Vingt-neuvième séance de la campagne de L’Appel de Cthulhu maîtrisée par Cervooo, dans la pègre irlandaise d’Arkham. Vous trouverez les premiers comptes rendus ici, et la séance précédente là.
Un compte rendu un peu spécial : j’étais absent… J’ai rédigé ultérieurement ce compte rendu à partir de l’enregistrement audio de la séance.
Étaient présents Dwayne O’Brady, seul PJ survivant de la séance précédente, et des remplaçants pour les autres : Michael Bosworth, qui n’est donc plus un PJ temporaire mais est adopté par le joueur qui incarnait jusqu’alors Chris Botti, et Kelly McGillian, jusqu’alors PNJ à peine mentionné mais désormais incarnée par la joueuse de Leah McNamara. Mon personnage de Tess McClure, sombré dans la folie, était devenu un PNJ lors de la séance précédente ; mon nouveau PJ, Anatole « Froggy » Despart, apparu la dernière fois, a été joué par le Gardien des Arcanes pour cette séance, et figure donc à la troisième personne dans ce compte rendu.
I : NÉGOCIER DANS L’OMBRE
[I-1 : Dwayne : Tess McClure/« Tess la Rouge », Radzak, Anatole « Froggy » Despart] Tess s’approche de la vieille dame et de l’enfant, qu’elle a « choisis » à la demande de Radzak. Ces prisonniers ont sans doute été enfermés depuis trop longtemps pour avoir entendu parler de « Tess la Rouge », mais son allure et plus encore sa démarche sont inquiétantes quoi qu’il en soit ; en même temps, elle est plus élégante que jamais… Armée d’une dague sacrificielle à la main droite, elle avance directement sur l’enfant. Dwayne ne veut pas agir, il ne veut même pas regarder la scène qui s’annonce – il garde plutôt un œil sur Radzak. Mais il entend le coup de pied de Tess qui projette la vieille au sol, et cette dernière qui hurle quand Tess lui arrache l’enfant des bras… Puis c’est un bruit d’éviscération – et des organes qui tombent au sol. La vieille hurle à l’aide… Mais Dwayne demeure passif. Un des prisonniers, pourtant, veut tenter quelque chose, et fait un pas dans la direction de Tess ; Dwayne voit que Radzak se prépare à sauter à la gorge du prisonnier. Anatole, décontenancé, se contente d’observer les réactions de Dwayne – dans son esprit, il demeure le seul ici à comprendre ne serait-ce que vaguement ce qui se passe, et à ne pas vouloir le tuer pour autant, aussi calque-t-il son comportement sur le sien.
[I-2 : Dwayne : Tess McClure] Dwayne entend alors des bruits d’asphyxie – et il jette un œil sur la scène, par réflexe : Tess a vidé l’enfant de ses organes et se sert de sa cage thoracique désormais vide pour étouffer la vieille – comme si elle lui mettait la tête dans un sac ! Son regard est fixe, mais son sourire exprime combien elle prend son pied.
[I-3 : Tess McClure, Radzak] Le prisonnier continue d’avancer vers Tess, et cette fois Radzak lui saute dessus : en fait, après son bond initial, il disparaît littéralement en vol ; mais le prisonnier voit tout à coup son ventre gonfler, comme si quelque chose était subitement apparu à l’intérieur – puis des pattes velues et griffues en jaillissent… Le prisonnier crache du sang et tombe à genoux – ses organes internes se répandent par terre. Mais Radzak n’en a pas fini avec lui : c’est comme s’il cherchait maintenant à occuper l’intérieur de son crâne ! Et il y parvient, en jaillissant de la tête explosée… Le chat ressort du corps de sa victime avec un sourire ravi ; il est tâché de sang, mais se livre à une toilette toute féline…
[I-4 : Radzak, Anatole « Froggy » Despart ; William Harris-Jones] Les autres prisonniers, tétanisés, s’effondrent sous le coup de l’horreur de la scène – l’un d’entre eux se suicide même en se plantant une dague sacrificielle dans le torse. Les bruits d’accouplement se sont interrompus dans la pièce du fond. [Contradiction par rapport à la séance précédente : Anatole n’est donc pas allé chercher son patron William Harris-Jones une fois que celui-ci avait fini de prendre du bon temps avec la prisonnière nymphomane.]
[I-5 : Dwayne : Radzak, Tess McClure] Radzak revient tranquillement à sa place initiale, en marmonnant, satisfait, qu’il avait depuis bien longtemps songé à employer cette méthode, mais n’en avait jusqu’alors jamais vraiment eu l’occasion – ça lui a plu. Dwayne, abattu, va s’asseoir tandis qu’il entend la vieille suffoquer – Tess prend son temps pour l’achever, sans doute lui laisse-t-elle de temps à autre reprendre quelque peu son souffle, à seule fin de prolonger son agonie… Mais elle finit par achever sa victime. Elle reprend sa respiration, puis s’allume une cigarette – comme après l’amour…
[I-6 : Dwayne/« Leonard Border » : Tess McClure, Radzak ; Leonard Border] Tess et Radzak balayent des yeux le dortoir et les survivants. Puis Radzak adresse à Tess un regard amusé autant qu’interrogatif – il lui dit alors qu’il lui laisse encore le choix… Mais Dwayne parle enfin, leur demandant s’il ne serait pas possible de « discuter », ce qui attire leur attention. Le regard de Tess se pose sur lui : elle le reconnaît visiblement – même sous son apparence de Leonard Border – et le scrute littéralement ; peut-être cette reconnaissance provoque-t-elle des débats intérieurs, qui la troublent un minimum…
[I-7 : Dwayne : Radzak ; Hippolyte Templesmith] Radzak dit à Dwayne qu’il l’écoute… Dwayne lui dit qu’il suppose qu’il est ce « Radzak » dont il a entendu parler ; « son groupe » avait une tâche à accomplir pour lui ? Radzak est heureux de voir que sa réputation le précède… Mais les prédécesseurs de Dwayne ont échoué. Dwayne répond qu’ils sont allés aussi loin qu’ils le pouvaient. Mais ils n’ont pas tué Hippolyte Templesmith, c’est vrai… Toutefois, maintenant que sa véritable nature a été dévoilée au grand jour, il sera sans doute plus aisé d’en finir avec lui – même si Dwayne ne doute pas que la tâche demeurera ardue. Il sait par ailleurs que Templesmith ne le laissera jamais tranquille… Mais le problème est d’abord qu’il ne sait pas où il se trouve, et qu’il lui faut partir d’ici. Radzak, fielleux : « Tu me prends pour un assistant social ? » Mais pas du tout !
