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"Anti-glace", de Stephen Baxter

Publié le par Nébal

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BAXTER (Stephen), Anti-glace, [Anti-Ice], traduit de l’anglais par Pierre-Paul Durastanti, Saint Mammès, Le Bélial’, [1993] 2014, 270 p.

 

Tiens, ça faisait un certain temps que j’avais pas chroniqué un roman de SF, moi… et je le regrette un peu. Je n’ai guère pu m’y adonner ces derniers temps pour tout un tas de raisons, et je ressens comme un manque (si). Aussi, libéré des tolkieneries, et avant de me mettre au programme que je me suis moi-même imposé pour cet été qui passe bien vite, j’ai voulu m’accorder une friandise avec ce Stephen Baxter « nouveau ». Enfin, « nouveau », pas vraiment… Ce roman date en effet de 1993, mais n’a connu l’heur d’une traduction que tout récemment. Mais on n’est pas à ça près, n’est-ce pas ? Surtout quand, à l’instar de votre serviteur, et ainsi que vous avez peut-être pu le constater si vous avez l’étrange idée de parcourir ce blog régulièrement, on apprécie beaucoup Stephen Baxter.

 

Anti-glace n’est cependant pas un Baxter comme les autres. Rendant hommage au roman scientifique à la H.G. Wells et probablement plus encore (étrangement ou pas) à la Jules Verne, l’auteur anglais se livre en effet ici à l’exercice du pastiche steampunk. Certes, on avait déjà lu des choses dans ce goût-là chez lui avec l’excellent, l’indispensable même, Les Vaisseaux du temps, superbe et improbable « suite » à La Machine à explorer le temps, qui fut le premier roman de l’auteur que j’eus le bonheur de lire, et reste un de mes préférés. Mais le ton est cependant ici assez différent… pour le meilleur et pour le pire.

 

Nous sommes en 1870, sur une Terre où l’Empire britannique est plus puissant que jamais. Grâce à la découverte en Antarctique d’une étrange matière (qui a tendance à faire BOUM !) baptisée anti-glace, la technologie a connu un essor incroyable. On doit ainsi au professeur Traveller – ingénieur génial (et donc excentrique) qui emprunte beaucoup à nombre de héros de Verne – la mise en application de cette étrange substance dans des appareils divers, du terrible canon qui a mis fin à la guerre de Crimée au Phaéton expérimental, appareil volant destiné à un bien improbable voyage (dont je ne révèlerai pas ici la destination, même si, bon, hein, bon, je ne pense tromper personne…).

 

Et puis il y a le Prince Albert, immense et incroyable paquebot terrestre qui doit être lancé en Belgique. Se rend sur place notre narrateur, le jeune Ned Vicars, diplomate de pacotille, passablement couillon (en bon témoin vernien là encore), ce qui explique sans doute pour une part son héroïsme latent, accompagné du journaliste so British Holden. Même si, à vrai dire, c’est plus le joli minois d’une Française aussi ravissante qu’infecte qui attire notre héros sur place, que la perspective d’assister à un énième miracle de l’anti-glace. Las, ce voyage ne va guère se passer comme prévu, et, alors que le continent sombre dans la terrible guerre opposant la France à la Prusse, Vicars, Holden, Traveller et son valet (on ne peut plus vernien, décidément) Pocket vont se retrouver contraints à quitter de manière impromptue le théâtre des festivités…

 

J’ai le sentiment que ce bref résumé du début d’Anti-glace traduit déjà assez tant ce qui fait la force du roman de Stephen Baxter que ce qui fait sa faiblesse. En effet, on sent que l’auteur s’amuse beaucoup dans cet exercice du pastiche (assez lourd sur le pur plan du style, cela dit) et nous régale ainsi de joyeusetés steampunk diverses et variées, à propos desquelles il disserte à loisir, mais non sans un certain humour parfaitement réjouissant (qui n’empêche pas le roman de se montrer en définitive fort grave, lors d’une conclusion véritablement excellente – Baxter est décidément quelqu’un qui sait fort bien finir ses romans, à grand renfort d’images puissantes et de « sense of wonder » teinté d’horreur pure). Cependant, on est vite convaincu d’une chose : c’est que le roman est fait, du coup, de bric et de broc, enchaînant les tableaux amusants (ou tragiques sur le tard, donc) au prétexte d’une trame insipide, qui ne tient pas la route deux secondes.

