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"Les Premières Utopies", de Régis Messac

Publié le par Nébal

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MESSAC (Régis), Les Premières Utopies, suivi de La Négation du progrès dans la littérature moderne ou les antiutopies, édition établie par Olivier Messac, préface par Serge Lehman, Paris, Ex Nihilo, [1937-1938] 2008, 183 p.

 

Après m’être régalé avec le romancier Régis Messac (Valcrétin, La Cité des asphyxiés, et surtout Quinzinzinzili), je découvre aujourd’hui avec ce petit ouvrage Régis Messac essayiste. Nous avons droit ici à deux communications, publiées dans la revue des Primaires (rien à voir avec les larmes de Royal) dont Messac était rédacteur en chef. Elles nous sont proposées dans l’ordre inverse de leur parution, plus satisfaisant sur le plan logique. Et concernent toutes deux la question si passionnante et complexe des utopies.

 

J’ai déjà eu l’occasion d’exprimer mon intérêt pour cette problématique, notamment en rendant compte de ma lecture du numéro de Yellow Submarine intitulé Envies d’Utopie. J’avais alors proposé ma vision des choses, peut-être un peu naïve, et reposant sur une double dichotomie opposant d’une part utopies « positives » et utopies « négatives », et d’autre part utopies « critiques » et utopies « programmatiques ». Sans surprise (ben tiens), Messac a une conception toute différente, et je dois dire que cela n’a pas été sans me poser quelques problèmes.

 

Ainsi, à ses yeux, pour prendre un exemple parlant, La République de Platon, que je considérerais pour ma part comme une utopie « positive » (aux yeux de l’auteur, en tout cas…) et « programmatique », ne saurait être qualifiée d’utopie. Ne constituent pour Messac des utopies que les créations littéraires qui remplissent deux conditions : un cadre fantasque (ou-topos), et un fond que l’on dira « positif », où l’utopie ne peut être considérée comme telle que si elle consiste en un monde meilleur (eu-topos). La République ne satisfaisant pas à la première condition, ne saurait donc être considérée comme une utopie. Par contre – et là je ne suis que moyennement convaincu, eu égard à la deuxième condition –, l’Atlantide telle qu’il la décrit dans le Timée et le Critias inachevé constitue bel et bien une utopie.

 

Cette insistance sur le cadre me semble inscrire la conception de Messac dans une perspective relevant davantage de l’histoire littéraire que de l’histoire des idées politiques ; rien d’étonnant, sans doute, chez cet auteur de science-fiction (osons le terme), qui cherche au genre qui le passionne de lointains prédécesseurs, et critique les antiutopies (que je qualifierais donc pour ma part « d’utopies négatives », voire de « dystopies » selon les cas) comme témoignant d’un esprit nécessairement réactionnaire, dans un esprit très militant (les références à Marx, notamment, abondent, surtout dans la seconde communication).

 

Et c’est là le deuxième aspect qui m’a un peu gêné dans ces textes, et surtout dans le dernier. Dans cette critique virulente des antiutopies (mais on verra qu’ici, Messac voit large…), qui s’adresse tout autant et de manière générale aux contempteurs de la nature humaine stigmatisés comme des réactionnaires patentés, j’avoue n’avoir pas reconnu l’auteur délicieusement cynique et acerbe de Valcrétin, La Cité des asphyxiés et à plus forte raison Quinzinzinzili… On a un peu le sentiment de voir un deuxième Messac, chez lequel les idées politiques imposent consciemment une certaine vision des choses, là où le romancier laisse peut-être – je dis ça naïvement – parler davantage son inconscient. Car il est difficile de reconnaître dans le romancier Messac l’optimiste forcené qui livre ces deux communications ; cela dit, comme Wells, pour n’en citer qu’un, l’a bien montré, on peut parfaitement être de gauche et en même temps pessimiste… mais, chez Messac, on a le sentiment d’une incompatibilité fondamentale (certes plus logique à bien des égards, mais qui n’est pas sans soulever quelques difficultés). D’où – et c’est assez surprenant eu égard aux fictions de Messac que j’avais eu le plaisir de lire – la tonalité très optimiste de ces textes, et surtout du second : l’auteur se doit de croire en la possibilité d’un monde meilleur et de nier la possibilité d’une nature humaine, ses idées politiques l’imposent.

