CR Imperium : la Maison Ptolémée (21)
Vingt-et-unième séance de ma chronique d’Imperium.
Vous trouverez les éléments concernant la Maison Ptolémée ici, et le compte rendu de la première séance là. La séance précédente se trouve ici.
Tous les joueurs étaient présents, qui incarnaient donc Ipuwer, le jeune siridar-baron de la Maison Ptolémée, sa sœur aînée et principale conseillère Németh, l’assassin (maître sous couverture de troubadour) Bermyl, et le Docteur Suk, Vat Aills.
I : PAS SI NÉGLIGEABLE
[I-1 : Ipuwer : Mandanophis Darwishi ; Anneliese Hahn, Clotilde Philidor, Ludwig Curtius] Ipuwer n’y coupera pas éternellement : il doit faire « ses excuses » aux jeunes femmes Delambre arrivées au Palais. Anneliese Hahn est d’un rang plus élevé que Clotilde Philidor, mais Ipuwer compte voir tout d’abord cette dernière – pour expédier la chose sans doute, avec son maître de cour Mandanophis Darwishi qui fait l’essentiel de la « conversation ». Il précise en riant que cet ordre est sans doute plus à propos : il pourrait sortir avec une estafilade de sa discussion avec Anneliese Hahn… Ludwig Curtius lui avait rapporté son talent à l’épée : il rit, mais ne se méprend pas sur la compétence de Anneliese Hahn.
[I-2 : Ipuwer : Mandanophis Darwishi : Clotilde Philidor, Anneliese Hahn] Ipuwer se rend donc aux appartements de Clotilde Philidor – qui disposent d’un petit jardin où se trouve semble-t-il la jeune Delambre, qui est en train de jouer de la balisette et de chanter, avec talent ; à la différence de sa cousine Anneliese Hahn, elle y reste confinée la plupart du temps – Anneliese, elle, erre çà et là, dans le Palais ou éventuellement en dehors, à provoquer, narguer, draguer… Elle est « vive ». Ipuwer laisse passer Mandanophis Darwishi, qui parlera à sa place – lui restera en arrière, aussi silencieux que possible ; mais c’est une situation diplomatique : Ipuwer ne peut pas jouer au pharaon avec la Delambre… Il donne ses instructions à son maître de cour, qui l’introduira – après, il se retirera, et Ipuwer échangera les quelques paroles nécessaires avec la Delambre.
[I-3 : Ipuwer : Clotilde Philidor ; Anneliese Hahn] Mais les choses ne se passent pas comme prévu… [Il n’y a pas d’échec critique dans les règles d’Imperium, mais Ipuwer ayant jeté trois dés (pour déterminer son ressenti à l’égard de l’aura de la jeune femme, que j’avais déjà mise en avant) et obtenu trois 1, je me suis adapté…] Ipuwer voit Clotilde Philidor pour la première fois, et, il en est le premier surpris, il est très sensible à sa beauté, à son charme très particulier – elle est d’une élégance toute spéciale, aux antipodes de toute vulgarité (autant dire qu’elle se distingue assurément des femmes que fréquente habituellement Ipuwer), et, si elle a la réputation, sans doute fondée, d’être une jeune fille discrète et effacée, elle n’en dégage pas moins tout naturellement une aura qui ne laisse pas indifférent – à vrai dire, la conjonction de cette aura naturelle et de cette discrétion dans le comportement se renforcent, aussi paradoxal cela puisse-t-il paraître, au point, parfois, de la rendre un peu intimidante… Et c’est tout à fait l’effet qu’elle produit alors sur Ipuwer. Il en est profondément étonné, mais ce simple regard l’amène à envisager que les choses en la matière ne sont pas aussi simples qu’il le croyait – il ne compte plus « naturellement » ignorer Clotilde Philidor au profit de sa cousine Anneliese Hahn… Pour autant, il n’est bien sûr pas un « homme préhistorique » commandé par ses pulsions – et parler de « coup de foudre » ne serait sans doute pas plus approprié. C’est simplement qu’il se met à douter – et, sur le moment, il est un peu désemparé, pris par surprise : lui qui bafouille souvent dans les relations protocolaires ne manque pas d’achopper sur ses « excuses », qui prennent de suite un tout autre sens…
[I-4 : Ipuwer : Mandanophis Darwishi, Clotilde Philidor] Mandanophis Darwishi, quoi qu’il en soit, a suivi les instructions d’Ipuwer – comme convenu, il se retire après avoir introduit son siridar-baron et amorcé des « excuses ». Ipuwer est maintenant seule face à Clotilde Philidor, qui pour l’heure reste muette, mais ouverte. Il veut s’excuser de l’avoir interrompue alors qu’elle jouait si divinement de la balisette – mais patine avant d’arriver à l’exprimer. Il expose ses excuses plus globales ensuite – pour ne pas avoir été présent à son arrivée. Elle semble un peu étonnée – tout en demeurant parfaitement polie. Il souhaite que son séjour se passe bien, ce à quoi elle acquiesce, en ajoutant qu’elle comprend bien qu’un homme avec de telles responsabilités ne peut pas être en permanence à la disposition de ceux qui lui rendent visite, éventuellement de manière impromptue – mais elle bafouille un peu à son tour… Du coup, Ipuwer perçoit davantage, et comprend mieux, cette réputation d’une jeune femme pas très à l’aise en société – il y a un paradoxe chez la Delambre à cet égard, dans la mesure où son aura hors-normes ne l’abandonne pas pour autant. Elle fixe le siridar-baron de ses yeux, sans la moindre hostilité, sans la moindre intention de l’intimider, même si c’est en partie l’effet produit – ça n’était pas censé se passer comme ça… C’est le genre de choses qu’Ipuwer a tendance à ruminer – et il bafouille plus que jamais, parvenant cependant, après quelques hésitations, à laisser entendre qu’il vaudrait peut-être mieux qu’il se retire. Il a alors le sentiment, un peu désagréable, que la jeune femme, d’une certaine manière, le prend un peu en pitié… Mais ce n’est pas de l’hostilité, ni même de la condescendance – plutôt une compassion instinctive et aimable, pas moins déstabilisante pour autant. Ipuwer n’apprécie pas – pourquoi ce regard ? Clotilde Philidor lui adresse alors un beau sourire, charmant, éblouissant même, mais sans la moindre connotation de séduction, et pas davantage de condescendance – demeure avant tout cette impression qu’elle est l’antithèse de toute forme de vulgarité : aimable, polie, sincère, toujours naturelle, elle répète sans agacement qu’elle comprend fort bien qu’Ipuwer a à faire, et n’a donc pas à s’excuser – elle lui souhaite sincèrement de traverser au mieux ces difficultés. Elle commence à évoquer, Ipuwer le comprend, qu’elle a eu l’occasion de s’entretenir de ces soucis avec quelqu’un d’autre de la Maison Ptolémée, mais n’achève pas sa phrase. Elle évoque aussi sa cousine Anneliese Hahn, supposant qu’elle comprendra très bien elle aussi la position délicate d’Ipuwer – mais ne peut retenir, sans méchanceté pour autant, qu’elle est sans doute d’une nature bien différente de la sienne, plus « exubérante »… Elle répète que ces excuses ne sont pas nécessaires, et ce sans arrière-pensée… puis s’interrompt : elle reprend, plus laconique, pour exprimer qu’elle a bien conscience de ce qu’Ipuwer a « beaucoup de choses à faire ». Mais Ipuwer perçoit bien qu’elle ne dit pas ça pour l’envoyer balader : c’est purement factuel, pour elle – elle sait ne pas avoir de véritable place dans l’agenda chargé du siridar-baron… Pour Ipuwer, rencontrer ses invités relève cependant du point d’honneur – et il sait bien que les Delambre sont venues à sa requête. Il se retire, la louant encore pour son don musical – peut-être pourrait-il repasser ultérieurement, quand son emploi du temps le permettra, pour l’écouter jouer ? Clotilde Philidor sourit – un sourire de gentillesse et de joie pures, sans autres connotations dans quelque sens que ce soit, et l’assure que ce serait avec plaisir.
