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Terreur dans la nuit, de Dashiell Hammett (dir.)

Publié le par Nébal

Terreur dans la nuit, de Dashiell Hammett (dir.)

HAMMETT (Dashiell) (dir.), Terreur dans la nuit. 10 nouvelles horrifiques présentées par Dashiell Hammett, [Creeps by Night : Chills and Thrills], édité et introduit par Nathalie Beunat, [traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par Leslie Boitel-Tessier, de l’anglais (États-Unis) par Brigitte Mariot, et de l’allemand par Jean-Jacques Pollet], Paris, Fleuve Éditions, [1925, 1929-1931, 2006] 2016, 214 p.

 

Ma chronique figure dans le n° 83 de Bifrost, pp. 94-95.

 

N’hésitez pas à y réagir d’ores et déjà.

 

Le moment venu, cette chronique sera reprise en ligne sur le blog de la revue. Je vous en donnerai le lien.

 

D’ici-là, tu peux écouter le charmant Gérard Abdaloff en dire du bien, et du mal de toi, et c’est ici.

 

EDIT : avec beaucoup de retard, j'avais laissé passer ça, la chronique sur le blog de Bifrost, ici.

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Midnight Meat Train, de Ryūhei Kitamura

Publié le par Nébal

Midnight Meat Train, de Ryūhei Kitamura

Titre : Midnight Meat Train

Réalisateur : Kitamura Ryūhei

Titre original : The Midnight Meat Train

Année : 2008

Pays : États-Unis

Durée : 98 min.

Acteurs principaux : Bradley Cooper, Leslie Bibb, Vinnie Jones, Brooke Shields…

 

Entorse à mon programme cinéphile nippon – car, de nippon, ici, il n’y a que le réalisateur, Kitamura Ryūhei, qui y tente son exportation à Hollywood. Le peu que je connais de sa carrière au Japon m’avait cependant plutôt séduit – ou du moins était-ce le cas du stupidissime Versus, dont l’hystérie jubilatoire avait quelque chose de chouettement rafraichissant à la manière d’un bon vieux Evil Dead, ainsi que du très drôle moyen-métrage Heat After Dark, bénéficiant d’une ambiance aussi jolie qu’improbable ; mes deux autres tentatives auprès du réalisateur s’étaient certes avérées moins convaincantes : Aragami bénéficiait de plus que sympathiques scènes de baston passablement vidéoludiques (dans la lignée de Versus, du coup), mais le vide absolu derrière tout ça était pour le coup un peu trop voyant ; quant au rigolo Godzilla Final Wars, il s’éternisait quand même un peu trop, hein… Mais le style très tape-à-l’œil du réalisateur, tout dans l’esbroufe clipesque (ou vidéoludique, donc), passant par des expérimentations improbables et un goût des angles de vue incongrus, me paraissant étrangement enthousiasmant – là où, chez d’autres, ces caractéristiques tendent à me filer très vite des boutons… Une certaine sincérité, peut-être ? Une alchimie hystérique qui, à force de tripoter le mauvais goût, et de l’assembler et réassembler perpétuellement, touche paradoxalement au bon ? Je ne suis pas bien certain, au fond, de ce que je pense de toute cela – demeure, en dépit des déceptions, un a priori étonnamment favorable : au moins, je veux bien tenter de voir ce que cela donne…

 

C’était sans doute tout particulièrement vrai pour ce Midnight Meat Train, qui ne se contente pas d’être le premier film hollywoodien de l’auteur : c’est aussi (et surtout ?) une adaptation du grand (quand il le veut bien) Clive Barker – en l’espèce d’une nouvelle originaire des « Livres de sang » (et figurant plus précisément, en français, dans le premier tome de la série, justement titré Livre de sang). Et, disons-le, une nouvelle qui, aussi chouette soit-elle, demande sans doute un certain travail d’adaptation, car l’étirer au format d’un long-métrage de durée conventionnelle n’a rien d’évident… Travail qui a donc été effectué ici, avec plus ou moins de réussite.

 

Il est vrai aussi qu’adapter Clive Barker à l’écran n’a jamais été une mince affaire – que ce soit directement par lui (il est par ailleurs producteur du présent Midnight Meat Train) ou par d’autres… Les livres de Barker se singularisent souvent par leur outrance, leurs excès systématiques – une débauche de sexe et de sang versant le cas échéant dans le gore, sinon dans la pornographie (encore qu’au sens large…), mais un gore bien particulier, baroque d’une certaine manière, ou peut-être remontant encore au-delà, jusqu’à un Jérôme Bosch disons, le traditionnel Grand-Guignol source presque inévitable du gore cinématographique contemporain n’étant plus dès lors qu’une étape dans une histoire peut-être plus longue et complexe qu’on ne se l’avoue d’habitude. Et rendre à l’écran cette dimension est toujours délicat. Un problème qui, à vrai dire, touche le gore en général : il n’est pas donné à tous de parvenir à faire dans le gore « sérieux » (à la Romero en forme, disons), le gore sous-tendu par une intention d’ordre philosophique, tant la volonté de choquer le bourgeois, finalement plutôt pour en rire, est difficile à réfréner – ce qui n’est pas forcément plus mal : aux sources généralement reconnues du genre, le Blood Feast de Hershell Gordon Lewis est bien un sinistre navet, après tout, là où le rigolard 2000 Maniacs est autrement plus sympathique… Mais, qu’il s’agisse de gore « sérieux » ou de gore « rigolard », la pente fatale qui transforme le sublime en ridicule, le grotesque au sens positif en grotesque au sens méprisant, est souvent difficile à éviter – en témoignent bien des exemples dans le cinéma d’exploitation italien, notamment, où, pour un Fulci, ou éventuellement un Deodato (quand ils sont en forme, là encore…), nous avons quantité de Lenzi ou de Mattei… Chez Barker lui-même, la dégringolade des Hellraiser est probablement éloquente à cet égard. Et sans doute sa prose s’accommode-t-elle bien mal du gore « rigolard », qui est tout particulièrement dangereux dans son cas…

 

La nouvelle originelle, aux sources de Midnight Meat Train, n’a sans doute pas grand-chose de rigolard. Par ailleurs, elle est assez courte, consistant peu ou prou, si ma mémoire ne me fait pas totalement défaut (rien de garanti…), en l’enchaînement de deux scènes – un massacre « en rien fantastique » dans le métro, puis une « explication » qui ramène le surnaturel dans la partie, avec une certaine dose de « conspirationnisme » (par ailleurs non dénué d’aspects lovecraftiens, trouvé-je). Impossible de faire un film sur cette base : si le matériau est au fond assez riche, il est concrètement limité par le médium de la nouvelle.

 

Le film doit donc poser un cadre – et, s’il enchaîne bientôt les séquences où un étrange et taciturne serial-killer, toujours très élégant, mais bientôt identifié comme étant un boucher travaillant dans un abattoir, massacre à tour de bras, de son maillet, des passagers malencontreux du dernier métro, il prend pourtant soin de construire un personnage de « héros » et de l’inscrire dans son quotidien. Ce personnage, c’est Leon Kauffman (incarné par Bradley Cooper, bof, bof), un photographe qui aimerait « saisir » la ville (le film a été tourné à Los Angeles) ; ses prétentions artistiques se heurtent cependant à la banalité de son travail – à en croire en tout cas Susan Hoff (Brooke Shields), vendeuse d’art qui l’incite à « rester », pour capturer, non pas l’anecdotique, mais le réellement puissant. Prenons cette photo prise dans le métro, qu’il lui soumet, avec cet homme d’affaires propre sur lui qui recule devant le clochard endormi assis non loin, et qui, dodelinant de sommeil, se rapproche sans cesse du pingouin… La photo de Leon, en l’état, est (pardon) un cliché ; s’il veut vraiment « saisir » la ville, en tirer quelque chose de véritablement artistique, il doit « rester » : la photo sera bonne, ou du moins méritera d’être prise, quand le clochard s’effondrera bel et bien sur le cadre. Pas avant.

 

Et je trouve qu’il y a là quelque chose d’assez intéressant – quelque chose qui renvoie en fait à mon adaptation de Barker préférée, Candyman (par Bernard Rose ; encore une nouvelles des « Livres de sang », au passage – « Lieux interdits », dans Prison de chair), où l’histoire d’horreur, pour être essentielle, se mêle de choses plus complexes, dessinant un sens supplémentaire, laissant entrevoir une profondeur insoupçonnée : le jeu de Candyman sur les « légendes urbaines », la prolifération, sous la forme de rumeurs, de mythes éventuellement anciens mais toujours remis au goût du jour dans les populations les plus pauvres des cités les plus sordides, suscitant une jolie résonnance avec les ambitions froidement théoriques et sans doute pas qu’un peu condescendantes de la sociologue enquêtant sur le Candyman. Qu’on ne s’y méprenne pas : je n’ai rien contre les bisseries voire zèderies centrées sur la seule horreur, dans l’optique honnie et scandaleuse du « divertissement », je m’en suis coltiné pas mal, et avec un plaisir constant. Mais je n’ai rien, vraiment rien, contre ce petit « plus » qu’une attention supplémentaire au propos peut éventuellement construire, ce petit « plus » qui transcendera l’horreur pour lui conférer un sens plus ample ou du moins plus ambitieux.

