CR 6 Voyages en Extrême-Orient : Lame, l'arme, larmes (01)
Première séance du scénario de Fabien Fernandez « Lame, l’arme , larmes », tiré de 6 Voyages en Extrême-Orient. Vous trouverez les éléments préliminaires ici.
Je maîtrisais. Les cinq joueurs étaient présents, qui incarnaient donc Goto Yasumori, la voleuse, Hira Ayano, la montreuse de marionnettes, Kuzuri Hideto, l’apothicaire, Masasugi Takemura, l’ancien soldat, et Sekine Senzô, l’onmyôji.
Au début du scénario, tous les personnages sont au village de Kengo, dans le centre nord de Kyushu. Takemura travaille dans son potager, comme d’habitude, tandis que Senzô se « ressource » dans la forêt un peu plus loin. Quant à Yasumori, Ayano et Hideto, ils passent le temps en discutant à l’auberge tenue par Masako…
I : LE MESSAGER
[I-1 : … : « le Messager », Nagisa ; Kioyosada, Masako] Par un doux après-midi où le village de Kengo s’abandonne à la monotonie alanguie, un étranger fait son apparition, qui attire bientôt les regards curieux. Sa mise est pathétique – même au regard des paysans pauvres du village. Aussi le sabre dans son fourreau, qu’il arbore en évidence, suscite-t-il d’autant plus l’étonnement. Il s’assied sans un mot sur la margelle du puits, au centre du village, et pose l’arme sur ses genoux – il attend quelque chose, visiblement, mais quoi ? Il n’a rien dit, et ne semble pas sur le point de le faire. Plusieurs villageois, pourtant, ont tenté de l’accoster, mais son regard noir les a vite dissuadés de prolonger l’expérience… Il se comporte différemment quand c’est Nagisa, le serviteur du chef du village, Kioyosada, qui ose enfin l’approcher ; il lui fait signe de venir, et, une fois le domestique un brin inquiet à ses côtés, il lui chuchote quelque chose à l’oreille. Nagisa hoche la tête, s’éloigne en direction de l’auberge, s’interrompt un moment comme pour appeler les encouragements de l’homme au sabre, et rentre enfin dans la boutique de Masako.
[I-2 : Yasumori, Ayano, Hideto : Nagisa ; « le Messager », Kioyosada, Takemura, Senzô] Nagisa semble soulagé de constater la présence de Yasumori, Ayano et Hideto dans la grande salle de l’auberge, où il espérait bien les trouver. Le serviteur de Kioyosada cite alors les paroles du « Messager » (que les convives avaient aperçu, il les avait surpris, mais sans pour autant les inciter à rompre leur bavardage) : l’homme au sabre lui a dit de les rassembler tous les trois, ainsi que Takemura et Senzô, absents, car il souhaite leur dire quelque chose. Il n’a pas précisé quoi, répond-il à Ayano qui s’en enquiert, seulement qu’il ne parlerait qu’en présence des cinq. Après quoi Nagisa s’en va chercher les absents – ce que Yasumori lui avait suggéré de faire au plus tôt, mais sans doute comptait-il de toute façon agir ainsi ; tout au plus se rend-il d’abord auprès de l’homme au sabre, pour l’avertir de ce qu’il va chercher les autres – et « le Messager » a l’air très pressé…
[I-3 : Yasumori : « le Messager » ; Nagisa, Takemura, Senzô, Ayano, Hideto] Yasumori n’attend pas le retour de Nagisa avec Takemura et Senzô. Si Ayano et Hideto restent pour l’heure dans l’auberge, elle se rend auprès de l’homme au sabre, assis sur la margelle du puits. Inutile pour la jeune fille de se présenter : l’étranger la reconnaît aussitôt et l’appelle par son nom. Il n’en dira toutefois pas plus tant que tous ceux qu’il a cités ne seront pas là. Yasumori patiente cependant à ses côtés : elle constate à n’en plus douter la très grande valeur au moins du fourreau si ce n’est du sabre ; elle apprécie aussi, aux premières loges, l’asocialité de l’homme au sabre, qui chasse systématiquement de son regard intimidant quiconque ose l’approcher – Yasumori perçoit bien son caractère d’exception.
[I-4 : Takemura : Nagisa ; « le Messager », Senzô] Nagisa parvient à la ferme de Takemura – qui travaille dans son jardin, comme de juste. Nagisa lui parle de l’homme au sabre et de sa requête. Takemura est taciturne, et pas plus que ça disposé à abandonner ses légumes sans plus d’explications… Mais Nagisa ne peut pas l’éclairer davantage. Il parle néanmoins du sabre, visiblement de valeur… et laisse entendre que l’étranger sait sans doute le manier. Peu sont les hommes, à Kengo, qui pourraient en dire autant – Takemura serait peut-être le seul à pouvoir intervenir en cas de grabuge… Voilà qui convainc davantage l’ancien soldat, qui va se munir de son propre katana, et se rend d’un pas lent au village. Nagisa, quant à lui, doit encore trouver Senzô.