[I-5 : Ipuwer : Mandanophis Darwishi ; Clotilde Philidor] Ipuwer sort des appartements de Clotilde Philidor. Mandanophis Darwishi l’attendait à côté de la porte, et le regarde d’un air un peu perplexe… Avant même qu’il n’ouvre la bouche, Ipuwer lui lance : « Taisez-vous, Mandanophis... » Le maître de cour hoche la tête, avec son habituel petit sourire de connivence – qui, cette fois, agace profondément le siridar-baron…
II : TOURISME ORBITAL
[II-1 : Vat : Hanibast Set] Le Docteur Suk Vat Aills est sur la lune de Khepri, avec le Conseiller Mentat Hanibast Set – lequel est dans un sale état : le « Gel du Mentat » menace… ce qui dépasse un peu les compétences du Docteur Suk. Le jus de sapho pourrait peut-être aider – et les soins de Vat, avec hypnose et piqûre de somnifère, en sus, pourraient au moins retarder l’échéance. Pour le moment, Hanibast Set dort.
[II-2 : Vat : Shukura] Vat va faire un tour, et se rend au port – il souhaite louer une navette, pour faire un peu de « tourisme » autour de la planète, ainsi que de la deuxième lune, Safiya, plus petite que Khepri et inhabitée. La Guilde exerce sans doute un contrôle sur cette activité, mais Vat peut trouver sans trop de problèmes quelqu’un pour l’aider dans cette tâche, contre une certaine somme (mais le Docteur Suk peut, dans la mesure du raisonnable, piocher dans les fonds des Ptolémée). Vat avait entendu parler d’une certaine Shukura – une femme dans la quarantaine, aux traits marqués, un peu baraque sans faire camionneuse, au passé éventuellement trouble, mais depuis longtemps installée dans son commerce beaucoup plus rangé –, qui accomplit ce genre de missions habituellement, et que l’on suppose loyale (mais elle est attachée à Khepri plutôt qu’à Gebnout IV – et donc à la Guilde plutôt qu’à la Maison Ptolémée). Il la trouve sans difficulté : il veut faire un « tour » ; il souhaite voir la face cachée de Safiya – pas de problème pour elle ; elle s’en étonne – qui peut bien y trouver le moindre intérêt ? – mais ce n’est pas son problème tant qu’on la paye. Vat mentionne aussi le survol du Continent Interdit de Gebnout IV – sans le dire, simplement en donnant les latitudes adéquates, mais elle n’est pas idiote, comprend très bien ce que cela implique ; et il faudra payer un supplément… Vat tape dans la caisse des Ptolémée, n’ayant pas vraiment d’autre possibilité : cela reste acceptable pour l’heure, mais ce n’est pas le genre de frais qu’il peut se permettre trop régulièrement.
[II-3 : Vat : Shukura] Vat monte à bord du vaisseau de Shukura – pas un vaisseau d’interface à proprement parler, ni une des navettes employées pour faire le trajet entre Gebnout IV et Khepri : c’est une chose un peu bâtarde, qui pourrait ressembler à une sorte de gros ornithoptère, mais s’avère bel et bien spécialement conçu pour les vols orbitaux et, éventuellement, à l’intérieur du système de Gebnout – la Guilde a forcément son mot à dire en pareil cas, même si Shukura n’en a rien dit : c’est de l’ordre de l’implicite. Le vaisseau se pilote seul : il n’y a que Vat et Shukura à bord.
[II-4 : Vat : Shukura] Shukura prend la direction de Safiya – la configuration des astres fait de la petite lune une première étape avant le survol du Continent Interdit. Un voyage décevant : la face cachée n’a rien qui la distingue de la face visible, il ne s’y trouve absolument rien ; c’est une petite boule de roche désolée et sans le moindre intérêt… Vat est étrangement séduit par la « beauté du caillou », mais n’en retire absolument rien [il a fait un « échec critique » …] ; il essaye d’en discuter avec la pilote – plutôt perplexe, et qui ne ressent rien pour l’astre désolé : professionnelle, elle conduit ses clients là où ils veulent se rendre, et le reste n’a pas la moindre importance… Vat avance qu’il aurait pu y avoir des choses sur l’astre autrefois – mais non, ça a toujours été comme ça… Elle n’a rien à lui dire à ce propos ? Non, absolument rien… Et elle fait dans le transport – pas dans la visite guidée ; elle peut lui fournir des informations astronomiques, mais rien de plus. Il cherche un « levier » pour la faire parler, mais sans succès – même quand il évoque ses capacités médicales. Quand Vat va jusqu'à aborder des considérations personnelles et psychologiques, elle coupe court à la conversation – visiblement sur le point de s’énerver : il avait bien une autre destination ?