 

L’espace d’un instant, j’ai voulu croire que Midnight Meat Train jouerait un peu de ce registre – mais, ne nous leurrons pas, globalement, c’était une erreur… Pas dramatique, hein – juste un poil décevante au regard de mes attentes plus ou moins conscientes : disons du moins que les scènes où Leon, plus que jamais voyeur, mitraille l’agression d’une jeune femme dans le métro, sur le fait, puis se met à jouer au « stalker », auraient sans doute autorisé des développements intéressants, voie que Kitamura ou son scénariste n’ont finalement pas choisi d’emprunter. Bon, tant pis…

 

Leon, quoi qu’il en soit, est bientôt amené à jouer à l’enquêteur, et non plus simplement à l’artiste vaguement bohème errant dans la nuit en quête de clichés faisant sens. Il tombe par hasard sur le boucher, suspecte son rôle dans la disparition de la jeune femme dont il avait photographié l’agression par des racailles autrement banales, et se met à le suivre… Et cela devient une obsession plus forte que tout le reste – quête de sens, peut-être, malgré tout ? À voir ; car cette entreprise adopte bien vite (et sans doute bien trop vite) des atours de folie pure et simple. Ici, le film pèche et pas qu’un peu dans la caractérisation des personnages – le cabotinage effréné de Bradley Cooper plongeant du jour au lendemain dans son enquête, et tout particulièrement en envisageant la série de disparitions comme remontant carrément à la fin du XIXe siècle, mais sans que cela paraisse l’étonner plus que cela, rend une scène essentielle, qui aurait dû être forte, finalement plus ridicule qu’autre chose, ou peut-être même pas – simplement terne avant tout. Il faut dire qu’il n’est pas aidé par Leslie Bibb, dans le rôle de sa compagne Maya Jones, serveuse dans un bouiboui, dont l’interprétation est au mieux médiocre… Le pire étant pourtant que son personnage aussi pèche sur le plan de la motivation : elle qui est supposée redouter l’évolution de l’état mental de son compagnon, et par ailleurs faire un blocage – bien compréhensible – sur les investigations délirantes de Leon… se met pourtant à enquêter sur le boucher à son tour ! Et nous savons bien sûr comment tout cela va se terminer…

 

Enfin… Pas tout à fait. C’est sans doute là que la nouvelle se montre forte – en dévoilant brièvement, tout à la fin, une dimension supplémentaire du récit, et qui a bien des égards le fonde, sans consister pour autant en une « explication » exhaustive, balayant le propos de A à Z. L’horreur du serial-killer taciturne, façon slasher, adopte alors un tout autre sens, en ramenant enfin le surnaturel dans la partie – et, par ailleurs, en injectant dans le récit une dose bienvenue de « conspirationnisme » (que je trouve donc un brin lovecraftienne, mais c’est à débattre). Ici, contrairement à ce que j’avais noté jusqu’alors, je trouve que le film se montre bien plus habile, en distillant çà et là des indices quant à la réalité profonde de l’horreur : dans un premier temps, cela ne vaut que dans le cadre spécifique du métro, et n’engage donc pas forcément à grand-chose – on sait cependant que le métro bifurque quand le boucher frappe, et l’on voit même le chauffeur lui venir en aide et lui parler (le boucher est pour sa part des plus taciturne – il ne prononcera, bien évidemment à la toute fin, qu’un seul mot ; et là, pour le coup, ça n’est pas seulement cliché, c’est maladroit…) ; plus tard, l’implication probable de la police dans l’affaire est bien autrement inquiétante… conduisant à la « révélation » ultime, qui se montre d’autant plus pertinente qu’elle ne révèle au fond pas grand-chose – ou du moins ne sombre pas dans la pénible facilité des « paragraphes d’exposition » ou de leur transposition scénaristique : n’est dit que ce qui doit l’être. Et peu importe à ce stade que l’épilogue soit convenu – en fait, le fatalisme qu’il induit est parfaitement approprié.

 

L’intérêt du film – ou ce qui est supposé faire son intérêt – est sans doute ailleurs, cependant : dans la réalisation et la mise en scène, notamment des scènes de meurtre dans le métro. Ici, Kitamura Ryūhei se montre égal à lui-même : clipesque et m’as-tu-vu, avec pourtant quelque chose de frais voire de jouissif qui sauve la partie et plus encore, il privilégie les angles inattendus, les enchaînements improbables, les plans impossibles. Cela marche le plus souvent bien voire très bien… mais c’est une approche dangereuse, et le réalisateur se foire parfois dans les grandes largeurs.

 

Le numérique a sa part de responsabilité dans l’affaire : quand il est employé pour frapper de plein fouet le spectateur avec la dynamique du métro, cela fonctionne globalement très bien ; mais le résultat est tout autre quand il entend participer au « gore »… En fait, dans ces conditions précises, il sombre bien vite dans le ridicule achevé – d’autant que c’est souvent en injectant une dimension « rigolarde » dans le gore ou quasi-gore (à débattre : Midnight Meat Train est bien un film d’horreur, et ne lésine pas sur la barbaque, comme de juste ; de là à dire qu’il est gore, c’est peut-être aller un peu vite en besogne, même si j’aurais tendance à employer ce qualificatif pour ma part) autrement sérieux du film. Je n’en ai pas cru mes yeux (si j’ose dire) quand j’ai vu ces hideux globes oculaires en CGI giclant dans un « bloup » ridicule suite à un violent coup de marteau à l’arrière du crâne… Défaut commun du numérique mal employé fut un temps (j’ai l’impression toutefois qu’il y a eu de sacrés progrès en l’espèce – mais pas ici, de toute évidence) : on n’y croit pas deux secondes, ça manque beaucoup trop de matérialité et de chair… Et donc aussi d’à-propos : une idée à la con dans ce genre m’aurait faire rire aux éclats et applaudir des deux mains (parce que d’une seule c’est difficile) dans une réjouissante couillonnade à la Versus – mais Midnight Meat Train n’est pas Versus. C’est aussi la raison pour laquelle un certain nombre de plans « expérimentaux » m’ont paru totalement à côté de la plaque – ainsi de ce reflet parfait de la scène en cours, vue dans une flaque de sang d’une limpidité plus qu’improbable… Le jeu de Kitamura sur les miroirs, etc., est globalement bien vu – il sait par ailleurs construire des plans astucieux à la manière des maîtres de l’horreur (et peut-être tout particulièrement de la « J-Horror », qui s’invite ainsi discrètement dans le film ?), prenant toujours soin de laisser entrevoir à l’arrière-plan, si ce n’est la menace elle-même, du moins – ce qui est autrement efficace – sa possibilité… Simplement, ça ne marche pas à tous les coups ; loin de là.

 

Midnight Meat Train n’étant donc pas Versus (ou peut-être davantage Aragami, à ce compte-là), d’autres procédés rendent tout aussi mal que ces fâcheux effets numériques : Leon qui s’arme de matériel de boucher, avec tablier façon armure, fourreaux multiples pour ses nombreuses lames, etc., avant d’aller affronter sa Némésis dans le métro, c’est parfaitement ridicule – comme une parodie de Rambo, d’autant plus inacceptable qu’il y a eu Hot Shots 2 depuis : on ne peut pas prendre une scène du genre au sérieux…

 

Il est heureusement d’autres choses qui fonctionnent bien mieux. Et, si le gore numérique manque bien trop de chair pour convaincre, le gore plus « traditionnel », globalement, passe bien. Si le film ne se prive certes pas de gratuités en l’espèce, lorgnant peut-être dès lors sur le gore « rigolard » (je pense tout particulièrement à la séquence de dentisterie, suivie par un toujours agréable arrachage d’ongles ; la séquence « à la Terminator » où le boucher se livre à une opération dermatologique sur son propre torse est sans doute un peu moins pertinente), c’est globalement à bon droit. En résulte en tout cas une sensation peut-être similaire à celle du gore façon Romero – exprimer une matérialité ultime et dégagée de toute morale, où l’homme est réduit à sa condition de viande ; évidemment, là est le propos du film, comme de la nouvelle à l’origine… Ces plans d’abattoirs – qu’il s’agisse du véritable abattoir ou du wagon de métro employé à cet effet – sont bien vus. Que le « héros » soit un végétarien contrarié, par contre… Boarf. Je ne sais pas.

 

Alors que penser, globalement, de Midnight Meat Train ? Je n’en suis pas bien certain… Disons qu’il s’agit probablement d’une bisserie plus qu’honnête, où le bon, car il y en a, rattrape globalement le mauvais. Le film aurait pu se montrer un peu plus ambitieux, un peu plus constant, mais il fonctionne dans l’ensemble. Sur le plan formel, on compte bien quelques effets numériques foireux, une direction d’acteurs assez terne, une bande originale ratée, mais la virtuosité clipesque de Kitamura se montre souvent bien plus inspirée. Quant au fond… Non, Midnight Meat Train n’est pas Candyman – mais au fond, on ne le lui demandait pas. Il parvient dans l’ensemble assez bien à rendre la nouvelle originelle, et c’est déjà ça ; il parvient même, parfois, à exprimer pourtant une certaine singularité au-delà, ce qui est toujours appréciable. Le film ne fera certainement pas date dans l’histoire du cinéma d’horreur, mais s’accommode bien de bière et de pop-corn. Quant à Clive Barker, il a été bien autrement maltraité dans d’autres adaptations – y compris par lui-même ? Alors « chompf, chompf », et contentons-nous de ça…

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La Maison aux insectes, de Kazuo Umezu

Publié le par Nébal

La Maison aux insectes, de Kazuo Umezu

UMEZU Kazuo, La Maison aux insectes, [Mushi-tachi no ie], préface de Kiyoshi Kurosawa, traduit du japonais par Miyako Slocombe, Poitiers, Le Lézard Noir, [1968-1969, 1972-1973, 2005] 2015, 214 p.