[I-5 : Senzô : Nagisa ; « le Messager »] Senzô n’apprécie guère que Nagisa le dérange alors qu’il méditait dans la forêt – et il est d’un naturel condescendant qui ne facilite pas le contact. Mais il ne peut pas prétendre avoir grand-chose à faire, et la monotonie de la campagne le pèse, après des années passées à diverses cours… Pourquoi viendrait-il, cependant ? Et d’autant plus s’il y a du danger, comme Nagisa le laisse entendre ? L’onmyôji laisse un moment le serviteur s’embourber dans les arguments irrecevables, puis accepte généreusement de se rendre au village ; Nagisa le suit, et leur improbable duo ne respire pas la gaieté…
[I-6 : Takemura : « le Messager », Yasumori] Takemura arrive au village à proprement parler, et s’arrête à l’orée de la place, à distance de l’homme au sabre. Il attend que tous soient là avant d’approcher davantage ; par ailleurs, sans se montrer menaçant, il garde son propre sabre en évidence. L’étranger le voit et, sans s’avancer vers lui, s’incline respectueusement – ce qui tranche sur son comportement avec tous les autres villageois, Yasumori exceptée… Takemura demeure impassible.
[I-7 : Senzô, Takemura, Ayano, Hideto : Nagisa, « le Messager »] Senzô arrive quelque temps après ; il affiche une certaine prestance dans sa démarche – ce qui n’est pas le cas de Nagisa, derrière lui, visiblement apeuré. Le duo cocasse et la fierté éloquente de l’onmyôji amusent vaguement Takemura, mais tout autant Ayano, qui est sortie sur le perron de l’auberge en voyant les nouveaux venus. Hideto reste en arrière et s’interroge – il y avait eu récemment cette sale histoire avec un noble empoisonné, peut-être que…
[I-8 : Yasumori, Takemura, Senzô : « le Messager »] L’homme au sabre, comprenant que la situation ne se dénouera pas toute seule, fait signe à Yasumori de le suivre, et rassemble les quatre autres – Takemura constate, à le voir de plus près, son impressionnante fatigue, et sa détermination d’en finir au plus tôt… Finalement, tous se retrouvent sur le perron de l’auberge. L’étranger se pose en face des cinq individus qu’il avait demandé à voir, et, avec une relative brusquerie mais sans se montrer menaçant pour autant, il tend le sabre devant lui. « Ce sabre est votre héritage, à tous. Il vous revient de droit. » Il attend visiblement que quelqu’un s’en empare… Mais personne n’ose. On lui pose des questions, sur ce sabre, sa provenance, ce qu’il entend par « héritage », etc. Mais l’étranger ne répond pas à ces interrogations – il se contente d’attendre, le sabre au bout de ses bras tendus. Senzô constate que le fourreau, au moins, est bel et bien d’une grande valeur – c’est même de toute évidence une antiquité. Instinctivement, il s’approche un peu, prêt à toucher sinon saisir l’objet, et l’étranger lui colle le sabre entre les mains. D’autres questions surgissent mais il n’en tient pas compte ; il se contente dire que sa mission est accomplie, et qu’il va maintenant s’en aller ; il prend aussitôt la direction de l’est, et, est-ce autorité naturelle ou inquiétude latente, les personnages le laissent passer sans un geste pour le retenir…
II : L’EXAMEN DU SABRE
[II-1 : Senzô, Takemura, Ayano, Yasumori] Senzô sent comme de la magie dans le sabre, il n’a aucun doute à cet égard… Takemura, jusqu’alors en retrait, s’approche de l’onmyôji : il est curieux de voir à quoi ressemble ce katana – en ancien soldat qui est probablement le seul ici à pouvoir apprécier sa valeur en tant qu’arme, et non seulement en tant qu’antiquité. Senzô invite tout le monde à le suivre dans sa maison en bordure du village pour discuter de tout cela – et notamment de sa conviction que l’objet est ensorcelé, d’une manière ou d’une autre. Cette attitude fait ricaner Ayano, qui veut bien le suivre cependant – Takemura, d’un naturel sceptique, ne pense pas autre chose, mais ne voit pas non plus d’inconvénient à suivre Senzô chez lui. Yasumori adopte un comportement très différent, se montrant d’une extrême déférence devant le sabre surnaturel et le savoir ésotérique de l’onmyôji.