[II-5 : Vat : Shukura] Shukura dirige sa navette vers le Continent Interdit de Gebnout IV ; cela ne lui pose aucun problème… mais elle mentionne tout de même les interdits du Culte Épiphanique du Loa-Osiris : son client ne s’y plie donc pas ? Elle, elle s’en fout, mais il lui faut bien poser la question… Car les considérations juridico-religieuses jouent en l’espèce : il lui faut bien prévenir son client que le Culte s’est prononcé concernant le survol du Continent Interdit – les canons considèrent qu’il y a comme un effet de « propriété » : l’interdit visant la surface s’applique tout autant au « dessous » et au « dessus » ; elle n’est pas croyante, mais son client doit savoir qu’un survol du Continent Interdit n’a rien d’innocent, et constitue bel et bien une infraction aux lois de l’Église. Haut placé chez les Ptolémée, il n’adhère pas aux préceptes du Culte Officiel ? Pas de souci pour elle, mais il lui fallait le prévenir – qu’il n’ait pas la mauvaise surprise de se découvrir soudainement « hérétique » à son retour sur Gebnout IV… Vat tente de débattre de ces matières juridiques – mais Shukura lui fait bien comprendre que ce n’est pas elle qu’il doit convaincre : pour elle, peu importe, tant qu’on la paye. Cela concerne la conscience de son client, c’est tout. Vat lui demande alors si elle a eu d’autres clients qui lui avaient fait la même requête – et si cela avait posé des difficultés. C’est une demande très rare… mais oui, c’est arrivé. Vat lui demande alors si, à l’occasion, de tels clients lui ont demandé de se poser sur le Continent Interdit. Oui – mais ça, par contre, elle ne le fera pas. Donc il y en a qui le font ? Elle n’a pas dit ça, elle a dit qu’elle, elle ne le ferait pas… C’est là que le problème dépasse la seule question religieuse pour devenir avant tout juridique : cette fois, ce serait bien une violation de l’interdit du Culte Officiel – plus sévère, capitale et non vénielle ; des lois ont été mises en place, qui la jugeraient complice, et peu importe sa foi. Survoler n’est pas un problème en ce qui la concerne, mais elle ne fera rien de plus. Vat insiste : d’autres clients lui ont-ils fait cette requête ? Elle hésite – puis s’abrite derrière le secret des affaires. Mais Vat suppose qu’elle n’est pas du genre à laisser un client insatisfait – elle a pu l’orienter sur un pilote moins regardant, peut-être ? Elle réfléchit – que souhaite savoir au juste le Docteur Suk ? Quel est le dernier client à lui avoir demander de survoler le Continent Interdit et éventuellement de s’y poser – ou à l’avoir fait en faisant appel à un concurrent. Shukura commence à dire quelque chose puis s’interrompt pour réfléchir – Vat la presse de lui répondre. Elle dit enfin que ce n’est pas à elle, pas plus qu’à ses collègues, qu’il faut poser ce genre de questions ; elle cherche ses mots, pour se montrer aussi claire que possible : ce n’est pas de son ressort ou de celui de ses collègues – cette activité dépasse ses autorisations… Qui s’en occupe, alors ? Elle répond par une question rhétorique : qui, de manière générale, s’occupe de ce genre de vols et de transports ? C’est bien évidemment la Guilde… Shukura dresse devant Vat, suffisamment compétent pour cela, un tableau juridique extrêmement complexe, où se mêlent les législations de l’Imperium, de la Guilde, de la CHOM, de la Maison Ptolémée, du Culte Officiel, un certain nombre de principes généraux ici, une palanquée d’exceptions là… Si elle-même ne se posera pas sur le Continent Interdit, ce n’est certainement pas à cause du tabou religieux, dont elle n’a cure – et si d’autres parmi ses collègues ne le feront pas, de même : elle ne dit pas cela pour éviter de rencarder Vat sur un concurrent. Le fond du problème, c’est que la Guilde est alors automatiquement impliquée, et qu’elle dispose de moyens de pression ou de dissuasion sacrément efficaces. La Guilde pourrait alors gérer ce genre de voyages ? On peut y voir un monopole, peut-être… En tout cas, comme d’habitude, c’est bien elle qui fait les règles – au point, si le Docteur Suk y tient, de s’affranchir elle-même de toutes règles en dehors des siennes propres ; et, à l’évidence, « un poiscaille lambda dans sa cuve n’en à rien à carrer des tabous du Culte Épiphanique du Loa-Osiris ». Par ailleurs, Shukura laisse entendre quelque chose : oui, elle peut survoler le Continent Interdit, le complexe schéma juridique laisse, disons, une certaine marge à cet égard – mais le sous-texte est clair : la Guilde sera au courant.
[II-6 : Vat : Shukura] Le vaisseau survole enfin le Continent Interdit ; Vat avait déjà vu auparavant les photos truquées des satellites de la Guilde – ce qui lui facilite la tâche, il reconnait globalement les zones mises en évidence. Il « comprend » mieux ce qu’il n’avait vu jusqu’alors que sur des photographies. Il détermine assez facilement la zone de la Baie des Morts et du Mausolée des Ptolémée. Au-delà, le paysage est varié – même si toujours désertique, mais sous des formes diverses : des déserts rocheux comme ceux qui entourent les centres urbains de Gebnout IV, des grands déserts de sable autrement rares sur la face habitée, et une infinité de variations entre les deux ; mais pas de cours d’eau, pas de végétation, pas de centres urbains, etc. Du moins rien de visible à cette altitude. Pas de lumières non plus, mais un élément en mouvement : une très grande zone, de la taille d’un pays, une superficie de plusieurs centaines de kilomètres carrés, est occupée par une gigantesque tempête de sable ; il y a des tempêtes plus petites (euphémisme) ailleurs, mais rien de commun. Vat la désigne à Shukura : a-t-elle déjà vu cela ? Oui, elle est déjà passée par ici… Bien sûr, elle ne s’y est jamais posée – et ce serait sans doute bien périlleux. C’est « La Grande Tempête », voilà… Oui, il n’y en a qu’une de cette taille – on entend bien les majuscules. Cela signifie qu’elle est toujours là ? Shukura regarde Vat, puis dit qu’elle suppose que l’on peut dire ça, oui… et depuis toujours… Vat évoque les Atonistes, qui pourraient l’éclairer à ce propos ; Shukura ne relève pas, ça ne l’intéresse pas.
