"L'Océan au bout du chemin", de Neil Gaiman
GAIMAN (Neil), L'Océan au bout du chemin, [The Ocean at the End of the Lane], traduit de l'anglais par Patrick Marcel, Vauvert, Au Diable Vauvert, [2013] 2014, 314 p.
Bon, je ne vous apprends rien : je suis un petit fan de Neil Gaiman. Je suis très preneur de tout ce qu'il peut bien faire, tous arts confondus (même si je tends à penser qu'il ne fera jamais mieux que Sandman). Ce qui n'exclut pas quelques ratés, Tout relatifs, parfois : American Gods m'a ainsi paru nettement moins bon que ce qu'on disait ; mais Anansi Boys, ouep, c'était bien une fausse note. Pourquoi cette introduction ? Je vous rassure tout de suite : L'Océan au bout du chemin, qui arrive en France auréolé d'une belle réputation, n'est certes pas si mauvais que ça ; il est cependant moins époustouflant que ce qu'on a bien voulu en dire. Mais je ne suis pas certain de trouver les mots justes pour en faire la critique, j'ai de grosses difficultés pour ce faire en ce moment... Et, après tout, vous pouvez très légitimement ignorer mon avis façon fine bouche. J'ai hésité avant de me lancer dans la rédaction de ce compte rendu... et ne suis pas sûr d'être capable de me montrer pertinent. Mais bon : essayons...
Il apparaît très tôt que nous sommes dans du Neil Gaiman pur jus ; ce qui, après tout, peut suffire à satisfaire les fans, et ils sont nombreux. Mais je crois que c'est là ce qui me gêne dans ce roman ; trop de « fan service » ; l'auteur se laisse aller à faire ce pour quoi il est le plus doué, et cela passe notamment par ce jeune homme qui revient sur les lieux de son enfance à l'occasion de funérailles. Le regard rétrospectif de l'adulte sur l'enfant est admirablement bien géré, et le roman à n'en pas douter émouvant. Mais c'est hélas façon presse-bouton ; tout cela donne une impression de facilité plus ou moins navrante.
Alors, oui, on y est en plein. L'évocation de l'enfance est adroite, le surnaturel s'y mêle comme de juste, et on a la petite larme qui perce. Mais aussi une fâcheuse impression de déjà-lu... et de déjà-lu sous la plume de Gaiman. L'Océan au bout du chemin n'est que cela : une variation. Virtuose, mais fainéante. A la limite, c'est dans son caractère d'épure qu'elle se montre la plus fascinante ; le récit y est déconstruit jusqu'à ce que n'y figurent plus que les éléments essentiels. Tout superflu est exclu du récit.
Aussi, succomber à L'Océan au bout du chemin, c'est se porter volontaire pour un spectacle de prestidigitation singulier, où l'épate est écartée et où le tour de magie est réduit à sa plus simple expression. On est censé se faire manipuler, avec le sourire, et en redemander encore. Mais, pour une fois, je n'y arrive pas totalement... J'ai vu un truc. D'une manière ou d'une autre, j'ai vu l'artifice. Je romps dès lors le pacte et refuse de me laisser instrumentaliser. C'est le tour de trop, celui qui annihile l'illusion, à être ainsi exécuté de manière paresseuse, en ayant la certitude de récolter les applaudissements.
Et, en définitive, c'est bien cette perfection qui m'agace un tantinet ; je n'ai pas envie de jouer le jeu de la paresse d'un auteur qui n'a certes plus rien à prouver, mais bon, hein, bon. Là, c'est tout de même un peu trop fort...