 

D’où ce bilan contrasté : j’avais entendu un peu tous les sons de cloche à propos de ce roman, du meilleur au pire, mais ne peux pour ma part qu’adopter un jugement mitigé (ce qui équivaut sans doute, pour cet auteur que j’apprécie d’habitude énormément, à dire qu’Anti-glace est une œuvre franchement mineure, ce qui peut expliquer sa traduction si tardive). Ça fourmille en effet de bonnes idées, ça contient quelques images fortes typiques de l’auteur, c’est drôle et enlevé avant de devenir grave et même déprimant, c’est à n’en pas douter intelligent (l’occasion, notamment, de s’interroger sur l’impérialisme sous toutes ses formes, culturel, technologique, militaire… ce qui n’est bien évidemment pas innocent, l’empire britannique prenant ici la place des Etats-Unis), mais ça ne tient pas vraiment la route. Les chapitres s’enchaînent sans queue ni tête, leur seule « justification » tenant dans la promesse de nouvelles dissertations façon roman scientifique (et, si Baxter n’écrit ici « pas très bien », il aime de toute évidence beaucoup s’entendre deviser doctement…) ; on ne croit pas deux secondes à « l’histoire » (un bien grand mot…) vécue par Vicars et ses comparses, « McGuffin » trop gros pour être honnête, et qui donne une impression de mal foutu pour ne pas dire de bâclé. Ce qui est tout de même un brin fâcheux.

 

Cela ne fait pas d’Anti-glace un mauvais roman, et j’ai passé un bon moment à le lire, me régalant régulièrement des fascinantes trouvailles de l’auteur et frissonnant d’horreur devant cette conclusion puissante qui ne saurait laisser indifférent (même si son « prétexte », là encore, tient peu ou prou du foutage de gueule). Mais on est clairement loin ici des meilleurs Baxter (disons Les Vaisseaux du temps, donc, Voyage, Évolution et Exultant). Un roman mineur : pas désagréable, mais quand même mal branlé. Je parlais plus haut (en usant d’une métaphore culinaire convenue et par là même interdite, on me l’a fait remarquer, et c’est bien pourquoi j’insiste) de « friandise ». Ben oui, c’est ça, Anti-glace : une sorte de Haribo steampunk ; c’est sucré, et on tape dedans volontiers, mais on s’interroge en même temps quant à savoir si c’est effectivement bon, ou carrément de mauvais goût. Un plaisir coupable, qui ne prête pas à conséquence. Et de la part de Stephen Baxter, que je considère sans aucun doute comme l’un des plus brillants auteurs de SF du moment, c’est donc un peu décevant. Pas grave : on s’en remettra, et ça remplit quand même son office.

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"Krystal"

Publié le par Nébal

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Krystal

 

Parce que j’aime bien les « Intégrales » (qui n’en sont pas toujours : ici, par exemple, une campagne est annoncée) des XII Singes fonctionnant sur le « dK », je n’ai guère hésité avant de me procurer ce Krystal qui décline la gamme sur le registre (porteur ?) post-apocalyptique. Je m’en faisais cependant une idée un peu fausse, en imaginant un univers essentiellement forestier (et après Inflorenza, bon…). Pas vraiment, en fait : ici, on fait certes dans le post-apocalyptique européen, mais versant résolument écologiste. Ce qui nous vaut une assez pénible a priori touche new age (beuh… je vous passe les détails, c’est dans les « Secrets », mais sans en être vraiment…), qui a cependant l’intérêt de déboucher sur une note d’espoir plutôt intéressante, quand bien même un tantinet niaise en apparence ; mais c’est pas désagréable, des fois. Et, disons-le, cet aspect – qui confère à ce monde d’après le Clivage un aspect fantasy – est l’originalité essentielle d’un background pour le reste assez commun, avec de gros emprunts aux classiques du genre.

