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La "Trilogie de Gormenghast", de Mervyn Peake

Publié le par Nébal


PEAKE (Mervyn), Titus d’Enfer, [Titus Groan], illustrations de Mervyn Peake, traduit de l’anglais par Patrick Reumaux, préface d’André Dhôtel, Paris, Phébus, coll. Libretto, [1959, 1998] 2006, 502 p.

 

PEAKE (Mervyn), Gormenghast, [Gormenghast], illustrations de Mervyn Peake, traduit de l’anglais par Gilberte Lambrichs et Patrick Reumaux, préface de Patrick Reumaux, Paris, Phébus, coll. Libretto, [1968, 1977, 2000] 2006, 552 p.

 

PEAKE (Mervyn), Titus errant, [Titus Alone], illustrations de Mervyn Peake, traduit de l’anglais par Patrick Reumaux, préface d’André Dhôtel, Paris, Phébus, coll. Libretto, [1959, 1967, 1979, 2001] 2006, 281 p.

 

Ayé, j’ai enfin lu la « trilogie de Gormenghast ». Bon, sans doute pas au meilleur moment (parce que, attention, c’est du lourd), mais je l’ai lue. Enfin. Depuis le temps qu’on m’en disait le plus grand bien ! Mais, si le retard s’est accumulé, ce n’est pas ma faute, d’abord. C’est tout simplement parce que, si je trouvais sans difficulté aucune les tomes 2 et 3 (Gormenghast et le bien plus court Titus errant), je n’arrivais pas à mettre la main sur le premier volume, Titus d’Enfer. Nulle part ; j’ai essayé toutes les librairies toulousaines, et, non, ce tome 1 manquait toujours. Heureusement, il y a Scylla ; et lors d’une virée parisienne, après un léger temps d’arrêt, j’ai enfin pu faire l’acquisition du tout.

 

Ne restait plus qu’à lire ces 1300 et quelques pages. Facile…

 

Ben non. Pas si évident que ça. Parce que j’ai rarement lu quelque chose d’aussi touffu. La plume de l’auteur (jusqu’alors connu essentiellement en tant qu’illustrateur) est d’une générosité peu commune, et se déploie au travers de longues et riches descriptions, le tout constituant à peu de choses près un gargantuesque et précieux poème en prose, d’un abord aride et quelque peu effrayant. La « trilogie de Gormenghast », qu’on se le dise, se mérite. Mais le jeu en vaut la chandelle.

 

En tout cas, en parler n’est pas non plus évident, ce que le traducteur Patrick Reumaux admet volontiers lui-même dans sa préface à Gormenghast. Régulièrement, quand je me baladais en lisant ces beaux volumes, il se trouvait quelqu’un pour me poser la question inévitable : « Ça parle de quoi ? »

 

 

Ben, euh…

 

Pas facile, vous dis-je.

 

Mais essayons. Nous avons donc Gormenghast, un château titanesque au pied d’une montagne. Dans ce château réside la noble famille d’Enfer, et une armada de serviteurs. Le premier roman débute alors que les habitants apprennent la naissance de Titus, héritier du titre, destiné à devenir le 77e comte d’Enfer et seigneur de Gormenghast. Mais, à la Tristram Shandy, Titus, pour donner son nom à deux des trois volumes, n’apparaît encore guère dans le premier, qui s’achève avec son premier anniversaire. Nous suivons jusqu’alors essentiellement deux trames : la lutte sans merci entre deux des principaux domestiques, le valet Craclosse et le chef cuisinier Lenflure, et l’ascension (sociale et « concrète ») de l’arriviste Finelame, manipulateur ambitieux et avide de vengeance, que Julien Sorel, à côté, bah c’est un peu un pédé, quand même. Pour le reste, nous nageons dans les rites immuables et absurdes qui rythment la vie de Gormenghast. Et là, quoi qu’en dise le préfacier André Dhôtel, qui parle de « gaffe », il y a tout de même bien à mon sens un peu de Kafka dans tout ça ; mais pas celui du Château, non, davantage celui du Procès. Et du Lewis Carrol aussi, mais davantage celui de Sylvie et Bruno que celui d’Alice (voyez les professeurs, notamment, dans le deuxième tome). Et beaucoup d’autres choses, qui font de Titus d’Enfer un roman inclassable, foisonnant, brillant – c’est magnifiquement écrit (et traduit) – mais aussi terrifiant. Un brin ennuyeux parfois – d’autant que l’on ne sait pas où l’on se rend –, le plus souvent fascinant néanmoins (j’ai dévoré les 200 dernières pages, en gros).