[II-2 : Ayano, Yasumori : Senzô, Aki] Ils ne sont pas seuls à emboiter le pas de Senzô : Aki, l’ancienne geisha devenue notoirement prostituée, les suit, visiblement un peu éméchée ; Ayano, l’apercevant, se sépare temporairement du petit groupe pour lui parler. La prostituée est amusée par le spectacle – et tout particulièrement par le fait qu’Ayano (sa sœur ?) suive ainsi l’arrogant onmyôji… Ayano lui dit qu’elle a ses raisons, dont elle lui parlera plus tard. Boudeuse, Aki titube alors dans une autre direction – à l’évidence en quête d’un client qui aurait davantage de saké (son exclusion de l’auberge n’a en rien arrangé son problème avec la boisson…). Après quoi Ayano rejoint ses camarades, dont Yasumori – qui lui fait part de son chagrin pour la jeune femme…
[II-3 : Senzô, Takemura, Yasumori, Ayano : « le Messager »] Ils arrivent alors à la maison de Senzô, à la lisière du village. La demeure est forcément un peu rustique, mais son propriétaire l’a décorée avec une exubérance de luxe inconnue dans ces parages – s’y trouvent de nombreuses œuvres d’art, et bien des livres ou parchemins, en quantité invraisemblable dans un trou pareil. Senzô fait asseoir tout ce petit monde en face de lui, en arc de cercle, sur le tatami de la pièce principale. Avec son éloquence rituelle coutumière, il insiste donc sur le fait qu’il a ressenti une aura magique quand « le Messager » lui a collé le sabre dans les mains. Il souhaite procéder à un examen ésotérique, qu’il faudra peut-être compléter par un exorcisme. Mais son étude un peu plus approfondie lui confirme bientôt que l’objet dépasse ses compétences – il donne globalement l’impression de savoir ce qu’il fait, mais se montre plus ou moins convaincant : Takemura, notamment, est sceptique, et Senzô en a pleinement conscience. L’onmyôji dit enfin qu’il ne peut pas en apprendre davantage pour le moment ; il se montre même assez honnête : il redoute que l’arme soit imprégnée d’un pouvoir maléfique… Yasumori l’approuve dans ses craintes – mais surjoue un peu… Ayano n’est pas vraiment impressionnée : le fourreau est beau, mais qu’en est-il du sabre ? L’onmyôji n’ose pas le dégainer… Il marmonne qu’un rituel de purification à la cascade, peut-être… Ayano ne compte pas attendre éternellement ! Un spécialiste pourrait sans doute en dire plus – tout le monde se tourne vers Takemura. L’ancien soldat s’approche sans un mot et ramasse brusquement l’arme. Rien qu’à la tenir ainsi, dans son fourreau, il perçoit déjà sa qualité exceptionnelle – notamment son étonnante légèreté. Mais sans doute y a-t-il quelque chose en sus – Senzô ne blaguait pas… Takemura dégaine l’arme de quelques centimètres à peine. La finition est incroyable – il y notamment sur la lame comme des gouttes de rosée : pas des imperfections de la forge, bien au contraire, un chef-d’œuvre d’artisanat d’une délicatesse inouïe ! Il dévoile de plus en plus le sabre, avec précaution, et ces premières impressions sont toujours davantage confirmées. Et ce n’est pas qu’une antiquité, ou un objet de décoration – sa beauté phénoménale n’en fait pas moins une arme : d’une maniabilité phénoménale, elle est à n’en pas douter à même de prendre la vie d’un homme – et sans doute l’a-t-elle déjà fait… Takemura crève d’envie de faire quelques moulinets, mais parvient à se contenir ; il range le sabre dans son fourreau, et le dépose devant lui, à l’emplacement exact où il s’en était emparé. L’homme de peu de mots prend soin de confirmer ce que tout le monde a compris : c’est une pièce exceptionnelle. Et, de manière très visible, elle le fascine. Sa solennité ne suscite pas les sarcasmes dont Ayano, tout particulièrement, est coutumière dans ces circonstances ; le petit groupe dans son ensemble se tait, l’atmosphère est lourde, la gravité pèse sur tout le monde.
[II-4 : Ayano, Senzô, Takemura : Aki] Mais, si la plupart sont abîmés dans leur contemplation inquiète autant que fascinée de cet « héritage » inattendu, Ayano entend cependant du bruit, dehors – une altercation… impliquant Aki ! La prostituée les avait sans doute suivis et épiés, finalement… Le souci qu’elle se fait pour « sa sœur » l’emporte – de justesse ? – sur sa sensibilité à la beauté de l’arme, son désir difficilement contenu de s’en emparer pour l’observer sous toutes ses facettes. Elle sort du cercle, et se rend à l’entrée de la demeure de Senzô. Le maître de maison lui demande où elle va, elle se contente de dire que cela n’a pas d’importance – juste une envie de prendre un peu l’air, l’atmosphère est tellement étouffante, ici… Takemura la guette, sceptique : sait-elle quelque chose qu’ils ne savent pas ? Il la suit du regard puis, quand Ayano sort de la maison, il se lève à son tour pour la rejoindre.
[II-5 : Ayano, Takemura : Kiyoshi, Aki] Ayano constate que Kiyoshi, un villageois notoirement désagréable, s’en prend violemment à Aki. Elle s’interpose, et fait signe à la prostituée de rester derrière elle. Kiyoshi les insulte toutes les deux, les traitant de putes de mille et une manières très imagées mais un brin répétitives. Takemura s’approche, peu ou prou la main sur la garde de son propre sabre. Kiyoshi, intimidé, s’en va sans demander son reste.