 

Adonc, nous sommes 300 ans après le Clivage, et l’Europe est dans un sale état. Tel, à vrai dire, qu’il est quasiment impossible de se déplacer d’une Enclave à l’autre sans masque à gaz, tant l’air est vicié… Mais il en est pour en être capable : les Fondateurs, tout d’abord, qui propagent le culte de Mère, conférant une unité religieuse à l’idée de renouveau ; les Hérauts, ensuite, qui sont liés à cette Congrégation, et qui sont entrés en résonance avec un « krystal » : eux peuvent se déplacer librement d’une Enclave à l’autre, sans s’encombrer d’un dispositif respiratoire, et peuvent même étendre cette faculté à d’autres ; mais surtout, ils sont en mesure de régénérer des Failles et de les transformer en Havres, et de gagner ainsi du terrain viable sur ce monde ravagé et quasiment dépeuplé : ils se pointent sur une Faille, font un truc adapté, et PAF ! Retour illico des arbres et de l’herbe. Mignon, non ? Et ça tombe bien : les joueurs sont justement amenés à incarner ces Hérauts. Bon, originalité, donc, ça ne casse pas trois pattes à une poule mutante, mais on peut faire avec ; et jouer des porteurs d’espoir, ça peut changer un peu (oui, je parle notamment pour moi…).

 

Krystal adopte fort logiquement la présentation de la gamme des « Intégrales ». Nous avons donc deux livrets de 80 pages chacun, et un petit écran (assez joli). Le premier livret est accessible aux joueurs comme au MJ. Après une brève présentation générale, le système de jeu est détaillé : il est simple et efficace, rien à redire (juste une remarque, mais qui englobe en partie le livret des « Secrets » : l’utilisation des « dK » à proprement parler est bien conçue, bien plus pertinente à mon sens que dans Mahamoth, même si peut-être pas autant que dans B.I.A. – pour m’en tenir aux deux autres jeux de la gamme que j’ai pu lire). Je ne vais pas rentrer ici dans le détail de ces règles, que j’ai déjà eu l’occasion d’évoquer brièvement. Notons juste que les Hérauts sont répartis en six classes (très traditionnelles), correspondant chacune à un attribut, et que la personnalisation se fait en outre par la Saison de sa naissance (il y en a six là aussi). Les deux chapitres restant du premier livret décrivent l’Europe post-apocalyptique qui sert de cadre à Krystal, d’abord par le biais de généralités, ensuite par la description de quelques Enclaves notables.

 

On passe ensuite au livret des « Secrets », réservé au MJ. Le premier fragment est un peu fourre-tout, révélant les dessous de la trame générale (bof), des éléments de règles (sur les chocs-krystal, notamment) et de bestiaire, et enfin les mystères des Enclaves décrites précédemment. Suit une campagne d’introduction en cinq scénarios qui prend place dans le sud de la France (enfin, ce qui en reste…), entre Carcassonne et Marseille. C’est franchement très bien fait, et ça remplit parfaitement son office : le quatrième scénario, très épique, me fait franchement envie, notamment ; je serais plus réservé sur le cinquième, sans doute un peu trop mécanique… mais, dans tous les cas, sont introduits des mécanismes bien vus, en rapport essentiellement avec le temps. Assez remarquable et tout à fait convaincant.

 

J’ajouterais que Krystal est bien écrit, bien édité, d’une lecture très agréable. Au final, et malgré une réserve de base sur l’univers qui n’en est pas vraiment une (il suffit d’accepter le « contrat », après tout, et c’est bien naturel, si j’ose dire…), j’ai donc été tout à fait intéressé par le jeu de rôle de Jérôme Barthas. Je ne garantis pas de trouver l’occasion d’y faire jouer, hélas, mais ce n’est pas l’envie qui m’en manque ; et, quoi qu’il en soit, je vais probablement m’intéresser à la suite des opérations.

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CR "Inflorenza" : l'hôpital

Publié le par Nébal

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Nouvelle partie d’Inflorenza.

 

Nous étions quatre joueurs (les retours à la ligne marquent les instances ; je n'étais pas Confident, aucun n’a d’ailleurs été désigné formellement : première erreur qui a été suivie d’un certain nombre d’autres… j’aurais probablement dû endosser ce rôle). Même si nous avons évoqué la suggestion de théâtre de la « forêt de chair », nous l’avons largement mis de côté (il n’est réapparu que tardivement), et avons développé un décor lors d’un tour préalable.

 

Les « phrases » sont indiquées par le soulignement, avec le thème qui les a inspirées (je n’ai par contre pas relevé quelles phrases étaient rayées en cas de sacrifice).

