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CR L'Appel de Cthulhu : Etoiles brûlantes (01)

Publié le par Nébal

CR L'Appel de Cthulhu : Etoiles brûlantes (01)

J’ai récemment maîtrisé, pour la troisième fois (ce qui ne m’était jamais arrivé auparavant), un scénario pour L’Appel de Cthulhu que j’aime vraiment beaucoup : « Étoiles brûlantes », de David Conyers, qui figure dans le supplément Terreurs de l’au-delà.

 

Cette fois, je vais tenter d’en faire un compte rendu sur ce blog. Mais la mécanique assez particulière de ce scénario m’a incité à ne publier les deux articles portant sur les deux séances de jeu (de trois heures chacune environ) qu’après la conclusion du scénario. Voici la vidéo de ce compte rendu de la première séance :

Notez au passage que, les deux fois précédentes où j’avais maîtrisé ce scénario, une IRL et une en virtuel, il avait fallu exactement la même durée, même si les joueurs ont pu se comporter de manière très différente – c’est que le scénario a une structure relativement linéaire, mais que je crois à propos, qui évite de trop dilater l’intrigue.

 

Comme pour ma campagne de Deadlands Reloaded récemment, je vais également mettre en ligne les enregistrements audio de ces deux séances. Voici pour celle-ci :

Note au passage : j’ai utilisé Roll20 pour la musique et les bruitages, mais, comme j’ai enregistré ces parties via TeamSpeak, tous ces effets sonores sont hélas absents des enregistrements… Si prochaine fois il y a, je vais tâcher de remédier à ce problème. Voir Roll20 pourrait être intéressant, aussi... Par ailleurs, ces enregistrements sont livrés à l’état brut, sans montage – d’où quelques brefs passages absolument dénués de son en l'état, c’est parfaitement normal.

 

Ce scénario fait appel à des personnages prétirés. Terreurs de l’au-delà en propose six. Dans l’idéal, je pense qu’il fonctionne au mieux avec quatre PJ. Cette fois, nous avons cependant joué à trois PJ seulement, les joueurs incarnant…

 

… James Sterling, le richissime industriel…

 

… Donna Sterling, sa fille un peu rebelle, étudiante en anthropologie…

 

… et enfin Dirk Kessler, détective privé, embauché par James Sterling.

 

Pour illustrer ce compte rendu, je vais avoir recours à diverses photographies récupérées çà et là sur le ouèbe et parfois un chouia trafiquées (pas grand-chose : seulement la conversion en niveaux de gris le plus souvent). J’ai cependant le très mauvais réflexe de ne pas noter à qui appartiennent les droits de ces photographies quand je prépare mes scénarios… Si les propriétaires de ces droits souhaitent que j’en fasse mention, je m’exécuterai, bien entendu.

 

Par ailleurs, les aides de jeu de ce scénario étant en principe disponibles gratuitement et légalement au téléchargement sur le site de Sans-Détour, éditeur du jeu, j’ai supposé qu’il m’était possible de les faire apparaître dans ce compte rendu, sachant que je les ai de toute façon souvent retouchées, dans le texte et/ou dans l’aspect. J’espère, là encore, ne pas léser qui que ce soit.

PROLOGUE

 

Pour les investigateurs, tout commence dans le noir le plus total. Ils ne savent pas où ils sont. À vrai dire, ils ne savent même pas vraiment qui ils sont. Ils n’ont pas la force de prononcer le moindre mot. Le premier sens à se réveiller est l’ouïe – ils entendent bientôt la pluie qui tombe, et drue ; quelques coups de tonnerre occasionnels, aussi. D’autres sensations reviennent – et tout d’abord celle d’une chaleur particulièrement étouffante ; il fait très chaud, et très humide. Mais ils sont confiants : le reste va revenir. La vue, notamment – apparaît devant leurs yeux…

… une infirmière ? À en juger par sa tenue… Elle est très souriante.

 

Puis le noir revient.

 

L’infirmière réapparaît sans prévenir.

 

D’autres aussi, parfois – tout aussi souriantes, et qui les regardent.

 

Les visions alternent : le noir, les sourires… Mais au bout d’un moment apparaît un autre visage – celui, très rond, d’un homme, cette fois, avec de petites lunettes, et qui les regarde d’un air intrigué.

Il prend la parole : « Comment vous sentez-vous ? Vous m’entendez ? » L’homme, qui est vêtu d’une blouse de docteur, est un peu indécis.

 

Les investigateurs, qui reprennent peu à peu conscience, perçoivent bien qu’ils se trouvent dans une sorte d’hôpital ; ils sont allongés dans des lits blancs en fer, vêtus, comprennent-ils, de pyjamas – ils ont aussi comme un bracelet en plastique au poignet…

 

James Sterling, bouillant, trouve enfin dans la colère la force de parler – qu’est-ce que cela signifie ? Que fait-il ici ? Il veut sortir tout de suite ! Le docteur, très embarrassé, cherche à le calmer. Il ne compte pas le retenir ici contre son gré, il n’en a pas le pouvoir de toute façon… Mais il leur faut d’abord avoir « une petite conversation ». Savent-ils où ils se trouvent ? James Sterling rugit : non, et il s’en moque !

 

Mais Dirk Kessler prend à son tour la parole. Il ne sait pas où il se trouve, il n’a aucune idée de comment il est arrivé « ici », où que ce soit… Le docteur lui demande quel est son dernier souvenir, mais en vain. « Savez-vous… quel jour nous sommes ? » James Sterling prétend que cela n’a aucune importance, il menace de faire appel à ses avocats, mais le docteur n’en tient pas compte et repose la même question. Les investigateurs ont tous la conviction d’être le 26 octobre 1930 – ou du moins est-ce le dernier jour dont ils se souviennent. Le docteur n’est visiblement pas surpris ; mais il leur explique qu’ils sont en fait le jeudi 30 octobre… et il ajoute que ce n’est pas la première fois qu’ils ont cette conversation ; en fait, c’est la huitième… Une révélation qui assomme tout le monde, et James au premier chef.

 

C’est qu’ils ont été affectés par une sorte d’amnésie très radicale, accompagnée de pertes de conscience. Encore une fois, le docteur (Alan Kelly, car il se présente enfin) ne va pas les empêcher de partir, mais il leur faut tout de même, au préalable, éclairer quelques points. La condition de leur départ est même expressément qu’ils se souviennent de cet entretien : quand ce sera le cas, il les laissera partir.

 

Mais la date n’est pas seule en jeu… De toute évidence, ils sont dans un hôpital – l’hôpital militaire d’Elmwood, précise le docteur. Savent-ils où se trouve cet hôpital ? Non, absolument pas, ils ont beau se creuser la tête… James Sterling lâche : « C’est de toute façon beaucoup trop loin de chez moi ! » Ce que confirme le Dr Alan Kelly dans un soupir : « Effectivement… Nous sommes à Port-au-Prince. En Haïti. »

I : HÔPITAL MILITAIRE D’ELMWOOD, PORT-AU-PRINCE

 

 

Les investigateurs sont tous stupéfaits. Ils ne savent absolument pas ce qu’ils font là. Ou peut-être que si ? Car ils ne sont pas totalement amnésiques… Ce dont ils ne se souviennent pas, leur explique le Dr Alan Kelly, c’est ce qui leur est arrivé depuis leur débarquement en Haïti – mais ils reprennent progressivement conscience de qui ils sont, de leur passé ; et, s’ils sont encore trop dans le vague pour rentrer dans les détails, ils ont tous conscience, même s’ils le gardent pour eux à ce stade, de s’être rendus dans les Caraïbes pour… « retrouver » Jack Sterling (le fils de James, le frère aîné de Donna), qui aurait disparu. L’industriel a le vague souvenir qu’il avait dépêché son fils sur l’île pour négocier un contrat. Mais quoi exactement ? Ils discutent d’autres choses quant à leur situation présente, à demi-mots, et le docteur a l’air un peu embarrassé devant ces échanges. Puis il reprend la parole. Il reste un certain nombre de choses à éclaircir… Il va les laisser, pour l’heure – ils ont besoin de calme et d’intimité pour se reprendre. Ils auront l’occasion de reparler de tout cela ensemble par la suite – après quoi ils ne tarderont guère à quitter l’hôpital, il en est certain.

