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Imperium : Manuel de la Guilde Spatiale

Publié le par Nébal

Imperium : Manuel de la Guilde Spatiale

Imperium : Manuel de la Guilde Spatiale, 2016, 27 p.

 

Dernier petit supplément en date pour Imperium, ce Manuel de la Guilde Spatiale arrive peut-être un peu tard en ce qui me concerne, dans la mesure où j’avais déjà conféré à la Guilde un rôle important dans ma chronique. Inévitablement, il en résulte des « incohérences » : certains aspects de la Guilde tels qu’ils sont développés ici rendent moins logiques certains de mes choix, au point parfois de générer après coup des incompatibilités. Des choses pas bien graves le plus souvent, parfois plus gênantes… Des choses que l’on peut encore tordre pour rétablir la cohérence globale, d’autres pour lesquelles c’est peine perdue… La chronique étant en cours, je ne vais pas me montrer plus précis dans ce bref article. Mais peu importe : il n’en reste pas moins que c’est là un supplément tout à fait bienvenu, et qui sera sans doute utile dans bien des parties d’Imperium.

 

C’est que la Guilde constitue un des plus grands secrets de l’univers de Dune – avec bien sûr l’épice, mais justement : les deux sont intimement liées… La dimension « secrète » de ce supplément en réserve bien sûr la lecture aux maîtres de jeu (je vais me restreindre, mais il y aura peut-être quelques rares SPOILERS dans ce qui va suivre – autrement dit : OUSTE, LES/MES JOUEURS !) ; et, pour une fois, ou disons de manière plus marquée que souvent (la principale exception jusqu’à présent étant probablement le Manuel du Bene Tleilax), le livret contient bien des choses qu’un fanatique de Dune ne connaîtra pas pour autant. En effet, si le supplément puise comme d’habitude à la source ultime qu’est le cycle de Frank Herbert (reléguant les sagouineries du fiston dans les oubliettes les plus obscures), et le cas échéant dans la Dune Encyclopedia, il reste cependant bien des éléments encore trop flous dans la perspective d’un tel guide – d’où des apports personnels, parfois spécifiés comme « apocryphes », et dont l’utilisation est laissée à la discrétion des joueurs. En ce qui me concerne, ces apports me paraissent bienvenus le plus souvent – le « réseau-conscience », par exemple –, et tout particulièrement sans doute quand ils éclairent l’histoire de la Guilde.

 

Car la Guilde n’est pas liée qu’à l’épice : elle est – ou elles sont ensemble – la condition sine qua non de l’existence même de l’Imperium (le monopole sur les voyages interstellaires, et le monopole bancaire qui l’accompagne, justifient son pouvoir immense, ne pouvant être adapté aux cadres classiques de la société galactique ; la Guilde est un pouvoir autre et – personne n’en doute et certainement pas l’Empereur – un pouvoir par essence supérieur). On le sait, le calendrier de l’Imperium a pour point de départ la fondation (supposée) de la Guilde – en fait sans doute plus exactement sa « reconnaissance », car il y avait une pré-Guilde dont le rôle a été essentiel dans la politique galactique d’alors, déterminant celle des 10 000 années à venir. Revenir sur cette histoire, c’est aussi lever le voile sur quelques mystères de l’univers de Dune, et non des moindres, et qui pour certains m’embarrassaient pas mal : ainsi, le voyage interstellaire étant basé sur le mélange, comment un pré-Imperium a-t-il pu se développer avant la Guilde, et donc avant les navigateurs repliant l’espace ? L’explication réside dans ce fait qu’il existait déjà des moyens – technologiques, quant à eux – de faire des voyages interstellaires, et sans s’embarrasser de la limite ultime de la vitesse de la lumière, via déjà une sorte d’hyperespace. Seulement ces voyages étaient longs, aléatoires, voire dangereux… Du coup on comprend ainsi comment un embryon d’empire galactique a pu se développer avant la Guilde, tout en justifiant pleinement son rôle essentiel à partir de là. Ce qui a en outre des conséquences sur le long terme, toujours sensibles 10 000 ans plus tard : par exemple, les fondateurs de la Guilde ont beau être à l’origine des exilés ixiens, leurs descendants n’en sont pas moins extrêmement hostiles à la science d’Ix – redoutant que de nouvelles « machines pensantes » puissent remplir la fonction des Navigateurs, et mieux encore si ça se trouve… D’où le conservatisme acharné de la Guilde, qui n’est pas le moindre soutien des interdits du Jihad Butlérien. Cette méfiance, voire cette hostilité, s’étend bien sûr pour les mêmes raisons au Bene Tleilax… même si, dans le cadre de la politique classique de l’Imperium, c’est peut-être bien malgré tout le Bene Gesserit qui constitue la Némésis de la Guilde ; et que les deux institutions prisent autant le secret et les plans à très, très long terme n’y est bien sûr pas pour rien.