 

Décor

 

Un vieil hôpital dans la forêt, (plus ou moins) à l’abandon.

Près de l’hôpital, un jardin à la française étonnamment préservé, avec un labyrinthe en son cœur, et bordé par une falaise d’où tombe une cascade.

Des gens se promènent dans le jardin, d’autres se reposent sur la falaise.

Une caravane d’une vingtaine de trafiquants d’organes est venue voir ce qui pouvait être récupéré dans l’hôpital.

 

Premier tour

 

Le premier personnage, dont on apprendra plus tard qu’il se nomme Gabriel, est peut-être un ancien patient. Il ne se souvient pas exactement, à cause du Syndrome de l’Oubli ; quant aux dossiers, ils ont brûlé… Il souffre d’une forme de putréfaction qui gagne l’ensemble de son corps, d’autres malades dans l’hôpital sont atteints, et certains ont disparu passé un certain stade. Il a un tiers du corps pourri. Chair : je veux échapper à la maladie.

Je suis un enfant d’environ douze ans ; je vis dans une pièce sombre avec mon frère aîné. Plus personne ne s’occupe de nous. Nous sommes malades, mais considérons que nous devons passer à un stade supérieur grâce à la maladie. Mais nous avons faim. Aussi mon frère suggère-t-il que nous nous mangions mutuellement. Chair : je veux user de la maladie pour dépasser mon frère.

Le troisième personnage est sain, et s’occupe des gens de l’hôpital. On le désignera vite comme étant le directeur. Mémoire : je veux que les malades se souviennent du passé.

Le dernier personnage, qu’on appellera plus tard Haroun, fait partie de la caravane arrivée il y a quelques jours. Cet homme de main se souvient vaguement d’être déjà venu là. Il le dit à Tarek, qui ne le croît pas, et prétend que c’est impossible à cause de l’itinéraire suivi par la caravane. Mais Tarek n’arrête pas de lui mentir… Ils interrogent les « fous » du jardin ; il y aurait un « chef », qui, lui, doit savoir ce qu’il en est. Mémoire : je veux obtenir des informations du directeur de l’hôpital.

 

Deuxième tour

 

Quand les malades ont vu la caravane, le directeur a dit aux patients de se cacher dans les caves de l’hôpital. Ils récupèrent des armes improvisées ; ils savent en effet que les caravaniers constituent une menace. Mais les patients n’aiment pas le sous-sol. Il y a une petite pièce au fond dont ils ont perdu la clef. Gabriel, dont la maladie n’est pas trop visible, a eu le droit de remonter pour assister à l’entretien entre le directeur et un groupe de caravaniers devant l’hôpital. Mémoire : je suis le témoin.

J’ai entendu du bruit non loin, c’est la première fois depuis des jours. Mon frère me dit de ne pas y prêter attention. Je ne lui fais plus confiance. Je frappe violemment la porte… qui s’ouvre. Elle donne sur un couloir faiblement éclairé, avec des traces de rouille sur les murs. Société : je suis prêt à quitter mon frère.

Le directeur a invité le chef de la caravane à venir discuter de ses objectifs. Il est avec son « secrétaire », Gabriel, qui est un des seuls à savoir encore écrire. Cela fait longtemps qu’ils n’ont pas vu quelqu’un. Le directeur fait en sorte que les caravaniers ne se doutent de rien (Haroun, Science : je hais ces peuplades ignares). Mais Gabriel se rend compte que la pourriture a gagné son bras, et, du coup, ne note rien.

Haroun laisse parler ses préjugés. Il va devoir aller tout seul dans l’hôpital. Il attend la nuit, et fait le guet. Il s’approche enfin de l’hôpital, franchit le mur en ruine et le jardin. Il n’entend pas le moindre bruit. Il faut qu’il trouve le bureau du directeur ; il cherche des dossiers : peut-être a-t-il travaillé ici ? Chair : j’ai peur de la maladie.