 

C’est à ce moment seulement que je donne aux joueurs l’accès à leurs fiches de personnage (un peu retravaillées par rapport aux prétirés fournis dans le scénario). Ces fiches sont accompagnées d’un background relativement développé, dont je n’avais donné que de très, très succincts aperçus aux joueurs auparavant (seulement de quoi leur permettre de choisir leur personnage) ; mais elles comprennent aussi des éléments concernant « l’état mental actuel » des investigateurs. Les joueurs doivent garder tout cela pour eux. Je laisse cinq minutes aux joueurs pour qu’ils puissent s’imprégner de tout cela – mais il est normal qu’ils soient « dans le pâté » à ce stade. La suite du scénario justifiera ce procédé.

 

Je donne aussi alors aux joueurs l’accès à une aide de jeu (pour partie personnelle, pour partie reprise des données du scénario) comprenant divers éléments de contexte sur Haïti et Port-au-Prince (géographie, démographie, histoire, politique…) – des choses dont les investigateurs peuvent se souvenir, car ils les savaient avant d’arriver sur l’île.

 

Un point essentiel est que Haïti, alors, est un pays occupé par l’armée américaine – les marines ont pris le contrôle du territoire et de son économie en 1915. Depuis leur chambre, les investigateurs, qui savent maintenant qu’ils sont dans un hôpital militaire, ont d’ailleurs l’occasion de voir circuler des marines dans les couloirs.

 

 

Ils savent par ailleurs que cette occupation est… « compliquée » : la rébellion des Cacos a été officiellement réprimée vers 1919-1920, mais le pays est encore peu ou prou en état de siège, un couvre-feu est en place, et les forces d’occupation n’hésitent pas à passer à la mitrailleuse les foules de manifestants réclamant l’indépendance ; par ailleurs, il demeure des Cacos qui sont engagés dans une lutte à mort avec l’occupant américain, et qui recourent régulièrement au terrorisme.

 

 

Les investigateurs reprennent peu à peu leurs esprits. Un simple coup d’œil à la fenêtre semble confirmer les propos du Dr Alan Kelly : ils sont de toute évidence dans un environnement tropical. Et si les infirmières sont blanches, les aides-soignantes et femmes de ménage sont toutes noires. Ils jettent un œil à leurs bracelets, qui servent visiblement à les identifier, et qui mentionnent la même date : le mardi 28 octobre 1930.

 

Des souvenirs leur reviennent petit à petit : Jack Sterling a bien été envoyé sur l’île par son père James – et pour des affaires… probablement un peu douteuses, ils en sont tous convaincus, sans pouvoir dire exactement de quoi il s’agit. Mais cela les incite à la prudence, ils ne peuvent pas parler de tout cela devant témoin.

 

 

Dirk Kessler ne tient pas en place. Il se lève, et constate qu’il est globalement dans une bonne forme physique. Il remarque en revanche que ses bras, notamment, arborent comme des coupures ou des griffures – et cela vaut aussi pour ses deux compagnons. Elles ne sont pas douloureuses. Aucune idée par contre de ce qui lui a fait ça. James Sterling n’est pas du genre à rester couché quand son employé se lève, et lui aussi est dans une bonne forme physique ; Donna de même, si elle se montre moins agitée. Personne ne vient leur intimer de rester couchés – les infirmières, toujours souriantes, pas davantage que les soldats.

 

Donna aborde une des infirmières, qui confirme qu’ils sont là depuis deux jours. Mais elle n’est pas en mesure de la renseigner énormément… L’étudiante en anthropologie, méfiante, lui demande si elle a quelque chose à leur cacher, mais l’infirmière, toujours très affable, la rassure à ce propos – c’est seulement qu’elle n’est pas au courant de tout… Elle offre d’aller chercher le Dr Kelly, quand ils le souhaiteront – il est le mieux à même de répondre à leurs questions, et devra les revoir avant qu’ils puissent quitter l’hôpital.

 

Dirk ne participe pas à la discussion ; il passe dans le couloir, et entrevoit d’autres chambres – beaucoup de lits sont inoccupés, mais il y a d’autres patients çà et là, essentiellement des hommes, dont un certain nombre de militaires, à en juger par leurs effets personnels.

 

 

 

Le Dr Alan Kelly revient. Dirk l’interroge aussitôt quant aux griffures qu’ils arborent tous – mais, avant que le médecin au fort accent texan ne puisse lui répondre, James, très envahissant, lui réclame des explications concernant leur amnésie et leurs pertes de conscience. Le docteur répond que c’est une réaction psychologique souvent associée à des expériences traumatisantes – le fait d’assister à un meurtre, ou à une catastrophe, ce genre de choses… Ce « blocage » est en fait comme une mesure de protection de l’esprit. Sans doute ont-ils assisté à quelque chose d’horrible, qui les a fait réagir de la sorte ? Quant à dire quoi exactement… Et la date sur le bracelet ? C’est la date à laquelle on les a trouvés – des fermiers les ont vus, errant dans les collines à l’est de Port-au-Prince, les yeux dans le vague, les vêtements parfois déchirés, et en tout cas couverts de boue… Ils étaient visiblement en état de choc – d’hypothermie, aussi. Les « griffures » étaient alors bien plus visibles, certaines saignaient encore (le docteur n’est pas bien sûr de ce qui a pu les causer – il n’y a pas de grands félins ou ce genre de choses en Haïti…), mais il n’y avait pas vraiment de problème d’ordre physique, de manière générale ; concernant la santé mentale, en revanche… James explose : « Je ne suis pas fou ! » Le Dr Kelly ne le prétend pas – d’autant que « fou », ça ne veut pas dire grand-chose. Mais ils souffrent bien d’un trouble d’ordre psychique – ce qui n’a rien de dégradant !

 

Quoi qu’il en soit, les circonstances de leur découverte, deux jours plus tôt, ont justifié une enquête – et le major Lloyd Medwin, du Bureau du Renseignement Naval (BRN – les services secrets de l’époque), souhaite avoir une petite discussion avec eux, préalable nécessaire à leur « libération », qui prendra effet très vite après cela. Il va appeler l’ambassade, le major ne tardera dès lors guère. Le comportement de James évolue progressivement : il remise de côté sa colère pour se montrer plus conciliant, voire aimable – remerciant le Dr Kelly pour ses soins, affirmant qu’il souhaite récompenser les fermiers qui les ont adressés à l’hôpital… même s’il ne manque pas de ricaner sur « tous ces Noirs » qui vivent en Haïti. Mais Dirk perçoit bien que le médecin n’est pas à l’aise en leur présence – il garde sans doute quelque chose pour lui !

