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"Apocalypses !", d'Alex Nikolavitch

Publié le par Nébal

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NIKOLAVITCH (Alex), Apocalypses ! Une brève histoire de la fin des temps, Lyon, Les Moutons électriques, coll. Bibliothèque des miroirs, 2012, 178 p.

 

Oui, certes. Ce livre devait nécessairement paraître alors qu’on nous faisait suer de partout avec la fin du monde censément prophétisée par les Mayas, et fut du coup affublé du bandeau qui va bien. Mais passons : cela n’a pas dissuadé ma lecture, loin de là (même si je l’ai repoussée après avoir « survécu » à ce 21 décembre 2012 de sinistre mémoire). Il faut dire que, en science-fiction, les genres apocalyptique et post-apocalyptique ont toujours suscité mon intérêt (ce dont ce blog a témoigné en maintes occasions), et que, en outre, j’avais été largement convaincu par la précédente publication d’Alex Nikolavitch dans la même collection, le tout à fait recommandable  Mythe & super-héros, d’un format comparable.

 

Une précision s’impose cependant d’emblée, qui va à l’encontre de ce que j’attendais de cet ouvrage, notamment en raison de l’éditeur publiant la chose, et qui du coup m’a peut-être (probablement…) un peu déçu : il ne s’agit pas d’un essai sur le thème apocalyptique en science-fiction. Si celle-ci a bien son mot à dire (pour l’essentiel dans le deuxième chapitre), elle est loin d’être au cœur des préoccupations de l’auteur ; des œuvres majeures telles que  Un cantique pour Leibowitz ou Génocides sont bien évoquées, mais en gros expédiées en quelques lignes, tandis que l’on constate des « lacunes » qui peuvent laisser perplexe (à titre d’exemple qui me paraît éloquent, le nom de J.G. Ballard n’y figure pas une seule fois).

 

Non, ce qui motive ici Alex Nikolavitch, et ce en dépit de la brièveté de son essai (par ailleurs largement illustré, comme d’habitude), c’est de saisir le thème apocalyptique dans sa globalité, à l’heure où celui-ci connaît, pour des raisons pas forcément si mystérieuses que ça, un regain d’intérêt. En trois chapitres essentiellement chronologiques, il retrace donc l’évolution du thème, ses connotations, sa symbolique, etc., avant de s’interroger dans une ultime section sur ce que la science peut dire à ce propos.

 

On commence donc tout naturellement avec les apocalypses antiques, religieuses, et notamment avec celle de Jean de Patmos, qui est loin d’être la première, même si on lui doit la désignation du genre – rappelons au passage que celle-ci, au départ, évoque avant tout l’idée de « révélation », et que ce n’est qu’ensuite que le terme a acquis toute sa portée eschatologique, pour devenir synonyme de « fin du monde ». L’exégèse biblique, tout à fait passionnante, domine donc dans ce premier chapitre. C’est l’occasion de revenir sur le rôle et la figure du prophète, sur la symbolique employée et, ce qui va de pair, sur la portée hautement contestataire des écrits apocalyptiques d’alors, etc.

 

Le deuxième chapitre s’intéresse pour l’essentiel au thème apocalyptique à l’époque contemporaine (les deux derniers siècles, en gros). Tandis que positivisme et scientisme mettent à mal le sentiment religieux, les révolutions intellectuelles suscitées par Darwin, Marx ou Freud, puis par la théorie de la relativité et la physique quantique, bouleversent l’ordre du monde et changent la donne en la matière ; l’apocalypse devient de plus en plus réactionnaire, bien loin de la portée contestataire des origines. Mais elle est une réponse singulière au « désenchantement du monde », qui continue de porter ses fruits. Le discours apocalyptique est, bien sûr, largement réactualisé avec la découverte de la bombe atomique, et cette idée d’une « fin du monde » on ne peut plus concrète, qui serait provoquée par l’homme lui-même. La science-fiction popularise le thème, de manière diversement connotée. Se développe aussi, notamment dans les milieux d’extrême droite, le complotisme, qui entretient des relations troubles avec le discours apocalyptique, sur lesquelles on reviendra dans le troisième chapitre.

