"Les Vestiges de l'aube", de David S. Khara
KHARA (David S.), Les Vestiges de l’aube, préface de Serge Le Tendre, Encino, Black Coat Press, coll. Rivière Blanche – Noire, 2010, 209 p.
Je n’aime pas dire du mal des gens. Et je n’ai aucune envie de dire du mal des gens de Rivière Blanche, que – attention, cette chronique contient en guise d’introduction un grand moment de schlurpitude – j’estime beaucoup pour leur honnêteté et leur enthousiasme. D’ailleurs, si – allez – 80 % au moins du catalogue du petit éditeur ne me sont clairement pas destinés (parce que SF à papa, voire à papy, et compagnie), il y a dans le reste des choses parfois fort intéressantes, y compris des bonnes surprises, jusque dans les ouvrages les plus inattendus. C’est ainsi que, il y a quelque temps de cela, je me suis beaucoup amusé avec L’Effroyable Vengeance de Panthéra de Pierre-Alexis Orloff, sorte de bit’-lit’ façon 60’s décidément très rigolote parue dans la collection « Noire » de Rivière Blanche. Aussi, de temps en temps, je croque dans ladite collection, et jusqu’à présent je n’ai guère eu à m’en plaindre.
Mais voilà, aujourd’hui, je dois vous parler des Vestiges de l’aube de David S. Khara.
(Franchement, vous feriez confiance, vous, à un auteur dont les initiales sont D.S.K. ?)
(Pardon.)
(Pas pu résister.)
Un petit bouquin (premier roman si je ne m’abuse) qui avait été plutôt bien accueilli ici, là, ou encore à côté. Ce qui explique pourquoi j’ai jeté mon dévolu sur la bête, malgré son thème éculé au possible – le vampirisme –, en cette période où j’avais envie de lire quelque chose de léger.
Et là, franchement, les gens, je me demande si on a lu le même livre. Surtout quand je lis, ici, là, ou à côté, moult éloges concernant l’originalité du bousin et sa capacité à s’éloigner des clichés du genre. Moi y’en a pas comprendre, dans la mesure où ce polar vampirique constitue dans une large mesure une resucée (aha) d’Entretien avec un vampire d’Anne Rice, où l’auteur enfile les lieux communs avec la constance et l’application d’un collégien consciencieux mais néanmoins médiocre dans une rédac’ au sujet un peu libre.
Tout cela est déjà bien fâcheux. Mais le pire est ailleurs. C’est que, voyez-vous, mesdames et messieurs, en fait de roman d’horreur, ce qui fait surtout peur dans Les Vestiges de l’aube, c’est le style. Fouyayaye ! Ça faisait un bail que j’avions point lu une atrocité du genre. C’est écrit avec les pieds de la voisine, qu’on supposera paraplégique. Je vous épargnerai des extraits, c’est plus fade et maladroit que véritablement ridicule (sauf exceptions... généralement quand l'auteur veut faire un trait d'humour) ; mais il y a là amplement de quoi faire saigner les yeux et les oreilles.
« Mais de quoi ça parle, bordel ? Tu flingues, tu flingues… et on connaît toujours pas l’histoire de ce machin ! »
Ah oui, pardon. C’est que ça me pesait sur le cœur, comprenez-vous ? Donc, l’histoire. Nous avons un vampire (donc), du nom de Werner Von Lowinsky (original), né d’un noble prussien et d’une Française au XIXe siècle, industriel américain durant la guerre de Sécession. Et en face, Barry Donovan, un flic new-yorkais, un vrai de vrai, et dur de dur, confronté à une enquête avec plein de cadavres sur la moquette. Les deux bonshommes font connaissance sur Internet, et s’enthousiasment l’un pour l’autre (mais rien de sexuel, attention), parce qu’ils causent ‘ach’ment mieux que tous les aut’ quidams, là (ce que l’auteur ne sait pas rendre du tout), et qu’ils ont des centres d’intérêt communs.
Werner, reclus dans sa solitude depuis bien trop longtemps, cherche quelqu’un avec qui échanger. Quelqu’un, allez savoir, à qui il pourrait révéler sa nature de vampire… Quant à Barry, traumatisé par la perte de sa femme et de sa fille lors du Onze-Septembre (passage étonnament bien rendu, là, je dois le reconnaître), il ne manque pas d’être séduit par le mystérieux aristocrate quelque peu anachronique. Et il en vient même – le con – à lui causer de son enquête. Et Werner de chercher à l’aider, avec ses moyens pour le moins particuliers…
Et voilà. À quelques exceptions près, les clichés du vampirisme post-Rice sont là ; et vient se greffer par-dessus une intrigue policière pour le moins inepte, avec rebondissements grotesques à la clef, deus ex machina en veux-tu en voilà (c’est vrai que c’est pratique, les vampires…), le tout emberlificoté dans un gros sac de nœuds pour faire croire (de loin, de dos et dans le noir) à la complexité et l’astuce de la chose. Mais ça ne trompera personne.
Les personnages sont tout aussi ineptes, mauvais clichés tout droit sortis d’une mauvaise série TV. Werner est une caricature sur pattes, et Barry ne vaut pas mieux. On insiste beaucoup sur la prétendue « humanité » de Werner, mais, franchement, celui-ci a autant de caractère et de charisme qu’une huitre avariée fan de Keanu Reeves. Quant aux seconds rôles, qu’il s’agisse du comparse de Barry, nécessairement ridicule et pleutre, ou des vilains mafieux qui ne manquent pas de répondre à l’appel (bwaha !), ils ne valent guère mieux. On appréciera, tant qu’on y est, les décors, et notamment le luxueux appartement de Barry – ultra crédible.
Sur le plan de la narration, pas mieux. Le roman alterne entre passages à la première personne et en italiques (beuh) pour le récit de Werner – David S. Khara peinant atrocement pour trouver une langue qui sonne archaïque – et récit à la troisième personne pour tout le reste (c’est déjà un peu plus supportable).
Au final, nous avons donc Les Vestiges de l’aube. Un roman ni fait ni à faire, mal écrit, guère passionnant, totalement dénué de la moindre originalité, bref, sans grand intérêt. Ah, et il y a une fin ouverte, laissant augurer d’une suite…
Ben ça sera sans moi, les amis.