 

Quelques heures plus tard, deux hommes rejoignent les investigateurs dans leur chambre. L’un, petit, trapus, respire l’autorité, l’énergie et la conviction :

L’autre est un très jeune homme qui s’installe aussitôt derrière une machine à écrire qu’il a emmenée avec lui. Le premier se présente comme étant le major Lloyd Medwin, du BRN. James Sterling se présente à son tour, très cordialement, et lui serre énergiquement la main – Medwin lui adresse un regard très interloqué, ou peut-être en égale mesure méfiant… et hostile ? Un temps de silence, puis il lâche : « Le Dr Kelly disait que vous alliez mieux… » Ce que confirme aussitôt James : « Beaucoup mieux ! Nous sommes prêts à partir ! » Avant cela, il leur faut toutefois répondre à quelques questions, rétorque le major sur un ton sévère. Dirk commence à protester, est-ce vraiment si important, mais le major l’interrompt brusquement : « Mes fonctions ne me laissent pas le temps de m’amuser. Si je vous pose ces questions, c’est qu’elles sont importantes. »

 

Bref silence, puis : « Tout d’abord, pourquoi êtes-vous venus en Haïti ? » Pour affaires, répond aussitôt James. Pourrait-il se montrer plus explicite ? Quelles affaires ? C’est lié à Jack Sterling… Le nom n’est visiblement pas inconnu de Medwin. Donna lui demande s’il sait où se trouve son frère. « Non. Et vous ? », répond-il brusquement. James, tout aussi brusque : « Nous ne plaisantons pas avec la famille. Si nous vous le demandons, c’est que nous avons une bonne raison ! »

 

Medwin passe : que faisaient-ils dans ces collines, il y a deux jours de cela ? Ils l’ont oublié. Le major ricane : « Vous avez oublié. C’est commode… » James n’apprécie visiblement pas ces insinuations – mais Medwin est une grande gueule, et quelqu’un de difficilement impressionnable ; dans cet échange, c’est l’industriel qui est intimidé, même s’il essaye de conserver une façade de dignité austère… Mais le Dr Kelly pourra confirmer qu’ils sont bel et bien amnésiques ! Donna intervient : sont-ils soupçonnés de quelque chose, pour qu’on les interroge ainsi ? Medwin avance que tout cela relève du « secret défense », mais qu'ils doivent bien en avoir une idée...

 

Ils sont toutefois libres de partir, si le docteur juge qu’ils en sont capables. Mais Medwin leur intime de ne pas quitter Haïti avant plus ample informé – il ne plaisante pas : ceci est pleinement de son ressort, et la moindre tentative de ne pas tenir compte de ses avertissements sera sanctionnée avec la plus extrême sévérité. James proteste : est-ce ainsi que l’on traite les citoyens américains ? Medwin, plus sévère que jamais, l’incite à ne pas cracher sur le drapeau – le statut de citoyen américain est ce qui lui a permis d’être soigné dans cet hôpital… Et Haïti est un territoire occupé, où l’autorité appartient aux marines. Par ailleurs, les mouvements des investigateurs demeurent assez libres, au-delà de cette interdiction de sortie du territoire. James n’insiste pas – il est même à deux doigts de présenter ses excuses ! Medwin ne s’y attarde pas : qu’ils regagnent leur hôtel – l’Hôtel Oloffson, précise-t-il, où leurs chambres ont été gardées.

 

Il leur laisse sa carte : ils peuvent le contacter à l’ambassade ; si jamais la mémoire leur revenait…

 

Medwin et son secrétaire s’en vont. Quelque temps après, le Dr Kelly revient dans la chambre, avec un bon de sortie, et accompagné d’une aide-soignante qui apporte aux investigateurs des vêtements de rechange – le temps qu’ils rejoignent leur hôtel où ils retrouveront leurs propres vêtements : ceux qu’ils portaient sur eux deux jours plus tôt sont en effet inutilisables.

 

Le temps de se changer, en l’absence du médecin, James et Donna discutent du sort de leur famille ; la jeune fille s’inquiète pour sa mère, mais James est obnubilé par Jack. Il est très inquiet, même s’il ne sait pas au juste pourquoi…

 

 

Dirk, pendant ce temps, vadrouille dans les couloirs, et discute avec un autre patient alité, mais n’en tire rien d’utile.

 

 

 

 

 

Les investigateurs quittent alors l’hôpital, dans les vêtements qu’on leur a confiés. Ils prennent la direction de l’Hôtel Oloffson – James hèle un taxi, il n’a pas de monnaie sur lui, mais promet un gros pourboire une fois qu’ils seront arrivés à destination ; son assurance emporte la conviction du chauffeur (les Américains payent en dollars, ce qui vaut mieux que la monnaie nationale, la gourde). Durant le trajet, qui les amène à longer le centre-ville, ils ont quelques aperçus de Port-au-Prince, une ville très animée et colorée. Ils constatent cependant qu’il serait très facile de se perdre dans ce dédale, absolument dénué de plan d’urbanisme, outre que des chantiers et des égouts à ciel ouvert, partout, pourraient causer des difficultés à qui ne saurait pas très bien où il va – ce n’est bien sûr pas un problème pour leur taxi, un mulâtre très zélé. Ce bref trajet est tout ce qu’il y a d’exotique – et les investigateurs ne peuvent s’empêcher de remarquer qu’ils sont quasiment les seuls Blancs des environs, ce qui les perturbe un peu ; ils sont décidément bien loin de New York, cœur de l’empire industriel Sterling, de Providence, la ville de leurs ancêtres, ou d’Arkham, où Donna étudie l’anthropologie à l’Université Miskatonic…

II : HÔTEL OLOFFSON, PORT-AU-PRINCE

 

 

Les investigateurs avaient conservé une vague idée de l’Hôtel Oloffson – avec son architecture « gingerbread » typiques des Caraïbes, c’est un endroit qui suinte le luxe, le meilleur hôtel de Port-au-Prince et donc d’Haïti… et aussi le plus cher. Toutefois, ils ne se souviennent pas y avoir séjourné.

 

 

Les investigateurs pénètrent dans l’hôtel. Le hall, qui se prolonge en restaurant, est très luxueux, de la meilleure tenue. Ils se dirigent vers la réception, où s’affaire un jeune mulâtre zélé répondant au nom de Nathaniel.

 

Derrière lui, les investigateurs remarquent une affiche :

 

James Sterling demande au réceptionniste les clefs de leurs chambres. Nathaniel attrape une (seule) clef sur le tableau et la leur tend. Avant que quiconque puisse s’en étonner, Donna demande s’ils ont laissé quelque chose dans le coffre – ce que confirme Nathaniel, il va chercher ce qui s’y trouve. Il revient bientôt avec une boîte assez volumineuse, qu’il pose sur le comptoir. Donna l’interroge sur leur séjour, mais le réceptionniste ne peut pas dire grand-chose… Dirk suggère d’attendre d’être dans la chambre (puisqu’il n’y en a semble-t-il qu’une seule) pour ouvrir la boîte, et tous trois s’y rendent.