[II-6 : Ayano, Senzô, Takemura, Hideto, Yasumori : Aki, Kiyoshi ; Masako] Aki pleure dans les bras d’Ayano – et pue encore plus le saké… Ayano la réconforte, à son habitude – mais elle la soupçonne d’avoir tout entendu de ce qui s’est dit chez Senzô. Après avoir remercié Takemura de son intervention, Ayano cherche à savoir où Aki est hébergée, depuis que Masako l’a chassée de son auberge – la ramener là-bas est donc hors de question. Mais c’était justement chez Kiyoshi… Hideto est sorti pour voir ce qui se passait ; constatant l’état dans lequel se trouve Aki, il offre ses services – il a une potion parfaitement adéquate ; Ayano commençant à protester, à la place d'Aki qui en est sans doute incapable, disant qu’il leur est impossible d’acheter ce remède, Hideto le lui offre. Mais ils savent très bien qu’elle remettra ça dès qu’elle sera un peu remise… Il lui faut d’abord du repos – et donc un toit. Ayano demande humblement si Takemura ne pourrait pas lui faire une petite place dans sa ferme, mais Yasumori, sortie elle aussi sans qu’on y ait jusqu’alors pris garde, a une autre suggestion : Takemura est pauvre, il habite loin, elle laisse même entendre que l’hygiène de sa ferme est plus que douteuse… Mais Maître Senzô, lui, est riche, il a beaucoup de place, et bon cœur ! Senzô, sorti à son tour, perçoit bien la moquerie… Mais pas question : une prostituée chez lui ? C’est hors de propos ! Et pourquoi n’irait-elle pas dormir chez Yasumori ? Mais ce n’est pas chez elle, elle vit chez sa tante, qui ne pourra jamais… Elle-même a parfois du mal à y retourner ! Aki a finalement bu la décoction de Hideto, mais elle tombe visiblement de sommeil. Ayano excédée fait les gros yeux à Senzô : ils connaissent tous la réputation d’Aki, mais qu’importe ! Elle doit se reposer. La montreuse de marionnettes assure l’onmyôji que la jeune femme ne lui causera aucun dommage, pas plus à ses biens qu’à son statut. Mais Senzô n’apprécie pas qu’Ayano tente de le manipuler ainsi, et en public qui plus est… Tous autant qu’ils sont, ils l’énervent, et il en a plus qu’assez qu’ils abusent ainsi de la situation ! Il n’hébergera pas de traînées et de saoulardes ! Qu’ils s’en aillent tous !
[II-7 : Senzô, Takemura, Hideto : « le Messager »] Senzô a bien d’autres choses à faire : il lui faut s’occuper du sabre. Mais Takemura n’apprécie pas son attitude autoritaire. D’autant que « le Messager » a dit que le sabre était leur héritage à tous : pourquoi lui seul déciderait-il de son sort ? Senzô feint de se reprendre : il ne va pas s’en occuper tout seul… C’est simplement qu’ils semblent tous s’intéresser bien davantage à la prostituée qu’à leur héritage… Mais Takemura dit que ce n’est pas son cas. Senzô, dans ce cas, l’invite à le suivre. Hideto se joint à eux : il faudrait au moins faire une estimation du sabre, qui a l’air d’une grande valeur – et oui, c’est bien à eux cinq qu’il appartient… Takemura l’approuve.
[II-8 : Ayano, Senzô, Yasumori, Hideto : Aki ; Masako] Ayano est dans de tout autres dispositions : elle jette un regard noir à l’infect Senzô, et reste à l’extérieur, Aki somnolente dans ses bras. Elle demande à Yasumori de trouver de l’aide ; peut-être, effectivement, pourrait-elle faire jouer quelque faveur, trouver au pire une botte de foin dans une écurie… Hideto approuve rapidement, mais rejoint vite les autres dans la demeure de Senzô. Mais, à tout prendre, Yasumori tenterait plutôt de ramener Aki à l’auberge – que Masako le sache ou pas ; cela serait plus approprié pour la surveiller, en outre… Ayano accepte de tenter le coup.
[II-9 : Ayano, Yasumori : Aki, Masako, Mino] Les deux jeunes femmes traînent donc Aki jusqu’à l’auberge de Masako. Ayano, qui préfère jouer la carte de l’honnêteté, plaide la cause d’Aki devant Masako, mais l’aubergiste est intraitable – elle a fait beaucoup de choses pour Aki, mais il est hors de question qu’une prostituée souille son établissement ! Yasumori s’adresse plus tard à Mino, la fille de Masako, toujours restée proche d’Aki, et obtient d’elle une place à l’étable – à la condition bien sûr que Masako n’en sache rien ! Yasumori accepte, et offre de veiller l’ivrogne – elle l’apprécie, elle aussi, et s’est de toute façon une fois de plus disputée avec sa tante, elle n’a guère envie de rentrer chez elle…
[II-10 : Senzô, Hideto, Takemura] Dans la demeure de Senzô, les trois hommes discutent à bâtons rompus. L’onmyôji, tout particulièrement, ne cesse de répéter les mêmes questions, auxquelles personne n’a de réponse : qu’est-ce que ce sabre ? Pourquoi leur revient-il ? Qu’en faire ? Etc. Hideto envisage de soumettre le sabre à l’expertise du forgeron de Kengo, Fusamasa, mais la proposition n’est guère discutée. En fait, Takemura s’inquiète surtout de l’endroit où conserver le sabre – il ne propose pas forcément sa ferme, mais, à demi-mots, laisse entendre qu’il n’a guère confiance en les deux autres… Senzô balaye cette crainte : il est déjà riche ! Aussi est-il immunisé au désir de richesse… Sans doute vaut-il mieux que le sabre reste en sa possession – d’autant plus qu’il semble avoir un potentiel magique… Takemura, en grognant, accepte que le sabre reste chez Senzô – mais dans un coffre, dont l’unique clef sera gardée par un autre (lui-même, probablement…). Senzô n’y voit aucun inconvénient, range le sabre sous les yeux de ses deux compères dans un coffre, le verrouille, et en tend la clef à Takemura, qui s’incline.