 

Gormenghast reprend le fil quelques années plus tard, et se place sous le signe de la révolte prométhéenne, Finelame poursuivant son œuvre de destruction, tandis que Titus, enfant, se montre de plus en plus rebelle aux rites, à la Loi et à l’école, et rêve de vagabondage. Ce deuxième tome amplifie tout ce qui faisait la saveur du premier volume, jusqu’à s’achever en une saisissante apothéose. Et, au long des deux romans, les morts s’accumulent, et la folie s’insinue de plus en plus dans le château, dont la faune, pourtant bien barrée dès le départ, sombre dans le délire alors qu’un déluge submerge progressivement Gormenghast.

 

Dans Titus errant, enfin, le 77e comte d’Enfer et seigneur de Gormenghast, adolescent, succombe à l’appel de l’extérieur, et quitte sa demeure ancestrale, pour se perdre dans un monde peut-être plus déjanté encore que celui dans lequel il avait grandi jusqu’alors, et où l’on en vient à questionner la réalité de Gormenghast, inconnu de tous. Ici, j’avouerai – lèse-majesté ? – que ce troisième roman, pour être deux fois plus court que les précédents, et sans doute plus rythmé (il se découpe en très brefs fragments), ne m’a pas autant séduit, et m’a plutôt ennuyé. L’absence du fascinant cadre du château, sans doute. Et overdose, peut-être.

 

Il n’en reste pas moins que cette trilogie, si elle a de quoi rebuter, constitue bien un monument littéraire unique en son genre. L’abord n’est pas facile, mais les visions et la poésie qui coulent de ces pages sont une récompense à la hauteur du challenge. Et l’on comprend mieux, par ailleurs, l’influence qu’a pu avoir Mervyn Peake sur certains des auteurs maintes fois rencontrés en Nébalie, et en premier lieu Michael Moorcock (et peut-être Edward Whittemore, aussi).

À lire. Courage, bonne chance, « nous sommes avec vous », mais n’hésitez pas.

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"L'Aleph", de Jorge Luis Borges

Publié le par Nébal

 

BORGES (Jorge Luis), L’Aleph, [El Aleph], traduit de l’espagnol par Roger Caillois et René L.-F. Durand, [Paris], Gallimard, coll. L’Imaginaire, [1962, 1967, 1977] 2007, 220 p.

 

Après Le Livre de sable, et avant de revenir aux indispensables Fictions, j’ai poursuivi mes lectures borgessiennes avec cet excellent recueil paru (après quelques tours et détours labyrinthiques) dans la non moins excellente collection « L’Imaginaire » chez Gallimard.

 

« Le recueil de la maturité de Borges conteur », nous dit Roger Caillois. Je le crois volontiers, d’autant qu’il m’a encore davantage séduit que le plus tardif dans l'ensemble Livre de sable. Ce bref volume comprend en effet nombre de merveilles, le plus souvent d’une concision caractéristique de l’auteur (si l’on excepte notamment la première nouvelle, « L’Immortel », plus longue que d’habitude, mais non moins fascinante). On y trouve en tout cas toutes les obsessions de l’auteur, le labyrinthe, le double, la mort et l’infini, autant de thèmes souvent traités en usant de références bibliographiques fantaisistes, quand ils ne s’inscrivent pas dans la tradition orale du conte. La plume de l’auteur s’y montre particulièrement sobre et acérée, et le lecteur se régale du début à la fin, les nouvelles se répondant mutuellement pour former un recueil d’une unité inattendue.

 

Une seule nouvelle ne m’a pas véritablement convaincu, à savoir « Le Zahir », qui m’a laissé pour le moins perplexe (pourtant…). Le reste est un vrai bonheur, et notamment les nouvelles « macabres » et/ou labyrinthiques traduites originellement par Roger Caillois, qui constituent à mon sens le cœur du recueil : « L’Immortel », « Histoire du Guerrier et de la Captive », « La Demeure d’Astérion », « La Quête d’Averroës », « L’Écriture du Dieu », « Abenhacan el Bokhari mort dans son labyrinthe », et « Les Deux Rois et les Deux Labyrinthes ». J’y rajouterais, de mémoire, « Les Théologiens » et « L’Aleph ».