 

 

La chambre est assez spacieuse, et très confortable. Il n’y a qu’un seul lit, toutefois – sur lequel est posée une valise, comprenant des vêtements masculins et des affaires de toilette ; tout cela appartient à Dirk Kessler, rien ne correspond aux affaires des Sterling. Le détective reconnaît aussitôt, au milieu de ses vêtements, un jeu de rossignols. Sur un bureau se trouve une machine à écrire Remington, avec du papier – ce avec quoi le détective tape usuellement ses rapports. Ses réflexes lui reviennent : il se penche pour regarder ce qui se trouve sous le lit… et y trouve plusieurs boîtes de munitions, ainsi qu’un fusil à pompe calibre 12 démonté – le remonter ne lui demanderait pas le moindre effort. James pâlit un peu… Il y a des munitions pour ce fusil, mais aussi pour des armes de poing de calibre 38 et 45. Dans le tiroir du bureau, Dirk trouve également une petite boîte d’allumettes, au nom d’un speakeasy new-yorkais que sa profession l’a amené à fréquenter régulièrement (même s’il prend soin de ne pas boire) ; à l’intérieur se trouve…

… un étrange papillon, qui arbore un motif faisant immanquablement penser à un crâne humain. Le détective n’a aucune idée de ce qu’il fait là. Reste qu’il s’agit visiblement de sa chambre – et seulement de la sienne : si les Sterling ont séjourné dans cet hôtel, c’était ailleurs.

 

La situation interloque tout le monde – mais avant de faire quoi que ce soit, Dirk ouvre la boîte que lui a remise Nathaniel. Perplexes, les investigateurs y trouvent trois pistolets .38, et trois revolvers .45 ! Mais il y a bien d’autres choses – dont 300 $ en billets, que James s’approprie d’autorité (il descend payer le taxi). Mais il y a également plusieurs documents. Le premier est une liste de noms – de l’écriture de Dirk :

 

Il y a également une lettre de Roger Shaw, directeur de la Shaw’s Investigations and Security Services, adressée à James Sterling – mais Dirk sait très bien qu’il s’agit d’une copie lui appartenant, annexée à son contrat de travail :

La lettre est complétée par une note manuscrite, expliquant que Guy Randall a été retenu à la dernière minute par des problèmes personnels ; Roger Shaw présente ses plus profondes excuses pour le désagrément, et verra à proposer une compensation adéquate.

 

Le troisième document est un rapport de la Shaw’s Investigations portant sur les Industries Sterling – Dirk comprend aussitôt que ce document lui est destiné personnellement, et que son contenu pourrait déplaire à son employeur…

En voici le texte :

 

Shaw’s Investigations and Security Services

Sammons Building, 212 E 38th Street, New York City

 

Rapport sur les industries Sterling

Non divulgué au client

Réuni par Harrison Zamsky, détective privé

 

14 octobre 1930

 

Sterling Industries est une firme installée à New York et contrôlée par la famille Sterling. Le PDG et le propriétaire en est James Sterling, un riche industriel issu de six générations d’une vieille fortune du Rhode Island. Ses affaires regroupent divers investissements dans les transports, le caoutchouc et le pétrole. Durant la Grande Guerre, Sterling a acheté une usine de munitions à Mott Haven dans le West Bronx et a fait de gros bénéfices en vendant des armes aux forces alliées en Europe. Après la guerre, les munitions sont devenues le cœur de l’empire commercial Sterling. Les Industries Sterling ont vendu des armes à travers le monde, essentiellement en Europe (Italie, Irlande...) et en Amérique centrale (Mexique, Nicaragua...).

 

Le fils de James, Jack, après avoir récemment obtenu un diplôme universitaire à la Columbia University, a rejoint la firme.

 

Sterling est un homme secret, et au comportement parfois douteux. Plusieurs cadres supérieurs ont exprimé leur mécontentement quant à ses méthodes et l’un d’eux a même mis en cause leur légalité.

 

Les Industries Sterling ont été la cible de plusieurs enquêtes du BRN pour une supposée collaboration avec des forces armées hostiles aux intérêts du gouvernement des États-Unis. Mais aucune charge n’a été retenue contre James Sterling, et il n’a fait l’objet d’aucune poursuite judiciaire, sans doute par manque de preuves.

 

On a aussi dit que New World Incorporated, la société basée à Chicago, avait failli racheter les Industries Sterling au début de l’année 1928, afin d’éliminer la concurrence dans le domaine de la vente d’armes. Toutefois, cette manœuvre n'a pas abouti, pour des raisons encore à déterminer.

 

Enfin, les Industries Sterling ont fourni en armes le gouvernement des États-Unis dans le cadre des opérations militaires en Haïti, mais des rumeurs courent que Sterling aurait aussi ouvert des négociations secrètes pour vendre des armes aux rebelles cacos. On pense que le trafiquant d’armes haïtien Sébastien Sénégal serait associé dans cette affaire. Ces faits pourraient constituer un acte de trahison s’ils étaient jugés aux USA.

 

Enfin, au fond de la boîte, il y a une carte d’Haïti, ainsi qu’un billet de retour à bord du paquebot Louisiana Queen au nom de Dirk Kessler.

 

Ces informations suscitent un certain malaise : à l’évidence, Jack a disparu… et sans doute parce que son père James l’a envoyé en Haïti négocier des contrats très douteux (le nom de Sébastien Sénégal lui dit vaguement quelque chose). Rien d’étonnant à ce que le BRN s’intéresse à eux dans ces conditions ! Donna est furieuse – et plus inquiète que jamais quant au sort de son frère.

 

Mais se pose aussi la question de la chambre. Pour une raison inconnue, Nathaniel ne leur a donné que la clef de la chambre de Dirk, mais les Sterling avaient leurs propres chambres dans cet hôtel – sans doute à côté. Tandis que ces derniers ont une discussion tendue (Donna dénonce la cupidité de son père, qu’elle rend responsable de la disparition de Jack, tandis que l’industriel minimise ses torts et accuse sa fille d’en faire trop – et elle ne devrait pas mépriser l’argent, c’est ce qui lui paye ses études ! etc.), le détective se fait petit et descend chercher les autres clefs.

 

Dirk retourne à la réception, et s’étonne de ce que Nathaniel ne leur a donné qu’une clef – n’y avait-il pas d’autres chambres ? Le réceptionniste, un peu perplexe, dit qu’il lui a bien donné sa clef… Mais qu’en est-il des autres chambres ? Le visage du réceptionniste paraît subitement s’illuminer : oui, bien sûr ! Il attrape deux autres clefs au tableau (les numéros sont ceux des chambres voisines de celle de Dirk) et les tend au détective : « Toutes mes excuses, c’était une très bête erreur de ma part. » Et il se remet au travail, un peu embarrassé – mais Dirk ne peut rien en tirer ; le téléphone sonne, et Nathaniel s’empresse de répondre…

 

Dirk retourne à l’étage et décrit la scène aux deux autres : Nathaniel cacherait-il quelque chose ? James Sterling suppose que c’est simplement que le réceptionniste mulâtre est stupide… Quoi qu’il en soit, les Sterling récupèrent les clefs de leurs chambres respectives – ils n’ont aucun mal à les identifier. Chacun s’équipe d’un .38 et d’un .45, puis se rend dans sa chambre. Ils se donnent rendez-vous dans le hall – Donna a hâte de partir à la recherche de Jack

 