 

Ma timide et bien tardive découverte du manga d’imaginaire, et plus particulièrement du manga d’horreur, se poursuit, et pour le mieux, avec une nouvelle BD très impressionnante, et qui m’a profondément surpris, à sa manière toute particulière. Récemment, je vous avais parlé de Spirale de Itō Junji, du malaise suintant de ces pages empruntes d’une folie fataliste, ainsi que, dans un genre bien différent, du premier volume des Carnets de massacre de Kago Shintarō, faisant davantage dans le porno-trash jubilatoire baigné par un humour tordu. Il y a sans doute bien d’autres choses tout aussi singulières à découvrir, entre ces extrêmes et au-delà (j'en ai quelques-uns en lice), mais le volume qui m’intéresse aujourd’hui est une bonne occasion de remonter aux sources du genre horrifique en manga, avec celui dont on a fait le parrain du registre, Umezu Kazuo – un auteur somme toute peu connu de par chez nous, quand on le considère comme une influence essentielle au Japon. On en retient surtout la série L’École emportée – ce titre ne m’était pas inconnu, si je ne m’y étais jamais plongé –, mais le présent recueil d’histoires courtes (« nouvelles » si vous y tenez) est tout juste antérieur (fin des années 1960, début des années 1970), et présente pourtant une autre facette de l’auteur, fonction non seulement de ses envies et obsessions, mais aussi des publics-cibles, selon la compartimentation propre aux mangas – à relativiser toutefois, j’y reviens de suite.

 

Dans sa préface, le réalisateur Kurosawa Kiyoshi rapporte son premier contact avec l’œuvre d’Umezu Kazuo, très jeune, et via des revues pour filles – ce qui ne l’a certes pas empêché de toucher tout autant, dès cette époque, un public masculin ; les nouvelles du présent recueil, toutefois, n’obéissaient pas à ce régime éditorial, et visaient globalement un public plus adulte – mais, là encore, il ne faut pas forcer le trait de la compartimentation. En fait, ce parcours éditorial, au-delà des barrières supposées du sexe et de l’âge, témoigne de la portée universelle des histoires courtes d’Umezu Kazuo – le terme ayant d’autant plus d’impact, peut-être, avec l’exportation quand bien même tardive de son œuvre. Car, comme dit plus haut, Umezu Kazuo est peut-être méconnu en France – du moins à l’aune de son statut iconique au Japon. Après des années sans la moindre parution (Glénat avait tout de même publié ses plus célèbres séries au tournant du millénaire, dont L’École emportée), c’est donc Le Lézard Noir qui a repris le flambeau, avec deux recueils de nouvelles horrifiques, La Maison aux insectes, dont je vais vous causer là maintenant, et Le Vœu maudit, qu’il faudra bien que je lise également. Et nous sommes bien là devant des titres séminaux, à leur manière – d’une influence considérable sur le manga d’horreur à venir.

 

Pourtant, ce qualificatif pose parfois problème, en définitive… Oui, globalement, on fait bien ici dans l’horreur, mais souvent d’une manière très subtile et ne correspondant en rien aux codes (cinématographiques ou littéraires) du genre, quoique l’auteur ne se prive pas d’en user le cas échéant – en fait, cette astucieuse balance entre retenue et explicité n’est pas pour rien dans la réussite de ces nouvelles : l’auteur est d’une habileté consommée pour surprendre le lecteur, en jouant sur une multitude de tableaux (non des moindres : le point de vue, qui fournit la trame des histoires les plus fortes – jusqu’à un retournement radical et proprement bouleversant, qui marque déjà le récit inaugural, « La Maison aux insectes », mais que l’on retrouve ultérieurement dans « Le Lien », où l’effet est du coup un peu amoindri, mais cela participe en même temps de la définition du style de l’auteur). Ainsi, si son fantastique est dans une large mesure psychologique – nous sommes dans cet entre-deux caractéristique qui questionne le monde, la réalité, les personnages, avec ce surnaturel qui est peut-être… ou pas –, l’auteur ne se prive pas pour autant d’asséner quelques violents chocs graphiques au lecteur déboussolé, tirant le récit, au moins le temps d’une saynète, vers un gore ou quasi-gore d’autant plus efficace qu’il est parfaitement inattendu – et pourtant d’un à-propos indéniable. Parallèlement, la romance est souvent un élément fondamental de ces histoires (Umezu avait semble-t-il fait ses premières armes dans ce genre), mais peut déboucher sur bien des choses avec une même pertinence – de la tension érotique la plus malsaine et déstabilisante aux sentiments les plus abstraits et les plus « purs », occasion essentielle de mettre en scène d’empathiques personnages féminins, eux-mêmes l’occasion d’une charge passablement éloquente contre un Japon patriarcal cloitrant les femmes dans un mariage étouffant, sans autre perspective de réalisation personnelle : ces histoires n’ont sans doute rien de pamphlets, mais leur contenu à cet égard n’a de toute évidence rien d’innocent (surtout pour la période ? Encore une fois, nous sommes à la charnière des années 1960 et 1970…).

 

Toutes ces techniques « littéraires », dans le cadre d’un manga, s’accompagnent bien sûr d’autres, « picturales » – voire « cinématographiques » : Umezu, à n’en pas douter, fait preuve d’un incroyable talent pour le montage, et sa mise en page, sa découpe temporelle (qui en vient en fait à sublimer le rôle du temps d’une manière plutôt inattendue en bande dessinée, par exemple en usant de quatre cases pour ouvrir une porte, ce qui n’a rien de gratuit mais participe pleinement de l’ambiance), détournent la narration au service d’une astucieuse machine à empathie, manipulant le lecteur avec le brio d’un grand réalisateur (disons un Hitchcock, pour l’époque – plus tardivement, on ne s’étonnera guère de ce qu’un Kurosawa Kiyoshi ait ici témoigné de l’influence d’Uzemu sur sa propre œuvre, et je suppose qu’il en va de même pour Nakata Hideo, et peut-être même plus encore, tant la mise en avant des personnages féminins chez ce dernier procède probablement d’une intention comparable). Le graphisme d’Umezu, d’une telle élégance dans la gestion du temps, bénéficie également d’autres traits plus étonnants, jouant parallèlement d’une forme de dynamique perverse entre mouvement et statisme, et qui s’exprime notamment par son usage remarquable et caractéristique du noir – d’une manière dépassant amplement les poncifs de l’horreur graphique : voyez la dernière de ces nouvelles, intitulée « La Fin de l’été », où la mer, en pleine saison estivale, se déploie en rouleaux d’encre évoquant une menace sourde, tandis que, se mêlant enfin à la nuit, elle en arrive à incarner la perte de repères de l’héroïne abandonnée dans un cosmos intrinsèquement menaçant… Cette ultime histoire est clairement ma préférée sur le plan graphique – elle est proprement bluffante à cet égard, inscrivant aussitôt l’auteur parmi les plus grands maîtres des aplats de noir. Le dessin, globalement, est de toute façon déstabilisant – mais finalement très moderne, au point d’en être parfois visionnaire. Cela vaut en tout cas pour les décors, les cadres, l’usage du noir donc – pour ce qui est des personnages, sans doute La Maison aux insectes encaisse-t-elle davantage le coup de son âge, en introduisant par ailleurs un décalage vaguement suranné, avec ces hommes systématiquement carrés et ces femmes d’une minceur maladive, et leurs visages hyper-expressifs, grands yeux toujours en mouvement et bouches grandes-ouvertes sur un cri perpétuel de menace ou d’angoisse… Ici, j’avoue ne pas toujours accrocher – faute sans doute d’avoir bien intégré les canons du manga.

 

Tous ces éléments s’associent pour mettre en scène des histoires étonnamment fines, relevant du meilleur fantastique – surtout psychologique, donc, encore que la fatalité extérieure ne soit pas systématiquement exclue ; dans un registre assez proche, notons par ailleurs que la noirceur constante et largement morbide de l’ensemble peut s’accommoder, très exceptionnellement, de vagues lueurs d’espoir… même si celles-ci ont souvent alors quelque chose d’ironique, qui leur permet de subsister sans anéantir pour autant l’histoire globale, car s’intégrant pleinement dans le rapport au monde qu’elle décrit.

 

Une chose, au-delà, est particulièrement marquante dans les récits composant La Maison aux insectes, et c’est la place accordée aux femmes. Peut-être cela vient-il de la carrière d’Umezu dans le genre romance, ou de la publication de ses premières histoires d’horreur (comme celle qu’évoque Kurosawa Kiyoshi dans sa préface, insistant sur le choc global qu’elle avait constitué dans les cours d’écoles) dans des revues essentiellement destinées aux jeunes filles. Encore une fois, ce n’est pas le cas de ces récits précisément (publiés pour l’essentiel dans Big Comic, magazine visant un public plus adulte et semble-t-il sans distinction de sexe), mais le fait est là : que les personnages féminins soient pleinement centraux ou pas, fassent office de point de vue ou pas, ils sont là – et ce sont de beaux personnages, élaborés avec finesse et empathie, autant dire l’antithèse de nombre de personnages féminins dans l’horreur occidentale, par exemple cinématographiques, cohortes de « scream queens » enlevées par des singes titanesques, soumises aux fantasmes érotico-gothiques d’une infinité de comtes vampires aux châteaux de carton-pâte, figures de débauche adolescente subissant une mesquine répression puritaine dans quelques survivals et une quantité de slashers – sans même parler, je suppose, du rape and revenge… Les femmes mises en scène par Umezu sont bien davantage que cela : elles sont de vrais personnages, et le récit tourne souvent autour de leur psyché complexe – de cette psyché à laquelle aucune poupée plastique ne pourra jamais prétendre, elle qui n’a qu’une fonction esthétique. Ces récits n’ont sans doute rien de brûlots libertaires, mais ce point de vue particulier suffit amplement à en exprimer une certaine sève fort bienvenue. Et les malheurs de nombre de ces héroïnes (dans « La Maison aux Insectes » peut-être, dans « Les Yeux » et « La Fin de l’été » très certainement, éventuellement ailleurs aussi) vont sans doute bien au-delà de la seule délectation sadique offrant au lecteur/spectateur cruel son quota de chair et d’âme violentées…

 

Quelques mots sur chacune de ces histoires, peut-être ? Présentation hâtive, évitant d’en dire trop si possible… Dans « La Maison aux insectes » (1972), un homme a l’idée saugrenue de vouloir montrer sa femme à sa maîtresse – expliquant pourquoi il l’aime et pourtant ne peut l’aimer, laissant le champ à une autre… Mais l’épouse reniée aussi a son mot à dire sur ce qui s’est passé – et pas tant les ambitions de son époux quant à l’avenir ! Bien davantage ses obsessions antérieures et sa violence conjugale… Ce brillant récit est un sommet de fantastique psychologique, extrêmement déroutant – l’auteur, en usant et abusant des subjectivités (changements brutaux de points de vue, et qui plus est au travers de narrateurs non fiables), perd délibérément son lecteur qui n’en demandait pas davantage, et assaisonne le trouble immédiat de cette perte de repères avec des bizarreries en tout genre, certaines louchant sur le « weird », non sans une certaine poésie glauque, et d’autres davantage vers le thriller, mais sans jamais négliger la chronique intime… au point de faire de ce récit une somme, un panorama peu ou prou exhaustif et pourtant cohérent de l’horreur et du fantastique. Vraiment très impressionnant.