 

Il est un troisième point qui m’a quelque peu chagriné, et qui cette fois est indépendant de ma conception des choses, du moins j’en ai l’impression – et est du coup plus gênant « objectivement » : on ne critiquera certes pas Messac pour avoir été lacunaire, le format de ces textes comme l’ampleur de la tâche excluant l’exhaustivité ; mais, ce qui est regrettable, c’est que Messac, dans les deux textes, mais – là encore – surtout dans celui consacré aux antiutopies, ne respecte pas vraiment lui-même sa « déclaration d’intentions », si vous me passez l’expression : en effet, on le voit évoquer des créations littéraires certes fantasques selon le cadre, mais dont l’imprécision politique et sociale rend difficile la qualification d’utopie selon ses critères ; plus ennuyeux, dans le second texte, emporté par sa volonté de combattre la réaction sous toutes ses formes, on le voit adresser de virulentes critiques à des auteurs dont le rapport à l’utopie (ou, en l’occurrence, à l’antiutopie) est pour le moins léger – et je pense ici notamment au « pauvre Poe », même si l’on pourrait sans doute étendre ce reproche à la critique de Musset, Hugo et Balzac…

 

Tout cela explique assez, du moins je le suppose, ma relative déconvenue à la lecture de ce petit ouvrage. Il n’en présente pas moins d’indéniables qualités, et fait notamment preuve d’une érudition impressionnante.

 

C’est ainsi avec plaisir, malgré tout, que l’on suit Messac dans l’évocation des « premières utopies » (on pourra trouver étrange qu’il néglige Homère, cependant, et entre autres), qu’il va essentiellement chercher chez les auteurs alexandrins et romains : Évhémère, Hécatée d’Abdère, Théopompe, Iambule… souvent « repêchés » par Diodore de Sicile, Strabon, etc. Une succession de contrées fantastiques toutes plus fascinantes les unes que les autres, même si, régulièrement, les détails manquent qui pourraient amener à les considérer véritablement comme des utopies sur les plans politique et social.

 

La deuxième communication, pour les raisons préalablement citées, est sans doute moins convaincante ; on y relèvera tout de même quelques passages intéressants sur certaines antiutopies clairement réactionnaires, et souvent d’inspiration chrétienne, le meilleur exemple en étant fourni par Ballanche et sa Ville des expiations. Pour ce qui est de Musset, Balzac, Hugo et surtout Poe, on pourra légitimement, à mon sens, se montrer plus réservé : on a un peu l’impression d’un auteur emporté par son sujet bien au-delà de ce qui devrait constituer le cœur de son article…

 

Ces Premières Utopies m’ont donc plutôt déçu. Certes, une part de cette déception m’est imputable directement, dans la mesure où mes conceptions et celles de Messac (loin de moi l’idée de me mettre sur le même piédestal pour autant, cela va de soi…) divergent (et dix verges, c’est énorme). Mais, surtout, je n’ai pas reconnu ici l’auteur de Quinzinzinzili… et c’est bien ce que j’ai trouvé de plus dommageable dans ce petit livre…

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"Extraits des archives du district", de Kenneth Bernard

Publié le par Nébal

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BERNARD (Kenneth), Extraits des archives du district, [From the District File], traduit de l’américain par Sholby, Paris, Attila, [1992, 2009] 2010, 240 p.

 

 

Hum.

 

 

Je suis un peu embêté, là.

 

Parce que voilà un livre que j’ai indubitablement aimé, et que je recommanderais sans trop hésiter, sauf que je ne suis pas certain de savoir pourquoi, ni a fortiori d’être en mesure de le dire.

 

Bon, essayons quand même. Extraits des archives du district est l’unique roman de Kenneth Bernard, auteur en temps normal plutôt tourné vers le théâtre et la poésie. Mais c’est déjà un (court) roman bien singulier, qui prend à vrai dire longtemps l’apparence d’une sorte de recueil de nouvelles, jusqu’à ce que les choses se mettent bien en place, et qu’une mécanique irrépressible entraîne l’ensemble dans une spirale infernale.