[II-11 : Hideto, Ayano : Masako] Hideto retourne alors à l’auberge. Il y retrouve Ayano, fatiguée, qui dîne dans la grande salle malgré la réprobation de Masako – en fait largement surjouée, la vieille bonne femme n’est pas rancunière… Les deux voyageurs passent une agréable discussion, à multiplier les anecdotes sur leurs rencontres – leur mode de vie relativement similaire les incite à la confiance mutuelle.
[Ellipse. L’action reprend le lendemain matin.]
III : L’AUBE DE LA MALÉDICTION
[III-1 : Takemura] Takemura a passé une mauvaise nuit… Lui qui est d’habitude si matinal peine cette fois à se lever ; il a la sensation inquiétante que quelque chose ne va pas, sans pouvoir mettre le doigt dessus…
[III-2 : Hideto] Hideto s’éveille dans sa chambre à l’auberge. Son chat n’est pas là ?
[III-3 : Yasumori : Aki] Yasumori n’a pas pu veiller Aki bien longtemps ; étrangement fatiguée, elle a bientôt somnolé, puis s’est tout bonnement endormie, à l’instar de la prostituée. Quand elle se réveille au matin dans l’étable, courbaturée et un peu hagarde… elle trouve le cadavre d’Aki à côté d’elle, tout violacé, baignant dans son sang.
[III-4 : Yasumori, Ayano : Masako ; Mino, Aki, Hideto, Kioyosada, Senzô] Yasumori est stupéfaite et horrifiée, mais parvient à se contenir. Elle ne tarde guère à se rendre à la chambre d’Ayano, en parvenant à éviter Masako (matinale, elle l’entend tousser, plus encore que ces derniers jours) et Mino tout autant – elle procède avec calme et froideur. Elle réveille doucement Ayano, la prépare au pire, et révèle la mort d’Aki – elle précise l’état du cadavre, et ne manque pas de faire part de son hypothèse : Aki aurait été empoisonnée… Cet apothicaire lui paraît louche, qu’est-ce qu’il y avait au juste dans cette potion qu’il a si généreusement offerte ? Ayano est aussi abattue que terrifiée ; elle avait toujours craint que cela finisse par arriver – Aki et ses fraques… Mais Yasumori se montre autrement froide : ce cadavre est un problème pour elles – Aki n’était pas censée dormir à l’auberge. Revenant sur la potion, Yasumori fait la remarque qu’eux seuls savent que Hideto l’a offerte à Aki, du moins le croit-elle. Quoi qu’il en soit, faut-il déplacer le cadavre discrètement, ou dire la vérité à Masako et au chef du village, Kioyosada ? Elle laisse le choix à Ayano : après tout, c’est sa sœur ? Mais Ayano est désemparée, certainement pas en état de réfléchir froidement comme le fait Yasumori… Mais celle-ci insiste : cette mort « n’est pas normale » ; même en supposant que Hideto n’a pas empoisonné Aki – elle convient en douter… Peut-être faudrait-il d’abord en parler à Maître Senzô ? Ayano n’a aucune confiance en lui ; elle admet qu’il dispose de connaissances académiques, mais c’est son honnêteté qu’elle met en cause – elle flaire une sorte de chantage… Par contre, elle a plutôt Hideto à la bonne – elle ne le suspecte en rien. Ayano, quoi qu’il en soit, ne veut en parler au préalable, ni à Kioyosada, ni à Senzô ; par contre, elle a confiance en Takemura – Yasumori pourrait-elle aller le chercher ? Mais la jeune fille doute qu’elle en ait le temps – en l’état, l’alternative est claire : soit prévenir Masako, soit dissimuler le corps… Toutes deux se rendent discrètement à l’étable, où Ayano contemple dans la douleur le triste spectacle du cadavre d’Aki…
[III-5 : Hideto, Ayano, Yasumori : Aki ; Takemura] Hideto cherche son chat… Il finit bien par se rendre à l’étable, où il tombe sur Ayano, Yasumori… et le cadavre d’Aki. Ayano est paniquée. Et, à ce spectacle, l’apothicaire, quand bien même il est parfaitement innocent, se doute bien qu’on risque de l’accuser : il plaide son innocence ; il n’ose pas procéder à un examen médical, mais confirme que la mort de la prostituée pourrait bien être due au poison – s’il ne sait pas encore lequel. La crainte de l’apothicaire est palpable mais compréhensible – Ayano le perçoit comme tout aussi misérable qu’elle, et ne l’accuse pas. Mais qui, alors, serait le coupable ? Yasumori leur dit alors qu’elle va tout compte fait prévenir Takemura, c’est un honnête homme qui saura quoi faire, elle les laisse annoncer la mauvaise nouvelle – autrement dit, elle se défile…
