Barbarians of Lemuria
Barbarians of Lemuria, Ludospherik, 2016, 212 p.
DON’T BELIEVE THE HYPE ?
Ça ne m’arrive pas tous les jours, mais là j’ai succombé à la hype rôlistique (celle du forum Casus NO, du moins).
Ces derniers mois (vraiment les tout derniers, le bouquin, dans le cadre d’un financement participatif vite livré, est paru en décembre 2016), cette nouvelle édition française du jeu de rôle de Simon Washbourne Barbarians of Lemuria, dite « Mythic » comme la réédition anglaise sur laquelle elle se base, a beaucoup fait parler, et systématiquement en bien, voire très bien, voire plus encore.
Je suis passé à côté de la chose pendant un moment, mais c’était peine perdue : à terme, l’enthousiasme unanime (à une exception près, eh eh…) pour le jeu ne me permettait pas de lui échapper. Curieux, puis séduit, je me suis procuré la chose, et n’ai finalement guère tardé à la lire, contrairement à mes habitudes… d’autant que je l’ai lue très vite, j’entends par-là qu’une fois entamé, je n’ai plus lâché le bouquin – et ça c’est pas tous les jours, en jeu de rôle…
SWORD & SORCERY
Je n’avais qu’une vague idée, à la base, du contenu… Même si le thème ne faisait guère de doute : Barbarians of Lemuria ? C’est forcément un jeu de sword & sorcery, hein.
Eh bien, oui… Le jeu convoque aussitôt toute une imagerie héritée de Conan ou du « cycle des épées », entre autres – avec éventuellement aussi de la « Terre mourante » (avec moins d’humour), et bien d’autres choses tout aussi colorées.
…
Et parfois un peu effrayantes ? La première version de Barbarians of Lemuria s’inspirait en effet du Thongor de Lin Carter – le genre de bouquins que je n’ai a priori pas du tout envie de lire : le bonhomme a semble-t-il été un éditeur très important dans le domaine de la fantasy, mais, en tant qu’écrivain, pour ce que j’en ai tâté… Une chance que Simon Washbourne n’ait pas pu en récupérer les droits, alors ? Il a dû livrer son propre univers, du coup – pas forcément grand-chose d’original dans tout ça, et c’est peu dire, mais ce n’est sans doute pas le propos : les codes sont partie intégrante du projet, après tout.
Quoi qu’il en soit, ce background participe en fait de la singularité de Barbarians of Lemuria, en tant que « jeu complet » plutôt que système générique destiné à jouer sword & sorcery – ou plus exactement disons que l’on peut envisager ensemble ces usages alternatifs.
Le genre sword & sorcery est par ailleurs plus que correctement disséqué dans le livre, en quelques pages simples mais pertinentes (avec quelques retours ultérieurs en temps utile), détaillant pour ceux qui ne sauraient pas trop dans quoi ils s’engagent, ou rappelant sans les saouler aux vieux briscards, ce qui fait l’essence du genre – des personnages rugueux et d’une moralité douteuse, engagés non dans quelque affrontement eschatologique mais dans la seule survie au quotidien, déjà assez compliquée comme cela dans un monde violent, des héros picaresques, par ailleurs, qui changent de « profession » comme de chemise, et qui luttent, mais par la force des choses, contre quantités de monstres improbables (avec ici une prédilection pour les « dinosaures ») et à peine moins d’odieux sorciers que leur connaissance des arcanes a irrémédiablement corrompu… Si quelques développements complémentaires, sur la place des femmes par exemple, sont peut-être à débattre, ça demeure globalement du bon boulot.
Une précision quand même à cet égard : si le jeu a donc une orientation sword & sorcery marquée, il laisse la porte ouverte à quelques variantes un peu plus personnelles, peut-être, mais à la discrétion du MJ et de ses joueurs. Par exemple, il autorise, même si avec des précautions, les joueurs à incarner des personnages non humains (mais, dans la plupart des cas, ça ne me paraît pas une très bonne idée…), et même à incarner des sorciers, le cas échéant, alors qu’ils sont typiquement cantonnés au seul registre antagoniste dans les classiques du genre… mais les PJ désireux de se livrer à des rites impies devront bel et bien faire face à la corruption qui va avec ce statut.
UN DE PLUS ?
Alors, vous me direz : un jeu de sword & sorcery de plus ? Eh bien, oui… Mais qui a sa valeur propre.
Il est vrai que j’avais déjà des choses du genre chez moi, à lire (Conan d20…) ou déjà lus (La Lune et Douze Lotus…). Mais Barbarians of Lemuria me paraissait, au vu des retours, constituer précisément l’entre-deux que je recherchais, l’équilibrage entre patine sword & sorcery travaillée, et mécanique simple.
J’avais vraiment beaucoup aimé à la lecture La Lune et Douze Lotus, et vous le recommande toujours, mais je me suis rendu compte que je ne savais pas vraiment comment m’y prendre avec (et avec qui y jouer, le cas échéant) ; rien n’est exclu pour la suite, mais, donc, ça m’autorisait à fouiner ailleurs au cas où – d’autant que le Conan d20, à l’autre bout du spectre en termes de mécanique, prenait la poussière dans ma ludothèque, mais justement parce que je n’avais guère de doutes quant au fait que je ne pourrais probablement jamais jouer sur cette base OGL 3.5, j’avais déjà donné à la lecture de Pathfinder – un boulot fascinant, oui, incontestablement « bien fait », mais beaucoup trop « simulationniste » pour ma pomme, je ne peux tout bonnement pas gérer tous ces paramètres, je ne suis pas câblé pour…
Ce que je cherchais, je crois, c’était un système simple mais pas simpliste, avec une fiche de perso tenant en quelques items mais (et c’est un « mais » crucial) suffisante pour exprimer néanmoins une personnalité véritablement singulière, et des règles adaptées, rapidement intégrées, et privilégiant la souplesse, mais (même chose pour ce nouveau « mais ») sans verser pour autant dans l’arbitraire ou le laconisme.