[I-8 : Dwayne/« Leonard Border » : Tess McClure, Radzak ; Leonard Border, Hippolyte Templesmith/« 6X »] Tess regarde Dwayne, perdue dans ses pensées ; puis elle avance vers lui de son pas élégant. Dwayne lui demande si elle le reconnaît. Oui… Elle lui caresse la joue de la main – perçant l’apparence de Leonard Border. Dwayne suppose que cela ne jouera pas en sa faveur ? Pourtant, elle veut toujours tuer « 6X » ? Tess répond qu’elle a largement fait sa part… Mais, dans ce cas, pourrait-elle aider Dwayne à retourner là-bas pour qu’il en finisse ? Tess regarde Radzak, hésitante, un peu paumée, même… Dwayne comprend qu’elle a envisagé de le massacrer, mais se retient – ce qui génère en elle une intense frustration. Radzak demande à Dwayne s’il a bien la prétention d’achever « 6X ». Dwayne lui répond que ce n’est pas une prétention : si le tuer lui permettra de rester lui-même en vie plus longtemps, rien d’autre ne compte.
[I-9 : Dwayne : Radzak, Tess McClure ; Brienne, Elaine] Radzak explique à Tess qu’il a du mal à appréhender le sens de la temporalité humaine. Dwayne comprend par-là qu’il demande combien de temps il doit lui laisser pour agir… Tess tourne autour de Dwayne en l’observant sous toutes ses coutures, elle prend son temps pour réfléchir (à un moment, elle lui pince même les fesses, ce qui le fait frissonner…). Tess répond enfin : « Disons… une petite semaine… s’il arrive à sortir d’ici… » Dwayne acquiesce de la tête. Tess ajoute que, s’il accomplit sa tâche dans ce délai, elle n’ira pas voir Brienne et Elaine (mais Dwayne se fout d’Elaine…). Elle repasse devant Dwayne et fait un pas de côté, comme pour lui laisser le passage ; et Dwayne traite Radzak avec respect, ce qui plaît au chat.
[I-10 : Dwayne : Anatole « Froggy » Despart, Radzak, Tess McClure] Mais Dwayne lance un coup d’œil en arrière sur Anatole : serait-il possible d’avoir l’aide de quelqu’un dans cette pièce pour sortir d’ici ? Radzak et Tess comprennent de qui il parle – le seul disposant d’une carrure physique et d’une assurance utiles. Tess lui tourne autour, comme elle l’avait fait avec Dwayne auparavant. Mais sa voix est beaucoup moins courtoise et familière : « Lui, je ne le connais pas… » La main d’Anatole tremble dans sa poche, il hésite visiblement à sortir son arme, tandis que Tess hésite quant à elle à le planter de sa dague sacrificielle… Dwayne intervient : « Je sais que tu ne le connais pas, mais laisse-lui sa chance ; il ne peut qu’être utile pour cette tâche. » Il se tourne pour voir la réaction de Radzak, puis revient sur Tess. « Si tu as de l’aide, tu as besoin de moins de temps… Quatre jours. »
[I-11 : Dwayne : Radzak, William Harris-Jones, Tess McClure ; Leonard Border, Butch, Hippolyte Templesmith] Dwayne n’a pas vraiment envie de négocier davantage. Radzak n’a pas l’air contre – c’est surtout qu’il s’en fout un peu : il est bien plus intéressé par les autres prisonniers, dont William Harris-Jones enfin venu dans le dortoir… Dwayne, toutefois, sent qu’il doit encore plaider sa cause auprès de Tess, qui demeure hésitante. À moitié désespéré, il avance qu’il ne s’en sortira pas sans aide – c’est une chance supplémentaire… Il lui rappelle tout ce qu’ils ont vécu ensemble – et le fait est que Tess et lui ont été assez complices, ont accompli nombre d’actions à deux – incluant le kidnapping de Leonard Border, la préparation du rituel, ou encore le désir de vengeance contre le bar Chez Butch… Tout cela joue en sa faveur – tout particulièrement quand il avance que ce serait l’occasion de faire sauter enfin ce bar : il ne joue donc pas que sur leur complicité passée, mais aussi sur leurs rancœurs communes, virant à la haine pure chez Tess… Cette approche fonctionne : Tess est désormais moins hésitante, plus favorablement disposée envers Dwayne. Son regard se précise toutefois sur la bague de fiançailles de Dwayne, qu’elle trouve jolie… Dwayne la lui donne sans hésiter. Tess la prend avec plaisir, et lui adresse un sourire sincère – qui a quelque chose d’enfantin et d’étrangement décalé. Elle le remercie. Puis elle dit qu’elle repassera les voir tous deux d’ici quatre jours, et, en fonction de ce qu’ils auront fait à Hippolyte Templesmith…
[I-12 : Dwayne : Radzak, William Harris-Jones, Anatole « Froggy » Despart] Radzak libère le passage d’un vif et puissant coup de patte. Mais William Harris-Jones invective Anatole, son garde du corps : il ne peut pas le laisser ici ! Son salaire sera doublé ! Anatole lui fait face, hésitant – Dwayne comprend qu’il y a plus qu’un lien « professionnel » entre les deux hommes, une vague complicité, sinon véritablement de l’amitié… Mais Dwayne dit à Anatole que c’est maintenant ou jamais – rappelant qu’il a sacrifiés trois jours de sa propre vie pour assurer que le garde du corps pourrait le suivre… Anatole pousse un profond soupir, mais n’a guère le choix : « Désolé, patron… Le soldat se doit de vivre pour combattre un jour de plus – c’est une cruelle leçon de ces tranchées que tu n’as jamais connues… »
[I-13 : Dwayne : Anatole « Froggy » Despart ; William Harris-Jones] Anatole suit Dwayne, même si c’est à contrecœur. Il est toujours vigilant, attentif à tout ce qui se passe autour de lui – et il est conscient que ce n’est que grâce à l’intervention de Dwayne, même intéressée, qu’il a échappé à une mort horrible. Dwayne est sur le pas de la porte, donnant sur la cuvette : « Bon, où est la sortie, maintenant ? », dit-il dans le vide, espérant vainement une réponse… Mais rien – si ce n’est, derrière eux, les cris de souffrance de William Harris-Jones… Sur la plateforme surplombant l’abîme, c’est comme si les statues les observaient…
II : ALLIANCE DE CIRCONSTANCES
[II-1 : Michael : Pierce Hawthorne ; Hippolyte Templesmith] Michael essayait de secourir Pierce Hawthorne quand le jour s’est levé, entraînant le ressac de la marée de crabes. L’arbre où s’était réfugié Hawthorne tremblait sous l’assaut des monstrueux crabes « centaures », mais ils se sont eux aussi retirés. Hawthorne n’est pas des plus leste, il est même peu ou prou obèse… Il hésite à saisir la corde que lui tend Michael, et jette des coups d’œil au reflux des crabes. Michael sait que l’homme figurait sur la liste trouvée chez Hippolyte Templesmith, et avait entendu son discours lèche-cul au gala...