 

Il s’agit largement, en effet, d’une dystopie, donc dans la lignée de Nous autres, Le Meilleur des mondes et 1984, même si, à vrai dire, on pensera surtout ici à Kafka et Brazil, tant l’absurde est de la partie. Comme beaucoup de dystopies, mais de manière particulièrement insidieuse et teintée de paranoïa (on… enfin je, en tout cas, pense donc aussi à Dick), Extraits des archives du district est l’histoire de la prise de conscience par un quidam de toute l’horreur du monde dans lequel il vit. Le quidam répond au surnom de « Taupe », et son monde effraie par sa dictature discrète mais omniprésente, société de contrôle entre totalitarisme « mou » et façade de démocratie.

 

Tout cela, nous le vivrons à travers les yeux de Taupe, qui décide de tenir un journal. Dans un premier temps, celui-ci ne contient guère qu’une collection d’anecdotes a priori sans lien entre elles – et qu’un lecteur inattentif pourrait trouver d’un intérêt douteux –, qui semblent témoigner avant tout du caractère maniaque et voyeur de notre narrateur quinquagénaire. Nous le suivons ainsi à la poste, à la banque, au supermarché… dont il analyse le fonctionnement sur des pages et des pages, avec une méticulosité névrotique.

 

Les choses changent – et le roman de se mettre véritablement en place – quand Taupe rejoint un club d’enterrement (c’est obligatoire). Là encore, nous avons droit à une longue analyse du fonctionnement de cette institution a priori absurde ; mais la prise de conscience commence, et le journal de Taupe – celui que l’on lit, pas « l’officiel » qu’il est tenu de faire et de partager avec les autres membres du club, dont son « copain » désigné – se met à distiller un indéniable malaise, et à faire part de doutes, de peurs, mais aussi d’entorses aux règlements – prolongation d’un thème déjà esquissé dans les premiers chapitres – de plus en plus fréquentes et assumées.

 

Et, bien évidemment, tout ira de mal en pis.

 

Extraits des archives du district ne fait pas dans la dénonciation bourrine, ni a fortiori dans « l’essai romanesque » à la manière de La Zone du dehors. Bien autrement subtil, ce roman déstabilisant –donc réussi – procède plutôt par petites couches et questionnements insidieux, laissés sans réponse. Au lecteur, qui n’est pas pris pour un con, de rassembler les divers éléments du puzzle pour construire lui-même le tableau général de cette société de contrôle perverse, glacée… et d’autant plus terrifiante qu’elle nous paraît proche de notre vécu au quotidien. Et c’est sans doute dans ce « flou » plus ou moins pénétrable que réside la grande force d’Extraits des archives du district, roman cauchemardesque mais sans grosses ficelles, reprenant un thème que l’on pourrait penser éculé (enfin, faut voir) pour en faire quelque chose de neuf.

 

Magistral d’économie et de sobriété, ce court roman se dévore, même quand, à première vue, il ne s’y passe rien (ou presque). On se prend au jeu de Taupe, et on le suit volontiers dans ses délires organisationnels sur la queue et son mode de fonctionnement, etc. Joli tour de force (et qui n’a pas été sans me rappeler quelques passages de Houellebecq, s’il faut continuer le name dropping avec un peu d’anachronisme). Mais facilité – et c’est loin d’être toujours le cas dans les dystopies « classiques » – par la profonde empathie que l’on ressent très vite pour notre « héros » désœuvré et laissé à l’abandon dans une société « amicalement » oppressante. Empathie qui atteint probablement son apogée quand Taupe nous parle de Jiri, son enfant… juste avant – et ce n’est pas un hasard – de rejoindre le club d’enterrement.

 

Conte gris et glauque d’horreur bureaucratique pince-sans-rire, menaçant d’une perpétuelle violence sourde tout juste contenue, Extraits des archives du district est incontestablement une réussite, et l’on peut bien remercier les décidément sympathiques éditions Attila d’avoir exhumé ce roman. Cela dit, je ne suis toujours pas complètement certain de comprendre moi-même pourquoi je l’ai aimé, et encore moins d’avoir su l’exprimer… Je ne peux guère qu’évoquer l’intime conviction, et faire appel à votre confiance…

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"Frères lointains", de Clifford D. Simak

Publié le par Nébal

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SIMAK (Clifford D.), Frères lointains, ouvrage proposé et publié sous la direction de Pierre-Paul Durastanti, traduit de l’américain par Pierre-Paul Durastanti et Lorris Murail, avant-propos de Pierre-Paul Durastanti, postface de Philippe Boulier, Saint Mammès, Le Bélial’, [1943, 1951, 1956-1957, 1963, 1977-1978] 2011, 340 p.