 

Plus encore que pour Le Livre de sable, il me paraît impossible de décortiquer davantage le recueil sans sombrer dans la paraphrase ou l’anéantissement du charme ; j’ajouterais que, au jour où je rédige cette note, ma lecture de L’Aleph commence un peu à dater, et mes souvenirs en sont plus ou moins flous (ou, peut-être plus exactement, confus), de l’eau ayant coulé sous les ponts… Plutôt que d’écrire des bêtises, je préfère donc m’en tenir (bêtement, peut-être ; paresseusement, sans doute) à ces quelques lignes, ou vous renvoyer à la note de Francis Berthelot dans sa Bibliothèque de l’Entre-Mondes.

Et vous recommander chaudement cet excellent recueil, emblématique d’un des plus grands écrivains du XXe siècle.

CITRIQ

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La série "Thursday Next", tomes 1 à 5, de Jasper Fforde

Publié le par Nébal


FFORDE (Jasper), L’Affaire Jane Eyre, [The Eyre Affair], Paris, Fleuve Noir – 10/18, coll. Domaine étranger, [2001, 2004-2005] 2007, 409 p.

 

FFORDE (Jasper), Délivrez-moi !, [Lost in a Good Book], traduit de l’anglais par Roxane Azimi, Paris, Fleuve Noir – 10/18, coll. Domaine étranger, [2002, 2005-2006] 2007, 444 p.

 

FFORDE (Jasper), Le Puits des histoires perdues, [The Well of Lost Plots], traduit de l’anglais par Roxane Azimi, Paris, Fleuve Noir – 10/18, coll. Domaine étranger, [2003, 2006] 2007, 445 p.

 

FFORDE (Jasper), Sauvez Hamlet !, [Something Rotten], traduit de l’anglais par Roxane Azimi, Paris, Fleuve Noir – 10/18, coll. Domaine étranger, [2007, 2007] 2008, 471 p.

 

FFORDE (Jasper), Le Début de la Fin, [First Among Sequels], traduit de l’anglais par Jean-François Merle, Paris, Fleuve Noir, [2007] 2008, 498 p.

 

Et hop : cinq bouquins d’un coup, tous dévorés d’une traite, et à peu de choses près enchaînés (ce qui est très rare chez moi). Tout simplement parce que la série « Thursday Next » du Gallois Jasper Fforde correspond exactement à ce que j’avais besoin de lire en ce moment : du « bizarre » drôle et enjoué, à cheval entre les genres, et bourré d’idées tant pour ce qui est du fond que de la forme. Je suis tombé amoureux de Thursday Next. Là, c’est dit.

 

Le premier volume (et par ailleurs premier roman de l’auteur), L’Affaire Jane Eyre, nous fait faire la connaissance de la dame, vivant dans une Angleterre uchronique où, entre autres, la guerre de Crimée dure depuis près de 150 ans et où le Pays de Galles s’est imposé en tant que république populaire indépendante. Thursday Next est une OS-27, c’est-à-dire une détective littéraire, dans un monde où la littérature a bien plus d’importance et soulève bien plus d’enthousiasme que dans notre triste monde tragique. Mais, dans les rangs du service des Opérations Spéciales, ce n’est certainement pas la meilleure place ; d’ailleurs, seuls les services en-dessous d’OS-20 sont frappés de confidentialité. Ce qui n’empêche certainement pas notre héroïne de savoir qu’OS-12 correspond à la ChronoGarde (la « Patrouille du temps », en gros), ou OS-9 à l’anti-terrorisme, et OS-1, conformément à la rumeur, constituant la « police des polices » au sein du service.