 

« Les Yeux » (1969) est un récit d’une ampleur bien différente, plus resserrée, jouant dans une sphère strictement intime, où la dimension psychologique seule compte – le surnaturel avec ses effets outrés est clairement remisé le temps d’un récit. L’obsession de cette docile épouse craignant que son mari ne découvre un jour la vérité quant à son unique esquisse d’infidélité bien vite sabordée constitue un tableau touchant autant que perturbant de la femme nippone (et sans doute de bien d’autres) enfermée dans un strict carcan de codes de bienséance, dont le poids est si insoutenable qu’il en empêche de vivre… Touchant et bien vu.

 

« La Bougie » (1968 ; le plus court de ces récits, le plus ancien aussi même si ça se joue à pas grand-chose) est nettement moins marquant, sans être mauvais pour autant. Disons toutefois que cette variation sur la « seconde chance », certes pas dénuée d’ironie, portant sur un homme accusé du meurtre de sa famille et attendant son exécution, m’a laissé relativement indifférent – surtout, sur une même base, on aura l’occasion, à la fin du recueil, de lire bien, bien plus intéressant, juste et bouleversant, avec « La Fin de l’été »…

 

« Le Lien » (1969), sans être forcément mineur – et c’est un récit autrement plus convaincant que le précédent –, convainc plus ou moins, dans la mesure où c’est une sorte de variation (en autrement plus classique) sur le thème de « La Maison aux insectes » (« variation » n’est peut-être pas le terme approprié – dans la mesure où, chronologiquement, c’est plutôt « La Maison aux insectes », récit postérieur, qui constitue une variation sur « Le Lien »), avec ses subjectivités incompatibles ; le côté relativement convenu de la trame de base (un homme veille sa jeune épouse plongée depuis des années dans le coma) n’exclut cependant pas une profonde tendresse qui, conjuguée à une ironie plus poussée, si elle est douce-amère, fait plus que sauver le texte.

 

Décidément, les textes du recueil tendent à se répondre, allant souvent par deux – du moins est-ce ainsi que je vois les choses : dans cette optique, « L’Escalier en colimaçon » (1973, le récit le plus « récent ») me paraît donc répondre à « Les Yeux », mais probablement avec moins de brio. Qu’on ne s’y méprenne pas : une fois de plus, c’est loin d’être mauvais. Mais cette « nouvelle » portant à nouveau sur un fantasme de femme (pas d’épouse, cette fois – justement !) m’a globalement un peu moins parlé ; on appréciera cependant (signe des temps, déjà ?) que l’héroïne/victime, cette fois, entend prendre son sort en main – quitte à basculer à nouveau dans un rêve tenant de la folie obsessionnelle ; mais les connotations sont dès lors bien différentes…

 

« La Tête » (1969), dans cette optique, renvoie alors peut-être également à « La Bougie » : le point de vue masculin, le crime passionnel sordide fondant le récit, y font penser, en tout cas. Mais c’est probablement le récit le plus faible – relativement – du recueil ; d’autant qu’il est somme toute assez convenu. Pas mauvais là encore, certainement pas, mais moins brillant…

 

Contraste éloquent avec « La Fin de l’été » (1969), qui est par contre un vrai chef-d’œuvre… J’ai déjà évoqué ce récit pour son graphisme étonnant, fascinant, parfait ; je l’ai aussi cité comme variation, autrement plus réussie, sur le thème de la « seconde chance », illustré précédemment par « La Bougie ». Mais cela va sans doute bien au-delà : cette histoire extrêmement cruelle, où une jeune femme, durant ses vacances à la mer, subit les assiduités de deux hommes, l’arrogant et le timide, qui prennent des accents autrement tragiques après son viol sur une plage, est aussi poignante que terrible. Si le graphisme est parfait, le fond ne l’est pas moins, amené subtilement via une narration habile et sans faille, pour susciter un choc empathique dont on ne se remet pas – une histoire d’une infinie tristesse, criante d’injustice et d’insupportable dépression, où la condition de la femme, pourtant bien différente sans doute de l’épouse docile et craintive, très « traditionnelle », rencontrée dans « Les Yeux », s’avère un terrible tableau d’une ironie inacceptable, ne laissant tout simplement pas la possibilité de vivre. Superbe. Parfait.

 

Je n’irai pas jusqu’à prétendre que l’ensemble de ce recueil est « superbe » et « parfait ». Par certains aspects, il m’a parfois laissé un brin sceptique – comme dit plus haut, le dessin des personnages, notamment (et leur tendance à crier tout le temps, mais c’est semble-t-il assez japonais). Il n’en reste pas moins que cette Maison aux insectes m’a franchement impressionné : c’est une œuvre d’une richesse folle, d’un caractère profondément visionnaire, d’une habileté consommée dans l’art du récit fantastique, de celle qui n’appartient qu’aux plus grands, tous médias confondus. Je ne savais pas forcément à quoi m’attendre en en entamant la lecture – mais, d’emblée, ce recueil a en fait rendu obsolètes toutes mes attentes quelles qu’elles soient… Un sacré choc – oui, c’est « impressionnant », et le mot est faible… À poursuivre, à n’en pas douter – et combien c’est agréable, via cette initiation tardive au manga d’horreur, de tomber sur des œuvres aussi fortes et singulières, des œuvres qui me surprennent aussi délicieusement…

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Nosaka aime les chats, de Nosaka Akiyuki

Publié le par Nébal

Nosaka aime les chats, de Nosaka Akiyuki

NOSAKA (Akiyuki), Nosaka aime les chats, [Wagahai wa neko ga suki], traduit du japonais par Jacques Lalloz, Arles, Philippe Picquier, [1998] 2016, 245 p.

 

Si Nosaka aime les chats, eh bien, Nébal aime Nosaka – alors ça devrait marcher, non ? Ça devrait même marcher pour plein de monde, en fait, si l’on en croit l’équation suivante :

 

(J + c)/I : kFB

 

La kawaïtude à la puissance Facebook des chats et du Japon sur Internet étant un fait avéré et incontestable.

 

Ceci étant, je suis loin d’être un amateur de matous aussi forcené que bon nombre de mes camarades – je n’ai d’ailleurs jamais vécu seul avec un animal de compagnie, et j’ai probablement toujours été plutôt chiens, je suppose, prisant le dévouement plébéien et l’affection expansive du « meilleur ami de l’homme » sur la morgue des aristocrates félins qui ne se sentent pas pisser… Nosaka aussi, au début, en fait – il a changé. On change.

 

Mais peut-être vaut-il mieux revenir sur le personnage et son œuvre avant que de traiter de cette ultime publication française, qui a pris des atours posthumes, l’auteur étant décédé tout récemment, peu avant la parution, le 9 décembre 2015 (je note d’ailleurs que la biographie de Nosaka sur le rabat n’en fait pas état…) ; qu’on ne s’y trompe pas, toutefois, ce caractère est d’importation, le livre était paru au Japon il y a bien plus longtemps, presque 20 ans en fait (1998).

