai modèle du genre : érudit, mais juste ce qu’il faut, quand c’est vraiment utile à la compréhension de l’anecdote et des poèmes, en précisant tel trait culturel nécessaire à l’appréhension des images et métaphores, en identifiant les personnages et lieux mentionnés, et surtout en faisant part des difficultés insurmontables de la traduction, notamment en raison des très nombreux jeux de mots parcourant le texte originel – c’est d’autant plus admirable qu’il y a un véritable effort pour rendre autant que possible ces complexes jeux littéraires, et avec une jolie pertinence…

 

L’heure est grave, oui – on me l’a dit, et c’est vrai : que je me mette à apprécier de la poésie, et peut-être tout particulièrement cette poésie-là… L’apocalypse est proche, les cavaliers sont en route, et l’on entend sonner les hérauts de la Fin : tout est foutu…

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