 

Troisième tour

 

Gabriel est puni pour ne pas avoir été capable de retranscrire la prestation du docteur. Il doit passer toute la nuit à genoux dans la « salle des archives » (les étagères ont été démontées, mais l’histoire de l’hôpital est écrite sur les murs). Il passe la nuit à méditer. Quelqu’un pousse la porte : c’est Haroun. Gabriel recule : « Personne ne passe le labyrinthe, normalement ! » Le directeur l’a planté pour protéger les patients. Gabriel demande à Haroun s’il est sain. Celui-ci prend peur : « Ne t’approche pas de moi ! Je suis déjà venu ici ! » Gabriel dit que cela doit être vrai, puisque seuls les habitants de l’hôpital peuvent passer le labyrinthe. Gabriel et Haroun (qui n’est capable que de lire son nom) cherchent des informations sur les murs. Mais il ne faut pas allumer de lumière dans les archives. Haroun trouve enfin son nom, et arrache le bout de tapisserie où il figure. Le directeur se réveille. Nature : le labyrinthe nous protège-t-il ?

Je rôde dans les couloirs, à l’affût des bruits, mais ne rencontre personne. Mon frère me supplie de revenir en arrière, dit qu’on était mieux dans la pièce tous les deux, mais je ne l’écoute pas. De frustration, je finis par cogner un mur, et une tache de rouille se répand dans le couloir. Corruption : je propage la rouille.

Le directeur donne des instructions, il est entouré de gens à peu près sains qui maintiennent l’ordre dans l’hôpital. Ils mettent des cadenas sur les portes du sous-sol. Durant la nuit, il se réveille brutalement, et se rend dans la salle des archives. Il voit tout de suite que l’endroit est dégradé. Mais il ne se souvient pas de ce qui était écrit sur la tapisserie arrachée. (Corruption : ne pas se souvenir propage la rouille ; Haroun, Science : j’ai peur de perdre le savoir contenu sur ce tissu ; moi, Religion : il n’y aura de Dieu ni pour moi, ni pour personne).

Haroun se faufile hors de l’hôpital, par le labyrinthe. Il rejoint la caravane sans se faire voir. Au matin, le chef de la caravane discute de ce qu’il faut faire de cet endroit. Haroun va voir Fatma l’ancienne. Il lui montre le tissu ; mais il est impossible de lire ce qui y est écrit à cause de la rouille qui l’imprègne. Fatma demande à Haroun où il a trouvé ce tissu… mais la rouille se propage sur ses mains.

 

Quatrième tour

 

Gabriel se défend auprès du directeur, mais celui-ci ne veut rien entendre. Il le fouette. La chair pourrie ne résiste pas. Le directeur laisse Gabriel dans la salle des archives pour qu’il médite sur sa faute, et l’oblige à graver son péché sur le plancher. Mais il doit sans cesse recommencer, car tout s’efface. Religion : le plancher ne veut pas de ma faute.

J’ai pris conscience de mon pouvoir en frappant le mur. Cela va contre mon habitude de soumission. Je me mets à penser que, pour que quelqu’un me remarque, il faut que je continue sur cette voie. C’est pourquoi j’essaye de tuer mon frère, sans y parvenir. Au moment où je tente de l’étrangler, sa propre rouille se répand sur moi, et je me souviens que nous sommes indissolublement liés, ainsi qu’au directeur. Mémoire : je suis lié au directeur.

Le directeur souhaite faire partir les caravaniers. La nuit, il cherche avec ses hommes « sains » à tuer des malades et à les dépecer pour que l’atrocité fasse peur aux caravaniers. Mais il va trop loin, ses hommes ne veulent pas lui obéir. Mémoire : ils vont se souvenir de ce soir-là.

Haroun est pris de panique, il sort sa lame, et cherche à poignarder Fatma, sur qui la maladie se répand. Mais il a peur de la maladie, et n’y arrive pas. Elle hurle. Société : j’ai trahi le clan.

 

Cinquième tour

 

La nuit est tombée. Gabriel entend des bruits de course dans les couloirs. On lui dit de venir, que le directeur est allé trop loin. Il descend dans les sous-sols. Deux des bras-droits du directeur le maintiennent. Personne ne comprend bien ce qui se passe… mais tout le monde se souvient des coups de fouet. « Mettez-le dans la petite pièce du fond ! » Elle est ouverte… Mais dans la pièce, tout est moisi ou rouillé. Le directeur a un sursaut d’autorité, et sermonne ses patients avec une ferveur jamais atteinte auparavant. Tout le monde se sent penaud (le directeur, Clan : ils me doivent leur survie). Gabriel voit les silhouettes des enfants, qui sont complètement putréfiés, à part leurs yeux. Égrégore : je vois les malades au-delà du Seuil (ceux qui avaient disparu) ; Gabriel s’enfuit dans le labyrinthe (Nature : je suis perdu) ; je me rends compte du caractère foncièrement maléfique du directeur (Égrégore : il y a plus démoniaque que moi dans cet endroit).