 

Mais Nosaka Akiyuki. Comme beaucoup de monde sans doute, je l’ai découvert avec son récit le plus célèbre, plus ou moins autobiographique, La Tombe des lucioles – ultérieurement adapté en dessin animé, comme vous le savez tous, par l’excellent Takahata Isao (sous le titre français Le Tombeau des lucioles), qui demeure un sommet du genre, et probablement le film le plus joliment et douloureusement lacrymal de tous les temps (je ne connais personne qui ait pu retenir ses larmes au visionnage du film – je suppose en fait qu’il pourrait constituer une forme alternative du test de Voight-Kampff : qui ne pleure pas n’est à l’évidence pas humain). Ce fut ma première lecture de Nosaka, et assurément un texte très fort. Cependant, ce qui m’a fasciné chez cet auteur – même si je ne l’ai que peu pratiqué, pas assez sans doute, mais avec toujours le désir d’en lire bien davantage –, c’est la variété de ses registres. Peut-être sa biographie tumultueuse donne-t-elle ici des indices en ce sens : on rappelle souvent que Nosaka n’a pas été qu’écrivain et activités éventuellement associées (pamphlétaire, scénariste, parolier…), mais tout autant, selon les périodes, boxeur, chanteur ou sénateur… Un homme très divers, donc. Baroudeur autant que touche à tout. Et on aurait en effet bien tort de s’en tenir au pathos pesant de La Tombe des lucioles, et de supposer que c’est là la manière unique de l’écrivain, aussi brillante soit-elle. Démonstration éloquente avec son premier roman (antérieur, donc), Les Pornographes, que j’avais lu presque aussitôt après, et qui n’a peu ou prou rien à voir : farce noire où la satire sordide de la société japonaise sort renforcée de son dévoiement par des personnages hauts en couleurs et d’une délicieuse grossièreté… J’ai le souvenir d’un livre proprement hilarant, et en même temps très rentre-dedans (ce fut d’ailleurs un succès de scandale au Japon, à sa sortie en 1963 – et j’ai cru comprendre qu’Imamura Shōhei en avait tiré un film, sous le titre Le Pornographe : introduction à l’anthropologie ? Je suis curieux…) ; ceci étant, je l’avais lu il y a bien longtemps, et je compte le relire, ça s’impose probablement… En fait, depuis cette découverte, je n’ai lu qu’un seul autre ouvrage de Nosaka, tout petit à l’instar de La Tombe des lucioles (et là encore un recueil de deux nouvelles, en fait), à savoir La Vigne des morts sur le col des dieux décharnés, dont le récit éponyme ne se contente pas de bénéficier du meilleur titre de tous les temps, mais constitue un ahurissant autant que réjouissant fantasme gore, d’une amoralité superbe et enthousiasmante – quelque chose, je suppose, qui pourrait être rattaché au courant « ero guro nansensu », en tout cas une démonstration éloquente de ce que le glauque peut être parfaitement poétique, ou l’inverse ; en fait, dans ma culture littéraire japonaise encore bien limitée, certes, j’ai par nature envie de tirer ce titre vers le haut comme un des plus fascinants qu’il m’a été donné de lire.

 

Rien d’autre depuis, pourtant – même si je me suis procuré Le Dessin au sable et Les Embaumeurs, et ai noté dans mes carnets Les Algues d’Amérique et Contes de guerre. Les hasards des publications m’ont cependant amené à lire d’abord ce Nosaka aime les chats, paru chez Picquier à l’instar des trois titres que j’avais déjà lu (mais pas forcément des autres cités) – un ouvrage qui, par ailleurs, peut rentrer en écho avec d’autres, je suppose, tel notamment le célèbre Je suis un chat de Natsume Sōseki, auteur que je n’ai jamais lu, mais qui me fait de l’œil depuis un bail, alors il va falloir que cela change (les titres originaux me semblent afficher cette parenté, si elle ne ressort pas des titres français, mais je dis peut-être des bêtises : Wagahai wa, neko de aru pour, ici, Wagahai wa neko ga suki, en tout cas).

 

Difficile de classer ce livre… Les observations sur le moment et les réminiscences qui y sont associées pourraient tourner ce Nosaka aime les chats vers l’essai, ou même une sorte de philosophie pratique, même si la forme a sans doute quelque chose de romanesque – et « l’authenticité » de ce qui est ainsi rapporté ne doit sans doute pas être prise au pied de la lettre…

 

Quoi qu’il en soit, et ce en dépit d’une structure aléatoire n’empêchant pas les redites, bien au contraire, on peut sans doute dégager une forme de fil narratif, commençant peu ou prou avec l’adoption par l’écrivain d’un chaton tigré qu’il appelle Charly – alors qu’il avait déjà chez lui cinq chats de race himalayenne (effectivement, Nosaka aime les chats…) ainsi qu’une chienne husky (personnage en fait aussi important que les chats dans le livre – son exclusion du titre témoigne à l’évidence d’une conspiration ailurophile !) baptisée Zizi (ce qui fait étrange – mais c’est une référence à la danseuse Zizi Jeanmaire ; une des chattes, de même, s’appelle Coco, pour Coco Chanel). Mais la difficile intégration du jeune trublion dans le cercle fermé des himalayens méprisants et installés est en fait avant tout l’occasion d’observations portant sur la nature des chats autant que celle des hommes – le comportement présent des animaux de compagnie permettant aussi la réminiscence, parfois de faits relativement anecdotiques centrés sur le foyer, d’autres fois de plus grande ampleur.

 

En fait, c’est probablement là que le livre – occasionnellement – fait mouche (à défaut de chat) : quand Nosaka est amené à revivre la fin de la guerre à Kobé (on repense alors à La Tombe des lucioles, quand bien même c’est au fond très différent), ou le grand séisme qui a anéanti la ville en 1995… De manière générale, d’ailleurs, les meilleurs moments du livre… sont les plus mauvais, entendre par là qu’ils tiennent souvent à la fin des chats de l’auteur. Une fin digne, pourtant, il n’y revient jamais assez – évoquant notamment son premier chat, Dada (nom qu’il avait donné autrefois à un chien, quand il était plus chiens que chats), allant solennellement le chercher pour qu’il lui ouvre une dernière fois la porte, afin de mourir discrètement, loin des regards. Ce comportement – finalement animal plutôt que spécifiquement félin – le marque énormément, et l’on sent, dans ces paragraphes, le mélange difficile à appréhender d’angoisse et de sérénité qui s’empare parfois de l’écrivain se sachant vieillissant sinon à l’agonie (mais rappelons que le livre a été publié originellement dix-sept ans avant le décès de Nosaka – la publication posthume en France biaise peut-être ici le regard). En découle une philosophie pratique, s’épanchant sur la dignité, et envisageant la mort comme un fait naturel qu’il serait absurde de vouloir trop repousser par des traitements illusoires – on parlerait aujourd’hui d’acharnement thérapeutique, je suppose.

 

Pourtant, si cette dimension relativement morbide me paraît essentielle (on ne me changera pas), le gros de l’ouvrage est consacré à des observations autrement tendres du quotidien des chats de Nosaka – ces petites et adorables ordures poilues. En fait, Nosaka fond pour ces chats comme un utilisateur de Facebook sur deux (au moins), toujours prêt à multiplier les likes sur telle ou telle photo de chaton mignon puisque chaton. On le sait, « The Internet is made of cats », et par ailleurs, très certainement, « I can haz cheezeburger ? », tout ça.

 

Mais pour ma part, et quitte à continuer dans cette lignée, je serais sans doute plutôt « Grumpy Cat »… Bien évidemment, je plaisante bêtement, le bouquin de Nosaka ne s’inscrit pas dans l’ailurophilie pandémique affectant les réseaux sociaux, et il y est d’ailleurs antérieur… Mais si j’en parle ainsi, c’est parce que je me demande quelle est la réelle plus-value de ce Nosaka aime les chats. Je crains en effet qu’elle soit très limitée…

 

Les observations des chats pourront toujours séduire un large public. Et, certes, nous avons là des chats – plein. Sans doute leur étude a-t-elle quelque chose de juste et bien vu, à même de susciter le sourire attendri de bien des propriétaires de félins (non, pardon, d’hébergeurs de leurs propriétaires félins) ; mais pour moi qui ai lu ce livre pour Nosaka avant de le lire pour les chats, c’est très clairement une déception… Oui, nous avons des chats – mais je ne vois pas l’écrivain. Nulle part. La plume est étonnamment lourde – que cela vienne de l’auteur vieillissant ou de son traducteur, aucune idée à cet égard, mais c’est assez pénible –, autant que la construction est aléatoire, croulant sous les redites et passant pourtant du coq à l’âne quand il s’agit de passer de tel chat à tel autre chat. Quant au fond… Bon, j’ai sans doute toujours eu tendance à trouver insupportables les perles de sagesse pratique, qu’elles se veuillent ou se prétendent philosophiques ou spirituelles – aussi, pour filer la métaphore internéteuse, j’ai franchement du mal à vibrer pour ces scènes de la vie d’un chat, qui me font l’effet d’être à peu près aussi pertinentes et édifiantes que les innombrables niaiseries des omniprésents « panneaux de motivation » – à n’en pas douter un fléau d’Internet, probablement pire encore que le Culte des Chats…

 

Nombreux sont ceux, sans doute, qui apprécieront ce livre pour ce qu’il est – une petite chose tendre, où l’auteur partage sa passion avec ceux qui sont à même de la comprendre et de la vivre, plus qu’il ne la communique au-delà. Quant à moi, qui ne vis pas avec des chats, j’y ai hélas vu une petite chose futile voire inutile avant que tendre, et clairement pas un bon témoignage de l’art de Nosaka, qui a fait tellement mieux – tellement, oui, au point où je me demande comment il a pu en arriver là… Autant dire que ce n’est pas le titre « posthume » que j’en attendais (de manière un peu biaisée, oui) – il faudra lire davantage Nosaka ; mais un autre.

 

Méfiance, cependant : après un compte rendu pareil, il me faudra sans doute éviter pendant quelque temps de séjourner à Ulthar, je crains d’y être mal accueilli – sur un malentendu, bien sûr…

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CR L'Appel de Cthulhu : Arkham Connection (19)

Publié le par Nébal

CR L'Appel de Cthulhu : Arkham Connection (19)

Dix-neuvième séance de la campagne de L’Appel de Cthulhu maîtrisée par Cervooo, dans la pègre irlandaise d’Arkham. Vous trouverez les premiers comptes rendus ici, et la séance précédente .

 

Le joueur incarnant Michael Bosworth était absent (il jouait aussi Clive O’Donnel dans le « spin-off » de début de séance, mais cette fois nous l’avons joué collectivement). Les PJ présents étaient donc Dwayne, la chanteuse Leah McNamara, l’avocat Chris Botti, et ma « Classy » Tess McClure, maître-chanteuse.