 

Celui-ci se consacre à une période nettement plus courte que les précédentes, puisqu’il commence en gros avec les attentats du 11 septembre 2001. L’auteur y dresse un portrait guère rassurant de notre triste monde tragique ; le regain du religieux et les inepties New Age, dans ce siècle qui promettait d’être, aha, « spirituel » ou de ne pas être, parallèlement au complotisme, cette fois disséqué, popularisé par des fictions telles que les X-Files ou le Da Vinci Code, traduisent en temps de crise l’actualité toujours intacte de la thématique. De la chute de Mir à l’apocalypse maya (plus particulièrement décortiquée, comme de juste) en passant par le bug de l’an 2000 et les attentats déjà mentionnés, on ne peut que constater le retour en force, pour le pire, des discours apocalyptiques.

 

Reste enfin à s’interroger, dans un dernier chapitre, sur ce que la science peut dire des apocalypses envisageables (chute d’astéroïde, changement climatique, bouleversements du soleil, etc.).

 

L’essai est d’une lecture agréable et dans l’ensemble tout à fait intéressant, mais, chose qui peut rebuter et m’a parfois laissé un peu perplexe, il revendique hautement ce statut « d’essai » : la chose est brève (trop, en ce qui me concerne : les lacunes sont nombreuses, mais il est vrai qu’il y aurait tant à dire sur le sujet…), l’argumentation très personnelle (même si elle n’en est pas moins convaincante), et le style se montre volontiers impertinent et blagueur (ce qui ne m’a pas paru une très bonne idée, le résultat étant plus ou moins drôle…). Il s’en dégage du coup, à mon sens tout du moins, une impression, peut-être superficielle certes, de manque de rigueur, quelque peu préjudiciable à la démonstration.

 

Au final, Apocalypses ! est une lecture intéressante et pertinente, sans aucun doute enrichissante, mais je ne peux qu’avouer une légère déception devant la manière dont le thème a été traité. Aussi ai-je été beaucoup moins convaincu par cet essai que par  Mythe & super-héros. Quand on vous dit que c’est la FIN DU MONDE…

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"Waylander", de David Gemmell

Publié le par Nébal

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GEMMELL (David), Waylander, [Waylander], traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par Alain Névant, Paris, Bragelonne – Milady, [1986, 2001, 2008] 2010, 441 p.

 

Après avoir adopté récemment la Charte de Respect des Auteurs, la Nébalie a encore fait un pas en avant dans le domaine de la critique littéraire, en se pliant à la Directive Pour la Propagation des Vraies Valeurs de la Vraie Bonne Critique Utile, à l’instigation du Parti Unifié des Donneurs de Leçons ; voici, à titre d’exemple, le modèle des critiques résultant de cette directive. En conséquence, la Nébalie promulgue la critique suivante de Waylander de David Gemmell.

 

Waylander est un roman de Davi Gemel. Il raconte l’histoire d’un personnage appelé Waylander, qui a aussi un autre nom. Après la dédicace et les remerciements, il y a un prologue, 25 chapitres et un épilogue. On y trouve aussi le début de Le Roi sur le Seuil. Rien que pour cela, il ne faut pas le manquer. Mais rien ne vous interdit d’apprécier, aussi, le reste.

 

 

*PIF*

 

*PAF*

 

*BOUM*

 

CITOYENS ! La Révolution nébalienne abroge les textes sus-cités, qui seront dorénavant remplacés par la Déclaration de Je Fais Tout Qu’est-ce Que J’veux Bordel Je Suis Chez Moi, formulée comme suit :

 

Article 1er : Oh et puis merde.

 

Article 2 : Envoyez-moi tout ça dans les rizières.

 

Article 3 : BEUAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAARH !!!

 

Ouf.

 

(Oui, moi aussi je peux être mesquin.)

 

Nouveau compte rendu beuarhesque, donc… et probablement le dernier avant un petit moment. Eh oui. Parce que 1°) bon, au bout d’un moment, ça suffit les conneries, et surtout 2°) cette fois la magie du BEUAAAAAAAAAAAAAARH !!! n’a pas opéré.

 

Tristesse.

 

Mais voilà, je suis bien obligé de le reconnaître : Waylander, c’est mauvais.

 

 

Non, mais, je veux dire, VRAIMENT mauvais. Plus que les autres, quoi. C’est même pas divertissant (alors que les autres, avec tous leurs défauts, si). Et ça tient plus du navet que du nanar. Ce qui est tout de même désolant. Mais, une fois de plus, n’allons pas trop vite en BEUAAAAAAAAAAAAAAAARHsogne, et posons un peu le cadre et le récit.

 

Dans la chronologie interne du cycle « Drenaï », Waylander et ses deux suites sont les romans les plus anciens, et donc bien antérieurs à Légende et compagnie, dont ils contiennent d’ailleurs la genèse d’éléments importants (ici, les Trente, le Comte de Bronze et son armure, la forteresse de Dross Delnoch…).