[II-2 : Michael : Pierce Hawthorne ; Hippolyte Templesmith] Pierce Hawthorne décide enfin de tenter le coup. Il se montre très prudent, et prend donc tout son temps. Impossible pour Michael de déterminer si Hawthorne sait qui il est. Mais, alors que ce dernier se trouve à mi-parcours environ, Michael fait vibrer la corde – pas suffisamment pour que Hawthorne tombe, mais amplement assez pour le faire paniquer… « Qu’est-ce que vous faites ?! » Michael répond posément : « Pas si vite, l’ami ; j’aimerais savoir à qui j’ai affaire ! Si je me souviens bien, vous disiez encore il y a peu le plus grand bien de Hippolyte Templesmith ? » Il refait vibrer la corde… Pierce Hawthorne est très mal à l’aise : « Qui êtes-vous ? Et en quoi est-ce que cela vous dérange ? » Michael répond que, s’ils se trouvent ici, c’est à cause de lui, non ? Il n’a pas de sympathie particulière pour Templesmith ou ses amis, alors il aimerait bien savoir qui il est en train d’aider… Hawthorne ne le reconnaît visiblement pas. Il répond qu’il est la seule personne à pouvoir l’aider pour sortir d’ici – il a le ton de quelqu’un désireux de négocier, mais conscient de ne pas être en position de force… Michael dit que ça l’intéresse – mais il veut en savoir davantage avant de le laisser le rejoindre. Il secoue à nouveau la corde, et Hawthorne chancelle : à prolonger encore ce petit jeu, il ne manquera pas de tomber… Ses yeux sont terrifiés – à la manière de ceux d’un lapin pris dans les phares d’une voiture. Michael lui demande comment sortir d’ici ; Hawthorne répond : « Ça va vous paraître fou, mais je connais un moyen de nous téléporter… » Est-ce un objet ? Un lieu ? Les deux, en fait : un objet dans un lieu… Et comment a-t-il obtenu cette connaissance ? Cela serait bien trop long à expliquer ! Michael laisse Hawthorne monter, et va même l’aider – non sans préciser qu’il compte ensuite en apprendre davantage, et il est armé… Hawthorne acquiesce et reprend son ascension – il est épuisé à l’arrivée.
III : DANS L’HÔTEL MAUDIT
[La joueuse incarnant précédemment Leah McNamara joue désormais la journaliste Kelly Gillian – en fait McGillian, mais elle avait pris soin de transformer son nom en raison des préjugés ethniques à Arkham. Longtemps comparse de Leonard Border, elle avait été renvoyée de la Gazette d’Arkham, en partie en raison de son ascendance irlandaise, plus précisément parce qu’elle avait refusé de sombrer dans l’enthousiasme béat pour Hippolyte Templesmith – et avait même envisagé d’enquêter sur le passé de la nouvelle coqueluche de la ville. Les PJ n’en savent pas davantage, n’ayant eu aucune nouvelle d’elle depuis son licenciement. Elle, cependant, n’était pas restée sans rien faire. Elle avait mené sa petite enquête, et établi plusieurs choses : sur un plan relativement légal, elle avait découvert que l’usine de Miska-Tonic ! appartenait à Hippolyte Templesmith, qui avait eu recours aux services de Diane Pedersen ; là-bas, des chimistes ont semble-t-il constaté « des choses étranges », mais on les a payés pour qu’ils se taisent. Par ailleurs, Templesmith avait recours à des gros-bras : des types d’Innsmouth, à la très mauvaise réputation, et qui sentent le poisson – elle a eu l’occasion d’en croiser… Ils sont responsables d’une bonne partie des disparitions en ville – le reste, c’est semble-t-il le fait de la mafia irlandaise. Elle sait par ailleurs qu’il se trouvait de nombreux cadavres à la ferme des Tulliver, mais qu’ils ont été subtilisés par les hommes de Templesmith – pour les « étudier », peut-être ? Quoi qu’il en soit, elle est très bien placée pour savoir que personne n’osera dire quoi que ce soit contre Templesmith : les témoins gênants sont apeurés, et on achète leur loyauté ; sinon… Kelly, pleine de rancœur à l’encontre de Hippolyte Templesmith, et ayant en outre tendance à boire plus que de raison, avait trouvé à s’infiltrer dans le gala à l’Omni Parker House, où elle souhaitait susciter le scandale, sans même penser aux conséquences pour elle-même. Personne ne l’avait reconnue là-bas. La journaliste avait commencé à boire des cocktails pour se donner du courage, dans le dancing room, mais, alors même qu’elle retournait dans la salle principale pour mettre son plan à exécution, elle a vu Diane Pedersen (en fait Tess McClure, mais elle n’en savait rien) embrasser à pleine bouche Templesmith… puis a vu tout ce qui a suivi. Comme tout le monde, elle a fini par perdre connaissance…]
[III-1 : Kelly : Bert Rockerson] Kelly se réveille, avec une certaine gueule de bois, couchée sur un lit, dans une sorte de chambre particulière qu’elle ne connaît pas. Les meubles et la décoration donnent plutôt l’impression d’une chambre masculine, et assez luxueuse – les meubles sont anciens mais bien entretenus. Kelly retrouve son déguisement, mais aussi son Derringer. Elle se lèvre, cherche à déterminer à qui appartient cette chambre. Elle est encore un peu déboussolée… mais finit par rassembler des éléments : il s’agit d’une chambre destinée à un invité qu’elle comprend être Bert Rockerson, un magnat pétrolier de la région de Boston – elle trouve des effets personnels à ses initiales, et ses vêtements dans une armoire. Elle trouve aussi sur les meubles diverses statuettes de toutes origines, qu’elle sait être d’une grande valeur tant pécuniaire qu’historique. Puis, tendant l’oreille, elle entend des bruits festifs en provenance d’une autre pièce – de la musique jazz, des éclats de rire…
[III-2 : Kelly] Kelly sort de la chambre, guidée par la musique. Elle se trouve à l’extrémité d’un couloir d’hôtel, avec de nombreuses portes conduisant suppose-t-elle à d’autres chambres similaires à la sienne. Elle relève aussi une étrange odeur de terre, mais très diffuse au milieu des parfums de qualité… Se fiant à la musique, elle avance dans le couloir – à la décoration riche (de nombreux tableaux de toutes provenances) mais un brin déconcertante… d’autant qu’elle prend conscience de la texture « métallique » des murs autant que du sol. Un peu plus loin devant elle, le couloir bifurque à angle droit sur la droite. Kelly sent une légère odeur de poisson pourri aux environs… Et elle entend des bruits de voix dans cette direction : elle ne distingue pas vraiment les paroles ; mais il y a une voix assez distinguée qui semble donner des consignes – « temporiser », « gardez-les » ? Les autres voix sont plus « coassantes », en tout cas soumises et affirmatives.