 

[Clive : Hippolyte Templesmith, Higar, Selvine, Tomni] Le bateau ayant pris le large depuis l’astéroïde dans les Contrées du Rêve est assailli par des créatures convoquées par Hippolyte Templesmith – des créatures maigres et dénuées de visages, dont le front est orné de deux cornes d’une bonne quinzaine de centimètres chacune ; elles ont d’impressionnantes griffes aux mains et aux pattes, ainsi que des ailes de chauve-souris. Le « satyre » enlevé par l’une d’entre elles se débat et tombe dans le vide, pour une chute sans fin… Sur l’astéroïde, Hippolyte Templesmith hurle (en anglais), ordonnant que les créatures lui rapportent Clive vivant… Higar s’est calfeutré dans la cabine du capitaine. Selvine, sur la gauche de Clive, s’engouffre dans l’escalier conduisant à la calle. Tomni, blessé, tente d’user de son harpon contre les créatures – un véritable essaim bourdonne désormais autour du bateau. Clive cherche à rejoindre Selvine dans la calle. Une des créatures touche à nouveau un des « hommes de Leng » ; Tomni parvient quant à lui à loger l’extrémité de son harpon dans le flanc d’une des bêtes, mais ça ne l’affecte pas trop, quand bien même l’arme reste fichée dans ses côtes – elle fait comme un tonneau, en rien gênée, et enlace Tomni de sa queue barbelée… Clive rejoint Selvine, terrorisée, dans l’escalier menant à la calle. Ils entendent à l’extérieur les hurlements des « hommes de Leng » ainsi que de Tomni. Clive ferme l'écoutille, et s’arme d’un harpon pour attaquer toute créature qui essaierait de passer…

 

[Dwayne, Leah, Tess : Danny O'Bannion, Charles Reis, « Blutch », Hippolyte Templesmith] De retour sur Terre. Nous nous retrouvons tous à la ferme de Danny O'Bannion, en milieu d’après-midi. Dwayne ne se sentait pas bien… mais un tour aux toilettes le purge radicalement. Quant à Leah, elle constate qu’elle n’est plus paralysée. Je résume ce que j’ai obtenu sur Charles Reis, les rêves, « Blutch », Hippolyte Templesmith, les prénoms…

 

[Dwayne, Tess : Pierce Hawthorne, Hippolyte Templesmith] Dwayne souhaite retourner en ville, aux registres de l’état civil, pour effectuer quelques recherches supplémentaires sur Pierce Hawthorne – nom figurant sur la liste de Templesmith, mais sur lequel nous ne nous sommes pas penchés jusqu’alors. Je propose de l’accompagner, en prenant le soin de me grimer à nouveau (adoptant une allure plus « banale », et changeant de perruque, avec cependant toujours une frange). Quand nous arrivons sur place, c’est presque l’heure de la fermeture, mais Dwayne glisse un billet au gardien pour qu’il nous laisse un peu de temps. Nous entamons nos recherches – mais j’ai un vague doute, l’impression que le gardien m’a dévisagée un peu trop longtemps… Je reste toutefois stoïque, et apporte tant bien que mal mon aide à Dwayne, plus compétent que moi – sans grand succès : nous tombons sur plusieurs Hawthorne, mais tous décédés, et pas un seul Pierce, pas davantage de liens permettant de retrouver ce dernier…

 

[Tess, Dwayne] Le temps passant, et redoutant que le gardien ne vienne nous chercher prématurément, je décide de laisser Dwayne poursuivre, tandis que je remonte faire du gringue au fonctionnaire – mais celui-ci s’entretient avec un policier accoudé au comptoir : ils m’ont vu, j’ai interrompu leur conversation…

 

[Dwayne : Pierce Hawthorne] Dwayne, pendant ce temps, trouve enfin quelque chose à propos de Pierce Hawthorne : il s’agit d’un homme âgé de 58 ans, professeur de mathématiques (toujours en activité) à l’Université Miskatonic ; fils d’un tailleur de la classe moyenne, il n’a aucun casier judiciaire, et a priori aucune rumeur inconvenante ne porte sur lui ; c’est un vieux garçon, sans compagne ni enfants ; Dwayne trouve enfin son adresse, dans un quartier bourgeois d’Arkham.

 

[Tess] À l’accueil, le gardien et le policier me dévisagent. Ce dernier adopte un ton badin, afin de détendre l’atmosphère, et je joue le jeu… Il me demande ce que je recherche ici, et je fais l’innocente – au fond, je ne saurais dire, j’ai simplement accompagné mon ami qui ne m’en a pas dit davantage, quant à moi je ne suis pas vraiment habituée aux nids à poussière… Le flic donne alors un coup de coude amical au réceptionniste, lui dit de confirmer que « c’est bon pour ce soir »… Le ton est léger, mais l’impression demeure qu’il cherche d’une manière ou d’une autre à temporiser, tandis que le gardien indécis s’empare du téléphone… Je m’essuie un peu le front, prétextant une vague fatigue, et m’avance vers la porte d’entrée pour prendre un peu l’air – j’ai vraiment l’impression que le flic me surveille…

 

[Chris, Leah, Michael : Fran ; Danny O’Bannion, Tess, Jerry] À la ferme de Danny O’Bannion, Chris discute de tout et de rien avec Leah et Michael, faisant ainsi connaissance. Au bout d’un certain temps, ils aperçoivent une jeune femme qui ne leur a pas été présentée, et qui quitte la ferme. « Bonne journée », lui adresse Leah, et elle répond « de même », mais s’en va aussitôt ; elle discute dehors avec un jeune homme qui semble travailler ici, et lui donne des clés – après quoi elle se rend au garage et part à bord d’une voiture. Chris sort de la maison pour causer au garçon : « Hep, l’ami ! » Il lui demande qui est la jeune femme : « C’est Fran – demandez à Tess… » Après quoi il se retire, disant qu’il va « s’occuper de Jerry ».

 

[Tess] Je suis sortie fumer une cigarette ; le policier me rejoint et fait de même. D’un ton léger, flirtant plus ou moins, il me demande mon nom ; je lui dis m’appeler Jane, puis Pierce quand il réclame mon nom de famille – il s’étonne de ne pas le connaître, croyant m’avoir déjà vue, mais je lui dis qu’il doit me confondre avec quelqu’un d’autre – une célèbre actrice, sans doute… Je remarque alors qu’une voiture de police approche…

 

[Dwayne, Tess] C’est alors que Dwayne remonte, et trouve le gardien un peu tendu ; l’air de rien, il lui lance : « À la prochaine ! » Après quoi il me rejoint dehors. Je joue sur la drague du flic, demandant avec un grand sourire à Dwayne s’il n’est pas jaloux… Les flics à bord de la voiture nous dévisagent. Nous nous avançons vers le véhicule de Dwayne. Le premier flic nous suit : « Joli modèle… » Dwayne répond qu’il est dans sa famille depuis longtemps, et qu’il en prend soin. Le flic joue au passionné, au point de demander à Dwayne s’il ne pourrait pas jeter un œil au moteur ! Dwayne lui répond que c’est impossible, qu’il nous faut rentrer et nous préparer pour notre sortie de ce soir… Il monte derrière le volant, tandis que je m’installe côté passager – mais le flic bloque la portière de Dwayne : « Vous l’avez achetée où ? » Et la voiture de flics se gare à côté de nous… Le policier nous demande nos papiers – je cherche dans mes connaissances juridiques s’il peut bel et bien effectuer ce genre de contrôle d’identité sans motif bien défini, mais c’est a priori le cas… Dwayne cherche ses papiers, tandis que je lui fais un signe, un sourire appuyé… Après quoi j’essaye de faire péter le scandale : mais pourquoi tous ces tracas ? Ils n’ont pas mieux à faire que d'embêter les honnêtes gens, avec tous ces délinquants dans les rues ? Un des flics de la voiture s’approche alors et me dévisage longuement ; puis : « Putain, c’est elle ! C’est la Rouge ! » Je sens toute sa haine, le poids de cette réputation qui me colle de plus en plus à la peau – la couleur de mes cheveux s’associant à celle du sang, aux symboles de la violence et du charnel ; j’ai bel et bien acquis la réputation d’une femme fatale, et même diabolique, avec toutes les connotations qui s’ensuivent…

 

[Tess, Dwayne : Harrigan] Je verrouille la portière de mon côté, et mets mon sac à main sur mes genoux – à l’intérieur, à portée, mon .45 amélioré… Dwayne fait alors une rapide marche arrière, entrainant dans le mouvement le flic à sa portière, qui s’accroche ; mais, à l’arrière, Dwayne heurte un lampadaire… Un des flics de la voiture fait un bond de côté pour éviter d’être renversé (Dwayne l’identifie maintenant comme étant un des « incorruptibles » de Harrigan), tandis que l’autre assure sa position et fait feu : je suis touchée à l’épaule gauche… Je dégaine aussitôt mon arme et tire au jugé sur mon assaillant – ma première balle se perd, mais la deuxième atteint ma cible au ventre : le flic y plaque ses mains par réflexe, tombe genoux à terre et émet un sinistre râle de douleur… Le policier accroché à la portière de Dwayne a cherché à attraper son arme, mais le heurt avec le lampadaire l’a fait tirer prématurément – dans sa propre jambe ! Dwayne manœuvre et lui roule sur le pied… Ne reste qu’un seul flic valide, qui me tire dessus – mais sa deuxième balle ne fait que me frôler. Je tente de riposter, sans succès. Changeant d’approche, il tente de retourner dans sa voiture – tandis que son collègue touché au ventre cherche à relever son arme, mais la douleur est trop forte.