[II-7 : Vat : Shukura] Vat n’a rien de plus à demander dans ces circonstances ; le survol du Continent Interdit s’achève, puis Shukura reprend la direction de la ligne de Khepri. Vat songe à faire de nouveau appel à elle – mais a bien conscience qu’elle n’a rien d’un « contact » à proprement parler : c’est une commerçante, voilà. Par ailleurs, elle n’est sans doute pas très heureuse de ce qu’elle a fait – pleinement consciente qu’elle devra s’en entretenir avec la Guilde ; elle ne risque probablement rien, mais ne le fera pas tous les jours. Si elle ne fait pas dans le fret, comme elle dit, mais seulement dans le tourisme, Vat, qui n’y croit pas un instant (le prend-elle pour un imbécile ? mais non, un client…), sans doute ferait-elle bien de gonfler son catalogue : ce n’était pas très intéressant, comme excursion…
III : DOUTES ET CONVOCATIONS
[III-1 : Németh : Lætitia Drescii, Cassiano Drescii] Németh demeure très fébrile ; elle rôde non loin des quartiers des Drescii – une terrible idée lui est en effet venue : et si la « nouvelle » Lætitia Drescii était elle aussi « fausse » ? Elle pense pouvoir faire confiance au « nouveau » Cassiano, mais…
[III-2 : Németh : Hanibast Set, « Lætitia Drescii », Ipuwer, Lætitia Drescii, Cassiano Drescii] Elle veut également consulter les notes de Hanibast Set portant sur le jeu « matrimonial » joué par la « première » Lætitia Drescii, qui l’intrigue profondément. Le Conseiller Mentat a bien laissé des notes à ce sujet, destinées aux seuls yeux de Németh et Ipuwer, mais précise d’emblée que, des différents sujets qu’il avait à traiter, c’est celui où il a le moins avancé… Hanibast avait beaucoup de travail, et cette tâche lui paraissait moins fructueuse – il s’est un peu penché dessus, mais en s’y noyant plus ou moins… [Pour des raisons dont il n’avait alors pas conscience et qui seront exposées plus loin dans ce compte rendu, dans le chapitre VI, avec Vat Aills pour PJ.] Au fond, il tend à croire que la « fausse Lætitia Drescii », dans cette affaire, a calqué son comportement sur la « vraie », laquelle, au-delà de son image effacée, use en fait bel et bien des nombreux voyages de son époux Cassiano pour jouer la négociatrice matrimoniale, dans des affaires discrètes impliquant les Maisons Ophélion et Kenric. Dès lors, il s’agissait sans doute de jouer pleinement son rôle – et jusque dans les hypothèses qu’elle avait soumises à Németh. Mais cela ne fait que confirmer que les imposteurs connaissaient très bien les « vrais » Drescii, dont les attributions en la matière ne sont certainement pas notoires…
[III-3 : Németh : Taharqa Finh, Nofrera Set-en-isi, Abaalisaba Set-en-isi, Namerta] Németh ne pouvant en apprendre davantage sur cette question pour l’heure, elle se repenche donc sur l’organisation de son colloque à l’Université de Memnon, et les entretiens préalables qu’elle compte avoir avec certains scientifiques ; Taharqa Finh est en route, qui devrait arriver le lendemain dans la matinée, mais Németh souhaite aussi s’entretenir avec l’océanologue Nofrera Set-en-isi, cousine d’Abaalisaba Set-en-isi – le chef de la Maison mineure la plus récente sur Gebnout IV (une création de Namerta, en guise de récompense), fin diplomate, un historien à l’origine, spécialiste du Jihad Butlérien, devenu au fil des procès devant la CHOM l’avocat attitré de la Maison Ptolémée. Németh, quand elle travaillait sur l’aménagement des deltas, était déjà entrée en relation avec Nofrera : elle n’est pas tout à fait une amie, mais probablement plus qu’une subordonnée. S’entretenir avec Abaalisaba pourrait aussi s’avérer pertinent… Elle souhaite le mettre au courant de ses projets – et des soucis juridiques que cela pourrait susciter, notamment vis-à-vis de la Guilde. La maison-mère Set-en-isi se trouve à Memnon – mais mieux vaudrait s’entretenir de tout cela en tête à tête : Abaalisaba viendra lui aussi à Cair-el-Muluk.
[III-4 : Németh] Mais Németh, globalement, se sent tristement impuissante – sa fébrilité n’y change rien… Elle envisage de se promener incognito dans les rues de Cair-el-Muluk, pour tâter le pouls des sujets – et sortir un peu de ce fichu Palais…
IV : AU CAFÉ DU COMMERCE
[IV-1 : Bermyl : « Lætitia Drescii »] Bermyl suppose également que traquer les rumeurs dans les rues de Cair-el-Muluk serait également à propos. Soignant sa couverture, l’assassin use de protocoles mis en place de longue date pour gérer des situations de ce genre. Il pense savoir où aller à la pêche aux informations – concernant les rumeurs sur le retour des morts, qui semblaient bénéficier d’un net soutien de la population ; par ailleurs, il s’agit de déterminer aussi si la fausse « Lætitia Drescii » joue un rôle dans tout cela. Travailler à nouveau sur le terrain, plutôt que dans l’ambiance délétère du Palais, n’est pour le coup pas pour lui déplaire…
[IV-2 : Bermyl] Bermyl se rend dans un troquet populaire – mais prend d’abord bien soin de s’assurer qu’on ne le suit pas, en faisant des détours appropriés. Il ne remarque rien de spécial…
[IV-3 : Bermyl : Namerta, Ipuwer] Bermyl arrive dans le café – populaire, avec une clientèle d’habitués qui vont boire un verre entre eux en sortant du travail. Bermyl y constate une nouveauté : un portrait de Namerta est affiché au-dessus du bar – ce n’est pas forcément un signe de ralliement politique à proprement parler, mais ça n’en est pas moins inédit à sa connaissance, et cela attire donc forcément son attention. Capter des propos au vol ne donne pas grand-chose – café du commerce, avec quelques récriminations d’ivrognes sur l’incompétence et le ridicule d’Ipuwer (et beaucoup de gaudriole sur ses histoires de fesses : une grognasse destinée au siridar-baron en a eu marre et s’est déjà barrée après quelques jours à peine, il en reste deux autres, à voir combien de temps elles tiendront, etc.). Il faudra aiguiller les conversations pour obtenir quelque chose de solide – mais Bermyl repère ainsi des clients naïfs qu’il devrait pouvoir manipuler.