Quand Donna pénètre dans sa chambre, elle comprend aussitôt qu’on l’a fouillée. La plupart de ses affaires sont là, ses vêtements notamment, même si un peu en désordre, mais elle a la conviction qu’il lui manque certains objets, sans pouvoir vraiment les identifier. Elle se rend aussitôt dans la chambre de son père : James n’y avait pas du tout fait attention, empressé qu’il était de s’offrir enfin un bon cigare, mais sa fille y fait le même constat, elle est formelle. Elle remarque notamment que la serviette où son père range ses documents, et qui ne le quitte en principe jamais, ne se trouve nulle part ici. James est d’abord incrédule, mais les arguments de sa fille finissent par le convaincre. En fouinant dans la chambre de son père, Donna trouve une feuille égarée, qui a glissé sous le lit – et dont elle pense qu’elle provient de sa serviette : il s’agit d’un manifeste d’embarquement, portant sur une machine agricole, en provenance de l’usine Sterling de Mott Haven dans le Bronx, et devant être livrée à une entreprise du nom de Labadie Import/Export, qui se trouve sur les quais de Port-au-Prince ; la date d’arrivée estimée est le mardi 6 octobre – et James comprend aussitôt que cela correspond approximativement à la date à laquelle son fils Jack est arrivé à Port-au-Prince. Par ailleurs, l’industriel et sa fille savent pertinemment que les Industries Sterling ne fabriquent pas de matériel agricole…

 

Donna remarque aussi, à travers la porte entrouverte du petit cabinet de toilettes de la chambre de son père, que quelque chose est attaché au miroir. Elle va voir ce dont il s’agit…

… et c’est une carte… de tarot ? Mais un tarot très étrange, d’une sorte qu’elle n’a jamais vu… Quoi qu’il en soit, c’est l’arcane XIII : la Mort… La carte était fixée à l’envers. Donna la montre à son père, qui n’y comprend goutte. Sa fille suppose que la carte a été laissée là par ceux qui ont fouillé leurs chambres. Dirk, qui les a rejoints, avance que cela pourrait être une sorte de « signature »… James se demande s’il s’agit de quelque chose renvoyant à ce « vaudou » mentionné dans les notes du détective – mais il n’y connait absolument rien (Donna, par contre, a brièvement abordé le vaudou dans ses études d’anthropologie – mais sa mémoire aurait bien besoin d’être rafraîchie !). Dirk avait noté l’adresse d’une tireuse de cartes – Marie Jérôme, à Bel Air… Il pourrait être utile de lui rendre visite ? Tous ont la conviction que le temps presse – ils se changent prestement, et quittent l’hôtel.

 

Mais pour aller où ? Ils ont plusieurs pistes. Finalement, ils décident de se rendre tous à la Bibliothèque Nationale, où Donna, accompagnée de son père, fera quelques recherches sur divers sujets ; Dirk les y laissera et rendra visite de son côté à la cartomancienne Marie Jérôme.

III : BIBLIOTHÈQUE NATIONALE D’HAÏTI, PORT-AU PRINCE

 

 

La Bibliothèque Nationale est la plus grande et la plus riche bibliothèque de Port-au-Prince, et de tout Haïti. Cependant, elle demeure beaucoup moins fournie que d’autres institutions similaires de par le monde… Par ailleurs, la très grande majorité des documents que l’on peut y consulter sont en français ou en créole.

 

 

Avant de quitter les lieux pour rejoindre Marie Jérôme, Dirk Kessler, qui a ainsi que Donna la sensation d’être déjà venu ici, arpente les rayonnages pour voir s’il ne se rappelle rien de plus précis. Arrivé dans la section anthropologie, même si elle est plutôt du ressort de Donna, il s’arrête – et c’est comme si sa main était attirée vers un livre en particulier, qui s’intitule Sombres Sectes africaines, et qui est dû à un certain Nigel Blackwell.

 

Le détective demande à Donna si cela lui dit quelque chose, et c’est le cas : elle sait que c’est un livre assez récent, dû à un explorateur anglais, une sorte de compilation de notes de voyage en Afrique dans les années 1910, qui se focalise sur des cultes étranges aux noms colorés – la Langue Sanglante, le Rampant Qui Hurle, l’Horreur Flottante, etc. Elle sait aussi que très peu d’exemplaires en subsistent : c’était à la base un petit tirage, mais il y a autre chose à ce propos, qu’elle ne saurait préciser… Quoi qu’il en soit, mettre la main dessus n’a rien d’évident – et elle pense même qu’il ne figure pas dans les collections de la Bibliothèque Orne, à l’Université Miskatonic d’Arkham, où elle fait ses études. On ne peut l’emprunter, il faut le consulter sur place. Dirk laisse le livre à Donna, qui est la plus expérimentée dans ce domaine – mais quand l’étudiante veut ouvrir le livre… elle découvre qu’une carte de ce tarot étrange (à l’envers) fait office de marque-page :

 

Mais elle découvre aussi de la sorte un passage du livre marqué au crayon, avec en sus des notes dans la marge, qui sont de la main de Dirk ! Voici l’extrait mis en avant :

 

Et voici les notes marginales de Dirk :

 

James Sterling, qui lisait par-dessus l’épaule de sa fille, est intrigué par cette histoire de « troisième œil ». Cela lui fait aussitôt penser à la carte de tarot trouvée dans le cabinet de toilettes de sa chambre à l’Hôtel Oloffson. L’industriel se dit qu’il pourrait être utile de faire des recherches sur le tarot, et s'y essaye. Il ne trouve certes pas de choses très précises, notamment quant à l’interprétation des tirages, mais rassemble quelques généralités : ces cartes à jouer sont apparues au XIVe siècle en Italie, et sont souvent utilisées aujourd'hui pour lire l'avenir. Le jeu originel comprend 78 lames : les arcanes mineurs, qui sont des cartes numérotées avec quatre figures (roi, reine, cavalier, valet), et les arcanes majeurs, soit vingt-deux lames représentant des figures uniques. Il en existe de plusieurs types, mais le jeu le plus populaire aux États-Unis en 1930 est le Rider-Waite, publié pour la première fois à Londres en 1910. Voici la liste des arcanes majeurs :

 

Dirk a noté le nom des « Étangs Célestes ». Cela aurait-il un lien avec l’endroit où des fermiers les ont retrouvés, dans les collines à l’est de Port-au-Prince ? Mais ses recherches sur des atlas et des cartes ne donnent rien : aucun endroit en Haïti n’est désigné sous ce nom.

 

 

 

Donna, de son côté, suppose qu’il pourrait être intéressant de consulter les journaux, pour voir si des événements récents pourraient leur être liés. Les journaux haïtiens sont généralement écrits en français, mais quelques-uns ont également quelques pages en anglais depuis l’occupation américaine. C’est notamment le cas du Progrès d’Haïti – dans lequel l’étudiante trouve un article intriguant :

 

La lecture de cet article met Dirk très mal à l’aise… Cela paraît recouper ce qui leur est arrivé à la même date, à en croire les informations du Dr Alan Kelly. Le détective, qui réfléchit à haute voix, se demande si on ne les aurait pas retrouvés… morts ? James balaie cette remarque comme parfaitement idiote : il est bien vivant ! Et les autres aussi, à l’évidence. Donna suppose qu’il faut plutôt comprendre que les morts évoqués par l’article sont des personnes qui les avaient accompagnés dans cette région – mais qui exactement ? Il s’est en tout cas passé quelque chose de particulièrement horrible là-bas…

 

Donna a d’autres recherches à faire – l’étudiante en anthropologie est convaincue d’être déjà venue ici pour se renseigner sur le vaudou, et entend rafraîchir sa mémoire à ce propos. James l’approuve – c’est sa place, si les études qu’il lui paye peuvent miraculeusement aboutir à quelque chose d’utile… Lui irait bien se reposer à l’hôtel, en attendant. Mais sa fille s’insurge : il n’a donc rien à faire de la disparition de Jack ? Dirk ajoute que la demoiselle ne serait pas en sécurité, toute seule. L’industriel, piqué au vif, et infect avec tout le monde, grommelle qu’elle est armée, mais il reste finalement avec sa fille pour l’assister dans ses recherches, contraint et forcé. Mais tout ceci prend du temps, et ils ne peuvent pas continuer éternellement ainsi : Dirk, de son côté, ira voir la cartomancienne Marie Jérôme, comme prévu – à ceci près qu’ils ont maintenant deux cartes du tarot étrange, et non une seule… ce qui rend cette visite plus pressante. Il repassera ensuite chercher les Sterling à la Bibliothèque Nationale, et ils rentreront ensemble à l’Hôtel Oloffson.