 

[Dwayne, Tess : Liam ; Danny O’Bannion, Baker, Dr East/Herbert West] Dwayne peut alors prendre un peu de vitesse, et distancie le flic dans sa voiture ; il prend à gauche, en direction de la périphérie d’Arkham. La voiture de policiers enclenche sa sirène tandis que je recharge. Mais j’entends bientôt un bruit de heurt métallique derrière nous : le flic a provoqué un accident dans son zèle pour nous rattraper ! Il n’est plus une menace à court terme. Mais le gardien a dû transmettre nos signalements ainsi que celui du véhicule, par ailleurs bien amoché par la fusillade… Le Garage Hammer n’est pas très loin – Dwayne s’y rend, une fois de plus… Le mécanicien, Liam, avait prévu un véhicule de rechange, mais, s’il n’est pas hostile à proprement parler, tout ceci l’agace profondément : il nous avait déjà dit que Danny O’Bannion s’était plaint de notre consommation excessive de voitures, et sans doute a-t-il peur que ça retombe sur lui… Dwayne pensait me déposer en vitesse Au Paradis des toutous, afin que le vétérinaire Baker s’occupe de mes blessures, mais je ne tiens pas à m’attarder en ville, ça me paraît trop dangereux – et j’avance qu’après tout, si nous devons revoir le Dr East ce soir…

 

[Dwayne, Tess, Chris : Seth ; Pierce Hawthorne, Tina Perkins, Hippolyte Templesmith] Mieux vaut rentrer à la ferme – une fois là-bas, Dwayne me fait tout de même quelques premiers soins, avec l’assistance de Chris. Dwayne partage également ses informations concernant Pierce Hawthorne, puis va se reposer en attendant d’agir ce soir – et moi de même. Chris se livre à une petite revue de presse, Seth ayant apporté les journaux du soir : pas grand-chose de plus que la dernière fois, si ce n’est un article évoquant un cambriolage chez Tina Perkins – laquelle, très chamboulée, décide de fermer temporairement sa boutique de fleurs, Au Jardin d’Éden –, et un autre témoignant d’une nouvelle activité caritative de Hippolyte Templesmith : pour célébrer Noël, dans une semaine, il va organiser et financer un feu d’artifice…

 

[Dwayne : Seth ; Brienne, Danny O’Bannion] Seth réveille Dwayne vers 20h. Il a la mine assombrie de quelqu’un qui apporte des sales nouvelles : cela concerne à nouveau Brienne – elle est retournée en prison, mais cette fois pour complicité dans nos infractions de cet après-midi. Seth, sans se montrer à proprement parler menaçant, demande à Dwayne s’il pense qu’elle saura la boucler ; Dwayne lui répond qu’il n’a aucun doute à cet égard : de toute façon, il ne lui parle jamais de ses activités – elle sait qu’il bosse pour Danny O’Bannion, mais c’est tout. Seth l’assure qu’elle aura un bon avocat… Dwayne est cependant trop perturbé pour pouvoir dormir et récupérer comme il le souhaitait…

 

[Leah, Dwayne, Tess, Chris : Patrick, Michael Bosworth ; Dr East/Herbert West, Danny O’Bannion] Nous nous retrouvons tous vers 23h ; Leah a un peu récupéré, et Dwayne aussi, malgré tout. Nous sommes prêts à nous rendre au rendez-vous du Dr East. Il nous faut d’abord embarquer le cadavre de Patrick, là où O’Bannion l’a laissé – dans un entrepôt désaffecté dont il m’a confié les clefs ; plus précisément, il se trouve dans une cuve métallique dissimulée sous des planches de bois, et remplie de pains de glace. L’idée intrigue Chris, qui ne comprend pas ce que nous comptons faire du cadavre… Il vient cependant à l’aide de Dwayne pour le charger dans son coffre (Dwayne a pris sa voiture, j’ai pris la mienne) ; quand ils transportent le cadavre, ils constatent que son abdomen s’est légèrement gonflé – or Dwayne sait qu’il s’est passé des choses étranges dans ses viscères… Il a l’impression d’y détecter une sorte de mouvement – notamment qu’il se dégonfle un peu, puis qu’y apparait une bosse, laquelle disparait cependant bien vite… Est-ce un effet d’optique ? Mais non : Chris a vu la même chose… ce qui l’a amené à lâcher le cadavre, stupéfait. Dwayne insiste pour qu’on le charge au plus vite dans le coffre, et Michael et moi venons l’aider – après quoi Dwayne verrouille le coffre de sa voiture. Chris insiste cependant pour ne pas monter à ses côtés, et il prend donc place dans ma voiture.

 

[Leah, Dwayne] Nous prenons la direction de la départementale conduisant à Dunwich. Leah, qui se trouve dans la voiture de Dwayne, entend des petits chocs dans le coffre – ils se répètent, et elle dit à Dwayne qu’il y a du mouvement à l’arrière… Des bruits organiques également ? Mais nous poursuivons notre route – elle est d’ailleurs assez longue, mais nous avions pris soin de partir assez tôt pour arriver sur place à minuit, l’heure du rendez-vous.

 

[Dwayne, Leah, Chris, Tess : Dr East/Herbert West, Patrick, Michael Bosworth ; Weedy] Nous arrivons sur place : la planque du Dr East est un garage abandonné, plus ou moins grignoté par une nature reprenant ses droits, sans la moindre lumière, et dont le parking est jonché d’épaves rouillées. Nous nous y garons, et nous avançons vers l’entrée principale, à l’enseigne délavée surplombant un rideau de fer rouillé. Il y a quelques traces d’activité depuis la fermeture de l’entreprise : des graffitis sur les murs, des détritus çà et là (restes pourris de nourriture, nombreuses bouteilles vides, laissant supposer des squatteurs occasionnels). La neige se remet doucement à tomber. Dwayne se rend à l’entrée principale, afin tout d’abord d’écouter s’il y a du bruit à l’intérieur – mais rien. Le rideau de fer est maintenu fermé par un cadenas grippé, qui ne devrait pas résister à plus de quelques coups – Dwayne parvient sans l’ombre d’un souci à le faire céder, et lève le rideau de fer. Il entend alors des bruits de pas assez lourds en provenance de l’intérieur – mais provenant d’une pièce plus éloignée, pas de celle à laquelle il accède. Leah entend de nouveau quelque chose dans le coffre : « Ça grouille ! » Chris et moi nous en approchons, et je sors mon cran d’arrêt à tout hasard. Dwayne s’enfonce dans le bâtiment – l’absence de lumière en dehors des phares à l’extérieur le contraint à faire usage de la lampe torche que lui avait laissée Weedy : il distingue un comptoir, surmonté d’une caisse enregistreuse défoncée ; il y a des dépliants et prospectus éparts, des débris de bouteilles aussi… et une forte odeur de pisse, mais tout autant de décomposition. Un écriteau branlant signale une salle d’exposition sur la gauche. Dwayne perçoit alors un pas léger et régulier de derrière le comptoir ; il braque sa torche et son arme dans cette direction : c’est une silhouette féminine, vêtue d’une blouse d’hôpital, dont les membres et le visage sont recouverts de bandages… et qui pue le cadavre. Dwayne crie : « Stop ! » La créature ne semble pas l’entendre, ou du moins continue-t-elle à avancer, tandis que Dwayne recule. Dehors, Chris ne cesse de répéter que nous aurions dû inspecter davantage le cadavre de Patrick avant de le mettre dans le coffre… Mais nous entendons le « Stop ! » de Dwayne ; je m'avance aussitôt, puis Leah et Chris également. Michael reste en arrière, à surveiller le coffre. Arrivée dans le garage où la silhouette continue d’avancer, je dis : « Dr East, on pourrait en venir au fait ? » La créature fait un petit mouvement maladroit dans notre direction, comme pour nous dire de la suivre ; elle fait demi-tour, et se dirige vers une autre porte. Dwayne et moi la suivons. Chris nous demande si c’est « une copine »… Dwayne répond que oui, et lui dit d’aller garder le coffre – mais Chris refuse, préférant nous suivre : seul Michael reste donc en arrière – Dwayne trouve que ce n’est pas suffisant, et décide donc d’y retourner lui-même (Michael lui confirme que Leah a raison, « ça bouge à l’intérieur »). La silhouette féminine a du mal à tourner la poignée de la porte, mais y parvient enfin et la franchit ; on sent au-delà une forte odeur de mécanique et d’huile… mais aussi, là encore, de décomposition et d’antiseptiques. Je suis la femme, m’éclairant tant bien que mal de mon briquet – je distingue des outils divers sur une table, puis une bougie qui s’éclaire…

 

[Tess, Chris, Leah : Dr East/Herbert West] Je reconnais alors le visage du Dr East. Derrière lui, sur sa gauche, se tient la silhouette massive et puant le cadavre d’un homme, la bouche grande ouverte. East nous salue à sa manière habituelle, neutre et froide – j’ai pourtant l’impression qu’il est un peu plus ouvert que lors de nos rencontres précédentes… Chris s’avance, lui tend la main, se présente comme étant Me Chris Botti, et lui demande à qui il a l’honneur. East n’est pas du genre à apprécier le protocole, et répond sans la moindre effusion de chaleur humaine : « Dr East… ou autrement. » Je le salue à mon tour, lui dis que cela fait bien plaisir de le revoir, après tout ce temps… Il remarque alors que je suis la seule qu’il connaisse… Leah se présente elle aussi (East ne lui répond que d’un simple mouvement de la tête – il n’est en rien charmé par la jeune femme, même si sa respiration est un brin nerveuse). Je lui explique la situation, et lui confirme que nous disposons d’un cadavre qui devrait l’intéresser. Je suppose qu’il n’est pas homme à refuser un bénéfice – l’expression ne lui plait guère, et Chris essaye tant bien que mal de noyer le poisson. Mais quand East demande comment notre homme est mort, je lui dis que cela dépend – il est mort plusieurs fois… Ce qui intrigue et séduit le docteur. Il veut voir notre « cadeau », même si Chris aimerait définir nos « intérêts respectifs ». En tout cas, le docteur a notre attention.