 

Après Voisins d’ailleurs, Frères lointains est le deuxième recueil de Clifford D. Simak (enfin, cinq, depuis hier) (pardon) concocté par Pierre-Paul Durastanti au Bélial’. Y en aura-t-il un troisième ? J’espère bien ! Parce que ce travail d’exhumation, mêlant inédits et nouvelles traductions, est une merveilleuse occasion de prendre conscience du talent de nouvelliste de l’auteur du fantabuleux Demain les chiens (pour ne citer que son œuvre la plus célèbre de par chez nous). Or, ainsi que le note Philippe Boulier dans sa passionnante postface, savante et pertinente étude de l’ensemble de l’œuvre simakienne, se procurer des nouvelles de Simak, aujourd’hui, n’est guère évident… Et, à vrai dire, même pour ce qui est des romans, si l’on excepte l’omnibus qui lui a été consacré, on ne trouvera pas forcément grand-chose non plus. Ce qui, comme de bien entendu, est fondamentalement injuste. Aussi, rendons grâces, mes frères, aux gens bien derrière ce nouveau recueil : ils le méritent.

 

Frères lointains, qui s’étend sur pas loin de 40 ans de carrière, est peut-être pour cette raison un peu moins cohérent, à mes yeux en tout cas, que son fort sympathique prédécesseur. Il n’en est pas moins une illustration supplémentaire des thèmes chers à Simak, voire de ses obsessions. Ne pas se fier à la couverture gnangnan (que je trouve pour le coup fort inappropriée) : si l’on retrouve, ici encore, des extraterrestres « gentils », ou du moins avec lesquels une cohabitation pacifique est possible, ce qui est classique chez Simak – et relativement original par rapport aux autres auteurs de, disons, ses première et deuxième périodes –, l’accent me semble cette fois devoir être mis sur l’humain, dans ce qu’il a de plus admirable comme dans ses pires défauts, dont l’arrogance (version coloniale) n’est pas le moindre. Aussi les rapports avec l’autre, en dépit de la bonne volonté d’en face, peuvent-ils être malgré tout conflictuels… Mais il est aussi des textes où l’homme – un vieillard, le plus souvent – se retrouve seul, face à lui-même, ou presque, pour des petits bijoux d’introspection apaisée.

 

Mais ce qui frappe surtout dans ce recueil, c’est – pardon du lieu commun – l’imagination débridée de Simak, qui l’amène à élaborer des nouvelles d’une densité impressionnante, pour ne pas dire délirante. Encore un beau témoignage d’une SF « à l’ancienne », qui savait multiplier les idées géniales à chaque page, bien loin des « nécessaires » pavetons contemporains (eh, je rends compte de ma lecture d’un Simak, je peux bien faire le réac’, un tout petit peu…).

 

Essayons de voir dans le détail ce qu’il en est. Passé le bref avant-propos de Pierre-Paul Durastanti, le recueil s’ouvre sur « Le Frère » ; la nouvelle touche d’abord par son charmant portrait d’un vieil écrivain de romans du terroir, dans lequel on reconnaîtra sans trop de peine l’auteur himself. Mais on n’est pas au bout de nos surprises dans ce texte qui annonce la couleur, question densité… C’est bourré d’idées, presque trop, mais en définitive tout à fait savoureux.

 

« La Planète des Reflets » inaugure le thème central de la colonisation, et de l’arrogance humaine qui va de pair. Difficile, ici, d’établir la communication avec ces « reflets », qui semblent se contenter de suivre les humains de leur choix dans leurs activités quotidiennes sans qu’il soit jamais possible d’entamer le dialogue… La chute est délicieuse, et la nouvelle tout à fait efficace.

 

Suit « Mondes sans fins », une novella qui tranche sur le reste du recueil. En, effet ce texte de SF paranoïaque, dickien avant l’heure (impossible de ne pas penser à Total Recall, avec ces dormeurs embarqués dans un Rêve artificiel), semble a priori bien loin des thématiques propres à Simak. Il n’en reste pas moins que ce délire complotiste filant à toute allure se lit avec un plaisir constant (malgré quelques bizarreries : ainsi, pour Simak, un monde dénué de la notion de profit est un cauchemar… bon…). Comme quoi, l’auteur avait plus d’une corde à son arc, pour ceux qui en douteraient.