[III-3 : Kelly] Kelly, avant d’aller plus loin, est prise de l’envie de retourner dans sa chambre – afin de jeter un œil par la fenêtre pour déterminer où elle se trouve. Elle ne se montre pas spécialement discrète… Et elle entend des bruits de pas un peu empressés, qui vont dans sa direction. Elle n’y prête pas attention et continue, mais tourne enfin rapidement la tête, comme par réflexe : se trouve derrière elle un individu, qui lui demande d’une voix courtoise et polie si tout va bien. Elle répond qu’elle s’est réveillée ici, et ne sait pas où elle se trouve… Peut-il la renseigner, lui dire quel est cet hôtel ? Elle discerne plusieurs réactions chez son interlocuteur – un mélange de surprise, de légère angoisse… et finalement un sourire machiavélique. Passé la surprise initiale, l’homme se montre enjoué – ce qui, en fait, lui fait d’autant plus froid dans le dos… « Ne vous inquiétez pas, Mademoiselle ; la soirée d’hier a été un peu arrosée… Restez dans votre chambre, je vais vous faire porter un remontant. » L’homme semble prêt à repartir sur ses pas, mais Kelly insiste : quel est cet hôtel ? Il ne lui a pas répondu… L’homme s’étonne de cette réaction, et joue sur son amnésie – allant jusqu’à lui demander, avec un plaisir sadique de manipulateur, si elle sait en quelle année elle se trouve, quel est le nom du président de la République, etc. Kelly, qui comprend son petit jeu, lui dit que tout va bien – elle a dû s’endormir elle ne sait où, après quoi quelqu’un de charitable l’a portée dans cette chambre… L’homme répond enfin : « Vous êtes à l’Omni Parker House. » Et il s’en va. Mais ça ne ressemble pas du tout à l’Omni Parker House…
[III-4 : Kelly] Kelly s’en tient pour l’heure à son idée, et va jeter un œil par la fenêtre de sa chambre… sauf qu’elle se rend compte maintenant qu’elle donne sur de la terre. S’y trouve en outre un caractère d’une écriture inconnue, gravé en plein milieu. Puis elle perçoit une brève oscillation, comme des ronds concentriques dans l’eau quand on y jette un caillou… Et, en quelques instants, la vue à travers la vitre change du tout au tout : elle ne donne plus sur de la terre, mais sur une sorte d’archipel étrange, avec un point de vue relativement élevé. Mais les astres sont étranges – le soleil est comme mordu par deux lunes, et la luminosité est irréelle… Sur une île à quelque distance, elle perçoit des tranchées – mais croit aussi voir deux hommes au sommet d’un arbre ? Elle est toutefois trop éloignée pour pouvoir en dire davantage… Elle voit par contre de très nombreux crabes, de toutes tailles, qui s’avancent sur la plage et disparaissent bientôt dans la mer… Le spectacle la perturbe – inconsciemment, Kelly porte la main à la fiasque de whisky dans sa poche de poitrine. Ce paysage est irréel, pire encore, il a quelque chose de fou…
IV : L’ÉCHELLE D’HIPPOLYTE
[IV-1 : Dwayne : Anatole « Froggy » Despart ; Radzak] Dwayne et Anatole laissent le dortoir derrière eux – Radzak leur demande poliment de fermer la porte derrière eux, mais Dwayne ne comptait de toute façon pas faire autre chose… Anatole est perturbé par le spectacle des statues sur la plateforme – mais il l’est tout autant par les deux escaliers, celui qui s’enfonce dans l’abîme, et celui qui semble monter vers le ciel et s’interrompt étrangement… Il suppose que Dwayne a déjà vu tout cela ; mais sait-il quel chemin il leur faut emprunter ? Si seulement ! Derrière eux, les hurlements en provenance du dortoir les incitent à s’éloigner – mais pour aller où ? Anatole observe les cadavres d’adorateurs qui jonchent le sol ; il hausse enfin les épaules, prend une profonde inspiration : « OK… » Il suit Dwayne.
[IV-2 : Dwayne : Anatole « Froggy » Despart] Dwayne décide tout d’abord de monter, vers l’escalier disparaissant dans le ciel ; il se demande en effet s’il ne s’y trouverait pas quelque chose d’invisible depuis leur position – il suppose aussi, à voix haute, que, s’ils se mettent à descendre, ils ne remonteront plus… Rejoindre l’escalier prend du temps : la pente est assez raide, et il leur faut couvrir une certaine distance. Ils y parviennent enfin, et s’attardent sur la très complexe décoration de l’escalier, dont les rambardes sont gravées de dessins représentant des nuées de serpents – ce n’est pas du « copier-coller », chaque motif est distinct de tous ceux qui l’environnent, et il en va probablement ainsi jusqu’au bout… C’est un travail parfait, d’une exécution sans faille et par ailleurs étonnamment lisible : la décoration n’a rien de confus. Anatole en est stupéfait : « Putain, c’est foutrement ancien… » Sans se poser en archéologue confirmé, il identifie sans peine un style gréco-romain.