 

[Dwayne : Michael Bosworth] Dwayne perçoit à son tour du mouvement dans le coffre de sa voiture. La silhouette féminine s’est postée à côté de porte, elle observe Dwayne et Michael. Dwayne entend ses roues couiner légèrement, témoignant du poids dans le coffre. Michael fait remarquer à Dwayne que c’est lui qui a les clefs, mais il n’est pas vraiment pressé d’ouvrir …

 

[Tess : Dr East/Herbert West ; Hippolyte Templesmith/6X] East évoque à demi-mots notre ennemi commun, et nous demande si nous ne le connaissons que sous le nom de Hippolyte Templesmith ; je lui réponds que nous savons qu’il est « 6X », ce qui le rassure quant aux informations dont nous disposons. Il répète qu’il n’a pas besoin de nous, mais est prêt à voir ce que nous pouvons faire. Il ne semble pas avoir peur de Templesmith… Il nous suit quand nous retournons vers les voitures, accompagné par l’homme massif en blouse d’hôpital, et nous recroisons la silhouette féminine en sortant.

 

[Dwayne, Leah, Tess, Chris : Dr East/Herbert West, Patrick, Michael Bosworth] Dwayne observe le coffre de manière angoissée, il jette au cas où un œil dessous ainsi qu’au siège arrière – mais il n’y a pas de trou. Le Dr East nous demande si le cadavre se trouve dans le coffre ; Dwayne lui répond que oui, mais apparemment il s’est réveillé… Leah avait parlé du bruit dans le coffre dès notre départ de l’entrepôt… East passe doucement sa main sur le coffre, en ressent les vibrations – à vrai dire, maintenant, nous voyons le coffre bouger un peu… East nous demande alors s’il a absorbé quoi que ce soit, et comment il est mort – la dernière fois… Dwayne dit que son opération d’énucléation a mal tourné – j’ajoute qu’on lui avait donné un anesthésique, et qu’il n’a à ma connaissance rien absorbé d’autre. East demande alors à Dwayne d’ouvrir coffre – ce qu’il fait, avec prudence, se tenant sur le côté (Michael se tient de l’autre). Quand East soulève à peine le capot, nous distinguons comme des câbles à l’intérieur, émettant des bruits spongieux, tandis que des organes divers sortent des viscères et de la bouche de Patrick (poumon, rein…), recouverts d’une sorte de lierre, avec des « feuilles » rosées (de forme végétale mais faites de chair)… East est littéralement fasciné, et très curieux. Quant à lui, Chris recule, écœuré, et Leah fait de même… Dwayne reconnaît l’intestin grêle de Patrick, qui semble s’approcher lentement de lui, de son visage… Il demande à East ce qu’on en fait ; le docteur répond qu’il peut refermer… Dwayne s’en charge, mais un peu de trippes dépasse encore – il essaye maladroitement de les repousser à l’intérieur en poussant avec son flingue, dégoûté… mais l’intestin commence à s’enrouler autour de son arme, et il recule ; East lui dit de se pousser, et s’en occupe, fermant le coffre.

 

[Dwayne, Chris, Tess : Dr East/Herbert West ; Hippolyte Templesmith/6X] East reprend sa respiration, et nous dit : « C’est magnifique… Aucune idée de ce qui a pu aboutir à ceci ? » Dwayne dit qu’il a son idée, mais préfèrerait en parler ailleurs… East est d’accord – il propose toutefois déjà un échange de véhicules, ce sera plus simple : il se tourne vers la silhouette féminine, la fixe quelques instants dans une concentration absolue, et celle-ci se dirige vers l’arrière du bâtiment, de son pas très lent. Chris demande alors à East s’il a des choses tout aussi spectaculaires à nous montrer concernant Hippolyte Templesmith. Oui… Dwayne va plus loin : est-il prêt à nous rejoindre pour le défaire ? East tire de sa sacoche une seringue remplie d’un produit d’un bleu nuit : « Vous rejoindre, non, vous aider, oui. » Et il tend la seringue à Dwayne, disant que le produit qu’elle contient devrait être très « désagréable » pour « 6X » – qu’il lui soit injecté, qu’il le boive, au pire qu’il en soit aspergé même si cela risque d’être moins efficace… Il n’a pas pu l’expérimenter, mais est certain que ça aura un effet appréciable. Nous entendons une voiture qui vient très lentement de l’arrière du garage, conduite par la femme en blouse d’hôpital. Je demande à East des précisions sur l’effet du produit. East nous demande si nous pensons que Templesmith est humain – et nous répondons qu’il ne l’est sans doute plus tout à fait… Le produit révèlera sa véritable nature, et lui causera sans doute une immense douleur – plus le produit entrera directement en contact avec ses organes et plus l’effet sera fort, mais une simple aspersion sur sa peau serait probablement déjà désastreuse pour lui. Par contre, c’est un produit très rare, nécessitant des ingrédients onéreux et largement indisponibles – en fait, il avait obtenu certains d’entre eux de Templesmith lui-même… Dwayne demande alors au Dr East s’il travaillait pour Templesmith à l’époque. East, un peu agacé, répond qu’il a « failli »… mais que sa voie est assez solitaire : il s’est rendu compte à temps que Templesmith voulait s’approprier ses travaux – il l’a donc quitté, et ça l’a vexé… East sort alors deux fioles bouchonnées de sa sacoche – je reconnais leur couleur verte presque phosphorescente, que j’ai croisée à plusieurs reprises… La fiole portant le chiffre 1 est d’un contenu plus sombre que l’autre. East va pour nous les tendre… puis les ramène vers lui, les observant d’un air passionné. « Vous vous rendez compte de ce que je fais ? » Il s’interrompt, puis nous demande : « Quel est le pire, pour vous, dans cette vie ? » Les réponses se faisant attendre, je dis enfin, narquoise : « Les préjugés qui prohibent tout rapprochement ? » East nous tend à nouveau les fioles, et cette fois Dwayne les prend (il avait également pris la seringue). Le docteur nous donne alors quelques instructions : la fiole n° 1, « basique », permet de « faire revenir » un individu, sans garantir pour autant sa coopération – loin de là ; mais si l’on souhaite réveiller quelqu’un en colère… La fiole n° 2 est différente (nous voyons combien ça l’ennuie de nous la donner, il y est visiblement très attaché), et correspond à l’aboutissement le plus récent de son travail : selon la fraicheur du corps et ses dispositions mentales, l’individu qui serait « rappelé » à l’aide de ce produit pourrait conserver pour partie au moins son identité en revenant d’entre les morts – mais il y a des nuances… C’est néanmoins le meilleur effet de résurrection qu’il ait pu développer.

 

[Dwayne, Tess, Leah, Chris : Dr East/Herbert West, Patrick] La voiture arrive alors de l’arrière du parking ; East fixe la silhouette féminine au volant, puis passe son pouce devant son nez, comme pour éponger une goutte de sang (ayant coulé alors qu’il était au pic de sa concentration) ; la femme en blouse d’hôpital se rapproche alors de Dwayne, et lui tend la clef du véhicule (une voiture d’une gamme inférieure à la sienne, et qui pue le cadavre – il y a même des traces de sang à l’intérieur…). Dwayne accepte, à regret – et donne ses propres clefs… East nous demande de lui communiquer nos observations quant aux effets du sérum. Je lui demande alors s’il ne profiterait pas, dans le cadre de ses recherches, d’un apport régulier en « éléments frais » et autres spécimens… Ce qui l’intéresse. Il y a moyen de s’arranger… Il me demande de quelles quantités je parle ; je ne peux pas lui donner un chiffre précis, tout dépend de « l’activité », mais il devrait nous être possible de lui livrer au moins un quota minimum… Après quoi East nous pose une dernière question : « Souhaitez-vous le retour de votre ami Patrick ? » Dwayne lui demande s’il serait alors comme les deux créatures qui accompagnent toujours East… Ce genre de choses, oui – mais ces deux-là sont ses « assistants »… Dwayne et Leah sont portés à accepter cette offre ; quant à moi, j’hésite – la situation me répugne autant qu’elle… m’excite. Chris ne se prononce pas : il ne le connaissait pas assez… Les « oui » semblent l’emporter : East va y travailler. Il nous remercie – c’est comme s’il nous considérait enfin avec un début d’humanité… Il se retire en nous souhaitant une bonne nuit, nous répétant qu’il nous faut continuer à utiliser sa boîte postale. La voiture de Dwayne s’éloigne dans la nuit, son coffre agité de remous…

 

[Dwayne, Tess, Chris, Leah : Danny O’Bannion, Hippolyte Templesmith, Patrick, Margaret Hoover, Pierce Hawthorne] Nous retournons à la ferme de Danny O’Bannion vers 2h du matin, et nous interrogeons sur nos possibilités d’action – en nous attardant particulièrement sur les trois occasions de coincer Templesmith en public, d’après ce que la presse en dit : les funérailles de ses parents (Boston), le gala monumental qu’il compte organiser (Boston également), le feu d’artifice de Noël (Arkham) ; il faut aussi prendre en compte le fait que Dwayne et moi sommes recherchés à Arkham, et que je le suis également à Boston ; par ailleurs, Templesmith me connaît, et je suppose que, via Patrick, il connaît sans doute aussi les autres (à part Chris ?)… Chris est séduit par l’occasion du gala, et Leah de même – mais comment procéder ? Peut-être en passant par Margaret Hoover et la question des disparitions… Dwayne évoque la possibilité, d’ici-là, de poursuivre l’enquête concernant Pierce Hawthorne – de même que moi, il redoute un peu de retourner en ville, mais peut-être pourrions-nous trouver des choses utiles à son adresse…

 

À suivre…

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