 

Avec « Tête de pont », on retrouve, si ce n’est l’ambiance, du moins les thématiques de « La Planète des Reflets » : arrogance des colonisateurs humains, une fois de plus, si sûrs d’eux-mêmes, a fortiori devant les « primitifs » d’en face… qui les préviennent, pourtant : « Vous ne repartirez jamais. […] Vous allez mourir ici. » Quelle blague ! Les humains ont tout prévu, non ? Bah non, comme dirait DSK. Très chouette nouvelle, encore une fois.

 

On passe alors à « L’Ogre », la plus vieille nouvelle de ce recueil. J’ai une tendresse particulière pour ce texte particulièrement farfelu, rempli d’idées jusqu’à la gueule, et d’une surprenante poésie burlesque. Là encore, le colonisateur humain se retrouve confronté à une altérité qu’il ne comprend (largement) pas : il faut dire que, sur cette planète, ce sont les végétaux qui sont les êtres conscients… D’où un véritable festival de créatures étranges, drôles et poétiques. Délicieux.

 

« À l’écoute », sans être mauvaise, m’a par contre laissé un arrière-goût d’inachevé. Si l’idée de base est excellente – il s’agit ici pour des télépathes de communiquer, et donc d’échanger, avec des extraterrestres à l’autre bout de l’univers –, elle me semble déboucher sur une conclusion un peu mollassonne. Bon, rien de grave, en même temps.

 

Mais on y préfèrera largement les deux derniers textes, éminemment simakiens. « Nouveau Départ » nous présente un professeur de droit à la retraite, et, pour ainsi dire, en bout de course, qui vient s’offrir une dernière partie de pêche avant de filer à l’hospice. Mais il trouvera dans une étrange maison une séduisante alternative à ce bien triste programme… Très belle nouvelle, qui ne manque pas de faire penser, dans un sens, à Au carrefour des étoiles.

 

Reste enfin le très court « Dernier Acte », sur lequel je ne saurais guère m’étendre de crainte de tout gâcher (enfin, en même temps, le titre, hein…). On ne saurait rêver plus belle conclusion pour le recueil que cette nouvelle apaisée, aigre-douce, profondément touchante.

 

Vous l’aurez compris, Frères lointains est un recueil de la plus belle eau, idéal pour découvrir Simak, et qui satisfera à n’en pas douter les amateurs de Voisins d’ailleurs. Une conclusion s’impose : un troisième tome ! et plus vite que ça ! Non mais.

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"Pathfinder Univers : Cadre de campagne : la mer Intérieure"

Publié le par Nébal

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Pathfinder Univers : Cadre de campagne : la mer Intérieure

 

Après avoir examiné les deux volumineux livres de règles que sont le Manuel des joueurs et le Manuel des joueurs, règles avancées pour Pathfinder, il est bien temps d’envisager un peu le background officiel pour ce jeu de rôle de fantasy autrement « générique ». Et le background officiel pour Pathfinder, ça veut dire le monde de Golarion. Le présent supplément, assez épais lui aussi (il remplace et enrichit l’Atlas et, en VO, le Campaign Setting), se concentre sur la région dite de la mer Intérieure (grosso merdo, notre Méditerranée), ce qui englobe deux continents, l’Avistan (« l’Europe ») et le nord du Garund (« l’Afrique du Nord »). Et autant le dire d’emblée : si Golarion, ou en tout cas la région de la mer Intérieure, ne brille pas forcément par l’originalité, les auteurs ont allègrement compensé ce trait par la richesse et la densité d’information. Ce qui nous vaut un supplément d’une qualité franchement exceptionnelle (en plus d’être beau – tout en couleurs, accompagné d’une carte également en couleurs – et rédigé dans un français correct, mirac’).

 

On commence classiquement par s’intéresser aux Races. Les six races non humaines se voient enfin offrir un peu de background, tandis que les humains sont décrits à travers douze ethnies différentes. C’est très bien fait, et tout à fait intéressant.