 

L’histoire de la Guilde est aussi l’occasion de développer des lieux bien particuliers : les Jonctions sont à peine esquissées, les long-courriers forcément un peu plus, mais c’est surtout ici le havre de Tupile qui ressort, dont personne en dehors de la Guilde ne connaît la localisation, voire simplement l’existence. Un cadre intéressant… mais à manier avec précaution, bien sûr.

 

Enfin, les secrets de la Guilde sont aussi largement d’ordre technologique (NT X) – occasion de revenir sur l’invention apocryphe du commorium (déjà évoqué dans le supplément Maison Moritani), même si, dans ses implications, je trouve a priori qu’il ressemble en fait un peu trop à l’épice pour constituer une véritable alternative ; c’est à débattre, j’imagine…

 

La structure hiérarchique et administrative de la Guilde, complexe, est détaillée par le menu. Elle fournit un cadre de choix pour bien des secrets, et regorge de pistes d’aventures…

 

Mais il s’agit d’aventures au sein même de la Guilde. Celle-ci est trop hors-normes pour qu’un personnage guildien, quel qu’il soit, puisse vraiment intégrer le traditionnel Jeu des Maisons d’Imperium. Dès lors, si l’on trouve ici des règles pour la création de personnages guildiens (y compris les Navigateurs eux-mêmes, bien qu’ils soient évidemment injouables, n’ayant plus rien d’humain et étant confinés dans leurs cuves…), c’est dans une perspective déjà évoquée plusieurs fois dans la gamme, remplaçant le Jeu des Maison par un Jeu des Chapitres (Bene Gesserit), un Jeu des Sietch (Fremen), voire un équivalent tleilaxu, etc. : c’est une tout autre perspective de jeu, centrée sur ces organisations et secrets particuliers, et impliquant que tous les joueurs soient guildiens (ou tous Bene Gesserit, ou tous Fremen, ou tous Tleilaxu…). L’idée séduira plus ou moins, fonction des intérêts et intensions de chacun, mais il y a très certainement de la matière.

 

Quoi qu’il en soit, les Navigateurs eux-mêmes étant hors de propos, les joueurs incarnent dans une telle chronique des Agents et Émissaires – pleinement guildiens, mais aussi parfaitement humains, s’ils peuvent régulièrement être assimilés à des Mentats particuliers (créés en dehors de l’ordre des Mentats, d’où des tensions). Le Conditionnement guildien joue à vrai dire un grand rôle dans cet esprit, si les Vocations proposées sont plus variées ; je redoute quand même à vue de nez que des personnages conçus dans cet esprit se ressemblent un peu trop… Mais c’est à vue de nez, et je dis sans doute des bêtises. Quoi qu’il en soit, c’est là un cadre de chronique pouvant s’avérer tout à fait palpitant, où le jeu politique habituel d’Imperium prend peut-être des teintes plus sombres et machiavéliques encore, d’espionnage et de conspirationnisme…

 

Une annexe enfin sur la classification planétaire selon la Guilde – complexe, distinguant une vingtaine de types planétaires. Un peu gadget sans doute, mais de ces gadgets qui peuvent en fait avoir des conséquences insoupçonnées et autrement enthousiasmantes que ce que l’on pourrait croire au premier abord.

 

Un bon supplément, donc. Il faut comme souvent le manier avec précaution, tant il peut perturber la dynamique d’une chronique d'Imperium, mais c’est vrai de bien d’autres, et globalement ça vaut sans doute le coup.

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