[IV-3 : Dwayne : Anatole « Froggy » Despart] Ils montent l’escalier ; là encore, cela demande du temps, mais ils parviennent enfin aux dernières marches, à environ 50 mètres de hauteur. Et l’escalier s’interrompt bien abruptement – mais de manière délibérée et nette. Cela évoque à Anatole l’idée du « saut de foi »… puis il ajoute : « C’est con… Il y a plein de cadavres en bas qu’on pourrait jeter pour voir ce qui se passe… On va en chercher un, pour voir ? Ou bien ça serait une perte de temps ? » Il n’est pas sûr de lui. Mais Dwayne suppose qu’on pourra obtenir le même résultat en jetant un objet – Anatole n’a-t-il rien à délaisser au cas où ? Mais le garde du corps désigne la dague sacrificielle dont s’était emparé Dwayne… Ce dernier acquiesce, et jette l’arme archaïque… qui disparaît illico. D’une certaine manière, Anatole aurait préféré voir le couteau tomber… Dwayne a-t-il déjà vécu ce genre de trucs ? Oui – mais il y avait chaque fois « quelque chose », une sorte de « portail » ; ici, c’est le vide, et ça lui fait peur : s’ils tombent, ils tombent… Mais peut-être serait-il possible de passer simplement la tête, voir ce qui se trouve de l’autre côté ? Anatole enlève sa veste, la découpe par le centre, et confectionne une sorte de cordage de fortune ; il vérifie que c’est suffisamment solide, en attache une extrémité à sa ceinture, puis tend l’autre à Dwayne : « Tu tiens bien – je suis pas léger… »
[IV-4 : Dwayne : Anatole « Froggy » Despart ; Hippolyte Templesmith] Anatole s’avance ; il se contente tout d’abord de passer la tête au bout de l’escalier, mais ça ne donne rien. Dwayne suppose qu’il est possible d’attacher la « corde » aux petits piliers de la rambarde, mais il a besoin de plus de longueur – il utilise ses propres vêtements. Anatole prend une profonde inspiration, puis avance d’un pas courageux – et, cette fois, il disparaît. Le tissu, qui s'interrompt dans le vide mais sans être coupé, continue de se tendre encore un peu. Dwayne tire ensuite dessus, et sent une réponse de l’autre côté ; quelques secondes plus tard, Anatole revient, les yeux grands ouverts et bouche bée : « Je… Ça… Ça mène ailleurs… J’ai vu la lune… Il y a… Un autre escalier… Qui mène à un château… Un château de contes de fées ! Un château… dans l’espace ! » Dwayne n’a pas confiance – c’est sans doute la demeure de Templesmith… Mais Anatole est stupéfait, et répète : « Un château dans l’espace ! »
V : LA FOULE DANS LA CIME
[V-1 : Michael : Pierce Hawthorne ; Hippolyte Templesmith] Pierce Hawthorne est enfin parvenu au niveau de Michael ; il est épuisé, la fatigue musculaire le contracte – il reprend son souffle en s’étalant sur la branche donnant sur le réseau de lierre. Puis il observe Michael : « Merci… » Ce dernier répond, détaché : « Pas de quoi, l’ami, mais maintenant faut nous conduire à la sortie comme promis… » Hawthorne lui demande s’il a des jumelles, ou quelque chose d’équivalent, mais ce n’est pas le cas. Peu importe : Hawthorne dit savoir où se trouve un enclos, protégé, permettant d’accéder à la colline (il l’indique, pointant le nord-ouest), et de quitter les lieux. Michael suppose qu’il leur faudra encore « jouer les Tarzan »… Ça n’enchante pas Hawthorne, bien sûr, mais il n’y a pas d’autre solution a priori. Michael va l’aider – il sait que c’est sa dernière chance de quitter cet enfer… Il ressent une méfiance instinctive à l’encontre de Pierce Hawthorne, il y a peu encore ardent partisan de Templesmith, mais suppose qu’il lui faudra faire avec. C’est parti !
[V-2 : Michael : Pierce Hawthorne] Michael, nettement plus agile, passe devant, afin d’ouvrir la voie ; mais il distancie régulièrement Pierce Hawthorne, et est alors obligé de l’attendre – parfois même de revenir en arrière pour l’assister. Ils progressent ainsi une dizaine de minutes… et la nuit retombe déjà ! Le cycle du jour et de la nuit semble aléatoire, en tout cas impossible à conceptualiser de manière fiable. Sur l’ensemble de la durée de leur périple, l’alternance se reproduit trois fois… Ils entendent parfois des cris d’effroi ou d’agonie alentour.
[V-3 : Michael : Pierce Hawthorne] Et ils entendent enfin, tout près, une jeune femme appeler à l’aide. Et Michael entend répondre à cet appel – même si Hawthorne est visiblement inquiet qu’il « perde ainsi du temps » à secourir une inconnue… Michael cherche à localiser la voix ; il en a une vague idée, surtout en se fiant aux branches secouées… Hawthorne insiste : ils n’ont pas le temps, et le risque est trop grand ! Michael lui répond que, oui, c’est un risque, mais ça peut aussi être une chance – quelqu’un qui pourrait les aider en cas de coup dur… Hawthorne se tait ; il comprend qu’il vaut mieux ne pas contrarier Michael… Ce dernier parvient enfin à apercevoir la jeune femme : à en juger par son uniforme, c’est une serveuse de l’Omni Parker House. Elle est perchée sur un tronc d’arbre, crispée ; ses jambes saignent, entaillées à plusieurs endroits. Son appel à l’aide relève plus de la prière que de tout autre chose ; elle garde les yeux fermés…
[V-4 : Michael : Pierce Hawthorne] Michael l’appelle – et ça la surprend, il redoute même un moment qu’elle tombe de l’arbre… Une fois la jeune femme remise de sa surprise, et à nouveau fermement assurée sur la cime de son arbre, il lui demande dans quel état elle se trouve – mentionnant ses jambes. Elle va mal ! Mais, à vrai dire, elle n'y prêtait plus vraiment attention… Michael dit qu’il peut peut-être l’aider : « Je suis avec un autre gus de l’hôtel, on a peut-être une chance de s’échapper de cet endroit de merde… » Viendrait-elle avec eux ? Michael demande à Hawthorne de fabriquer une corde avec le lierre endémique à cet endroit ; il n’est pas très doué, mais, après quelques minutes, parvient à un résultat convenable. En s’aidant de la corde, après que Michael s'est assuré de ce qu'elle était solide, ils parviennent à ramener la jeune femme auprès d’eux.
[V-5 : Michael : Pierce Hawthorne, Sarah] Elle les prend tous deux dans ses bras, les remerciant en larmes… Savent-ils comment partir d’ici ? « Attends… Juste une chose, d’abord : Michael. À qui avons-nous l’honneur ? » Elle s’appelle Sarah. Pierce Hawthorne se présente également par son prénom. Michael dit à Sarah que Pierce a un moyen de les faire sortir d’ici, et qu’ils l’ont croisée en route – coup de bol… Elle est prête à les suivre. Hawthorne dit qu’il faut seulement qu’ils atteignent l’enclos sur la colline. Et Michael dit à Sarah : « Si jamais ce type nous a raconté des craques, je l’envoie rejoindre les crabes en bas… » Hawthorne est surpris de cette menace, mais comprend bien dans quelle situation il se trouve… Il indique à nouveau la direction où il suppose que se trouve l’enclos.
[V-6 : Michael : Sarah, Pierce Hawthorne] Ils repartent. Sarah est plus agile que Pierce Hawthorne, mais moins que Michael. Il lui dit de passer derrière Hawthorne, afin qu’ils puissent tous deux l’aider le cas échéant. Sarah opine de la tête – et elle a visiblement compris le sous-entendu : elle doit demeurer vigilante à l’égard de Hawthorne… Le cycle du jour et de la nuit reprend – il leur faut une bonne heure pour atteindre la limite des arbres avec la plage, d’autant que Hawthorne, prudent et inquiet, progresse généralement à quatre pattes. L’effort les fatigue, et ils ont faim…
[V-7 : Michael : Pierce Hawthorne, Sarah] L’universitaire désigne enfin l’enclos, à la base de la colline ; les autres ont tout d’abord du mal à l’apercevoir, mais y parviennent à l’aide des indications de Hawthorne – la murette est de la même couleur que la terre de la colline, un endroit pareil ne peut être distingué que par quelqu’un de conscient de son existence. Michael constate que l’enclos existe bien – sur ce point du moins, Hawthorne ne leur a pas raconté des conneries. Il dit à Sarah qu’il y a donc peut-être un espoir… mais il se tourne aussitôt vers Hawthorne : qu’il ne s’avise pas de leur fausser compagnie !