 

On passe ensuite directement au plat de résistance, avec le volumineux chapitre consacré à la mer Intérieure. Un peu d’histoire, tout d’abord : nous est ainsi présentée l’époque de jeu, l’Âge des Prophéties perdues, qui a débuté avec la mort du dieu Aroden (alors qu’une prophétie annonçait son retour), suivie de violents cataclysmes dont deux manifestations particulièrement brutales furent l’apparition de la Plaie du Monde, au nord de l’Avistan, et celle d’un ouragan permanent, l’Œil d’Abendégo, à l’ouest du Garund. Une chronologie générale suit, et l’on passe alors à la description de la région de la mer Intérieure, découpée en une quarantaine de provinces, d’Absalom, la ville au centre du monde, à la Varisie, sauvage région frontalière. Chaque description de province occupe quatre pages, et commence par un petit encadré précisant l’alignement global de la province, sa capitale, ses principales villes, son dirigeant, son type de gouvernement, les langues qui y sont parlées et les religions qui y sont pratiquées. Suivent une présentation générale, quelques mots sur l’histoire et le gouvernement de la province, et enfin l’atlas, accompagné bien évidemment d’une carte précise de la région. C’est remarquablement bien fait et bourré d’idées, et ça se lit avec un plaisir constant. Le chapitre s’achève avec des annexes non négligeables : sont d’abord succinctement envisagés les continents au-delà de la mer Intérieure… mais aussi les autres planètes du système solaire (!) et, pour finir, les anciens empires disparus.

 

On passe alors à un chapitre consacré à la religion, lui aussi assez volumineux. Sont d’abord décrites en détail les vingt divinités principales (alignement, domaines, arme de prédilection, lieux de culte et nationalité, puis description) ; mais ce n’est pas fini : on envisage ensuite les autres dieux, les demi-dieux extérieurs (archidiables, seigneurs démons, Aînés, seigneurs élémentaires, seigneurs empyréens et Cavaliers), puis les défunts, les imposteurs et les oubliés (Grand Anciens inside !), presque tous dotés de caractéristiques semblables à celles des divinités principales. On envisage ensuite quatre philosophies (diabolisme, prophéties de Kalistrade, verte religion et voie du murmure), avant de se pencher sur le Grand Au-delà, avec une « cartographie » de la sphère intérieure et de la sphère extérieure. Fascinant.

 

Le quatrième chapitre envisage plusieurs aspects de la vie quotidienne dans la région de la mer Intérieure. Sont ainsi détaillés le calendrier, la météorologie et le climat, les langues, le commerce, la société, la faune, la flore, et enfin la technologie (où l’on met l’accent sur les créatures mécaniques, les armes à feu, la technologie numérienne – issue d’un vaisseau spatial qui s’est écrasé… – et la presse à imprimer).

 

On passe ensuite à la description de plusieurs factions de la mer Intérieure : Chevaliers de l’Aigle, Chevaliers Infernaux, Consortium de l’Aspis, Mantes rouges, Société des Éclaireurs.

 

Le chapitre six, « l’aventure », comprend pour sa part des données techniques. Nous avons tout d’abord droit à quatre nouvelles Classes de prestige (Assassin des Mantes rouges, Chevalier infernal, Liseuse de tourment, Templier déchu). Suivent de nouveaux dons, de nouveaux équipements, de nouveaux sorts (sans liste, hélas) et de nouveaux objets magiques.

 

Et le volume de s’achever sur un bref bestiaire, décrivant quelques vilaines bébêtes propres à la région de la mer Intérieure : Aluum, Aquatique, Calikang, Charau-ka, Diable de Pointesable, Dragon épineux, Filles d’Urgathoa, Stryx, et Fléau des arbres.

 

Ce qui fait pas loin de 320 pages bourrées jusqu’à la gueule d’informations et d’idées d’aventures. Répétons-le donc encore une fois : le Cadre de campagne : la mer Intérieure est un supplément d’une qualité exceptionnelle, sur lequel devraient se ruer tous les amateurs de Pathfinder. L’univers ici présenté est d’une richesse rare, on est à vrai dire devant une sorte de type-idéal de cadre de campagne (si j’ose m’exprimer ainsi). Bref, c’est du lourd, et c’est du bon. Pas forcément hyper original, mais après tout ce n’est pas ce que l’on demande à Pathfinder – et encore, je dis ça, mais il y a de quoi sortir allègrement des clichés de l’heroic fantasy dans ces pages… Ça déborde, vous dis-je, et on en a assurément pour son argent.