Et j’ai peut-être bien trouvé ça…
UN BOULOT IRRÉPROCHABLE
Mais là il me faut commencer par parler de la forme.
Ce nouveau Barbarians of Lemuria bénéficiait de louanges unanimes quant à la qualité du produit livré (et rapidement livré – d’autant plus, si ça se trouve) ; on vantait notamment les illustrations d’Emmanuel Roudier (connu notamment pour Würm, que j’ai mais n’ai toujours pas lu, honte sur moi), qui s’est chargé de mettre en images l’intégralité du bouquin, et en abondance, même si sans excès : pile poil ce qu’il faut, là encore. Si je n’irais pas jusqu’à partager l’orgasme de certains commentateurs enthousiastes, je ne peux que reconnaître (et m’en féliciter) que c’est effectivement un très, très bon boulot – et, en fait, je pourrais reprendre cette réponse pour l’appréciation globale du jeu, en définitive… Mais, pour l’heure, restons-en à l’objet livre : côté illustrations (et mise en page, tant qu’on y est), il est beau de part en part, lumineux et aéré, et sait user au mieux de son format A4 noir et blanc pour incarner son propos avec pertinence, sagesse et qualité.
La finition est remarquable bien au-delà : nous avons là un jeu visiblement bien écrit, assurément bien traduit (éventuellement corrigé, ai-je cru comprendre, ou du moins réagencé pour une lecture plus fluide), bien relu et corrigé, et d’une lecture plus qu’agréable – un texte qui n’en dit à peu près jamais trop mais toujours assez, et qui sait habilement concilier mécanique et « illustration » pour exprimer au mieux la substantifique moelle du genre sword & sorcery, puisque tel est son propos ; « fluff » ou « crunch », comme disent les barbares (enfin, d’autres barbares…), c’est peu ou prou parfait.
Pourquoi m’étendre ainsi sur la question, avant même d’aborder le fond du bouquin ? Eh bien, parce que c’est un boulot irréprochable, d’une finition admirable, donc. Et peut-être d’autant plus dans la mesure où Ludospherik, qui publie le jeu, n’est à la base pas un éditeur, mais un site de vente en ligne ; sauf erreur, cette édition « Mythic » de Barbarians of Lemuria (dont une première édition française avait été publiée aux Livres de l’Ours en 2009) est le premier ouvrage publié par Ludospherik – et c’est une réussite sur toute la ligne : un livre bien écrit, traduit et relu, d’une lecture agréable et accrocheuse, enthousiasmante à chaque page, car elles débordent toutes d’idées et de concepts pertinents ; un livre aussi très joliment illustré et d’une manière on ne peut plus cohérente ; un livre enfin maniable et pratique, même sur une base (maudite !) de A4, avec une couverture softcover mais amplement assez rigide pour protéger les pages intérieures quant à elle d’un papier de qualité, sans pour autant ruiner les bras du lecteur guère porté sur la musculation…
Bien des éditeurs qui s’affichent comme tels pourraient en prendre des leçons, qui mettent sur le marché, et à quel prix, tant de livres traduits avec les pieds, jamais relus, bourrés de pains et j’en passe… Suivez mon regard – ou plutôt mes regards, parce qu’ils sont Légion, hélas.
Chapeau, donc, et longue vie à Ludospherik éditeur ! Bien du bonheur pour la suite !
UNE FICHE SIMPLE, UNE MÉCANIQUE SIMPLE
Mais j’en arrive (enfin) à la mécanique. La création des personnages doit probablement être envisagée en même temps que le système de base – plus encore que d’habitude, si ça se trouve, et je vais donc me livrer à quelques allers-retours dans les pages « techniques » du livre. Il est très bien ordonné, hein ! Ce n'est certainement pas L'Anneau Unique (dans sa première édition du moins)... Mais pour présenter la chose, je préfère ici faire à ma manière.
D'ailleurs, rendons-nous d’emblée à la dernière page. Un coup d’œil à la fiche de perso nous permet en effet déjà de prendre la mesure de la simplicité de la mécanique – qui n’est pas révolutionnaire à proprement parler, mais propose des solutions bienvenues pour concilier « tradition » et davantage de « modernité » (avec donc plein de guillemets aux deux). Tentons de disséquer tout ça.
LES ATTRIBUTS ET LES APTITUDES DE COMBAT
Nous avons tout d’abord quatre Attributs, qui sont, de manière assez classique, la Vigueur, l’Agilité, l’Esprit et l’Aura – les noms sont suffisamment éloquents. Mais ces Attributs servent pour les actions hors combat ; quand il s’agit de se latter la gueule, on se reporte en fait à quatre Aptitudes de Combat, indépendantes des Attributs, et qui sont l’Initiative, la Mêlée, le Tir et la Défense. Ces huit caractéristiques chiffrées ont comme de juste un niveau variable, mais généralement compris entre 0 et 3, 0 étant le score de l’humain lambda. Des scores supérieurs peuvent être envisagés, mais ils sont l’apanage des plus grands héros… ou antagonistes.
Concrètement, lors de la création de personnage, le joueur répartit quatre points dans les Attributs, et quatre points dans les Aptitudes de Combat, sur une base de 0. Le joueur peut choisir de diminuer une de ces caractéristiques à - 1 pour en augmenter une autre d’un point supplémentaire, mais ce n’est pas sans dangers…
LES CARRIÈRES
Il faut maintenant envisager les Carrières, qui sont probablement un des plus grands atouts de la mécanique de Barbarians of Lemuria, sans doute même le plus grand, à mes yeux de béotien du moins : c’est une solution que j’aurais envie de dire élégante (oui, même pour un jeu barbare, pourquoi pas), qui permet tout à la fois de dépasser un système rigide à base de Classes et d’éviter les fastidieuses et souvent redondantes listes de Compétences, mais (toujours ce « mais » crucial !) tout en laissant envisager sur la fiche même, dans sa technique, l’évolution complexe d’une personnalité, le passif du personnage, bien plus probablement que dans nombre de systèmes à base de Traits, sans même parler des mécaniques s’affichant minimalistes à cet égard, etc. J’avoue bien aimer quand il y a quand même un peu de chair et d’âme sur la fiche… Du coup, ça me paraît un très bon compromis.
