BÉTAN (Julien) & COLSON (Raphaël), Zombies !, avec la collaboration de Julien Sévéon, Lyon, Les Moutons électriques, coll. Bibliothèque des miroirs, 2009, 342 p.
BROOKS (Max), Guide de survie en territoire zombie, [The Zombie Survival Guide], traduit de l’anglais par Patrick Imbert, illustrations de Max Werner, Paris, Calmann-Lévy, coll. Interstices, [2003] 2009, 318 p.
BROOKS (Max), World War Z. Une histoire orale de la guerre des zombies, [World War Z], traduit de l’anglais par Patrick Imbert, Paris, Calmann-Lévy, coll. Interstices, [2006] 2009, 428 p.
BALAGUERÓ (Jaume) & PLAZA (Paco), [Rec]
Titre original : [Rec].
Année : 2007.
Pays : Espagne.
Genre : Horreur / Zombies / Survival / « Mockumentary ».
Durée : 75 min.
Acteurs principaux : Manuela Velasco, Ferran Terraza, Jorge Serrano…
ROMERO (George A.), Diary of the Dead
Titre original : Diary of the Dead.
Titres alternatifs : Chroniques des morts-vivants, George Romero’s Diary of the Dead, Land of the Dead 2.
Année : 2007.
Pays : États-Unis.
Genre : Horreur / Zombies / Satire / « Mockumentary ».
Durée : 95 min.
Acteurs principaux : Michelle Morgan, Joshua Close, Shawn Roberts…
Partout, vous dis-je, ils sont partout.
Youpi !
Car, je ne sais pas si je vous l’ai déjà dit, mais j’aime les zombies. Oh, oui.
C’est « le seul mythe moderne », à en croire Deleuze et Guattari… ou, en ce qui me concerne, le rabat du bel essai sobrement intitulé Zombies ! de Julien Bétan et Raphaël Colson, tout récemment publié aux Moutons électriques, dans la toute nouvelle collection de la « Bibliothèque des miroirs ». Un beau bouquin abondamment illustré, qui vient prolonger des articles que l’on avait pu lire dans Fiction. Le zombie y est envisagé sous toutes ses formes, du vaudou à l’infection, et sur tous les supports (même si on note, sans surprise, le caractère éminemment cinématographique de la bestiole). Idéal pour les novices, cet essai n’apprendra pas forcément grand chose aux amateurs (quoique… disons que l’on pourra noter ici ou là quelques oublis – pas forcément dramatiques dans l’ensemble –, ou regretter que les analyses des films de zombie post-Romero, sérieux ou pas, soient finalement assez limitées), mais est d’une lecture agréable, bien conçu, et d’une richesse indéniable. Après le laborieux Science-fiction. Les Frontières de la modernité, c’est un sacré soulagement (même si c’est à nouveau truffé de coquilles…). Nébal être content.
Mais dans la foulée sont également sortis deux autres ouvrages zombifiques, dus à la plume de Max Brooks (oui, le fils de Mel), et fort bien traduits par Patrick Imbert. On passera assez vite sur l’amusant Guide de survie en territoire zombie (tout est dans le titre), sans oublier pour autant d’en placer illico un exemplaire dans votre bunker perso, pour quand les zombies débarqueront vraiment. « Ce livre peut vous sauver la vie », après tout. Et si la plaisanterie est un peu longuette, on avouera néanmoins qu’elle est tout à fait savoureuse, multipliant les clins d’œil et surfant allègrement sur les délires type « théorie du complot », etc. À lire par petits bouts, sauf peut-être la dernière partie, évoquant avec talent les résurgences du virus zombifique au cours de l’histoire.
Bien plus intéressant est le pendant de cet ouvrage, clairement romanesque cette fois, publié en parallèle, à savoir World War Z. Une histoire orale de la guerre des zombies (très chouette couverture, d’ailleurs).
(Au passage, je signale une bizarrerie dans la keufna où j’ai fait l’acquisition de ces deux beaux volumes de l’excellente collection Interstices : le Guide de survie en territoire zombie se trouvait au rayon SF, tandis que World War Z était en littérature anglo-saxonne ; comme quoi, on est bien dans l’interstitiel. Ou alors c’est juste que les lecteurs de SF sont plus bêtes ou plus blagueurs que les autres, je vous laisse le choix.)