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Des critiques "négatives" et toutes ces sortes de choses

Publié le par Nébal

(Je reprends ici en substance quelques messages postés sur le forum d’ActuSF lors d’un *aheum* débat récent. Non que je prétende y inventer la poudre, et j’ai bien conscience d’enfoncer un certain nombre de portes ouvertes, mais comme le sujet m’intéresse…)

 

Bien que ne revendiquant pas pour ma part le statut de « critique » (ça veut dire quoi ? je précise cependant à l’intention des spécieux que revendiquer de ne pas être un critique et ne pas revendiquer être un critique, ce n’est pas tout à fait la même chose, ce qui, à mon sens, fait que je ne me contredis pas dans les lignes qui suivent…), et préférant toujours parler de comptes rendus pour ce que je fais sur mon blog (ce qui ne relève pas intégralement de l'enculage de mouches), je suis plus qu'agacé par le quasi-consensus (à mes yeux, en tout cas) autour d’un discours « anti-critique » qu'on a pu lire notamment ces derniers temps sur le forum d’ActuSF, qui devient décidément de plus en plus un forum d'auteurs (qui réclament de la politesse en se montrant particulièrement agressifs, qui plus est), où les autres n'ont plus qu'à fermer leur gueule, quitte à se laisser humilier en direct.

 

Je ne suis originellement pas revenu sur l'histoire de la comparaison et des prix littéraires, mais, ici, je peux me le permettre. Les habitués du forum se souviennent de la bronca qui avait suivi la comparaison par un internaute de Rêves de Gloire et de D’or et d’émeraude… chose qui m’a paru bien hypocrite, pour le coup. La comparaison est un réflexe naturel et bien légitime, et il ne me paraissait pas inopportun, a fortiori sur un site organisant un prix de l’uchronie, de comparer deux uchronies de parution récente. Ce qui nous amène aux prix littéraires, dont l’essence même est la comparaison. N’y a-t-il pas comme une contradiction à s’élever furieusement contre un critique qui compare deux livres, d’une part, et d’autre part à participer ou à faire l’éloge de prix littéraires, qui ne fonctionnent que sur ce principe, et de manière sans doute bien plus arbitraire ? Il me semble bien que si… Et je dirais même que, pour ma part, si la comparaison effectuée par un critique ne me choque en rien, celle qui est impliquée par l’attribution d’un prix littéraire, que l’on sait parasitée par bien des éléments dont le copinage n’est pas le moindre, me paraît bien plus contestable. Mais j’avoue une certaine méfiance à l’égard de ces prix… et, dans un sens, ce sont les prix « négatifs » tels que les Razzies, revendiquant hautement leur mauvaise foi, qui me paraissent souvent, peut-être pas les plus pertinents – surtout ces derniers temps – mais en tout cas, et aussi paradoxal que cela puisse paraître, les plus « honnêtes ».

 

Ce qui nous amène au point essentiel de mon propos, à savoir les critiques dites « négatives ». En dépit de ce que certains ont pu affirmer, il y a bien eu sur le forum d’ActuSF une condamnation de principe des critiques « négatives » (et pas seulement des critiques « agressives »). Ce qui me paraît absurde au plus haut degré. Je ne vois pas en quoi dire du bien d'un livre serait plus légitime que d'en dire du mal. Je dirais même que la fonction du critique (si tant est que le critique ait une fonction…) implique de faire les deux, et de noter aussi ce qui cloche dans un bouquin par ailleurs globalement bon. C'est son boulot. Sinon, c'est de l'hypocrisie.

 

Les critiques « agressives » ? Ben, désolé, mais quand un bouquin est merdique, y a pas forcément 36 000 moyens de le dire. J'ai moi-même (en dépit de ce que l’on peut penser) rarement commis de telles critiques (ou de tels comptes rendus). Mais je ne regrette pas un instant celles (ou ceux) que j'ai pu faire. Et qu'on ne vienne pas me parler « d'ego fragile » ou de « sensibilité de l'auteur » : quand on publie, on s'expose. C'est l'jeu ma pôv' Lucette. Si on n’est pas capable d'accepter ce simple fait, mieux vaut changer de métier.