Un personnage, au départ, choisit donc quatre Carrières (dans une liste de 26, avec des sous-catégories éventuelles) et investit quatre points dedans, ce qui détermine leur Rang (sachant qu’il y aura probablement des Carrières à 0, du coup, mais peu importe : même à 0, le personnage a quand même ladite Carrière, elle fait partie de sa personnalité et pourra, même à ce Rang le plus bas, lui bénéficier en certaines occasions).
Prenons à tout hasard… allez, OK, Conan. Il a beaucoup bourlingué… Au fil de sa tumultueuse carrière, il a à peu près tout fait – ou disons plus exactement qu’il a pu exercer plusieurs « professions », dont il a retiré un bagage global, qui lui est propre, et se distingue en tant que tel du bagage de tout autre personnage. Du coup, on va investir des points dans quatre Carrières : par exemple, mmmh, Barbare, OK, Mercenaire, Voleur, et, allez, Pirate.
Concrètement, ces expériences diverses sont chiffrées, elles ont un Rang, mettant en avant les apprentissages parallèles du héros. Notre Conan avait sans doute un bon score en Barbare à ses débuts, mais, depuis, ses autres Carrières ont pu évoluer davantage ; toutefois, si Amra le Lion a certes été Pirate, notre héros a globalement davantage été Voleur et Mercenaire. Disons, pour un personnage avancé (je distribue ici neuf points contre quatre à la création de personnage « normale », c’est un exemple un peu outré pour rendre le système plus parlant, et rien d’autre), disons donc Barbare 3, Mercenaire 3, Voleur 2, Pirate 1.
Ces Carrières lui offriront des bonus dans les actions qui peuvent s’y rapporter, ou, parfois, seront même nécessaires pour les autoriser (sans forcément qu’un jet de dés s’impose). Mais il n’y a pas de listes de quelque ordre que ce soit : c’est le bon sens qui tranche.
Par exemple, Conan, désireux de cambrioler la Tour de l’Éléphant, pourra bénéficier de sa Carrière de Voleur pour avoir un bonus à la discrétion, ou manier son grappin pour escalader la Tour. Peu après, contraint de fuir, des zélotes furieux aux fesses, il gagne précipitamment le port (ses Carrières peuvent d’ailleurs l’y aider, notre homme est pour le moins « physique »), et saute dans une embarcation : sa Carrière de Pirate, même limitée, lui permettra de manœuvrer le frêle esquif bien mieux que quiconque n’est jamais monté à bord d’un bateau… Peut-être même lui permettra-t-elle de s’orienter aux étoiles ? Ceci dit, il n’est pas aussi bon Pirate que Voleur : sa compétence en la matière est donc moindre que dans sa tentative de cambriolage de la Tour. Quelques épisodes plus tard, Conan, ayant finalement rejoint une troupe de mercenaires, saura user de son bagage afférent, conséquent, et obtenir ainsi un statut de vétéran, à même de donner les ordres pertinents pour que la racaille établisse le camp, pour disposer des sentinelles, etc.
J’aime beaucoup, vraiment : simple, pertinent, efficace. Pas de listes : du bon sens, et de la souplesse.
LES CARRIÈRES ET LE RESTE
Noter que la phase de définition des Carrières est clairement essentielle dans la création de personnage : il faut en fait commencer par en avoir au moins une vague idée, avant de déterminer tout le reste, globalement plus « fluff » (en dehors des Attributs et Aptitudes de Combat, bien sûr, mais ils sont intimement liés aux Carrières envisagées).
L’Origine culturelle, ainsi, a certes son importance, mais pas vraiment en termes techniques (sauf pour la détermination des Avantages et Désavantages, j’y arrive).
Noter à ce propos que les Origines prévues normalement sont humaines – il est possible, le cas échéant, de jouer des non-humains, comme les géants appelés Céruléens ou les Hommes-Oiseaux, mais c’est au choix du MJ et, si je salue cette ouverture, je doute d’en faire usage moi-même : à plein de niveaux, je trouve que ça ne colle pas.
Un dernier élément doit alors être pris en compte dans la création de personnage, qui est les Langues parlées et/ou lues par le héros, mais là encore il n’y a pas de dimension proprement technique.
Mais c’est bien la conjonction de tout cela, là encore avec les Carrières au premier chef, qui constitue le background du personnage : dans Barbarians of Lemuria, un PJ a forcément un passé, et des expériences diverses – et cela apparaît bien sur sa fiche. Ce que je souhaite de manière générale.
AVANTAGES ET DÉSAVANTAGES
Or reste un dernier point technique de la création de personnage, qui concerne les Avantages et Désavantages.
Ceux-ci, de manière générale, consistent pour l’essentiel à attribuer des dés de bonus ou de malus lors des actions, mais ils ont aussi régulièrement d’autres implications – jamais cependant au point de verser dans l’excès de précision justifiant toujours plus de règles spécifiques : un Avantage ou un Désavantage se résume en deux ou trois lignes, c’est amplement suffisant.