Après ma tentative de tuer mon frère, il y a eu beaucoup d’agitation dans le sous-sol, et j’ai enfin vu des gens. J’ai notamment vu le directeur, et le mal en lui. Je trouve insupportable que ce mal dont il suinte littéralement ne se traduise pas par la pourriture de son corps. Je veux le contaminer de ma rouille, et y parviens. Égrégore : je peux corrompre ce qui a toujours résisté. Le directeur s’en ressent dans son corps (dont la moitié pourrit) et dans son âme (Égrégore : la rouille a touché mon âme). Haroun a peur des conséquences (Mémoire : j’ai peur que la mémoire du directeur ne s’éteigne). Gabriel est terrorisé à la vue de la rouille qui se répand sur l’ensemble de l’hôpital (Religion : cet endroit est maudit).

Le directeur fait un discours à sa communauté et à moi, il propose de s’allier avec moi. Je lui demande qui il est. Pour le directeur, je suis le premier malade. Mes parents sont morts peu de temps après notre arrivée. Il a nourri les enfants et les a protégés. Religion : nous sommes les enfants de la rouille.

Haroun s’enfuit du camp en hurlant que Fatma est malade. Profitant de l’agitation, il court vers l’hôpital pour retrouver le directeur. Il demande à un malade où est le directeur. Le malade ne répond pas. Haroun descend au sous-sol, où il voit le directeur haranguer sa communauté et réclamer la mort des caravaniers. Mais le directeur le repère. Je me mets à le vénérer. Haroun panique alors que les patients s’approchent de lui (Pulsions : j’ai agi sans réfléchir).

 

Sixième tour

 

Gabriel s’est enfoncé dans le labyrinthe, il en cherche vainement la sortie. L’hôpital se dégrade à vue d’œil, la rouille se répand partout. Gabriel se blesse aux buissons, il est couvert d’un sang couleur rouille. Il se rend compte que les arbres sont de chair, que les branches sont des membres, et il reconnaît des visages de disparus dans les fleurs. Il se rend sur un promontoire jamais vu auparavant. De là haut, il voit la caravane : des gens sains ! Il leur hurle de fuir cet enfer (Clan : fuyez, pauvres fous !)

Je m’approche d’Haroun, je lui demande pourquoi il est revenu, lui dis que je me souviens vaguement de son visage. J’essaie de lui prendre la main (parce qu’il est sain), mais mon frère m’arrête, me dit que « c’est mal ». Je lui demande s’il l’a reconnu. Société : mon frère me fait la morale.

Le directeur dit à ses hommes d’arrêter Haroun, lequel essaye de s’enfuir, et y parvient finalement. Société : ce que je veux construire n’a pas de bases solides.

Haroun sort de l’hôpital, il entend le bruit de la cascade, dont il se souvient, et s’en approche. Mémoire : la cascade est bienveillante.

 

Septième tour

 

Gabriel voit la caravane plier bagage et partir à grande vitesse. La rouille s’étend dans le jardin, et les caravaniers s’en sont rendu compte. Ils abandonnent Fatma. Gabriel, depuis son promontoire, voit Haroun courir vers la cascade, suivi par les malades avec à leur tête le directeur et moi (mon frère est à l’arrière, rétif). Ils encerclent Haroun à distance, mais ne peuvent s’approcher de la cascade. Égrégore : je fonds et deviens le labyrinthe.

Je suis tétanisé par le monde extérieur qui m’entoure, mais j’ai le sentiment que la rouille me protège. Je vois des visages dans le labyrinthe, qui éveillent le même souvenir que celui d’Haroun. Et parmi ces visages, je vois ceux de mes parents. Leurs bras putréfiés se tendent vers moi. J’ai peur, je veux m’enfuir, mais ils m’attrapent et m’arrachent la peau. Pulsions : la souffrance me rend ma colère.