[V-8 : Michael : Sarah, Pierce Hawthorne] Ils ne sont toutefois pas au bout de leur peines : une fois le dernier arbre atteint, il leur faudra redescendre, parcourir bien 150 mètres de plage, puis nager sur 200 mètres environ… Pour l’heure, il fait encore nuit, et les crabes sont sous leurs pieds – sans doute aussi deux ou trois « centaures », à en juger par la végétation agitée… Il leur faut attendre une bonne demi-heure avant que le soleil ne les éclaire de nouveau. Michael demande à Sarah et Pierce Hawthorne s’ils savent nager : oui… Mais il vaudra mieux qu’ils se débarrassent de l’essentiel de leurs vêtements, pour progresser plus efficacement. Sarah a tout d’abord un réflexe pudique, mais est bien consciente de leur situation : elle déchire son uniforme. Hawthorne enlève sa veste, et lacère le bas de son pantalon. Mais Michael perçoit chez l’universitaire un geste de dissimulation quand il ôte sa veste – il y a saisi discrètement un objet… Il lui attrape le bras, et s’empare de ce qu’il avait caché : c’est un Derringer. Michael le lui brandit sous le nez : « Tu nous en prépares d’autres, des comme ça ? » Mais Hawthorne lui dit : « Si vous me tuez, vous êtes perdus ! » Michael se calme – disant qu’il espère que le professeur nage bien… Ils se reposent d’ici au « lever » du soleil.
VI : SERVICE D’ÉTAGE
[VI-1 : Kelly] Kelly se remet de son étrange vision. Elle entend des bruits de pas dans le couloir, qui approchent de la porte de sa chambre. Elle s’assure que son Derringer est chargé – elle ne fait pas confiance au type qui l’avait accostée dans le couloir ; mais elle entend aussi se montrer discrète, et attend aux aguets près de la porte.
[VI-2 : Kelly] On toque à la porte. Une voix féminine : « Madame ? Mademoiselle ? » Kelly lui dit d’entrer. Il s’agit d’une serveuse, en tenue de soubrette française – pas tout à fait un fantasme, mais pas loin… Elle porte un plateau avec une théière et une tasse en porcelaine chinoise, et explique que cela lui est offert par l’hôtel, en raison de ses « troubles » ; par ailleurs, si Kelly le souhaite, la direction lui laisse disposer de la chambre le temps qu’elle se remette. La serveuse dépose le plateau sur une table basse, et demande si Kelly a besoin d’autre chose – ce n’est pas le cas. La serveuse lui indique toutefois une clochette sur le plateau – qu’elle n’hésite pas à en faire usage. A-t-elle besoin d’un médecin ? Non, merci, elle récupère… La serveuse s’en va.
[VI-3 : Kelly] Kelly renifle alors le thé : il sent bon… mais elle décide de ne pas le boire. Elle plaque son oreille contre la porte pour s’assurer que la serveuse est partie, et compte ouvrir ensuite la porte pour sortir à son tour ; mais elle entend aussitôt d’autres bruits de pas, puis quelqu’un toquer à une autre chambre. Elle tend l’oreille, mais ne perçoit pas grand-chose de plus – si ce n’est la porte qui s’ouvre, quelques paroles échangées qu’elle ne distingue pas, après quoi la porte se referme, et les bruits de pas s’éloignent à nouveau.
[VI-4 : Kelly : Hippolyte Templesmith] Cette fois, Kelly sort de sa chambre. Elle progresse prudemment dans le couloir en faisant le moins de bruit possible, et garde la main sur le Derringer dans sa poche. Alors qu’elle parvient à nouveau à l’endroit où le couloir bifurque, elle sent à nouveau cette désagréable odeur de poisson pourri – une odeur qu’elle reconnait très bien : ce sont les gros-bras de Templesmith, en provenance d’Innsmouth… Elle perçoit aussi un ronflement dans une chambre à la porte entrouverte, mais ne s’y attarde pas : elle ne compte certainement pas fouiller partout – ce qu’elle veut, c’est se barrer d’ici : le type de tout à l’heure lui a fait une très mauvaise impression… Elle jette un œil à l’angle du couloir ; elle aperçoit un homme affligé du « masque d’Innsmouth », même si c’est encore léger, qui lit sans enthousiasme le journal, assis sur une chaise – il ne fait pas attention à elle. Au-delà se trouvent d’autres portes – notamment une double porte, et c’est de là que proviennent la musique jazz et les rires.
[VI-5 : Kelly] Kelly retourne une fois de plus à sa chambre. Elle essaye d’ouvrir la fenêtre, mais c’est impossible ; elle se résout à agiter la clochette pour appeler la serveuse. Celle-ci revient – Kelly remarque alors qu’elle a de nombreux aphtes. Et il y a quelque chose d’étonnant dans son allure – c’est comme si elle avait d’autres vêtements sous sa tenue de soubrette française, et comme si cette dernière n’était destinée qu’à elle… Kelly fait l’idiote, demandant à nouveau à la serveuse où elle se trouve : elle lui répond à son tour que c’est ici l’Omni Parker House… Visiblement, Madame ne se sent pas très bien ! La serveuse va chercher un médecin, c’est bien la moindre des choses… Mais elle la baratine clairement : Kelly comprend qu’il s’agit avant tout de la garder ici, cloitrée et calme. Mais elle ne s’y oppose pas. La serveuse s’en va ; Kelly attend…
[VI-6 : Kelly : « Dr Anton »] Après quelque temps, Kelly voit arriver un homme vêtu d’une blouse de médecin – mais avec la même impression que pour la soubrette, de vêtements passés sur d’autres et destinés seulement à déguiser le personnage pour qu’il corresponde bien à son rôle supposé… D’une voix très gentille, l’homme dit à Kelly qu’il est au courant de ce dont elle souffre, et qu’il a ce qu’il faut pour elle. Il sort une seringue de sa trousse de médecin, et dit à Kelly de s’allonger. Elle lui dit que ce n’est vraiment pas nécessaire, tout va bien, elle n’a pas besoin de traitement… Mais le médecin lui rétorque que, dans son état, il n’ y a rien d’étonnant à ce qu’elle se leurre, et prenne éventuellement des décisions pas toujours bienvenues… Il entend au moins prendre sa température – et tend un thermomètre buccal à Kelly, qui obtempère. Il lui demande si elle a mangé des choses étranges, si elle a bu de l’alcool, etc., tout en marchant autour d’elle ; mais non, rien d’autre que ce qui avait été servi à l’hôtel… Elle tend le thermomètre au médecin. À en croire ce dernier : « Ça ne va pas. Fermez les yeux et dites 33… » Mais Kelly lui demande où il a fait ses études : à l’Université Miskatonic – il est le Dr Anton… Mais Kelly refuse de fermer les yeux.