 

Vous savez quoi ? SURPRISE ! C’est la guerre. Étonnant, non ? La Drenaï a été envahie par les Vagrians, et les « Chiens du Chaos » y perpètrent moult ravages. Pour couronner le tout (si j’ose dire), le roi de Drenaï a été assassiné. Pas par n’importe qui, non : par nul autre que Waylander, ZE Assassin, ancien soldat, ancien fermier, même que sa famille s’est fait démonter la tête, et que depuis il est comme qui dirait vach’ment aigri de la vie (et vieillissant, comme tout héros gémmellien qui se respecte).

 

Waylander nous est donc présenté dans un premier temps tout du moins comme l’archétype du « héros meuchant » (on y reviendra). Mais le roman éponyme est pourtant celui d’une (bête) rédemption. En effet, plusieurs événements vont venir bouleverser la vie du Voleur d’Âmes. Il va tout d’abord, là, comme ça, sur un coup de tête, sauver un prêtre de la Source, Dardalion. Puis il va rencontrer l’amour en la personne de Danyal (ce qui nous vaut plusieurs scènes hautement romantiques), une nécessairement jeune et jolie réfugiée accompagnant trois gniards qui sont là pour la figuration. Enfin, il va rencontrer l’esprit d’Orien, le pôpa du roi qu’il a buté, qui va lui confier pour mission (car telle est la Volonté de la Source !) de retrouver son Armure de Bronze, planquée en plein territoire nadir (pour changer), et de la filer au général Egel, dernier espoir de Drenaï.

 

Bien entendu, les Vagrians ne comptent pas laisser faire Waylander (ah, oui, ce sont eux qui l’ont payé pour assassiner le roi de Drenaï, mais ensuite, SURPRISE !, ils l’ont trahi et envoyé des assassins à ses trousses, les imbéciles) et, à vrai dire, les Drenaïs ne lui font étrangement pas beaucoup confiance… Mais peu importe, hein ?

 

De son côté, Dardalion, « contaminé » par le sang de Waylander, va devenir le fondateur des Trente, les fameux moines-soldats (alors que les prêtres de la Source sont pacifistes, et se font donc hacher menu). Et s’il va aider de son mieux Waylander dans sa quête, il va aussi, avec ses potes, prendre part à la bataille de Dros Purdol, la dernière forteresse drenaï, même que c’est l’ultime bataille avant la prochaine (et donc une mauvaise préquelle façon remake de Légende).

 

On le voit, dans ce roman, Gemmell ne fait pas exactement dans l’originalité foudroyante, et on y trouve bien des éléments typiques de sa production, antérieure et ultérieure. Mais, cette fois, ça ne marche vraiment pas, étrangement. C’est mal écrit (et/ou traduit ?), mais encore plus que d’habitude, et bourré de pseudo-philosophie à dix balles (d’où un paquet de citations à se tordre) ; c’est mal construit ; l’histoire ne tient pas la route, et c’est bourré à la fois de clichés et de rebondissements improbables ; les personnages sont mal campés, quand ils ne sont pas tout simplement ridicules (Kaï, mon Dieu…), etc.

 

Bref, c’est mauvais. Très mauvais. Et cette fois, ça n’est même pas divertissant : on n’y croit pas deux secondes, les combats systématiques sont mollassons et répétitifs, les situations vues et revues… On s’ennuie. On n’a même pas envie de hurler « BEUAAAAAAAAAAAAAAARH », alors que tous les éléments semblent pourtant réunis ; mais la sauce ne prend pas.

 

Et puis cette histoire de rédemption m’a un tantinet agacé. Sous cet angle, Waylander m’a fait penser à La Compagnie noire (qui est mieux, certes, mais pas terrible quand même à mon sens) : c’est de la « fausse » dark fantasy avec « héros meuchant ». On nous dit et nous répète que Waylander est un dur, il se la pète bien dans ce sens, genre « j’ai pas d’amis et je suis impitoyable », mais se comporte comme un gentil dès le début du bouquin, et le devient de plus en plus au fur et à mesure que les pages défilent péniblement. Ce qui est tout de même bien frustrant, trouvé-je. On a l’impression que, de même qu’avec Druss mais d’une autre manière, Gemmell a voulu avec Waylander faire son « Conan ». Mais ça ne marche pas, tant la morale est préservée du début à la fin (une morale bourrine et qui pue un peu des pieds, certes, mais une morale quand même). On lira donc de préférence, et sans surprise, le modèle (ou, autre lecture de choix, « Kane », qui reste le plus chouette exemple de « héros vraiment meuchant » du genre à ma connaissance) plutôt que ce triste ersatz.