 

En temps normal, la vie d’une OS-27 est terne au possible, et ne s’intéresse à peu de choses près qu’à la lutte contre la contrebande, le plagiat ou la fabrication de faux Shakespeare. Mais Thursday Next va bientôt se retrouver embringuée dans une enquête autrement plus complexe, du fait des exactions d’un super-vilain au nom éloquent, son ancien professeur Achéron Hadès. Et quand celui-ci met la main sur Jane Eyre, un des romans préférés de Thursday, la détective voit rouge… A fortiori quand cette « incarnation du mal » s’en prend à la famille Next. L’oncle de Thursday, Mycroft, est en effet un inventeur génial (et fou, bien sûr), qui a notamment inventé une machine à voyager dans les livres. Inconsciemment, il a ainsi fourni un moyen de pression terrible : le possesseur du manuscrit original est alors en mesure d’y mettre son grain de sel, de le réécrire, voire de le détruire… C’est donc au cœur même des livres, littéralement, que Thursday Next va devoir mener son enquête.

 

Mais disons-le tout de suite, et ça s’applique à ces cinq premiers volumes : la trame, généralement assez confuse, n’est pas le plus intéressant dans cette série. Ce qui frappe avant tout, c’est un déferlement d’idées géniales, burlesques et déjantées à chaque page, dans lesquelles le lecteur se perd avec délice (et plus particulièrement, j’imagine, s’il a une bonne connaissance de la littérature anglaise – ce qui n’est pas du tout mon cas, mais, heureusement, ne m’a pas empêché de me régaler à chaque fois).

 

Et le plus impressionnant, c’est que chaque volume, après ce coup de maître (dont la conclusion, d’une hystérie typiquement romanesque, est extraordinairement jubilatoire), ne se contente pas de surfer sur les inventions du premier, mais continue, page après page, à multiplier les idées et les gags, tout en construisant un univers singulier, de plus en plus riche, foutraque, même, et pourtant cohérent.

 

C’est déjà vrai pour ce qui est de Délivrez-moi !, mais plus encore à partir du troisième volume, Le Puits des histoires perdues, où la trame se fait plus légère que jamais, mais où la fonction de Thursday change radicalement : elle reste détective littéraire, certes, mais cette fois dans le monde des livres, décrit avec brio. Elle se déplace dans les livres, communique par notes de bas de page, élimine les grammasites, apprend aux personnages en devenir ce qu’est le sous-texte, croise une multitude de figures littéraires de légende… Elle y passe même en justice, pour avoir « involontairement » changé la fin de Jane Eyre. Dans Délivrez-moi !, Thursday doit ainsi faire face au juge d’instruction du Procès de Kafka, puis, dans le tome suivant, elle remplace en gros Alice dans les dernières pages d’Alice au pays des merveilles (cette fois, connaissant bien les œuvres pastichées, j’avoue m’être particulièrement régalé…).

 

Ensuite, Sauvez Hamlet ! (réjouissante satire politique) et le tout récent Le début de la fin (où la télé-réalité s’insinue dans le monde des livres) alternent les deux univers et les deux fonctions de Thursday Next pour le plus grand plaisir du lecteur.

 

Beaucoup d’humour, porté sur l’absurde, des personnages terriblement attachants (en premier lieu l’héroïne, un personnage féminin comme on n’en croise hélas que trop rarement), un rythme enjoué, des jeux formels et clins d’œil réjouissants… N’en jetez plus : cette série est un vrai bonheur du début à la fin. Tout simplement indispensable.

J’en veux encore. Allez, hop, et plus vite que ça.

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You know what?

Publié le par Nébal


...

Bon, pas tout à fait. Parce que, par certains côtés, bon (faut dire, j'ai écouté ça en boucle pendant un mois, vu que j'avais rien d'autre) (c'est malin) (mais bon, cet album est exceptionnel, aussi) (m'enfin, quand j'ai pu varier, j'ai tout de même choisi du plus léger) (avec une couche de Slayer par dessus, à tout hasard).

En tout cas, j'ai quitté définitivement (...) Le Village aujourd'hui, et suis ainsi retourné chez les vrais fous (l'asile, c'est l'extérieur, spa ?).

J'ai beaucoup lu, ces derniers temps (vu que j'avais rien d'autre à foutre, aussi). Du coup, j'ai un retard énorme. Le temps de redémarrer la machine, je vais donc me contenter de notes plus brèves et lapidaires que d'habitude, et sans doute aussi procéder à quelques recoupements.

Merci encore aux gens qui m'ont fait part de leur soutien / inquiétude.

Allez, hop, c'est tipar, à donf' dans la drepou. Une parenthèse se ferme.

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