"True Grit", de Charles Portis
PORTIS (Charles), True Grit, [True Grit], traduit de l’anglais (États-Unis) par John Doucette, postface de Donna Tartt, Paris, J’ai lu, [1968] 2011, 253 p.
Western toujours, avec un vrai classique du genre, le roman de Charles Portis ayant d’ailleurs été adapté par deux fois au cinéma, la première par Henry Hathaway avec John Wayne, la seconde par les Coen-Coen, ce qui, à la lecture de la bête, ne m’a pas vraiment étonné (le béotien que je suis n’a bien évidemment vu aucun de ces films…).
True Grit est une histoire de vengeance. Rien de plus classique, en somme. Sauf pour ce qui est de la personnalité de l’héroïne et narratrice, Mattie Ross, originaire de l’Arkansas, qui n’est pas exactement du genre à manger froid. La gamine de 14 ans, petite peste presbytérienne insolente au possible, entend bien faire payer la mort de son père au mystérieux Tom Chaney (sur qui le sort s’acharne…), par tous les moyens envisageables. Aussi l’intrépide jeune fille se rend-elle seule sur les lieux du drame, au Kansas, et, après avoir réglé de manière très adulte – et impitoyable – quelques affaires, elle s’empresse de chercher quelqu’un ayant le cran nécessaire pour que justice soit rendue.
Ça tombe bien : il y a Rooster Cogburn, marshal aux méthodes expéditives (il tire et pose les questions ensuite, quoi), vétéran de la guerre civile (il avait combattu avec le sinistre Quantrill) qui ne tarde pas à accepter l’offre de la fillette. Quelqu’un d’autre, cela dit, est sur les traces de Chaney, quand bien même il lui donne un autre nom : le Texas ranger LaBoeuf, qui entend livrer l’homme au visage taché de noir à la justice de son État, où il a tué un sénateur (et son chien). Ce qui ne fait pas vraiment l’affaire de Mattie Ross, qui n’a que faire des antécédents du meurtrier de son père. Toujours est-il que les deux officiers se mettent en route… avec la jeune fille dans leurs pattes : elle compte bien s’occuper de cette affaire personnellement. S’ensuit alors une traque brève et violente dans le Territoire indien (qui deviendra l’Oklahoma), où Chaney a trouvé refuge auprès de la bande de voleurs de Ned Pepper « le veinard »… avec qui Rosster Cogburn a comme qui dirait un contentieux.
Ce qui fait la force de True Grit, c’est à n’en pas douter la personnalité de sa narratrice, vieille fille qui se souvient de ses jeunes années qu’on ne qualifiera pas de tendres. Précoce, Mattie Ross l’est assurément ; mais c’est aussi une chipie invivable et sévère, prompte aux jugements définitifs et à la morale, citations bibliques à l’appui. Autant dire un personnage admirable et réjouissant, dont le récit est croustillant comme c’est pas permis. Mais les autres personnages ne sont pas en reste, et au premier chef le borgne vieillissant Rooster Cogburn (l’arrogant et un peu couillon LaBoeuf est quelque peu en retrait à côté de ces deux monstres), tantôt d’un charisme stupéfiant, tantôt d’un ridicule achevé et finalement touchant. Charles Portis campe remarquablement bien ses personnages, en quelques traits vigoureux et plein d’humour, qui laissent pourtant place à une indéniable complexité qui ne les rend que plus humains. Et c’est un vrai régal que de suivre ces héros improbables ou trop probables dans leur quête de vengeance.
Même si, à mon sens, le roman ne tient pas exactement toutes ses promesses. Le début – avant que la traque ne débute véritablement – est franchement exceptionnel : c’est vivant, drôle, bien écrit, servi par des personnages splendides, original… rien à jeter, là, c’est vraiment de la bonne. La suite, hélas, m’a semblé un peu plus convenue : si le ton employé par Mattie Ross reste des plus réjouissant, la traque tourne cependant à un western plus « classique », très bien fait certes, mais pour le coup un peu décevant à mes yeux.
Qu’on ne se méprenne pas pour autant sur mon propos : le fait est que j’ai passé un excellent moment à la lecture de True Grit, roman aux multiples facettes susceptible sans doute de bien des interprétations (sans avoir vu les films, je suppose qu’ils sont très différents dans leur tonalité…), et qui constitue un divertissement tout à fait recommandable, largement au-dessus du lot. Je n’en ferais cependant pas le chef-d’œuvre annoncé du fait de cette baisse de régime, relative sans doute, qui m’a quelque peu déçu… Reste l’impression d’un roman un peu bancal, qui aurait pu être énorme, mais se contente d’être très bon. On ne va pas faire le blasé, hein, ni bouder son plaisir… True Grit vaut assurément le détour.