IV : MARIE JÉRÔME, 87 RUE MACAJOUX, BEL AIR

 

 

Dirk Kessler, muni des cartes de tarot, se rend à l’adresse de Marie Jérôme, qu’il avait retrouvée dans ses notes – elle se trouve à Bel Air, au nord de Port-au-Prince, avant la Saline. Il a la surprise de se retrouver devant une boulangerie. Avant même qu’il ait le temps de se présenter, la boulangère, une femme noire à la forte corpulence, lui indique de la tête une porte donnant sur l’arrière-boutique, et lui fait signe d’y aller. Le détective s’exécute, et se retrouve dans une pièce d’allure bien différente, une sorte de petit salon très richement décoré.

 

 

Il s’y trouve tout un bric-à-brac de tentures, de cages de perroquets, etc. Une femme noire aux traits un peu émaciés, qu’il suppose être Marie Jérôme, y est installée...

... derrière une petite table en bois, gravée d’un pentagramme :

 

Le détective a à peine le temps de se demander s’il était déjà venu ici que la femme l’interpelle : « Mr Kessler ! Je ne pensais pas vous revoir de sitôt… Vous avez changé d’avis, pour ce qui est du tirage de cartes ? » Dirk est intrigué : ce n’est donc pas la première fois qu’il vient ? Bien sûr que non ! Il était venu lui poser des questions sur le vaudou… Les cérémonies, notamment – elle lui avait parlé de la Fet Guédé, très bientôt ; la fête des morts, les 1er et 2 novembre… « Ah, et Mr Northeast, du coup, vous êtes allé le voir ? » C’est elle qui lui avait donné l’adresse de l’anthropologue – mieux à même d’expliquer le vaudou à un Américain… Mais il n’en a aucun souvenir.

 

Mais il est… revenu, donc, pour parler d’autres choses – il a trouvé ces cartes de tarot, assez étranges, et… À peine les a-t-il posées sur la table en bois que la cartomancienne se lève avec un cri d’effroi ! Comment a-t-il récupéré ça ? Dirk l’explique, étonné par la réaction de son interlocutrice, qui lui dit que ces cartes sont « maléfiques » : il ferait bien de les détruire ! Ce n’est pas le « vrai » tarot, c’est autre chose – un très mauvais signe… Seules des personnes aux motivations très sombres les emploient. Elle refuse d’en dire davantage, opposant un « non » catégorique aux questions du détective, qui n’est pas à même de la persuader de se montrer plus conciliante – les personnes qui utilisent ce jeu, le détective ferait mieux de ne pas les rencontrer, elles sont dangereuses !

 

Le détective, la fois précédente, s’était montré très désagréable à l’encontre de son activité de cartomancienne, quand elle lui avait proposé de faire son tirage ; il avait dénigré le tarot, ces « bêtises de bonnes femmes »… Mais Marie Jérôme y voit la confirmation qu’un sort funeste est prêt à s’abattre sur son visiteur ! Et, comme pour se rassurer, elle bat son propre jeu de tarot. Dirk suppose qu’il pourrait effectivement être bienvenu de lui faire un tirage, tout compte fait… La cartomancienne le regarde, incrédule – mais elle reprend ses esprits : ça fera 1 $.

 

La cartomancienne bat ses cartes. Elle ferme les yeux en collant le paquet contre son sein ; puis : « Cinq cartes. Les loas me recommandent un tirage de cinq cartes… Le passé, le présent, le futur, l’obstacle, les conséquences. » Elle demande à Dirk de lui poser une question – ce qui pourra faciliter le tirage. Le détective n’hésite pas une seconde : « Où est Jack ? » Marie Jérôme réfléchit un instant, les yeux fermés, puis tire une première carte…

 

 

« Le passé… La Mort. Mais la Mort inversée. On se méprend souvent sur sa signification – d’autant qu’elle est ici inversée et associée au passé. Ici… L’inertie, le manque d’espoir. Vous êtes dans une impasse… Vous ne savez pas quoi faire. Vous avez perdu quelque chose de très important. Mais il y a autre chose… Cette carte est peut-être bénéfique, oui, en fin de compte. Vous avez trouvé un moyen de vous débrouiller. Malgré la perte, malgré la tentation de l’inertie, le manque d’espoir. Vous avez trouvé quelque chose. » Marie Jérôme tire la deuxième carte…

« Le présent… Le Diable. Inversé, également. Une autre carte sur laquelle on se méprend souvent. Ici, c’est peut-être une bonne carte – surtout après la Mort inversée. L’esprit clair, serein ? L’intellect domine les instincts, les émotions. Mais ça n’est pas sans risque, en même temps. Les intuitions, les émotions, pourraient mettre fin à cet état de clairvoyance très particulier. Quoi qu’il en soit, c’est votre situation présente. Nous allons tirer la troisième carte… »

« Le futur… Le Pendu, inversé. L’égoïsme, l’égocentrisme… Se débarrasser de ses peurs pour vaincre, ne pas rechigner au sacrifice, y compris de soi-même, pour le bien commun. Vous cherchez quelqu’un. » Dirk approuve aussitôt. « Ce quelqu’un est la cause de vos problèmes actuels. Le futur… Il faudra peut-être le laisser partir, en définitive. » Le détective est perplexe : le laisser partir ? « Ça n’est pas très clair. Aussi bien, il pourrait s’agir de vous débarrasser d’une partie de vous-même… Je pense que les dernières cartes nous éclaireront davantage. Quatrième carte… »

« L’obstacle. Dix de Bâtons, inversé. La trahison. La perte. Le mensonge… Mais… Oui, avec les autres cartes, c’est plus clair : vous vous mentez à vous-même. Et cela pourrait vous conduire à votre perte. Pour vaincre, il faudra mettre un terme à l’illusion. Voyons la dernière carte, les conséquences… »

« Dix d’Épées. Droit, cette fois. Hum… La douleur, l’angoisse aussi. Vous tomberez au plus bas. Mais il y a… comme une résonance. Je crois que… le pire sera passé… et un plus grand bien pourra être accompli. La vérité, d’une manière ou d’une autre, résultera de l’abandon. Et peut-être… Peut-être ! Peut-être cela débouchera-t-il sur le succès. »

 

Dirk est sceptique : ça n’est pas très clair… « Ça ne l’est jamais, Mr Kessler. Mais les loas m’ont guidé dans ce tirage, et, ma foi… Vous savez, l’activité de la cartomancienne, ce n’est pas forcément de prédire le futur. Cela peut être de donner les clefs pour que quelqu’un construise son futur. Et je crois vous avoir donné ces clefs. Je crains de ne pas pouvoir en faire plus pour vous. » Dirk le comprend. Il prend congé, en remerciant Marie Jérôme, et retourne à la Bibliothèque Nationale d’Haïti.