À la création de personnage, le PJ naissant bénéficie d’un Avantage gratuit, qu’il choisit dans une liste dépendant de son Origine culturelle (pas de Races ici, avec du + 2 en Force et - 4 en Intelligence, etc.). Par exemple, un natif des Montagnes de l’Axos, bien barbare comme il faut, peut choisir parmi « Colosse », « Cri de guerre », « Montagnard », « Ouïe fine », etc. Il peut ensuite prendre un Désavantage (dans la même liste : pour notre exemple, cela peut être, « Illettré », « Inadapté à la chaleur », « Méfiance envers la sorcellerie », etc.), qui l’autorisera à prendre un Avantage supplémentaire (cette fois dans la liste générale, pas uniquement dans celle de son Origine culturelle), et l’opération pourra être répétée encore une fois (en choisissant dans la liste générale, cette fois tant pour le Désavantage que pour l’Avantage) ; éventuellement, on peut jouer sur le niveau de Points d’Héroïsme (j’y viens, un peu de patience) à cet effet.
LE JET DE BASE
On en arrive au jet de base. Le principe est le suivant (hors combat, hein) :
1) On jette 2d6.
2) On y ajoute l’Attribut approprié : par exemple, si je veux convaincre une foule de faire quelque chose, je vais employer mon Aura ; elle est de 2, je rajoute donc 2 au résultat des 2d6.
3) On y ajoute ensuite, le cas échéant, une Carrière appropriée : pour poursuivre dans cet exemple, mon personnage dispose de la Carrière de Marchand au Rang 3, il est habitué à baratiner et à vendre des biens comme des idées, je rajoute donc encore 3 au résultat du jet ; noter qu’une autre Carrière pourrait être utilisée pour un effet comparable, comme Ménestrel, Noble ou Courtisane, ou d'autres encore, en fonction du contexte et de la manière dont s’y prend le joueur.
4) Enfin, à la discrétion du MJ, des modificateurs de circonstances pourront être appliqués à l’action : le héros veut calmer une foule avinée, c’est plus difficile, et donc - 1 ; au contraire, il jouit d’une certaine réputation dans ce quartier et est plusieurs fois venu en aide à ses habitants, qui lui en sont reconnaissants, c’est plus facile, et donc +2.
Et hop ! on additionne. Sur cette base, il s’agit d’obtenir 9 ou plus – et c’est toujours 9 ou plus, le seuil ne varie pas : si on y parvient, c’est une réussite, sinon c’est un échec. Hop ! vous dis-je.
Cas particuliers, mais tout à fait classiques : un 12 naturel est toujours un succès, un 2 naturel est toujours un échec. En usant des Points d’Héroïsme, dans une inspiration pulp et/ou épique, on peut obtenir des Succès dits Héroïques voire Légendaires, qui procurent des avantages marqués ; on peut aussi choisir de convertir un 2 naturel en échec critique, et d’en subir les conséquences pires encore que pour un échec simple, mais dans l'idée d'en retirer un avantage plus tard, sous la forme d’un Point d’Héroïsme gratos.
C’est aussi là que peuvent intervenir les Avantages et les Désavantages : si on a un dé de bonus (Avantage), on jette 3d6 au lieu de 2d6, et on conserve les deux meilleurs résultats ; si on a un dé de malus (Désavantage), on jette là encore 3d6, mais on conserve cette fois, bien sûr, les deux dés les plus mauvais. Rien de plus simple.
LE JET DE COMBAT
Et en combat ? C’est, dans les grandes lignes, la même chose – avec des petites variantes, mais rien de bien compliqué.
On détermine, une fois pour tout le combat en cours, l’initiative : 2d6 + Esprit + Initiative + modificateurs de circonstances éventuels. Globalement, les PJ sont un peu favorisés par rapport aux antagonistes – eh, ce sont des héros !
Quand vient son tour d’agir :
1) On jette toujours 2d6 (sauf bonus ou malus, voir plus haut).
2) On y ajoute en principe l’Agilité (mais le MJ peut décider que la Vigueur est plus appropriée, en fonction de l’attaque envisagée – par exemple, si Conan balance un coup de poing à un chameau de passage…).
3) On y ajoute ensuite l’Aptitude de Combat adaptée, soit Mêlée ou Tir.
4) On enlève la Défense de la cible.
5) Et le MJ ajoute ou soustrait des modificateurs de circonstance s’il le souhaite.
9 ou plus ? C’est un succès, etc.
On constate que, cette fois, les Carrières ne sont pas de la partie ; ce qui m’étonne un peu, à vrai dire… Même si, bien sûr, usant déjà d’un Attribut et d’une Aptitude de Combat dans le jet, et non d’un Attribut seul, on ne pourrait pas conserver le seuil de 9 en prenant en outre en considération une Carrière… Mais… Bon.
Le combat peut impliquer d’autres règles (de rares coups spéciaux, notamment), mais rien d’étouffant.
Notons seulement que les dégâts, suite aux attaques réussies, se répercutent sur une jauge de Vitalité, dont le score est de 10 + Vigueur. À la lecture de Barbarians of Lemuria, cette jauge semble bouger très vite, mais dans un sens comme dans l’autre (la récupération après chaque combat est déjà conséquente), ce qui contribue à conférer une certaine dimension pulp au jeu. On ne meurt par ailleurs pas à 0 (inconscience), mais à - 5 ; on est mourant de - 1 à - 4, et on perd alors 1 Point de Vitalité par round, jusqu’à stabilisation… ou mort ; mais c’est là, entre autres, qu’interviennent les Points d’Héroïsme.
LES POINTS D’HÉROÏSME
Les PJ disposent d’une jauge de Points d’Héroïsme, en évolution constante (les PNJ n’en ont normalement pas, mais les plus puissants d’entre eux, les Rivaux, ont une jauge de Points de Vilénie aux effets comparables).
En principe, au départ, les joueurs ont 5 de ces points (éventuellement moins en raison de traficotages dans les Avantages et Désavantages) ; ce score ne peut pas être dépassé, sauf si l’on gagne un point « temporaire » en assumant un échec critique. On enlève un point à chaque utilisation, bien sûr… mais on les récupère tous en fin d’aventure – ne pas hésiter, donc, à en faire usage ! Ils ne s'accumulent pas, et on les récupère rapidement...