Le directeur considère que, les caravaniers étant partis, il n’y a plus de danger pour menacer la communauté. Il cherche à persuader mon frère d’agir sur nos parents pour qu’ils me relâchent. Chair : nous sommes un seul corps.

Haroun constate qu’il ne peut pas s’échapper, il est à la merci des malades et ne peut rejoindre la caravane. Il se jette dans la cascade.

 

Débriefing

 

Disons-le tout net : cette session de jeu nous a tous laissé en définitive un goût plutôt amer en bouche, aussi avons-nous ressenti le besoin d’en faire longuement le bilan… Pourtant, tout n’était pas mauvais, loin de là (impression renforcée, je trouve, à la rédaction de ce compte rendu, en dépit de ses nombreuses incohérences – inévitables, sans doute), et je me suis pour ma part beaucoup amusé pendant la majeure partie du jeu (probablement plus encore que la fois précédente). Mais je tends à penser que nous n’avons pas su nous arrêter à temps, et que les derniers tours ont été laborieux (j’avais proposé, mais sans insister – j’aurais peut-être dû… –, de nous arrêter à la fin du cinquième tour ; rétrospectivement, un des joueurs a considéré que c’était surtout le dernier tour qui était de trop). Beaucoup de fils d’intrigue avaient été lancés, que nous n’avons pas su résoudre, en particulier celui concernant l’identité d’Haroun…

 

Je dois en partie faire mon mea culpa (c’est mon compte rendu personnel, après tout). Ainsi que je l’avais dit plus haut, j’aurais sans doute dû endosser la fonction de Confident (quelqu’un aurait dû le faire, en tout cas), notamment pour décider de la fin (donc), mais aussi pour trancher certains désaccords sur la tournure du récit, les motivations des personnages, et même les points de règle (que je ne connaissais pas si bien que ça, toutefois…), qui ont phagocyté la narration dans les derniers tours, et nui à l’ambiance et à l'immersion à force d’interruptions. J’ajouterais, pour me jeter encore quelques cailloux, que mon interprétation de mon rôle a peut-être, d’une part abusé du grand-guignol (tendance difficile à réfréner…), d’autre part – et c’est sans doute lié – abusé du surnaturel.

 

Mais il y a eu incontestablement des points positifs. Le fait d’élaborer ensemble le décor au préalable, notamment, a parfaitement rempli son office : le début était ainsi plus clair, et les personnages mieux posés, que dans la partie précédente. De plus, les instances étaient plus longues, riches et complexes, avec davantage d’interactions entre les joueurs. Enfin, tous les personnages ont été le plus souvent impliqués, et aucun en tout cas ne s’est trouvé « isolé » trop longtemps, la répartition étant assez équitable.

 

Cette partie a néanmoins soulevé beaucoup d’interrogations ; elle a pu donner un sentiment de « semi-échec », mais offre du coup une base de réflexion pour éviter de reproduire certaines erreurs à l’avenir. Le défaut majeur, donc, a été que nous n’avons pas su trouver une fin satisfaisante pour tous ; la session a été indûment prolongée ; les personnages de Gabriel et d’Haroun ont été un peu laissés en plan, et des questions importantes n’ont pas eu de réponse (notamment, donc, celle de l’identité d’Haroun). Je tends à penser que l’ordre des instances, ici, a pu jouer ; mais, au-delà, l’enchaînement mécanique des tableaux a nui à l’unité du récit en laissant des éléments importants à l’arrière trop longtemps, dont on ne savait plus ensuite quoi faire. Au-delà, nous avons été amenés à nous poser la question de la conception des personnages et de leurs motivations, qui a clairement opposé les joueurs entre eux, et généré une certaine tension, sous forme d’incompréhension mutuelle, dans les derniers tours…

 

Tous les commentaires, toutes les remarques, sont bienvenus. Si ce débriefing repose sur des éléments que nous avons tous ensemble évoqué au cours de la discussion qui a suivi la partie, il n’engage cependant que moi, ne fait que traduire mes impressions personnelles.

 

Malgré cette vague amertume finale, je reste très amateur du jeu de Thomas Munier, et souhaite renouveler prochainement l’expérience. Je veux croire que nous aurons appris de nos erreurs, et ne reproduirons pas certains des travers de cette session en particulier.