Bon, World Warz Z, donc. Un roman construit comme un documentaire (succession de témoignages ; c’est à la mode, faut croire – suivez mon regard en direction du très bon Outrage et rébellion de Catherine Dufour), mais qui n’a cette fois rien d’une vilaine blague. Le ton est tout ce qu’il y a de sérieux et de grave. Et, chose étrange, cela marche magnifiquement bien. Max Brooks a su tirer les meilleures leçons des films de Romero pour construire un roman effrayant et fort, où l’horreur pure ne néglige jamais la satire sociale... et l'humanité. À n’en pas douter un des meilleurs romans de ce début d’année 2009, que je vous recommande chaudement, que vous soyez fanatique de zombies ou pas.
Parlons maintenant un peu de cinéma, avec deux films sortis à peu près à la même époque et aujourd’hui disponibles en DVD (depuis un petit moment déjà), que je n'ai vus que tout récemment, et qui présentent d’étonnantes (?) similitudes, puisqu’il s’agit de deux films de zombies filmés caméra à l’épaule façon « mockumentary ».
Commençons par [Rec], des Espagnols Jaume Balagueró et Paco Plaza. Un petit budget horrifique ma foi fort bien foutu (alors que Balagueró ne m’avait jusqu’alors pas convaincu – j’avais été très déçu par La Secte sans nom…), où nous suivons une équipe de télévision partie filmer la vie d’une caserne de pompiers, et qui se retrouve bientôt enfermée dans un immeuble où… bon, y’a des zombies. Intéressant de voir que pour une fois, il ne s’agit pas d’empêcher les zombies de rentrer, mais bien pour les vivants en sursis d’essayer de sortir. Le film se montre très efficace, et les auteurs s’amusent avec leur caméra, passant par une multitude de ficelles destinées à accentuer l’effet de réel (mouvements non contrôlés, son qui foire, lumière, batterie, etc.). Et c’est fort sympathique, même si nettement moins bon qu’on a pu le dire ici ou là. La fin, en ce qui me concerne, m’a d’ailleurs tristement déçu… Une honnête série B, efficace (au premier visionnage, en tout cas), et c’est l’essentiel.
Diary of the Dead, en dépit des apparences, n’a à peu près rien à voir. Romero revient ici aux racines de son cinéma zombifique, le film ne prenant pas la suite de Land of the Dead, mais retournant aux débuts de l’épidémie. Nous y suivons une équipe de cinéma, cette fois, partie tourner un film d’horreur minable très Hammer au moment où les morts commencent à ressusciter. Alors, tout en essayant de survivre, l’apprenti réalisateur décide de filmer pour « informer les gens », en diffusant ses images sur le ouèbe. Comme toujours chez Romero, le zombie est un prétexte autorisant une cinglante satire sociale. Mais cette fois, hélas, ça ne marche pas vraiment. Le point de départ est pourtant intéressant dans son ambiguïté : on nous informe immédiatement que le film revendique son montage, et que de la musique a été rajoutée ; on brise ainsi les codes du Projet Blair Witch ou de [Rec] (et de Cannibal Holocaust, etc., et dans un sens de La Nuit des morts-vivants…) pour s’interroger sur le point de vue et la vérité. Mais il y a un double problème qui rend ce film décevant. D’une part, on pourra remarquer que si, dans la plupart des films de ce genre, on peut se poser la question « pourquoi continuent-ils à filmer ? », cette fois c’est plutôt l’inverse : « Pourquoi commencent-ils à filmer ? ». Passé le superbe (faux) plan séquence du prologue, une fois que l’on a rejoint notre petite troupe d’étudiants, la magie est brisée par l’invraisemblance : il n’y a aucune raison pour que le jeune réalisateur filme les engueulots de ses acteurs (en exagérant d’ailleurs sur « l’effet de réel »), ou s’empresse de les interroger façon TV réalité ou casting alors que le drame débute, ou a fortiori qu’il filme jusqu’à ses scènes de ménage… Ce problème de vraisemblance m’a paru gênant, quand bien même il participe sans doute (avec une foultitude de clins d’œil) de la réflexion du film sur l’information et la manipulation. D’autre part, le film semble se chercher entre humour et horreur, des passages de pure comédie venant de temps à autre parasiter le propos autrement très grave, là encore d’une manière peu vraisemblable et déstabilisante. Diary of the Dead contient des éléments intéressants, mais n’emporte pas l’adhésion. Avec ce film bancal, on est très loin des meilleurs Romero.