 

Rien à sauver dans ce naufrage (plouf), qui ne fait même pas sourire, quelques citations exceptées. On s’ennuie ferme. Et on a envie de passer rapidement à autre chose. Des vrais livres, par exemple.

 

Du coup, pour la suite, ben, faudra attendre un peu. Parce que c’était pas très BEUAAAAAAAAAAAAARH !!! là, quand même.

 

(‘tain, je suis déçu par un Gemmell… Tout est foutu…)

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Pub copinage : "Les Soldats de la mer", d'Yves & Ada Rémy

Publié le par Nébal

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RÉMY (Yves & Ada), Les Soldats de la mer. Chroniques illégitimes sous la Fédération, Évry, Dystopia Workshop, [1968, 1998] 2013, [édition numérique]

 

Normalement, quand pub copinage il y a, je m’abstiens logiquement de tout commentaire, me contentant éventuellement de relayer les chroniques provenant d’autres sites. Mais, cette fois, le cas est un peu différent, dans la mesure où j’avais déjà rendu compte de ma lecture de l’ouvrage en question dans une précédente édition, et il serait un peu absurde de le cacher. Voyez donc ici.

 

Dans le cadre de la préparation de cette édition numérique, j’ai relu plusieurs fois Les Soldats de la mer, sans jamais me lasser, voire en y trouvant à chaque lecture de nouvelles raisons de l’adorer. Je le répèterai donc : Les Soldats de la mer est à mon sens un chef-d’œuvre, un des plus beaux livres de l’imaginaire français. Bref : achetez et lisez, c’est un ordre !

 

Pour vous le procurer, c'est ici.

 

Gromovar sur Quoi de neuf sur ma pile ?

 

Efelle sur Les Lectures d'Efelle

 

Jules Abdaloff sur Salle 101

 

MarianneL sur Sens critique

 

Vladkergan sur Vampirisme

 

Tiger Lilly sur Le Dragon galactique

 

Mélicerte42 sur Les Voltés anonymes 

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"Le Sourire des crabes", de Pierre Pelot

Publié le par Nébal

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PELOT (Pierre), Le Sourire des crabes, Paris, Presses Pocket, coll. Science-fiction, 1977, 245 p.

 

Après (récemment) Fœtus-party et La Guerre olympique, tous deux plus que recommandables, nouvelle excursion du côté de chez Pierre Pelot avec ce court roman au titre pour le moins énigmatique. On a pu dire du Sourire des crabes, qui fut refusé bien des fois avant d’être accepté par Jacques Goimard pour la collection SF de Pocket, qu’il fut l’un des romans ayant établi la réputation de l’auteur dans le genre. Mais s’il s’agit bien de science-fiction, c’est pourtant sans doute par la bande… Peu importe, là n’est pas l’essentiel.

 

Problème : pour tout un tas de raisons, je sens qu’il ne va pas être évident d’en causer, de ce Sourire des crabes. Mais bon : on m’a assez fait remarquer ces derniers temps à quel point j’étais, en plus d’être viscéralement méchant, foncièrement incompétent, et ce blog inutile, alors ça ne changera pas trop… Peu importe là aussi, et essayons d’en donner malgré tout un aperçu.

 

Admettons. La France, dans un futur si proche qu’il est déjà dépassé. Le régime du Prince, sous des oripeaux « libéraux », a quelque chose de fascisant. Mais ce n’est pas la seule chose qui pue dans cette société très contemporaine, loin de là. On pourrait citer également, exemple flagrant, la télévision, et notamment l’émission en continu « Monde spectacle », présentée (entre autres) par le vieux crouton souriant Lux, et qui fait – triste prémonition de la part de l’auteur – dans la télé-réalité la plus abjecte et sordide, dans la filiation directe des mondos.