[III-6 : Senzô, Yasumori : Takemura] Senzô lui non plus n’a pas passé une très bonne nuit – il est vrai qu’en dépit de ses activités il est somme toute rarement confronté à une magie véritable… a fortiori de cette ampleur. Avant de se coucher, il avait d’ailleurs effectué quelques recherches dans ses livres, mais sans résultat : il était trop inquiet pour travailler efficacement, et la futilité de ses tentatives de comprendre la nature du sabre lui a gâché le sommeil. Il est apathique, et n’a guère envie de sortir chez lui… Il interpelle un gamin qui traîne aux environs de sa demeure, afin de lui confier la tâche de rassembler ses cohéritiers… mais Yasumori arrive alors – elle avait dit aux autres qu’elle cherchait Takemura, mais comptait de toute façon voir d’abord l’onmyôji, peu importe ce qu'ils en disaient… Elle lui dit qu’un terrible événement s’est produit à l’auberge ; Ayano ne voulait surtout pas qu’elle lui en parle, mais… Surtout ne pas mentionner qu’il vient de sa part ! La jeune fille n’en dit pas plus et file chez Takemura, laissant Senzô perplexe sur son perron…
[III-7 : Takemura : Senzô] Takemura s’est rendormi – et se réveille en sueur. Décidément, il y a quelque chose de pas normal… Il a dormi tout habillé, et vérifie que la clef du coffre de Senzô est toujours dans sa poche de poitrine – c’est bien le cas. Il a la conviction que cette anomalie qui l’angoisse est un manque, et finit par l’identifier : le chien – qu’il n’a pas entendu aboyer, qui n’a pas mangé… Il part à sa recherche, et finit par le trouver dans un coin discret où il s’est caché pour mourir – il baigne dans une mare de son propre sang…
[III-8 : Yasumori, Takemura : Senzô] C’est alors qu’arrive Yasumori, qui le hèle à distance ; Takemura, choqué, ne lui répond pas, ne vient même pas à sa rencontre… La jeune fille le cherche partout, criant que « c’est important » ; Takemura finit par la rejoindre. Yasumori lui donne les détails de ce qui s’est passé à l’auberge, et précise qu’elle a croisé Maître Senzô sur la route de l’auberge… Takemura, par prudence, va chercher son katana, et se rend au village d’un bon pas – Yasumori peine à le suivre.
[III-9 : Senzô : Yasumori] Senzô est troublé par les informations de Yasumori. En homme posé, il cherche à établir des relations – avec le sabre : un pouvoir mystérieux s’en est-il échappé quand Takemura l’a sorti de son fourreau ? Est-ce une malédiction ? Un monstre rôde-t-il dans les parages ? Il a beau faire, il a du mal à considérer tout cela froidement…
[III-10 : Senzô, Hideto, Ayano : Aki ; Kiyoshi, Kioyosada] Senzô se rend enfin à l’auberge. Il y retrouve Hideto et Ayano à l’étable – que s’est-il passé, qu’est-il arrivé à Aki ? Hideto avance que Kiyoshi, avec qui elle avait eu une dispute la veille, aurait pu venir pour lui faire un sort ? Senzô admet que c’est une explication « rationnelle », et qu’il faudrait peut-être l’interroger… En ont-ils parlé à Kioyosada, le chef du village ? Ayano, un brin emportée, répond que non, bien sûr – la mort d’Aki était trop étrange, et elle n’était pas censée se trouver là… L’affaire les concerne tous ! Senzô reconnaît que c’est le cas. L’apothicaire a-t-il procédé à une autopsie ? Hideto n’est guère en état de le faire, a fortiori si le temps presse ; ça ressemble à du poison, oui, mais un qu’il ne connaît pas… Il tente quand même de regarder tout cela de plus près : il n’y a pas de cicatrice d’un coup de dague ou quoi que ce soit, pas davantage de morsure… Les veines ont éclaté, c’est ce qui explique cette teinte violacée ; par ailleurs, elle a craché beaucoup de sang, et fini par s’y noyer. Mais est-ce en rapport avec le sabre ? Hideto n’en sait rien… Ayano, qui n’osait pas envisager cette éventualité jusqu’alors, se rallie à cette hypothèse – il y a une malédiction qui pèse sur eux, et sur leurs proches… Au point où elle en est, elle lève toute ambiguïté : Aki était bien sa sœur… Mais il faut se débarrasser de cet objet maudit, et au plus vite ! Senzô a le même sentiment, il sent une ombre maléfique qui émane de l’épée ; il ne sait pas s’il faut s’en débarrasser, peut-être pas, mais il faut du moins prendre des mesures pour éviter que le mal ne se propage davantage. Peut-être faudrait-il se livrer à un exorcisme dans la forêt, où on enterrerait le sabre de sorte qu’on ne le retrouve plus jamais ?