 

Et je me suis bien amusé quand même, non mais.

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"Fiasco : Fiasco assuré"

Publié le par Nébal

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Fiasco : Fiasco assuré

 

Un peu embêté pour rédiger ce compte rendu, que j’ai repoussé de plusieurs jours, en me demandant au juste ce que j’allais bien pouvoir en dire… J’imagine que le fait de n’avoir pas encore eu d’occasion de tester Fiasco (même si ce n’était pas l’envie qui manquait, chez moi en tout cas) ne facilite guère les choses. Mais bon : on va tenter, hein.

 

Donc, Fiasco assuré est une sorte de supplément fourre-tout pour Fiasco (la traduction du Companion, je suppose ?), qui vise à donner aux joueurs les clefs pour profiter encore plus de cette expérience ludique à part, que ce soit sur son mode « basique » ou en le bidouillant quelque peu.

 

Une première remarque me paraît inévitable : sur le plan formel, c’est vraiment très bien. J’adore la maquette et l’iconographie de Fiasco, décidément, et c’est clairement d’une lecture agréable (d’autant plus que c’est souvent rigolo, malgré une certaine propension à l’exclamationite aiguë).

 

Pour ce qui est du contenu à proprement parler, il y a donc un peu de tout… On commence pour l’essentiel par des conseils pour jouer à Fiasco (donc), concernant notamment l’improvisation (je pensais ne pas être très friand de ce genre de développements, que j’ai tendance à trouver bavards, mais j’ai été plutôt convaincu, ici) et le guidage (un poil moins intéressant).

 

Suivent des conseils pour la création de cadres, assez bien vus, et qui permettent sans doute d’éviter bien des boulettes quand on se lance dans ce versant de Fiasco.

 

Les bidouillages de règles qui suivent (visant, par exemple, à rendre le jeu moins « méchant », à renouveler l’emploi des dés, ou à jouer sur la temporalité), par contre, ne m’ont pas vraiment séduit. Mais bon, normal, j’imagine : en dehors de ce qui concerne la trashitude du jeu, et qui me paraît donc dommageable, faudrait déjà que je joue à la version « basique » pour prendre pleinement conscience de ce que ces bidouillages peuvent apporter…

 

Fiasco assuré propose ensuite quatre nouveaux cadres, qui mettent plus ou moins en application tout ce qui a pu être développé auparavant. Les deux premiers sont « gentils » (lycée ricain et comédie romantique à base de mariage), et ne m’intéressent vraiment pas ; celui sur Vegas me paraît un poil convenu, mais bon, justement : un des principes essentiels de Fiasco est que le banal peut être intéressant ; mais c’est sans doute le dernier, SF et a priori plus « méchant », qui me paraît le plus chouette.

 

La fin de l’ouvrage retrouve l’aspect théorique du début, avec des entretiens sur la manière d’utiliser Fiasco avec des djeunz ou au théâtre (mf, ça ne m’intéresse pas vraiment…), ou comme procédé d’écriture (ce qui me parle un peu plus).

 

Tout cela est dans l’ensemble assez chouette, de manière étonnante parfois, et en tout cas (donc) d’une lecture agréable. Maintenant, est-ce utile ? C’est là, surtout, que je ne sais guère qu’en penser… Cela dit, étrangement (ou pas), pour ce qui est du contenu le plus théorique (notamment sur l’improvisation, la temporalité, et éventuellement l’écriture), je ne serais pas surpris qu’il ressorte d’une manière ou d’une autre dans ma manière d’aborder le jeu de rôle en général (et plus puisque affinités), et j’ai tendance à y voir l’intérêt principal de ce bouquin. Pour ce qui est des bidouillages de règles, sans doute. Quant aux cadres, si j’arrive à motiver des joueurs, il est fort probable que je fasse l’impasse sur les deux « gentils », mais les deux autres auront sans doute l’occasion de servir (on verra plus tard ce qu’il en sera de la création de cadres, ce qui peut être amusant).

 

Bref : au final, je vois surtout du positif dans cette lecture rôlistique… et pourtant je ne suis toujours pas tout à fait sûr de ce que j’en pense exactement. Bizarre. Moi je dis : faut tester. Et là on verra bien.

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