[IV-4 : Bermyl : Ipuwer, Namerta] Bermyl s’insinue dans un petit groupe informel et engage la conversation avec un des railleurs d’Ipuwer – il joue au commerçant venu d’ailleurs, un peu candide dans les rues de Cair-el-Muluk. Bermyl sait gérer cette population, il sait trouver les mots – et peut orienter la discussion. Il commence par parler de jeux et paris, on évoque ouvertement des combats de varans, censément interdits, mais très courus. Des pochards se disputent gentiment sur leurs « champions » favoris… Puis Bermyl, une fois intégré, détourne la conversation sur le portrait de Namerta affiché au-dessus du comptoir – ça ne se fait pas, là d’où il vient… Une décision du patron – normal qu’on préfère le vieux à son crétin de fils… Namerta, c’était un homme digne et droit, fidèle à sa femme, tout ça ; alors qu’Ipuwer, qui glande à côté de sa piscine avec ses putes – oui parce qu’il en fait venir dans le Palais, et jusque dans la salle du trône ! Etc.
[VI-5 : Bermyl] Mais le coin est-il sûr ? Parce que Bermyl a entendu parler d’une émeute, ou une intervention de la police, dans le coin… Pas seulement la police : ces connards de la haute ont carrément envoyé l’armée ! Et c’est passé pas loin, à deux doigts de l’émeute – qui aurait été sévèrement réprimée par ces « fascistes » (un terme équivalent…). Mais pourquoi, qu’est-ce qui s’est passé ? Certains autour de Bermyl commencent à se montrer un peu méfiants… Mais un type un peu plus éméché est tout prêt à édifier « l’étranger » : c’est par rapport aux morts… Bermyl dit qu’il en a entendu parler, mais sans y croire. Si ! L’interlocuteur les a vus ! Ce ne sont pas juste des rumeurs, c'est la vérité… Et puis c’est bien qu’ils reviennent, parce qu’ils sont plus sages ! Ça, c’est le truc d’Osiris, il juge les morts, et il leur donne la sagesse, et maintenant il les renvoie, et tant mieux : ils savent beaucoup mieux que tout le monde ce qu’il faut faire !
[VI-6 : Bermyl : Namerta, Ipuwer] Bermyl joue l’incrédule – glissant qu’il avait entendu quelques choses à propos du retour de Namerta lui-même, mais bon… Mais l’autre est on ne peut plus sérieux – ça, les médias aux mains des Ptolémée ne le diront pas, bien sûr, mais ils ne peuvent pas tout contrôler, avec leur pensée unique… Il a vu Namerta – il l’avait déjà vu avant, de loin, dans des cérémonies… Mais là, maintenant, ça l’a changé : il est plus proche des gens, en fait, il ne se cache plus derrière un cordon de sécurité, il est vraiment au contact des habitants… C’est un vrai baron, au côté de son peuple ! Bon, lui ne lui a pas serré la main… Mais il en connaît qui l’ont fait ! Et ça, jamais avec Ipuwer… Probablement pas non plus avec le Namerta « d’avant », d’ailleurs – mais maintenant, si ! Bermyl joue le naïf fasciné par ce qu’on lui raconte – il aimerait bien le voir, lui aussi… On peut le rencontrer partout ? Non, pas forcément… Il est prudent : il sait que les services des Ptolémée le traquent, et veulent faire taire ses fidèles, les enculés d’oppresseurs… Il ne planifie pas ses apparitions – il est pas en campagne électorale, quoi, de toute façon c’est déjà lui le baron… Il choisit toujours les bons endroits, en tout cas. La tablée est enthousiaste – elle n’a aucune raison de suspecter a priori Bermyl, mais il sent qu’il ne faut pas trop insister sur ces « bons endroits », de crainte de les voir se fermer de nouveau.
[IV-7 : Bermyl : Namerta] Bermyl avait remarqué quelqu’un, à une autre table, qui suivait vaguement leur conversation ; il les rejoint, et dit à Bermyl : « Moi, je sais où le voir, Namerta… De source sûre… Juste dans quelques heures… » Il désigne une sorte de tout petit jardin public, de quartier, que Bermyl identifie – sans le montrer, bien sûr. Vers 22 h ou 23 h, Namerta sera là-bas : Bermyl pourra le voir. L’assassin, ravi, offre une tournée générale – il avait évoqué des soucis financiers en engageant la conversation, mais une bonne nouvelle pareille, ça le justifie bien ! Les clients du bar sont ravis – et tout sauf suspicieux, l’ambiance est à la joie, on ne peut plus naturelle. Bermyl devine une occasion unique – il sait qu’il ne faut pas insister de peur de tout gâcher. En fait, il comprend que l’homme qui l’a accosté l’a fait parce qu’il avait entendu Bermyl dire qu’il n’avait jamais vu Namerta – et, de sa part, c’est une forme de prosélytisme : il faut convaincre les sceptiques, les amener à embrasser la cause… Ceux qui ont déjà vu Namerta, pour l’heure, n’ont pas à le revoir – l’homme, par contre, y conduira des personnes qui ne l’ont jamais vu, parmi lesquels Bermyl, ce petit jeune d’une autre ville.
V : FLEURETS PAS SI MOUCHETÉS
[V-1 : Ipuwer : Mandanophis Darwishi, Anneliese Hahn ; Clotilde Philidor] Ipuwer congédie Mandanophis Darwishi : il est temps de rencontrer Anneliese Hahn. L’invitée a la bougeotte, mais les gardes renseignent Ipuwer, qui sait donc à peu près où la trouver. Il tombe sur elle dans un long couloir – en train de faire du gringue à un garde, et en y allant comme une bourrine : à l’opposé de sa cousine Clotilde Philidor, elle est garçonne et même vulgaire.