[III-11 : Takemura, Yasumori, Hideto : Aki] Takemura arrive alors qu’ils envisagent cette éventualité, Yasumori à la traîne derrière lui. Il y a de plus en plus de monde dans cet étable… En s’approchant, il découvre le cadavre d’Aki, et fait aussitôt le lien avec celui de son chien. Il ne dit rien, se contente de regarder – un peu ahuri. Il jette à l’occasion un regard noir dans la direction de Hideto – lui aussi pense aussitôt à la potion « gratuite », étrange coïncidence… Rien n’est dit contre lui, mais Hideto sent planer une menace sur lui, il aimerait bien partir…
[III-12 : Yasumori, Ayano, Senzô, Takemura : Masako, Aki, Nagisa ; Kioyosada] Yasumori entend quelqu’un tousser : c’est Masako, plus malade que jamais. Ses quintes de toux sont éloquentes – elle se rapproche… Yasumori en fait la remarque, disant qu’il va falloir lui expliquer ce que fait le cadavre d’Aki dans son étable – et elle se cache derrière Ayano… Tous hésitent sur la marche à suivre, et restent finalement en place, à attendre l’arrivée de l’aubergiste. Masako, entre deux toux, peste toute seule contre ce soigneur qu’elle attendait et qui se fait attendre… et finit par les trouver tous, debout dans l’étable ; avec un pas de côté, elle voit le cadavre d’Aki, et hurle aussitôt. Ayano se jette à ses pieds : « Je vous en prie, il ne faut pas… » Masako l’ignore, elle se précipite sur le cadavre qu’elle prend dans ses bras – retrouvant son affection d’antan, qui n’est plus pondérée par ses mœurs tatillonnes… Yasumori, toujours dans l’ombre, dit à Senzô qu’il faudrait maintenant prévenir Kioyosada, le chef du village. Oui, mais Senzô n’y ira pas lui-même ; Yasumori s’y rend, tombe sur Nagisa, et lui dit de transmettre à son maître que « quelque chose de grave » s’est passé, et que Maître Senzô le réclame à l’étable de l’auberge de toute urgence… Ayano reste pour sa part agenouillée auprès du cadavre de sa sœur, se répandant en larmes ainsi que Masako. Takemura, quant à lui, ne pense qu’à son chien, et aux similitudes entre ces deux morts…
[III-13 : Ayano, Hideto, Yasumori : Kioyosada, Nagisa, Ako ; Mino] Kioyosada arrive précipitamment avec Nagisa, et voit la scène : « Qu’est-ce qui s’est passé ? » Ayano est assez brusque : « Vous le voyez bien, elle est morte ! » Kioyosada est stupéfait, mais, même dans ces conditions, son côté débonnaire demeure, il n’a rien d’agressif. Hideto suggère que la prostituée a pu être empoisonnée – bien sûr, ce n’est pas une mort naturelle… Nagisa n’y tient plus, il part en hurlant ; d’ici cinq minutes, tout le village sera sur place. Yasumori offre à Masako en larmes d’aller aider Mino à tenir l’auberge ; mais à quoi bon dans pareille situation ? Mino va venir comme les autres, de toute façon… Dans ce cas, Yasumori préfère prendre les devants, et va à sa rencontre.
[III-14 : Ayano, Yasumori : Masako, Hideto, Aki, Kioyosada, Mino, Tsunemori, Tsunekiyo ; Kiyoshi, Kuchi] La foule s’amasse aux environs de l’étable – et les rumeurs ne tardent guère à circuler… Ne serait-ce pas Kiyoshi le coupable ? Il s’est disputé avec elle… Mais elle avait bien d’autres clients. Masako s’était fâchée, d’ailleurs… Et Hideto ? L’apothicaire ? Lui-même parle de poison… et il s’y connaît ! D’ailleurs, n’a-t-il pas offert une potion à Aki, la veille ? On l’a vu, on l’a dit… En même temps, un serpent, peut-être ? Ou un fantôme ! Non, rien de si fantasque – probablement une maladie vénérienne… Etc. Ayano se reprend un peu ; elle s’approche de Kioyosada : « Ma sœur est morte ; il faut trouver le coupable, un tel crime ne saurait rester impuni. » Yasumori, de retour avec Mino, scrute la foule, en quête de certaines personnes : Tsunemori, l’idiot du village, est là – qui ne comprend sans doute pas grand-chose à la scène, et garde le sourire. Tsunekiyo, l’érudit, est également présent – quelque peu en retrait, et plus digne que tous les autres… Kiyoshi brille par son absence ; de même pour la vieille folle, Kuchi, la grand-mère increvable de Kioyosada.
[III-15 : Takemura, Hideto] Takemura sort de son silence ; il s’approche de Hideto, et, d’une voix faible, dit qu’il a quelque chose à montrer à l’apothicaire dans son potager, qui pourrait aider à comprendre ce qui s’est passé ici. Hideto le suit volontiers, pas fâché de quitter cette foule qui l’accuse plus ou moins ouvertement – à vrai dire, son départ en rajoute, et il y en a même qui le montrent du doigt… Takemura s’en rend compte ; il use de son autorité naturelle pour calmer le jeu, se contentant d’un éloquent langage corporel – les insinuations contre Hideto cessent aussitôt, personne ne souhaite agacer l’ancien soldat…
[III-16 : Takemura, Hideto : Kuchi ; Masako, Kioyosada, Senzô] Tous deux, alors qu’ils parviennent à l’orée du village, vers le nord, constate que Kuchi la Vieille est plus loin sur la route, qui semble les attendre – ou du moins les regarde-t-elle en souriant, les yeux fous. Hideto lui fait un signe de la tête, et elle éclate de rire. Elle avance vers eux de son pas de vieille bonne femme. Quand elle arrive à leur hauteur, de sa voix de crécelle, elle leur demande : « Vous allez voir le chien ? » Takemura la regarde sans un mot. Elle se met en face de l’ancien soldat et le saisit par la barbichette de manière badine : « Ça ne sert à rien ! Vous avez le chat, après tout ! » Et elle pointe du doigt un renfoncement sous une maison – s’y trouve le cadavre du chat de Hideto. L’apothicaire est stupéfait ; Takemura reste digne : « Mon chien est dans le même état. » Hideto lâche des yeux le cadavre de son compagnon de toujours, et se tourne vers la vieille folle :
— Vous avez vu quelque chose ?