[VI-7 : Kelly : « Dr Anton »] « Bon, puisqu’il le faut… » Le « Dr Anton » se jette sur Kelly. Celle-ci dégaine son Derringer et fait feu aussitôt. Elle lui loge une balle dans le bras droit, celui qui tenait la seringue, au niveau du coude – il en résulte un orifice impressionnant, et l’avant-bras devient aussitôt flasque. Le « médecin » tente alors de lui donner un coup de poing de sa main gauche encore valide – il ne fait pas semblant, ce n’est visiblement pas la première fois qu’il cherche à assommer quelqu’un… Mais elle parvient à esquiver l’assaut. Elle s’empare alors de la seringue, et la lui injecte aussitôt. Il pousse un cri, que Kelly devine davantage lié à l’anticipation de ce qui l’attend qu’à la souffrance sur le moment. Il tente un dernier coup, mais c’est peine perdue : il tombe à genoux, saisit par réflexe son bras droit… Kelly le délaisse, et cherche comment barricader sa porte – éventuellement en faisant tomber une armoire. Mais le « Dr Anton », même sédaté, n’a pas dit son dernier mot : lui aussi est armé d’un Derringer, mais il est incapable de viser avec précision, et ses tirs manquent leur cible. Il ne pourra rien faire de plus.
[VI-8 : Kelly : « Dr Anton »] Kelly perçoit des bruits de pas qui s’approchent dans le couloir ; elle cherche plus que jamais à faire basculer l’armoire, mais sans succès : elle ne fait guère que s’y esquinter les doigts… Elle n’a pas le temps. Elle s’empare alors de la table basse, dans l’idée de défoncer la vitre. Mais, une fois la vitre cassée, la « vision » l’est tout autant : la fenêtre donne à nouveau sur de la terre, qui s’écoule dans la chambre… Elle récupère le Derringer du « médecin », s’empare à nouveau de la table basse dont elle se sert comme d’un bouclier, puis prend les devants et sort de sa chambre.
[VI-9 : Kelly] Kelly tombe aussitôt sur deux hommes d’Innsmouth, juste derrière sa porte – l’un est celui qui lisait le journal dans le couloir, l’autre émerge visiblement tout juste d’une sieste. L’un est équipé d’un Derringer, l’autre d’un couteau de chasse. Ce dernier s’approche, sur ses gardes, mais laisse à l’autre du champ pour qu’il fasse feu. C’est ce dernier que vise Kelly – elle le touche à la jambe gauche, ce qui le fait reculer un peu, mais la douleur ne l’empêche pas de tirer à son tour, et sa balle effleure la hanche de Kelly. L’autre se lance alors au corps à corps, mais sa lame ne fait pour l’heure que raser Kelly…
VII : DU CIEL AUX ENFERS
[VII-1 : Dwayne : Anatole « Froggy » Despart] Dwayne a pris sa décision : Anatole et lui vont tenter de passer par le portail de l’escalier céleste. Il demande à Anatole s’il se sent prêt : oui, et Dwayne a l’air de mieux savoir que lui quoi faire… Anatole défait le nœud à sa ceinture. Tous deux passent le portail, sont aveuglés l’espace d’un instant par un bref éclat de lumière pâle, après quoi ils se retrouvent face au château décrit par Anatole. Dwayne constate que la poche où il avait son .38 est déchirée, et y sent quelque chose de très lourd et d’un métal froid à la place – son pistolet s’est transformé en une épée bâtarde, tandis que son chargeur supplémentaire est devenu un couteau de lancer ; il ramasse par ailleurs la dague sacrificielle qu’il avait jetée à travers le portail. Même effet pour Anatole, dont le .45 amélioré est devenu… une épée à deux mains ! Il l’avait laissée sur place après le premier passage, incrédule, mais la ramasse maintenant – c’est une lame à la garde travaillée, et qui se termine par de petites fourches…
[VII-2 : Dwayne : Anatole « Froggy » Despart] L’escalier continue, d’abord dans le même style gréco-romain à la thématique reptilienne, mais il change d’aspect au bout de 50 mètres : il a dès lors une allure plus irrégulière, voire « biscornue » ; le métal est relativement similaire, pourtant plus sombre ; la frise ne représente plus des serpents. Le château, par ailleurs, est tout à la fois étrangement beau et anxiogène, notamment dans son mélange de différent styles architecturaux (gréco-romain, gothique, victorien…) : cet accord étrange donne une impression de patchwork assez déconcertante. Quand ils parviennent au nouvel escalier, ils peuvent voir de plus près les motifs des rambardes : ce sont davantage des tentacules, maintenant, mais on y trouve également des bouches ornées de crocs impressionnants et disparates, des yeux, d’autres organes indéfinissables… Tous mélangés n’importe comment, sans schéma ou ordonnancement. Tout autour d’eux, enfin, c’est l’espace – la lune est énorme.
[VII-3 : Dwayne : Anatole « Froggy » Despart] Avant de poser le pied sur le nouvel escalier, Dwayne veut le tâter de sa lame ; à l’endroit où il en a posé l’extrémité, c’est comme si les formes gravées autour s’animaient soudainement, en tremblant ; un petit tentacule s’extraie même de l’escalier et s’entortille autour de la lame, que Dwayne ne peut plus retirer. Bientôt, tout s’anime alentour, dans un bruit spongieux ; même l’escalier gréco-romain semble trembler à son tour… Dwayne abandonne son épée, et repart en arrière, Anatole sur ses talons. Les tentacules de la rambarde essayent de les attraper, mais c’est trop tard – ils ont déjà refranchi le portail, et s’écroulent sur l’escalier partant de la colline ; Anatole fait un faux mouvement, et est à deux doigts de tomber dans le vide, mais Dwayne le rattrape in extremis par sa ceinture [échec critique suivi aussitôt d’une réussite critique !]…
[VII-4 : Dwayne : Anatole « Froggy » Despart ; William Harris-Jones] Anatole a récupéré son .45, l’épée à deux mains ayant à son tour été métamorphosée quand ils ont refranchi le portail, mais Dwayne a perdu son épée bâtarde – et donc son .38… Anatole lui rappelle qu’il y a de nombreuses lames en bas, et ils redescendent l’escalier. Dwayne trouve enfin une bonne dague, une sorte de main gauche, aux mêmes motifs tentaculaires. [Il souhaitait qu’Anatole lui donne une arme à feu, dans la mesure où le garde du corps français est à même de se débrouiller avec des armes de contact, tandis que ce n’est pas son cas… Le Gardien des Arcanes a cependant préféré me laisser la décision, que j’ai prise lors de la séance suivante : il se trouve que j’avais ramassé le Derringer de William Harris-Jones, et je le confie donc à Dwayne, conservant pour ma part mon .45 amélioré ; pour ce qui est des armes de contact, Dwayne dispose de sa dague, et moi d’une matraque en cuir.]