[V-2 : Ipuwer : Anneliese Hahn ; Ludwig Curtius] Ipuwer s’arrête à côté, sans se signaler, et suit la conversation – qu’Anneliese Hahn n’avait certainement pas interrompue : elle ne prête pas la moindre attention à Ipuwer, concentrée qu’elle est sur le garde – un beau jeune homme musculeux… Le garde s’est raidi en apercevant Ipuwer, et n’ose rien dire. Éclatant de rire, Ipuwer pose sa main sur son épaule, et l’invite à répondre aux compliments de la demoiselle… mais c’est Anneliese Hahn qui répond – sèchement : « Pardon, mais je suis occupée, là… » Ipuwer éclate à nouveau de rire : il ne faisait qu’encourager son subordonné à lui répondre avec plus de ferveur… Subordonné ? Ah ! C’est donc lui, le baron ? Elle a enfin l’honneur de faire sa connaissance ? Ipuwer exécute une courbette, devant la jeune femme moqueuse – elle avait failli attendre… Oui, le voilà de retour – des affaires militaires l’occupaient jusqu’alors… Très bien ; et il a des projets ? Bien sûr, nombreux… Certains la concernent, d'ailleurs. Tant mieux : elle avait elle aussi un projet le concernant ! Ipuwer suppose qu’ils pensent bien à la même chose… Anneliese Hahn acquiesce – mais la différence, dit-elle, c’est qu’elle a raison quand elle dit qu’elle va lui mettre une branlée. Ipuwer dit aimer voir de la belle escrime… Hein ? Ah, oui, il n’y a guère de bretteurs de talent par ici – pas comme sur Delambre… Mais ça, il en a sans doute une vague idée ? Ipuwer a pu être bon dans sa jeunesse, on le dit – mais ici, il n’avait personne avec qui s’entraîner, alors… Ipuwer concède qu’il y a bien ce brave Ludwig Curtius, mais qu’on s’en lasse un peu. Certes – et puis il est vieux… Ipuwer est-il capable de vaincre quelqu’un qui ne serait pas un grabataire ? À ce qu’on en dit, oui. Mais qui ça ? Ses serviteurs, qu’il paye grassement pour s’assurer de leurs flatteries ? Elle imagine très bien le quotidien du siridar-baron – au bord de la piscine, moquette à l’air, avec de jeunes filles à forte poitrine qui lui promènent un éventail démesuré sur la gueule… C’est comme ça qu’il s’entraîne à l’escrime… Ipuwer, rieur, concède qu’il y a du vrai dans tout cela. Certes, il est déjà baron, alors… Mais elle ? Elle s’entraîne donc en draguant tout ce qui a trois pattes ? Oui, on peut dire ça : elle fait avec les possibilités de s’entraîner – visiblement, pour l’escrime, ce n’est pas tout à fait ça, alors elle cherche à s’occuper d’une autre manière, c’est une autre forme d’ « entrainement »… Mais justement ! Anneliese Hahn regarde tout autour – c’est pas mal, ici… Ipuwer affirme que, si cela lui convient à elle, celui lui convient également à lui – d’ailleurs, c’est l’aile Est, on peut y aller… Très bien ! Pourquoi parlent-ils, alors ?
[V-3 : Ipuwer : Anneliese Hahn] Anneliese Hahn s’éloigne à quelque distance, pour le salut, et actionne son bouclier Holtzman. Ipuwer fait de même. Dès qu’il dégaine, il ne rit plus – il est maintenant parfaitement concentré, parfaitement sérieux. Il dit au garde de s’éloigner, puis s’adresse à Anneliese Hahn : « Jusqu’au premier sang ? » Oui, cela paraît raisonnable… Et puis ça ne va pas durer longtemps, comme ça… Anneliese Hahn exécute son salut – mais sans y mettre de la conviction, simplement parce qu’il faut le faire… Ipuwer est bien davantage convaincu et attentionné, et il active à son tour son bouclier Holtzman. Tous deux ont un sabre et une main-gauche. Anneliese Hahn fait quelques petits moulinets d’échauffement, elle ne lance pour l’heure pas d’assaut ; Ipuwer de même, c’est rituel. Mais Anneliese Hahn abaisse alors son arme et s’avance sur Ipuwer sans prendre la moindre mesure pour se défendre : c’est clairement de la provocation. Ipuwer, lui, reste sérieusement en garde. Elle s’arrête juste à la bonne distance pour qu’Ipuwer lance un assaut, sans rien faire de plus. Ipuwer reste en garde. Pour le coup, même si ce n’est pas son fort, il est plus discipliné qu’elle… Elle se lasse, se remet vite en garde et tente aussitôt une botte. Plus vive qu’Ipuwer, pourtant pas manchot, elle prend l’initiative, perce la défense pourtant élaborée de son adversaire, traverse à la meilleure vitesse son bouclier Holtzman – une simple estafilade… Mais le duel étant au premier sang, Anneliese Hahn l’a emporté. Une simple touche, sans fioritures… Qui participe de la démonstration, tant cette simplicité n’est pas sans élégance – et tranchant sur la vulgarité habituelle de la jeune femme. Ipuwer, dès cette simple passe, peut juger que l’escrimeuse est bien aussi talentueuse qu’on le dit – et sans doute plus que lui-même…
[V-4 : Ipuwer : Anneliese Hahn] Ipuwer félicite son adversaire – sa rapidité d’exécution dépasse toutes ses attentes. Anneliese Hahn répond : « Votre incapacité à vous défendre dépasse toutes les miennes… » Mais Ipuwer promet de remettre ça. Remettre ? Il aurait déjà fallu commencer… Anneliese Hahn se dit déçue – très déçue… Et ça se voit sur son visage : cette fois, ce n’est plus simplement de la morgue, c’est une véritable déception. Malheureusement, Ipuwer a bien des choses à faire, et ne peut pas consacrer les jours qui viennent à la pratique de l’escrime… C’est donc qu’il est un pleutre, en plus d’être incompétent ? Si le baron veut bien l’excuser, elle va voir si elle est en mesure de dégoter un homme dans le coin… Ipuwer lui dit simplement de ne pas trop fatiguer ses gardes, mais elle ne l’écoute plus ; elle hésite en passant devant le garde qu’elle draguait quand Ipuwer est arrivé, et qui a assisté à la scène… Mais non, il n’est pas assez intéressant – elle va voir ailleurs.
VI : VOYEZ !
[VI-1 : Vat : Hanibast Set] Vat, rentrant de son excursion, retourne à son hôtel, pour voir dans quel état se trouve Hanibast Set. Il est vaguement réveillé, mais vaseux. Par contre, il ne marmonne pas sans cesse – pour le moment du moins ; il n’est pas au mieux de ses capacités, mais moins sous l’emprise d’un « Gel du Mentat » envahissant.