V : BIBLIOTHÈQUE NATIONALE D’HAÏTI, PORT-AU PRINCE

 

 

À la Bibliothèque Nationale d’Haïti, les recherches de Donna Sterling sur le vaudou avancent – si son père ne lui est pas d’un grand secours. Cela demande du temps, mais elle rassemble plusieurs éléments qui lui permettent de mieux appréhender la réalité du vaudou haïtien.

 

 

 

Je donne aux joueurs l’accès à une aide de jeu essentiellement personnelle sur le vaudou, comprenant des généralités sur cette foi, et un lexique des termes les plus essentiels et des divinités les plus connues.

 

 

James Sterling s’est bien vite lassé de toutes ces recherches auxquelles il ne comprend rien – il se met à déambuler entre les rayonnages, sans véritable objectif. Depuis leur arrivée en ces lieux, il constate que nombre d’usagers sont venus faire leurs propres recherches. La plupart sont des Noirs ou des mulâtres. Le racisme instinctif de James, mais à vrai dire tout autant celui de Donna, s’il est plus discret, font qu’ils ne se sentent pas très à l’aise… Ils ne peuvent identifier personne qui aurait un comportement agressif, mais le sentiment persiste – et s’aggrave.

 

Donna a bientôt le sentiment d’être observée. Quand elle lève les yeux des ouvrages qu’elle compulse, elle remarque systématiquement quelqu’un qui semble la fixer, et qui détourne aussitôt le regard. Ce quelqu’un change à chaque fois… Les intentions de ces curieux ne sont pas forcément hostiles, mais le malaise s’accroît.

 

James également constate ce petit jeu. Autrement plus direct que sa fille, il s’avance avec détermination auprès d’un de ces observateurs, qu’il a pris sur le fait : « Qu’est-ce qu’il y a ? On vous dérange ? » Le jeune homme mulâtre lève les yeux, d’abord l’air agacé par cet Américain qui vient l’ennuyer quand il a du travail… mais il regarde bientôt James avec des yeux exorbités – son regard est celui d’un homme terrorisé ! Il recule sur sa chaise… James est plus agressif que jamais : « C’est quoi, votre problème ! » L’homme qu’il prend à parti se lève brusquement et se précipite vers la sortie, pris d’une peur panique ! Mais l’incident ne semble pas susciter l’attention des autres usagers de la bibliothèque…

 

James a alors la sensation d’avoir quelque chose d’humide dans ses poches de pantalon. Il les palpe… C’est poisseux. Quand il sort les mains de ses poches, il constate qu’elles ruissellent de sang ! Et Donna vit exactement la même expérience au même moment… L’étudiante remarque en même temps qu’il y a subitement beaucoup moins de monde dans la bibliothèque : tous ces Noirs et ces mulâtres qui les observaient… ont disparu ? Le père et la fille se regardent mutuellement… et constatent qu’ils dégoulinent de sang tous les deux. Mais il y a autre chose qui les terrifie bien davantage : ils n’ont pas de visages ! Chacun a comme un grand ovale noir en lieu et place de la tête !

 

James bredouille : « Ce connard de Kessler… avait raison ? » Son regard est attiré par un miroir – et il constate qu’il a lui-même ce grand ovale noir à la place de sa tête, tandis que le sang ruisselle sur le reste de son corps… Le père et la fille commencent à hurler de conserve – puis sombrent dans le noir le plus total.

 

 

VI : HÔTEL OLOFFSON

 

 

Dirk Kessler également a sombré dans l’inconscience, sur le chemin du retour ! Il se réveille dans sa chambre à l’Hôtel Oloffson, de même que James et Donna Sterling. Ils sont tous couchés dans leurs lits respectifs, en pyjamas, sans la moindre idée de comment ils sont revenus là... Pas la moindre trace non plus du sang qui poissait les vêtements des Sterling.

 

 

James se rue à la réception, où Nathaniel est à son poste. L’industriel, visiblement sous le coup de la panique, lui demande la date en bredouillant, et le jeune mulâtre, intrigué, lui répond qu’ils sont le vendredi 31 octobre, bien sûr… « Vous voulez prendre le petit déjeuner ? » Mais James a d’autres idées en tête – pris d’un rire dément, il crie presque : « La veille de la Toussaint ! Bien sûr ! » Nathaniel, très mal à l’aise, suggère qu’ils pourraient prendre leur petit déjeuner dans leurs chambres, avec le room service… « Vous lisez dans mon esprit… » lui répond James.

 

Les investigateurs se retrouvent tous dans la chambre de Dirk. James leur indique la date. Ils font le point sur leurs trouvailles respectives – et sur l’expérience qu’ils ont vécue (Dirk n’a pas eu de vision de son corps ruisselant de sang ou de son visage disparu – mais il raconte la séance de tirage de tarot). Ils se perdent en conjectures… Donna se demande s’ils n’ont pas été drogués – à l’hôpital, peut-être ? James se calme petit à petit – c’est sans doute un effet du climat tropical, auquel ils ne sont pas habitués…

 

Quoi qu’il en soit, Donna considère qu’ils ont assez perdu de temps avec des tireuses de cartes, ce genre de choses : il est bien temps de consulter un vrai scientifique, le Dr Bruce Northeast ! Ce nom n’est pas inconnu de l’étudiante en anthropologie – elle ne connaît pas plus que ça ses travaux, mais sait que c’est un anthropologue australien, attaché à l’Université d’Adélaïde – quelqu’un de sérieux, qui s’intéresse aux religions et spiritualités. Dirk ne serait pas étonné de découvrir qu’ils lui avaient déjà rendu visite, après ce qui s’est passé chez Marie Jérôme

VII : BRUCE NORTHEAST, 50 RUE PACOT, PACOT

 

 

L’adresse de Bruce Northeast se situe à Pacot, au sud-est de Port-au-Prince. Il s’agit plus précisément d’un « bungalow » à un étage, relativement coquet, plutôt excentré par rapport à la rue (le premier voisin est à bien cent mètres), et entouré de végétation tropicale.

 

Quand les investigateurs gagnent la véranda, ils voient qu’un coq décapité a été pendu à la porte d’entrée, son sang s’étant écoulé par terre. Dirk Kessler sait qu’il s’agit d’une offrande traditionnelle à Baron Samedi – ce que confirme aussitôt Donna Sterling, qui fait part à ses compagnons de ce qu’elle sait plus généralement du vaudou. La première carte de tarot qu’ils avaient trouvée évoquait immanquablement Baron Samedi, mais le troisième œil au milieu du front ne correspond pas à l’iconographie traditionnelle du célèbre loa petro. Dirk constate que la porte a été forcée : la serrure est défoncée, et la porte de guingois.