 

Il y a le vieux et la vieille (absents ; le travail, comprenez-vous…). Et leurs trois enfants qui leur ont valu une prime et un certificat de civisme : dans l’ordre, Luc, Cath, et Alain. Le petit dernier (7 ans), gniard abject, reste vautré toute la journée devant « Monde spectacle ». Cath, de son côté, fait un séjour en institution psychiatrique : elle a été diagnostiquée schizophrène et paranoïaque. Mais elle doit sortir aujourd’hui, à seule fin d’intégrer le centre de réorientation de Strasbourg II, à l’autre bout du pays. Les parents étant de toute façon indisponibles, Luc se propose pour y conduire sa sœur. Le temps d’une partie de jambes en l’air (oui, Luc et Cath commettent l’abominable inceste : ils s’aiment, horreur glauque, ils s’aiment plus que tout, même) et de préparer quelques sandwichs (empoisonnés au raticide pour ce petit con d’Alain), et Luc et Cath prennent la route.

 

Et ils ont un programme. L’envie de « faire des choses ». En gros, de tout faire péter et de tuer des gens. Comme ça, paf. Parce que Luc et Cath sont deux adolescents en révolte, pris dans un violent délire anarchiste, ou plutôt nihiliste. Et/ou parce que les deux, et pas seulement Cath, sont complètement dingues, mais bien conscients de n’avoir rien à perdre dans ce triste monde tragique. En chemin, ils embarqueront notamment une otage, Hélène, qui a une caméra et vise le scoop au million de Fr-90 de « Monde spectacle » : qu’elle filme, il y a de la matière…

 

Road story désespérée, ultra-violente et sans concessions au parfum de pamphlet nihiliste et misanthrope, Le Sourire des crabes anticipe, ainsi que cela a souvent été noté, le film Tueurs nés (je veux bien le croire, mais, je plaide coupable, je n’ai jamais vu la chose…). Mais on pourrait également citer d’autres œuvres, comme par exemple Baise-moi de Virginie Despentes ou, en miroir, Sauvagerie de J.G. Ballard. La virée meurtrière de Luc et Cath a ainsi quelque chose de visionnaire (outre sa lucidité en ce qui regarde le malaise de la société libérale ou la télé-réalité), qui lui a conservé la majeure partie de son impact et de son sens aujourd’hui (mais, en 1977, ça a vraiment dû faire comme un choc…). La majeure partie seulement : en effet, le thème a aujourd’hui, du coup, quelque chose d’un peu éculé, peut-être. Mais ça continue indéniablement de faire son petit effet.

 

Le Sourire des crabes, superbement écrit (il m’a fait l’impression d’une bien plus grande ambition stylistique que Fœtus-party et La Guerre olympique, même si l’on n’atteint peut-être pas la maestria de C’est ainsi que les hommes vivent), prend aux tripes et file la gerbe. C’est violent, très violent, voire carrément gore. Ça déborde de haine à l’état pur. Sans surprise, c’est d’une noirceur peu commune. Osons l’expression cliché : c’est un roman « coup de poing », du genre qui fait mal, très mal.

 

Mais j’avouerai qu’il m’a plus ou moins convaincu, cependant. Pour des raisons que je ne saurais véritablement expliquer (la faute à mon incompétence et à mon ressenti, chose horrible), Le Sourire des crabes, si je suis bien loin de vouloir nier ses qualités évidentes, ne m’a pas toujours parlé, ou en tout cas beaucoup moins que Fœtus-party et La Guerre olympique. Peut-être cela tient-il, malgré l’intensité de la chose et sa grande beauté formelle, à une certaine vacuité/gratuité que l’on peut redouter durant une bonne partie du roman ; mais, heureusement, la fin change radicalement la donne (je ne parle pas tant ici de la « chute », assez prévisible – les indices ne manquent pas –, que de ce qui la précède immédiatement, quand [SPOILER] le Contre-Pouvoir révolutionnaire se manifeste, ce qui vient largement bouleverser le contenu politique du roman).

 

Il y a cependant quelque chose de (paradoxalement ?) abstrait dans Le Sourire des crabes, roman brut et aussi fou que ses protagonistes juvéniles, qui pourra peut-être constituer un obstacle pour le lecteur (bien plus que la violence à mon sens : si celle-ci est omniprésente, et teintée de complaisance sadique, elle ne m’a pas pour autant « choqué », ou du moins pas dans le mauvais sens du terme et au-delà des intentions de l’auteur).

 

Voilà. Il est peu probable que Le Sourire des crabes figure parmi mes Pelot préférés. Mais je conçois bien son importance au moment de sa parution, et peux vous assurer qu’il vaut bien d’être lu aujourd’hui, malgré tout.

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Le changement, c'est quand tu veux

Publié le par Nébal

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« Alors, tu le sens bien, mon gros changement dans ton cul, bitch ? »

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