[VI-2 : Vat : Hanibast Set ; « Cassiano Drescii »] Vat sait que le Mentat n’est pas en état de se livrer à une computation. Mais comment se sent-il ? Avait-il conscience de ce qu’il marmonnait la veille ? Et qu’est-ce que cela veut dire ? Hanibast hésite un peu – il tend à fermer les yeux pour se concentrer, ce qu’il ne fait pas dans son état normal, mais Vat l’avait vu faire la veille. Hanibast dit enfin qu’ « Ils » l’ont piégé. Qui ? Il ne le sait pas avec certitude. Mais ils ont… des méthodes… C’est le texte. Que veut-il dire ? Il n’a jamais été confronté à une chose pareille, mais le texte était infecté, il était piégé… Quel texte ? Hanibast prend sur lui pour répondre… mais dérape en dépit de ses efforts : « VOYEZ ! C’EST NUIT DE GALA… » Il se contient, cependant, et parvient à ne pas sombrer à nouveau dans la boucle. Le texte… Cassiano ! Le faux ! Hanibast bafouille – il fait de gros efforts pour se concentrer, dire certaines choses… et sans doute tout autant ne pas en dire d’autres. C’était quelque chose que « Cassiano » avait écrit ? Oui… Toujours la même chose, en fait, sur des pages et des pages… Mais avec des séquences, des altérations, des interpolations… Plus de la littérature, mais des mathématiques… Des strophes décalées, ou des vers, ou des lettres, selon des équations complexes, mais correspondant pourtant à un schéma… et ce schéma était un piège. Pas une rhétorique – une maïeutique ? Peut-être un peu plus… Mais avant tout comme un virus – un virus contaminant le texte, mais qui n’affecte que ceux qui sont en mesure de comprendre qu’il y a un schéma, puis de comprendre le schéma en lui-même. Ils l’ont fait spécialement pour lui ! C’était spécifiquement conçu pour piéger le Conseiller Mentat, et le mettre hors-service ! Une dysfonction programmée… Vat lui demande si cela pourrait affecter tout lecteur, mais non – parce que seul un Mentat peut vraiment appréhender le texte : en fait, Hanibast a de lui-même recopié le texte sous-jacent, et, celui-ci, tout le monde peut le lire – le piège était dans l’agencement des séquences, dans le schéma… « V.. Voy… VOYEZ ! C’EST NUIT DE GALA… » Hanibast sombre à nouveau dans sa boucle, incompréhensible pour Vat en l’état.
[VI-3 : Vat : Hanibast Set : « Cassiano Drescii »] Vat le calme à nouveau, et parvient à le plonger une fois de plus dans le sommeil. Mais le Docteur Suk comprend que ce n’est pas tout à fait la même boucle que la veille – le poème dissimulé ne consiste plus en une unique strophe, même si sa récitation le rend incompréhensible ; Vat comprend que c’est maintenant le poème entier qui est récité – mais il ne lui dit rien, surtout sous cette forme. Des mots reviennent assez souvent : « mimes », « marionnettes », « dieu »… Certains qualificatifs sont particulièrement marqués – comme si on entendait des majuscules. « Ver », « anges », « fantômes », « l’Homme »… Mais tout ce mélange sans cesse, dans des séquences donnant une impression de désordre – Hanibast Set n’a pas été en mesure de réciter le poème de manière cohérente. En fait d’ « écriture automatique », celle-ci ne consistait pas, pour « Cassiano Drescii », à écrire la première chose qui lui passait par la tête – ou plutôt si, mais ce qui lui passait par la tête résultait alors d’un conditionnement spécifique destiné à mettre en place le schéma pour piéger un Mentat qui aurait la curiosité de traquer un sens sous-jacent aux pages pondues par dizaines, centaines, voire milliers, qui ne contenaient rien d’autre et n’avaient pas d’autre but.
[VI-4 : Vat : Hanibast Set] D’où le « Gel du Mentat » menaçant Hanibast Set – ses fonctions cérébrales sont endommagées par la répétition, sans cesse, du schéma piégé, sous la forme d’un poème altéré mathématiquement. Le Docteur Suk est alors en mesure de comprendre comment éviter le « Gel du Mentat »… mais la solution n’est guère plus profitable aux besoins des Ptolémée, puisqu’elle implique de laisser Hanibast Set se reposer et procéder à une introspection à même de le purger de la boucle parasite. Combien de temps cela prendra-t-il ? Il faudrait en tout cas le placer dans une unité psychiatrique adéquate – à Cair-el-Muluk il s’en trouve notamment une de petite taille, destinée à accueillir une patientèle très limitée, très « select », qui devrait faire l'affaire.
[VI-5 : Vat : Németh, Ipuwer, Hanibast Set] Vat envoie une note à Németh et Ipuwer pour leur expliquer l’état du Conseiller Mentat, qu’il faut envoyer de toute urgence dans la clinique spéciale – il va s’en charger.
VII : APPARITION AU JARDIN DES OLIVIERS
[VII-1 : Bermyl : Namerta] Bermyl a patienté dans le troquet – en feignant de boire, il s’agissait de conserver ses capacités –, dans l’attente de partir pour rejoindre le petit jardin de quartier où doit apparaître Namerta dans la soirée. L’homme qui doit le conduire sur place, et qui l’a informé, n’est clairement pas un citoyen lambda : c’est une sorte d' « apôtre », à la fonction prosélyte ; il a accosté deux autres personnes, qui les suivront également.
[VII-2 : Bermyl] Le petit groupe se rend au parc indiqué, la promenade est joyeuse et d’un pas tranquille – il y a de l’excitation dans l’air, mais sans que cela devienne une pression inconfortable… D’autres « prosélytes » s’y rendent visiblement, accompagnés chacun de deux ou trois personnes, pas plus. Arrivés sur place, ils s’assoient sur des bancs, et patientent dans une expectative enthousiaste.
[VII-3 : Bermyl : Amenemef] Bermyl guette les têtes connues aux alentours – il reconnaît vaguement quelqu’un, un des « prosélytes » ; son nom lui échappe longtemps, il ne sait d’abord pas d’où il le connaissait, mais il lui revient en tête qu’il s’agissait d’un petit trafiquant du nom d’Amenemef, qui avait eu affaire aux services de sécurité des Ptolémée, et qui s’était attiré l’ire, redoutable, de la Maison mineure Nahab – or cet homme était mort, aucun doute à cet égard… Mais il est bien là, en chair et en os. A priori, il n’y a cependant aucune raison pour qu’il reconnaisse Bermyl. Ce dernier n’est cependant guère à l’aise – envisageant même que ces « morts ressuscités » aient acquis à leur retour, outre leur sagesse proverbiale, des capacités spéciales, peut-être d’ordre extrasensoriel… De cela, il ne peut rien dire ; par contre, la « sagesse » attribuée aux morts revenus le frappe dans le comportement de cet homme, qui n’était autrefois qu’une vulgaire petite frappe, mais qui dégage maintenant une aura de sérénité assez étonnante : le petit trafiquant est devenu un apôtre – et son comportement le renvoie aux « porte-paroles » auto-désignés de l’abattoir, qui dégageaient une même aura posée et digne.