Or c’est un bon moyen de colorer l’aventure, ou de résoudre une situation de manière inattendue. Par exemple, on peut dépenser un Point d’Héroïsme pour invoquer un « Coup de chance » : le joueur suggère un détail non mentionné dans la description du MJ, mais raisonnable, et qui peut influer (positivement) sur le cours des événements (exemple donné dans le bouquin : « Tiens, cette pierre du mur de ma cellule semble pouvoir être retirée ? L’enlever ne me permettra pas de fuir, il n’y a pas de tunnel derrière, hein… mais quand le geôlier se ramènera, ça pourra faire office d’arme ! ») ; on n’est pas à proprement parler dans de la « narration partagée », le MJ est seul juge, mais si le joueur « joue » véritablement la suggestion, et une suggestion qui ne chamboule pas tout au mépris du bon sens, il y a tout lieu de lui accorder ce qu’il souhaite, si c’est intéressant ! « Négocier avec le MJ » est une autre option dans ce goût-là, mais plus englobante (à vrai dire, c’est la catégorie « et tout le reste », en tant que telle non définie ; attention à ce que la chicane ne tourne pas à l'antijeu, j'imagine...).
On peut aussi utiliser les Points d’Héroïsme pour en rajouter dans la dimension… héroïque du jeu. C’est ainsi que le joueur peut avoir des « Succès Héroïques », voire des « Succès Légendaires », en cours de baston – laquelle y gagne là aussi en couleur, car cela débloque des potentialités particulières et d'essence épique.
Quatre options, enfin (moins enthousiasmantes sans doute, mais concrètement très utiles…), constituent des protections contre un destin funeste ; la « Faveur divine » est du côté de l’action, qui permet de retenter un jet de dés raté, mais on trouve surtout trois utilisations défensives, « Juste une égratignure », « Parade in extremis », et… « Défier la mort ».
LE COMBAT DE MASSE
L’édition « Mythic », côté règles, se distinguait notamment de la précédente en proposant des règles de combat de masse, reprises dans cette deuxième édition française. C’est un peu étonnant, dans un contexte de sword & sorcery, où ce n’est peut-être pas un thème très fréquent… Ceci dit, Conan à lui tout seul suffit à faire mentir cette impression, c’est vrai.
Deux cas sont à distinguer, selon que l’affrontement a lieu sur terre ou sur mer.
Dans le premier cas, le système proposé s’insinue assez naturellement dans la mécanique générale de Barbarians of Lemuria, ou, plus exactement, et c’est en fait ça l’essentiel, dans son « esprit ». On n’est donc pas noyé sous la technique : il s’agit simplement de mettre en place un système souple, permettant d’assurer le caractère aléatoire des affrontements de masse, mais en prenant en compte des paramètres utiles pour éviter tout sentiment d’arbitraire ; dans ce contexte, les PJ sont amenés à influer sur le cours de la bataille en se livrant à telle ou telle action individuelle – héroïque, comme de juste. Pourquoi pas, dès lors ?
Par contre, le système de combat naval me paraît carrément hors-sujet : plus évocateur d’un jeu de plateau voire d’un wargame que d’un jeu de rôle tel que Barbarians of Lemuria, privilégiant la souplesse et l’ambiance au travers d’une mécanique simple et incitant à la narration, il me paraît bien trop compliqué en l’espèce (distance, manœuvre, effectifs, etc.), et somme toute guère enthousiasmant ; j’imagine qu’en bossant la chose, ça pourrait donner un truc amusant, exceptionnellement, mais c’est bien du boulot pour un résultat rien moins que garanti ; en fait, adapter les règles du combat terrestre, si l'on y tient, est sans doute faisable et globalement plus pertinent, si moins précis.
…
Mmmh, en fait de deux cas, il y en a trois – puisque les combats aériens sont vaguement envisagés, en raison des Nefs Volantes de Satarla ; mais c’est un cas bien particulier, et, finalement, on n’en retire pas grand-chose ici…
FACULTÉS SURNATURELLES (OU PRESQUE)
En matière de « cas particuliers », mais d’un usage autrement probable, il faut mentionner les diverses « facultés surnaturelles » des habitants de la Lémurie – on pourrait dire la « magie », globalement.
Mais pas tout à fait, notamment en ce que le premier cas concerne les Alchimistes. Leurs décoctions et poisons, ou les objets qu’ils fabriquent (éventuellement des armes, etc.), ne sont pas forcément magiques à proprement parler… mais faut voir, dans un monde pareil (et faut peut-être surtout voir comment le barbare d'à côté le percevra...). Pour élaborer tout cela, les Alchimistes disposent de Points de Création, qui ne figurent pas sur la fiche de personnage – je suppose que c’est parce qu’ils ne sont pas utilisés en cours de partie, mais entre les aventures. Avec du temps et de la ressource, l’Alchimiste use de ces points pour créer des potions, etc., dont plusieurs exemples sont donnés, mais il ne faut pas y voir une liste restrictive : le système de « magie » de Barbarians of Lemuria, de manière générale, est assez « freeform » (si on dit bien comme ça ?). Concernant les Alchimistes, en tout cas, il me paraît simple et pertinent : les réalisations les plus miraculeuses demandent beaucoup de temps et d’application, mais pas au point d’être parfaitement inenvisageables – c’est bien, quand les règles sont utiles…
Mais cette approche est peut-être davantage sensible concernant les Prêtres et les Druides – et attention ! Ces derniers, ici, ne sont pas de pénibles hippies give-peace-a-chance en communion avec la nature, mais des gros connards priant les Dieux Sombres pour en obtenir des avantages diaboliques… Prêtres et Druides, cependant, ont un fonctionnement assez similaire (eh) : à partir du Rang 1, ils doivent se choisir une divinité tutélaire (il y en a une liste détaillée dans la partie background), et participer à son culte – vraiment, pas juste en récitant hâtivement « Enter Sandman » avant d’aller se coucher. Ces dévotions leur confèrent des Points de Foi (un par heure passée à se livrer exclusivement au culte ; niveau maximum, le Rang du PJ dans la Carrière adéquate), dont ils pourront ensuite faire bon (ou mauvais…) usage – en cramant lesdits points, qu’ils ne regagneront qu’en priant à nouveau, etc. La suite des opérations est très libre : la dépense d’un Point de Foi permet d’obtenir un bref avantage ou désavantage, en rapport avec la sphère de pouvoir de la divinité tutélaire. Ce qui a l’air assez amusant, en fait… C’est, là encore, un appel tout à fait bienvenu à l’inventivité du joueur, qui l’implique davantage dans la narration ; ça me paraît bien vu et enthousiasmant.