 

À l’intérieur, le grand salon a été complètement retourné – les meubles ont été renversés, le sol est jonché de livres et de cahiers. Un escalier mène à l’étage, mais, pour l’heure, les investigateurs restent au rez-de-chaussée. Fouiller avec précision demanderait des heures, dans ces conditions, mais Dirk remarque rapidement que les murs et les meubles portent régulièrement les traces de coups assénés avec une grande lame – comme une épée, ou une machette, peut-être. Quant aux Sterling, qui s’intéressent plus particulièrement au bureau de Bruce Northeast, ils trouvent rapidement les livres que l’anthropologue étudiait quand on a retourné la pièce ; trois éléments attirent leur attention, et d’abord ce qui est vraisemblablement le journal intime de Northeast :

 

Le journal comprend suffisamment d'indications pour localiser les « Étangs Célestes », dans les collines à l'est de Port-au-Prince. Une feuille est glissée en guise de marque-page ; il s'agit de l'adresse, à Port-au-Prince, d'une certaine « Mama Joséphine », une mambo très appréciée des autochtones ; son nom revient régulièrement dans les dernières pages du journal, Bruce Northeast semble l'avoir consultée à plusieurs reprises tout récemment.

 

Les Sterling trouvent également un manuscrit en arabe, accompagné d’un autre livre cette fois en anglais, et intitulé Le Messager masqué – il s’agit de la traduction anglaise, par Samuel Colbridge, révisée et annotée par Rudolph Pearson, d'un original en arabe (marocain) datant du début du XVIIIe siècle et dû à une femme du nom de Sharinza ; tout laisse supposer qu’il s’agit bien du manuscrit arabe trouvé à côté. Il n’est guère difficile d’y trouver dès lors le passage mentionné dans le journal de Bruce Northeast, « la Fable du Guerrier Ashanti » :

 

 

Les investigateurs montent alors l’escalier menant à l’étage. Une odeur infecte stagne – une odeur de décomposition… en provenance du cadavre démembré d’un homme blanc, étendu sur le lit. James est pris de nausée, il ne peut pas s’approcher davantage – la chaleur aggrave encore l’odeur de pourriture. Donna et Dirk tiennent mieux le choc, et s’approchent – là aussi, des meubles ont été renversés et des livres jonchent le plancher : Mondes imaginaires et démence, L’Île magique de Seabrook… et bien d’autres.

 

Mais Dirk et Donna ont l’impression… que le cadavre est animé ? En tout cas, il y a du mouvement sous les draps. Le détective s’approche du lit, contemplant les membres arrachés de la victime, sa tête tranchée. Il retire les couvertures, qui révèlent le tronc du cadavre – percé de part en part. Et de ces trous jaillissent… des dizaines de tarentules ! Dirk ne s’était pas montré très prudent, et il est la victime de plusieurs morsures – extrêmement douloureuses, si elles ne sont pas mortelles… Les araignées se dispersent à l’étage – les Sterling s’en vont sans plus attendre, bientôt suivis par Dirk qui souffre le martyre…

 

VIII : DANS LES RUES DE PORT-AU-PRINCE, AUX ENVIRONS DU GRAND CIMETIÈRE

 

 

Les investigateurs mettent de la distance entre le bungalow de Bruce Northeast et eux – mais Dirk Kessler et James Sterling ne sont pas au mieux de leur forme. Ce qu’ils y ont trouvé a de quoi les mettre mal à l’aise… Mais que faire maintenant ? Ils y réfléchissent en s’abritant d’une violente averse. Ils ont la localisation des Étangs Célestes… Le détective semble disposé à s’y rendre – James plus encore : son fils se trouverait là-bas ! Et en grand danger ! Donna est moins partante : ce n’est pas tout près, et ils ne savent pas ce qu’ils vont trouver là-bas… Et, d’après le journal de Bruce Northeast, la cérémonie doit avoir lieu dans deux jours ? Ils ont d’autres pistes – celle de Labadie Import/Export, notamment ; peut-être le dernier endroit où on a vu Jack Sterling avant sa disparition ? Mais son père y voit une perte de temps… Il y a aussi la mambo Mama Joséphine, dont ils ont trouvé l’adresse chez l’anthropologue ; ils se décident finalement pour cette dernière, et s’y rendent à pied.

 

L’adresse se situe au sud-ouest de Port-au-Prince, vers Léogâne – au-delà du Grand Cimetière de Port-au-Prince, en longeant la ville par le sud. Dans les environs du cimetière, il y a foule : les fidèles préparent avec entrain la Fet Guédé, qui doit commencer officiellement le lendemain et durer deux jours. Le Grand Cimetière est le principal point de ralliement de Port-au-Prince pour cette fête dédiée à Baron Samedi et aux Guédé.

 

 

Et, alors qu’ils sont amenés à fendre la foule, Dirk a la conviction qu’ils sont suivis. Il le suspectait déjà auparavant, mais il en est maintenant certain – en fait, il suppose que deux types d’individus différents guettent leur trajet – des Blancs qui se relaient régulièrement et qu’il suppose être des agents du BRN, mais aussi, depuis peu, des Noirs dont le comportement n’a pas grand-chose à voir, et qui sont sans doute moins habitués à cette tâche. Dirk y prend garde, mais fait celui qui n’a rien remarqué, tout en en informant James et Donna.

 

La foule devient toujours plus dense. Les agents du BRN, qui se voient comme le nez au milieu de la figure, préfèrent lâcher l’affaire – mais les investigateurs sont toujours suivis par l’autre groupe, ou du moins Dirk le suppose-t-il : avec tout ce monde, c’est difficile à dire… Mais cela semble se confirmer : un de ces hommes, aux vêtements très sales, s’approche, il les a clairement en vue.

Dirk le signale à James, et prend du champ – mais les Sterling ont une autre idée : James, ayant identifié le suiveur, décide bien au contraire d’avancer dans sa direction – la main sur la crosse de son revolver. Arrivé au niveau de l’indélicat, l’industriel lui lâche sur un ton très hostile : « Il y a un problème ? » Le Noir est étonné, mais il passe à côté de James, et lui murmure, dans un anglais approximatif : « Bon sang, mais qu’est-ce que vous foutez ! Métraux y va pas garder ces caisses pendant trois mille ans ! » James ne sait pas de quoi il parle. Le Noir lui dit : « Métraux ! Labadie Import/Export ! » Mais James s’en moque, il n’a qu’une chose en tête : « Où est Jack ? » Le docker ne répondant pas, l’industriel repose la même question, sur un ton haché. L’autre dit ne pas savoir ce qu’il en est – il n’est qu’un messager ; mais il poursuit : « Faut s’occuper des caisses ! Sinon y va tout balancer à la flotte ! Les Yanks y flairent le coup ! » James veut l’intimider, il lui crie au visage – et lui crache à la face ! L’homme n’est pas le moins du monde impressionné, mais visiblement furieux, et balance un bon coup de poing en pleine figure à James ! Et il paraît prêt à continuer – d’autant que, dans la foule tout autour d’eux, d’autres ont vu l’Américain cracher à la figure de l’Haïtien, et sont tout disposés à prendre le parti de l’agressé… James est ulcéré : « Mon garçon, je vais te faire un deuxième trou de balle ! » Et il dégaine son revolver .45 ! L’homme se recule, les yeux exorbités : « L’est complètement dingue ! » Et il prend la fuite dans la foule… Or des dizaines de personnes fixent James, certaines effrayées, mais beaucoup plus sont en colère… Dirk vient attraper James et l’emmène rapidement à l’écart, Donna les suivant. Puis ils contournent le Grand Cimetière par le sud, pour ne plus subir la menace de la foule. Une fois qu’ils se sont repris, ils reprennent la direction de l'adresse de Mama Joséphine.

 

À suivre…

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