[VII-4 : Bermyl : Namerta] Mais il n’y a pas vraiment de conversations – tout le monde est dans l’attente. Et Bermyl comprend qu’outre les « prosélytes », les individus rassemblés dans le parc, tous, n’ont jamais vu Namerta – à l’évidence, personne n’aurait osé mentir pour voir de nouveau le siridar-baron ressuscité. Un constat, qui, d’une certaine manière, met Bermyl mal à l’aise… La curiosité est de la partie, mais aussi chargée d’espoir : personne ne triche, tout le monde veut voir – pour être bien sûr d’avoir raison de croire, et, peut-être, propager de manière plus assurée la bonne parole.
[VII-5 : Bermyl : Namerta] Bermyl n’y a pas prêté attention – et s’en veut quand il s’en rend compte –, mais un homme est apparu à l’autre bout du parc, vêtu de noir et la tête dissimulée sous une sorte de capuche. Il reste debout. De manière instinctive, les « prosélytes » et leurs « disciples », dont Bermyl, forment comme un demi-cercle autour du nouveau venu – et Bermyl comme les autres comprend bel et bien instinctivement quelle est sa place, ce qui, là encore, le perturbe un peu. Il joue le jeu. L’homme retire sa capuche… et Bermyl le reconnaît : c’est bel et bien Namerta. Un homme dont Bermyl est bien placé pour savoir qu’il est mort… Il a des nœuds dans l’estomac : c’est exactement Namerta. Ou plutôt, pas tout à fait : ça, c’était au premier regard, et l’image est saisissante ; mais, en s’y attardant, il y a de subtiles différentes – il a l’air plus jeune… Namerta, de son vivant, avait un régime d’épice, et, quand il est mort, à l’âge de 57 ans, il n’avait rien d’un vieux croulant – mais, là, il donne l’impression d’avoir 35 ans, 40 tout au plus… Pourtant, c’est bien lui – aucun doute. Et son charisme n’en ressort que davantage ; Bermyl n’y est certainement pas insensible.
[VII-6 : Bermyl : Namerta] Namerta, après avoir ôté sa capuche, a balayé l’assistance du regard ; Bermyl a compris, même si ça n’a pas duré deux secondes, qu’il s’est un peu attardé sur lui – et qu’il l’a reconnu. Il ne dit rien pour autant, et regarde les autres. Les « disciples » sont fascinés – ils ne disent pas un mot non plus. En fait, ils ne s’attendent probablement pas à un sermon, ou quoi que ce soit de ce genre : ils sont venus pour voir… et ils ont vu. Le spectacle ne les déçoit certainement pas, il comble pleinement leurs attentes. Personne ne s’avance ou ne tente de prendre la parole.
[VII-7 : Bermyl : Namerta ; Ipuwer] Bermyl hésite sur la conduite à adopter… Mais s’avance enfin de quelques pas à peine – personne ne fait le moindre geste pour l’arrêter. À mi-voix, il dit : « Namerta, notre siridar, c’est bien vous ? C’est extraordinaire ! Vous êtes revenu… » Mais Namerta, sans se montrer brusque, répond avant qu’il ait achevé sa phrase : « C’est bien moi, Bermyl. » Mais comment est-ce possible ? Bermyl relève que le mort a employé son nom, mais en rajoute dans l’émerveillement – au fond, toutefois, il n'a guère à se forcer : il est bien affecté par ce spectacle et le charisme du siridar-baron défunt… qu’il ne peut s’empêcher de comparer à son fils Ipuwer. Namerta lui parle – il lui sait gré d’avoir déployé tous ces efforts pour tenter de le sauver, le jour fatidique, avec le chercheur-tueur… Il dit savoir que Bermyl est un homme profondément loyal, digne et droit, et le remercie pour tout ce qu’il a fait. Il est mort… mais ne dira pas : « Hélas ! » Il est mort, oui, et il a vu des choses… et il est revenu… et les choses vont changer. Bermyl lui demande ce qu’il peut faire pour l’assister – lui qui est en disgrâce à présent aux yeux de son fils, et sans doute le sait-il… Namerta lui répond avec un sourire profondément aimable, sans arrière-pensées ironiques ou quoi que ce soit – il semble véritablement heureux de le revoir. Mais, sans en dire davantage, il balaye de nouveau des yeux l’assistance, remet sa capuche et s’en va…
[VII-8 : Bermyl : Namerta, Ipuwer] Namerta a prononcé son nom, proclamé qu’ils se connaissaient, « d’avant »… Bermyl en a bien conscience, et redoute la réaction des autres « disciples » ou « prosélytes »… Il tâche de s’éclipser discrètement et au plus tôt, en restant aux aguets. Le nom de Bermyl, prononcé devant un quidam, peut évoquer le rôle qu’il prétend incarner au quotidien – celui de troubadour… et ce même si, à l’instant, il se faisait passer pour un commerçant d’une autre ville. Mais Namerta a évoqué « ses efforts », mentionnant même le « chercheur-tueur »… Ce qui ne relève guère des attributions d’un barde. C’est bien ce qui inquiète Bermyl – qui a cependant évoqué de lui-même sa « disgrâce » supposée aux yeux d’Ipuwer. Heureusement, l’assistance est fascinée – elle n’a peut-être pas retenu son nom. Les « prosélytes », eux, l’ont sans doute remarqué – ou ont du moins compris qu’il avait un lien avec Namerta ; mais sans hostilité pour autant, même au regard de son mensonge pour venir ici : Namerta lui-même, après tout, a remercié Bermyl pour sa tentative de lui sauver la vie ! Ce qui demeure admirable – même si, en définitive, la mort a été un bienfait. D’une certaine manière, Bermyl a été « béni » par Namerta !
[VII-9 : Bermyl : Amenemef] Bermyl ne s’éloigne pas trop, cependant – peut-être pourrait-il pister les « prosélytes » ? Mais ils partent tous dans des directions différentes… Bermyl choisit cependant de suivre Amenemef – et sans forcément se cacher, à vrai dire. Amenemef, qui jette de temps en temps un regard en arrière, sait que Bermyl le suit, mais cela ne lui pose a priori pas le moindre problème. Mais il ne le conduit pas à une sorte de « quartier-général » ; il retourne simplement chez lui – ou ce qui était « chez lui » de son vivant.
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