Reste le cas des Sorciers… Cas problématique en sword & sorcery, on le sait. Mais les PJ peuvent donc incarner des Sorciers. Par contre, la magie est donc fondamentalement corruptrice… En fait, elle l’est tellement que je doute qu’un PJ puisse avancer bien loin dans la Carrière, tant les contraintes sont énormes : les sorts les plus puissants (deuxième ou a fortiori troisième cercle) risquent donc de lui demeurer inaccessibles – d’autant plus que les conditions pour les jeter sont assez restrictives (ne serait-ce qu’en terme de temps, souvent – alors si on y ajoute des complications « morales »…) ; la question ne se pose évidemment pas de la même manière concernant les PNJ. Mais peut-être notre hypothétique PJ Sorcier peut-il néanmoins faire mumuse avec des sorts du premier cercle, voire de simples charmes, autrement accessibles et qui peuvent s’avérer intéressants, avec un peu de créativité… Là encore, si des exemples et des procédures sont données, la forme est passablement libre ; à travailler un peu plus que les autres formes de « magie », peut-être ? C'est plus complexe, oui ; mais ça peut être amusant…
LES XP ! LES XP !
Un ultime point de règles : l’expérience. On pouvait s’en douter (enfin, je crois), on ne convertit pas ici les Gobos en XP, on ne se livre pas à des comptes d’apothicaire en fonction du body count, il n’y a pas de complexe tableau d’évolution des niveaux à la Donj’. Ouf.
Il y a un principe de base : tout PJ, quel qu’il soit, gagne normalement deux Points d’Expérience à la fin de l’aventure.
Mais il y a ensuite une petite règle amusante… On part de la distribution des trésors : conseil au MJ, ne surtout pas lésiner sur les richesses découvertes par les PJ dans tel temple oublié au fond de la jungle perdue ! Mais sans excès de précision, hein : l’équipement, envisagé dans la création de personnage, n’implique pas de longs développements, et on ne s’embarrasse certainement pas de choses aussi superflues que l’encombrement ou la valeur monétaire exacte des biens… Une fois de plus, Barbarians of Lemuria fait appel au bon sens de tout un chacun, et c’est pas plus mal.
Mais ce sont des héros de sword & sorcery… Ils ne sont pas à même de conserver ces fortunes : dans un grand potlatch d’ivrognes, ils se doivent de tout dépenser entre deux aventures ! Certaines de ces dépenses peuvent être « rationnelles » (achat d’une arme, d’une galère ou d’une demeure, règlement d’une dette, etc.), et elles sont parfois nécessaires, mais ce ne sont pas les plus typiques du registre, et certainement pas les plus amusantes ; la débauche est autrement indiquée… Oui, et même surtout quand le richissime aventurier d’hier redevient ainsi le pouilleux sans le sou (et avec un mal de crâne carabiné) qu’il était avant-hier ! On ne capitalise pas, en sword & sorcery… Rien n’est plus éloigné du puritain façon Max Weber. C’est un point assez bien vu, qui m’a rappelé, en matière rôlistique, les principes de Dying Earth en mode « Cugel », tout à fait à propos.
Mais ça ne s’arrête pas là : les joueurs doivent alors raconter ce qu’ils ont fait de cette fortune, comment ils l’ont employée, où elle a disparu ; plus l’histoire est amusante (et à propos, bien sûr), et mieux c’est ! Une bonne histoire, dans cette optique, sera récompensée par un Point d’Expérience supplémentaire (pas rien, donc). J’aime bien, sur le papier en tout cas… Mais à voir si ça tient sur la durée (sans susciter de jalousies ?).
Ensuite, on peut bien sûr dépenser ces points de plusieurs manières : acquérir un Avantage, supprimer un Désavantage, améliorer un Attribut, une Aptitude de Combat ou une Carrière, enfin recruter des Suivants (cette dernière option ne me botte pas du tout). Tout cela implique sa narration et sa logique eu égard aux événements vécus.
Et, là, oui, on peut capitaliser ces points pour une dépense (plus conséquente) ultérieure. Normal.
UN APERÇU DE LA LÉMURIE
On en vient au background. Simon Washbourne s’est donc débarrassé du monde de Thongor, et il lui a fallu créer « son » monde. En même temps, il se devait sans doute d’obéir à une palanquée de codes propres au genre, le genre de choses que l’on s’attend à y retrouver, ou même, à vrai dire, que l’on souhaite y retrouver.
Et donc la Lémurie, avec une jolie carte. Son nom « archaïque » ne doit pas nous tromper, il s’agit en fait d’un monde futuriste, avec une dimension post-apocalyptique – mais à la manière de la « Terre mourante » de Jack Vance : autant dire que nous sommes si loin dans le futur que toute référence à notre monde n’a en fait pas lieu d’être dans cet autre monde, par ailleurs magique.