— Oh, j’ai vu bien des choses… À mon âge, vous savez… Mais j’ai vu – par exemple – cinq personnes. Des gens très divers, qui sont rattachés à Kengo, qu’ils le sachent bien ou pas… Oui, des attaches… Pourtant, il leur faut partir. Sans quoi… eh bien, tout le monde va mourir ! Masako d’abord, j’imagine – elle est déjà bien malade, elle tousse, et ce soigneur qui n’arrive pas… Bah, il ne pourrait qu’arriver trop tard. Ensuite… Kioyosada ? Il est vieux… Moins que moi, forcément – mais ce n’est pas pareil. Bah, peu importe : nous allons tous mourir ! Très vite… Mais ce sera douloureux. Oui, il vous faut partir… Oh, et n’oubliez pas votre héritage !
— Vous êtes complètement folle !
— Mais bien sûr que je suis folle ? Comment je ferais, autrement ? Et ça ne change rien…
Hideto décroche, et ramasse tendrement le cadavre de son chat ; il l’examine : les poils ne lui facilitent pas la tâche, mais c’est probablement la même chose que pour Aki, ces veines qui gonflent et explosent, ce sang qui jaillit de leur gorge et les noie… Takemura n’a plus guère envie de rentrer chez lui – surtout si la vieille devait les suivre. Mais les paroles de Kuchi lui ont fait une forte impression ; il n’a plus qu’une idée en tête : aller chercher Senzô, récupérer le sabre, et, oui – partir…
[III-17 : Takemura, Hideto, Senzô : Kuchi, Aki] Kuchi incite Takemura et Hideto à retourner à l’étable, et s’y rend de toute façon. À mesure que la vieille folle approche de la foule se délectant du spectacle horrible du cadavre d’Aki, les rumeurs s’amenuisent. Senzô, la voyant, prend les devants, et l’accoste – elle lui tire tendrement la barbichette à son tour… Yasumori se tient un peu en arrière de l’onmyôji, et tend l’oreille. Senzô, un brin sarcastique, prend la parole :
— Quel bon vent vous amène ?
— Bon vent ? Quelle idée ! Le vent n’est ni bon ni mauvais, c’est juste le vent… Ou bien… Oui, peut-être, en fait ; peut-être qu’il y a des mauvais vents – comme le vent dans votre dos. Un vent qui pue ! (Hilare, la vieille folle fait des bruits de pets et autres allusions scatologiques…) Bah, l’important, bon ou mauvais, c’est que le vent bouge… C’est le propre du vent ! Il bouge ! Aussi, vous devez partir – sans quoi la tempête, prenant toujours plus de force à rester sur place contre sa nature, sera fatale aux gens que vous côtoyez… Tous vont mourir ! Tous !
[III-18 : Senzô, Ayano, Takemura : Kuchi] Après la tirade de la vieille, Senzô, solennel, se tourne vers la foule amassée devant l’étable : « Braves gens, calmez-vous ! De mauvais esprits sont à l’œuvre à Kengo… Mais, en tant qu’onmyôji, je vais prendre les choses en main ! Nous cinq, nous sortirons du village et procèderons à l’exorcisme ! » Cette déclaration fait éclater de rire Kuchi – qui se remet à faire des bruits de pets, elle y prend visiblement beaucoup de plaisir… Senzô dit à ses quatre compagnons de se rendre chez lui pour y discuter d’un plan. Ayano va dans ce sens : « Plus rien ne me retient ici, et Kuchi a raison, il faut partir ! » Takemura, la clef du coffre de Senzô dans sa poche de poitrine, suit l’onmyôji – il faut de toute façon aller chercher… l’objet maudit…
[III-19 : Yasumori, Ayano : Aki, Takeo ; Noboru, « le Messager », Reizo, Masako] Mais Yasumori et Ayano remarquent un nouveau venu, qui joue des coudes pour apercevoir le cadavre d’Aki : c’est Takeo, un marchand ambulant qui écume le nord de Kyushu et passe régulièrement par Kengo. À ce spectacle hideux, l’étranger pâlit, blanc comme un linge – et les deux jeunes femmes comprennent que ce n’est pas là simplement la réaction bien naturelle d’un homme effrayé par une scène macabre. Yasumori s’approche de lui : « Le malheur accable notre village… Avez-vous déjà vu ça ? » Takeo, les yeux exorbités, hoche lentement la tête. « Où donc ? » Déglutissant, il répond que c’était au relais de Noboru, au nord-est de Kengo, où il s’était arrêté il y a deux jours de cela. Yasumori lui décrit « le Messager » ; mais non – le cadavre ne lui était pas inconnu : c’était Reizo, le soigneur – celui qu’attendait Masako… Mais Yasumori insiste sur l’allure du « Messager » ; elle évite d’appuyer sur le sabre, mais c’est pourtant l’élément qui fait réagir Takeo : oui, au relais, Noboru lui avait parlé d’un homme étrange – la veille de la mort de Reizo…