 

Sur le microcosme et le copinage, je pouffe. Je ne vois pas en quoi le fait que tel bouquin ait été publié par un « copain » ou par un « ennemi » devrait faire la moindre différence dans une critique. S'il peut être nécessaire de temps à autre de clarifier les choses sous cet angle (ce que j'avais fait, à titre d'exemple, en rendant compte de ma lecture de Rêves de Gloire) pour que le lecteur dispose de tous les éléments pour juger, ça ne doit pas non plus parasiter complètement l'activité critique. Désolé, mais si un « ami » a fait un bouquin mauvais, je le dirai. Si un « ennemi » a fait un bon bouquin, je le dirai aussi. Cela peut certes trouer le cul, mais c’est une question d’honnêteté. Il n'y a que dans le cas où j'ai moi-même « participé », à mon maigre niveau, à la sortie d'un bouquin que je me refuserai d'en dire du bien ou du mal (je parle alors très précisément de « pub copinage », et là, par contre, ça me paraît la moindre des choses). Tout le reste n'est, encore une fois, qu'hypocrisie. Bordel, c'est si compliqué que ça de faire preuve d'honnêteté ?

 

Un mot sur les SP, tant qu'on y est. Le mot magique ! Qu'est-ce que ça peut foutre que le bouquin que l'on chronique soit un SP ou pas ? Là encore, c'est honnêteté contre hypocrisie. Et, quant à moi, en dépit de certaines accusations, je précise qu'il est très rare que je reçoive des SP (c'est généralement le cas pour mes critiques dans Bifrost, ça l'était aussi du temps du Cafard, mais, sur mon blog, c'est vraiment exceptionnel). Je ne vois pas, à titre personnel, ce que cela change, dans la mesure où je rends compte de ma lecture d'un SP de la même manière que je le ferais pour tout autre bouquin payé avec mes sous à moi (la très grande majorité, donc).

 

Enfin, je n'interviendrai pas dans les querelles personnelles dont ce forum est coutumier, je n'en ai rien à foutre. Mais ça me semble bien montrer que les auteurs (on pourrait mettre un grand « H ») n'ont vraiment pas besoin des critiques pour se tamponner la gueule. Des querelles de bac à sable comme celles auxquelles on a pu assister ici et ailleurs, ça figure parmi les traits les plus détestables du fandom.

 

Une précision supplémentaire : je n'ai jamais prétendu imposer ma vision des choses à qui que ce soit. J'ai pris le parti de rendre compte de tout ce que je lisais ; bon, c'est un choix, par nature très contestable. Je refuse simplement que l'on vienne me dire (à moi, je, me, myself, I), ou à d'autres qui partagent mon point de vue, « C'est mal de faire des critiques négatives », ou « C'est mal de faire des critiques agressives », ou « C'est mal de critiquer dans tel ou tel sens les copains/ennemis », ou « C'est mal de chroniquer des SP ». C'est là qu'il y a une généralisation abusive. Maintenant, si d'autres ont des principes différents, tant mieux pour eux. Chacun sa manière de faire, je ne prétends pas détenir la Vérité Révélée, ou avoir une mission « d'éducation ».

 

Dernier point, concernant le « sérieux » des critiques ou comptes rendus. La question a été agitée ici ou ailleurs, et ne me paraît pas totalement étrangère à ce *aheum* débat. Pour ma part, et j’espère que l’on ne m’accusera pas pour autant de trop me prendre au sérieux, je n’adhère pas à l’idée selon laquelle ce que l’on écrit sur les blogs ne prêterait pas à conséquence, que ce soit au nom du fun ou de l’amateurisme ou de ce que vous voudrez. J'aborde (ou du moins j’essaye…) mes comptes rendus sur mon blog et mes critiques sur d'autres supports de la même manière et avec le même sérieux (en tout cas, j'en ai l'impression). La différence, c'est l'implication du « je », qui ne passe pas dans une critique, alors que je me sens libre d'en user et abuser sur mon blog (paske c'est chez moi et j'y fais tout qu'est-ce que j'veux, d'abord). Aussi, que l’on « critique les critiques » (ou, tout autant et pour les mêmes raisons, les comptes rendus, etc.) me paraît bien évidemment légitime. C’est la critique « systématique » qui me hérisse.

 

Maintenant, si d’autres ont un point de vue différent à faire partager, qu’ils n’hésitent pas : ils sont les bienvenus.

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