La carte est jolie, donc, et contient tout ce qu’il faut : montagnes colossales, jungles impénétrables, ruines maudites ici, là et encore là, et sans parler d'ailleurs, des centres urbains avec leurs guildes de voleurs et d’assassins (voire de magiciens, c'est suspect...), et des plaines, des déserts et autres étendues fondamentalement barbares entre tout ça. La carte, par ailleurs, n’est pas entièrement « explicitée » par le texte de background, très succinct de toute façon : nombre d’éléments qui y figurent ne sont pas le moins du monde décrits, et certaines régions ont clairement pour fonction de constituer autant de « blancs » (métaphoriques) sur la carte.
Amplement de quoi faire pour nos héros, sans doute amenés à voyager plus que de raison – les barbares, après tout, quittent leurs régions barbares pour ne plus y revenir, et c’est un bon moteur de l’histoire…
L’histoire ? Ou : l’Histoire ? On en sait somme toute assez peu, passé la dimension futuriste avancée plus haut. Mais c’est un monde de magie, et un monde où les dieux sont très concrets – l’escalier pour rejoindre les cieux figure sur la carte, après tout… Le livre nous fournit un panthéon assez étendu, où « les Vingt Dieux » (positifs, enfin, autant que faire se peut…) côtoient des « Dieux Sombres » ma foi plus explicites quant à leur rôle dans tout ça.
Mais son trait essentiel, à cette histoire, renvoie donc comme de juste à la sorcellerie : la Lémurie a longtemps gémi sous la botte implacable des Rois-Sorciers (présentés comme pas vraiment humains – mais je ne sais pas s’ils ont toujours constitué une race à part, ou ont ainsi évolué en raison de leur corruption). Face à eux, des héros se sont levés – comme toujours ; avec l’aide des dieux (et un bon score en Mêlée, et une arme appropriée), ils ont défait les Rois-Sorciers – plusieurs fois, en fait : les bougres ont une fâcheuse tendance à revenir…
Mais, à l’heure actuelle, cela fait quelque temps qu’on ne les a pas vus. Parler d’une ère de paix et de prospérité, dans le cadre cruel de la Lémurie, serait sans doute bien abusif, ceci dit… Et, quoi qu’il en soit des Rois-Sorciers (dont on ne croit sans doute guère qu’ils aient été définitivement bannis), les dangers abondent dans ce monde rugueux et violent. Autant de bonnes raisons pour nos héros de se tirer les doigts du cul, et d’aller chasser le dino pour dénicher, dans quelque cité perdue envahie par une végétation luxuriante (et suspecte), quelque trésor fabuleux, à boire sitôt rentré dans ce que l’on nomme ici « civilisation » !
Rien que de très commun, donc. Les Nefs Volantes de Satarla ne suffisent sans doute pas à pousser des cris de joie devant tant d’inventivité, le bestiaire pas davantage, même si l’on croise çà et là d’amusantes bestioles. L’important, c’est que ça fait le job.
J’aurais préféré davantage de matériel, ici, mais bon, c'est moi, ça... Allez, au boulot, MJ ! Il y a de quoi faire, et de quoi, ensuite, faire mieux ; je veux le croire, en tout cas.
BESTIAIRE ET PNJ
En parlant de bestioles, jetons un œil au bestiaire, relativement conséquent – et laissons l’œil jeté s’y attarder, parce qu’Emmanuel Roudier, ici, s’est lâché : la plupart des bébêtes sont représentées, et de manière éloquente – or, dans pareil cas, une image en dit souvent bien plus et bien plus vite et explicitement qu’un long discours…
On commence par les animaux, pour lesquels la taille est un élément assez important (size matters), décidant de bien des caractéristiques. On y trouve un peu de tout : le jeu semble prendre bien soin de s’éloigner autant que possible de tout référent directement terrestre, mais, pour l’essentiel, il joue de chimères aisées à se figurer. La dimension reptilienne est assez prononcée, façon dinosaures, mais les hybridations (naturelles, vraiment ?) sont quand même le trait dominant.
Deux annexes du bestiaire envisagent des antagonistes un peu différents, à savoir les morts-vivants, et les démons ; concernant les premiers, rien de bien particulier à dire, c’est expédié sans vraie personnalité ; les démons sont plus intéressants, mais aussi plus complexes – leur hiérarchie, leur fourberie essentielle, peuvent sans doute, avec un peu d’application, aboutir à des choses assez amusantes ; d’ailleurs, un des scénarios en fin de volume montre très bien ce que l’on peut construire de tout à fait intéressant sur cette base.
Il faut enfin envisager les PNJ humains (ou peu s’en faut). C’est en fait ici qu’apparaissent les règles essentielles sur les PNJ, qui s’appliquent aussi aux animaux, morts-vivants et démons envisagés juste avant, à savoir leur classement en trois catégories : par ordre de puissance croissant, la Piétaille, les Coriaces, et enfin les Rivaux. Or les différences entre ces catégories sont très, très sensibles – les caractéristiques ici fournies à titre d’exemple en témoignent, ça saute à la gueule.
Disons-le : la Piétaille, qui ne représente à peu près aucun danger (à moins d’être une véritable horde ?), n’est là que pour se faire massacrer par paquets de 2d6 – cela contribue, dans la violence et la tripaille, à la dimension héroïque du jeu… dans une perspective sword & sorcery s’entend.
Les Coriaces (le sergent pas complètement abruti ?) peuvent apporter un peu plus de challenge, mais sont globalement gérables.
Quand on en arrive à la catégorie des Rivaux, ça se complique – éventuellement de manière très, très radicale ; au mieux dotés de caractéristiques comparables à celles des PJ (ils sont construits sur les mêmes bases et disposent de Points de Vilénie symétriques aux Points d’Héroïsme des aventuriers), au pire bien, bien plus puissants, ils sont typiques de ces salopards increvables qui ont une fâcheuse tendance à revenir quand on espérait naïvement s’en être débarrassé une bonne fois pour toutes… C’est même la raison d’être d’une utilisation essentielle des Points de Vilénie ! Pratique pour les sagas…
SAGAS ET SCÉNARIOS
Classiquement, le bouquin donne des conseils de création de scénarios et de sagas (scénarios reliés entre eux). Le genre sword & sorcery est le plus souvent associé à des nouvelles, et on peut donc s’attendre à des scénarios globalement indépendants ; mais il doit bien être possible, le cas échéant, de lier un peu plus tout cela – la meilleure option étant sans doute, pour ce faire, de compter avec les backgrounds des PJ et l’inventivité des joueurs : sur ce terrain-là, je devrais donc pouvoir m’en accommoder, moi qui suis quand même plus « chronique » (ou « campagne ») que « one shot ».
Notons qu’avant les tables récapitulatives et la fiche de perso, le livre, sous le titre « Krongar et le générateur de sagas », produit une série de tables permettant le cas échéant de créer une histoire sur le pouce à partir de quelques tirages (je suis toujours un peu sceptique, et en même temps curieux : ça se tente), ou, peut-être, de dégager justement un liant potentiel tout à fait bienvenu. À parcourir, en tout cas, c’est assez drôle, pour le coup ! Le risque étant peut-être que le « scénario » ainsi produit soit trop « second degré » pour qu’on le prenne vraiment au sérieux…
Le livre est parcouru d’idées d’aventures, parfois formalisées en un paragraphe ou deux. Mais il se conclut sur cinq scénarios complets. Deux sont tirés de la version originale (« Krongar et les plaines de la mort », et « Krongar et les voleurs de Malakut », l'idée étant que le nom de Krongar soit remplacé par celui d'un PJ), qui sont à en croire l’équipe derrière l’édition française les meilleurs des cinq initialement proposés ; mais ladite équipe a donc fourni trois scénarios de remplacement, un peu plus amples (et sans doute bien plus intéressants) que les deux d’origine, pour parvenir à ce même chiffre de cinq scénarios.
Je ne vais pas rentrer ici dans les détails – parce que j’aimerais bien les jouer, en fait, quelques-uns du moins… Quelques mots rapides ?
Je fais largement l’impasse sur « Krongar et les plaines de la mort », très sommaire (même si j’ai lu et, hélas, joué bien pire) ; c’est vraiment du test de la mécanique, et je ne suis pas preneur (pour des raisons exposées il y a peu dans un tout autre registre, quand j’avais causé de Sombre, n° 2).
« Krongar et les voleurs de Malakut », où tout est dans le titre, est à son tour très convenu, mais l’ambiance me parle tout de même davantage – de quoi, peut-être, faire un interlude correct en milieu urbain.
Les trois scénarios français sont quand même bien meilleurs, dans l’ensemble : « Les Larmes de Jouvence » est ainsi « faussement simple », dans la mesure où, sous l’éventuel cliché, se dissimule en fait quelque chose d’un peu plus subtil, à base de dilemme moral intéressant – exploration et action n’en sont pas moins au rendez-vous, mais le cocktail n’en est que plus savoureux.
Mais c’est probablement « La Faim justifie les moyens » qui me parle le plus, probablement le scénario le plus ample du bouquin (même s’il demeure assez bref de manière générale, une session peut suffire), et qui sait susciter une assez belle ambiance, et mitonner quelques surprises – à la lecture, c’est par ailleurs assez amusant, même si je suppose qu’il faut le maîtriser « sérieusement », ou disons « au premier degré », pour qu’il fonctionne vraiment : il s’agit, après tout, au moins en partie, ou en théorie, de remuer et effrayer les PJ… On en rigolera éventuellement le moment venu, mais c’est-à-dire après. Oui, c’est bien le scénario qui me tente le plus !
Le dernier scénario français, « L’Île de Métunga », est un bon cran en dessous, et davantage dans la lignée des deux « Krongar » : pulpissime, il empile cliché sur cliché, délibérément, mais pour un résultat qui à vue de nez me laisse un peu sceptique… Too much, disons. Il y a sans doute de quoi en faire quelque chose, mais j’ai du mal à concevoir qu’il puisse susciter des souvenirs impérissables, en l'état du moins…
Bilan globalement correct pour ces scénarios, même si « Les Larmes de Jouvence » dépasse tous les autres d’une bonne tête, à l’exception de « La Faim justifie les moyens », qui dépasse celles qui restent de deux bonnes têtes.
Tranchées, comme de juste.
J’AI ENVIE DE JOUER, PAR CRO… PAR CHARKOND !
Mais le bilan global ? Vous vous en doutez : très bon.
Sachons raison conserver : je ne vais pas hurler au chef-d’œuvre en amidonnant mon caleçon devant tant de génie – l’enthousiasme casusNOien en fait un peu trop à mon sens.
(Oui, c’est moi qui dis ça, moi qui suis d’un enthousiasme tellement envahissant pour plein de bouquins…)
Néanmoins, je remercie, et ô combien, ledit enthousiasme, parce qu’il m’a permis de découvrir un très bon jeu, vraiment bien fait – et constituant pour le coup pleinement ce que je cherchais depuis quelque temps, avec moult hésitations : un bon jeu de fantasy, qui est aussi un bon compromis (mais au sens le plus positif de ce terme souvent tristement connoté), un système simple mais pas simpliste, des personnages qui ont d’emblée de la chair et de l’âme sans se noyer sous les caracs, un cadre guère original mais qui a le mérite d’être là et dont je suis persuadé qu’on peut en tirer quelque chose de très intéressant, des scénarios plus que corrects pour découvrir la bête… Et, j’y reviens en dernier ressort, oui, décidément, un très beau produit, superbement réalisé, tout à fait à la hauteur du contenu.
Autant dire que, PAR CRO… PAR CHARKOND, J’AI UNE PUTAIN D’ENVIE D’Y JOUER !
Oh, oui.
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