[VII-5 : Dwayne : Anatole « Froggy » Despart ; Tess McClure] Tous deux regagnent la plateforme au-dessus de l’abîme : l’escalier qui s’enfonce dans les ténèbres semble être la seule issue possible… En chemin, ils entendent des bruits de torture en provenance du dortoir – et Tess chante avec une joie toute gamine une petite comptine… Dwayne et Anatole se tiennent à carreau et ne s'attardent pas. Ils suivent les traces de sang du cultiste massacré par Tess dans l’escalier jusqu’à parvenir à son cadavre, sur une petite plateforme où se trouve une porte (l’escalier descend encore, sinon). Dwayne ramasse le cristal étrange de Tess, abandonné dans une flaque de sang, et le met dans sa poche.
[VII-6 : Dwayne : Anatole « Froggy » Despart ; Tess McClure] Des bruits spongieux leur parviennent de derrière la porte, entrouverte. Tandis qu’Anatole, toujours vigilant, dresse l’oreille, Dwayne y jette un œil, et voit la même scène que Tess précédemment : c’est une sorte de mine, aux parois de cet étrange métal omniprésent ; y travaillent deux automates numérotés (2 et 3), qui ne semblent pas pourvus des petites boîtes logées dans leurs interstices crâniaux, à la différence des précédents que nous avions pu rencontrer. Dwayne, se fondant sur les descriptions qu’on lui avait faites, cherche des points faibles, mais ils sont donc différents – et ont une plaque de fer vissée à l’arrière de leurs crânes… De leur pas monotone, d’une régularité métronomique, ils passent sans cesse des parois à des sortes de cuves d’acide, en utilisant de longs outils qui semblent fractionner le métal extrait de la roche. Dwayne ramasse une boulette de terre et la jette dans la vaste salle, afin de voir comment ils réagissent, mais ils n’y prêtent pas la moindre attention. Dwayne dit à Anatole qu’ils n’ont probablement pas d’ouïe – à moins qu’ils s’en moquent… Tandis que le Français fait le guet à l’entrée de la mine, Dwayne s’avance en quête d’une autre issue – mais n’en trouve pas : seulement de la terre et du métal. Il va alors jeter un œil aux outils rassemblés dans un placard non loin, qui ont un peu la forme de serpillères s’achevant sur un rectangle (à peu près de la taille d’un clavier) ; de l’acide en goutte, issu d’un petit réservoir, quand on presse un bouton – le reste de l’outil semble destiné à racler les parois. Ils sont faits du même métal étonnamment léger – le poids provient surtout de la réserve d’acide. Dwayne prend un de ces outils pour lui-même, et un autre pour Anatole. Mais il ne se montre guère discret tandis qu’il retourne auprès du Français [échec critique], et un automate semble prendre en considération sa présence, et se mettre à le suivre…
VIII : NAGER POUR SURVIVRE
[VIII-1 : Michael : Pierce Hawthorne, Sarah] Le moment de nager jusqu’à l’île centrale est bientôt arrivé. Michael le sait… mais il sait aussi qu’il n’est pas certain que tous y parviennent. Pierce Hawthorne, tout particulièrement… Aussi doit-il leur dire, à Sarah et à lui-même, quoi faire une fois là-bas – dans l’hypothèse où l’universitaire n’aurait pas réussi à traverser jusqu’à l’île. Mais Hawthorne dit que, du fait de son instruction, il est le seul à même de comprendre ce qu’il faut faire… Michael se tourne vers Sarah : « Partons du principe que ce type ne nous dit pas n’importe quoi ; il faut qu’on y arrive tous… ou pas du tout. » Il faudra donc l’aider. La serveuse acquiesce.
[VIII-2 : Michael : Sarah, Pierce Hawthorne] Le « jour » se lève. Ils descendent aussi vite que possible des arbres, puis courent sur la plage afin de se jeter dans la mer. 200 mètres de nage les y attendent… et Michael a vu ce qui pouvait se trouver dans ces eaux étonnamment limpides et profondes tout à la fois. Sarah et Michael veillent à ce que Hawthorne les suive, quitte à l’aider. Sarah se débrouille bien, et l’universitaire sans doute mieux que ce que Michael supposait, mais, à l’évidence, il s’essouffle rapidement… Bientôt, il supplie Michael de l’aider, et paraît sur le point de boire la tasse. Michael l’aide comme il peut, demandant à Sarah de s’y mettre aussi. Ils parviennent à maintenir l’universitaire en surface, mais doivent progresser de front : Hawthorne n’est visiblement pas en mesure de se débrouiller seul – et il faut qu’il survive…
[VIII-3 : Michael : Sarah, Pierce Hawthorne] Au bout d’un moment, Michael sent une surface sous ses pieds – et ce n’est clairement pas la plage… Il distingue des crabes « centaures » en dessous ; l’un sort même des flots, semble les observer, puis prend la direction de l’île où eux-mêmes se rendent. Michael redoute que la « nuit » tombe avant qu’ils aient regagné la terre ferme… Mais il leur faut tous y parvenir ! Impossible de se débarrasser de qui que ce soit pour avancer plus vite… Sarah, pourtant, n’aurait visiblement pas hésité à se débarrasser de Hawthorne…
[VIII-4 : Michael : Pierce Hawthorne, Sarah] Le crépuscule tombe quand ils atteignent la plage. Pierce Hawthorne a beau être exténué, il a encore assez de souffle pour dire qu’il leur faut courir vers l’enclos – ils n’ont pas le temps de récupérer ! Ils se précipitent vers le petit bâtiment, et la porte peinte qui donne à l’intérieur, tandis qu’une nouvelle marée de crabes s’amalgame et se lance sur leurs trousses… Hawthorne, qui n’en peut plus, sort une clef de sa poche, et ouvre la porte – qui donne sur un couloir obscur, semble-t-il à l’intérieur même de la colline. La vague de chitine n’est plus qu’à dix mètres derrière eux. Michael pousse Hawthorne et Sarah dans le couloir : « On y va ! » Ils pénètrent tous à l’intérieur, et Pierce Hawthorne verrouille la porte derrière eux en reprenant son souffle.
[VIII-5 : Michael : Sarah, Pierce Hawthorne ; Tess McClure, Dwayne O'Brady] Mais, soudain, Michael et Sarah repèrent dans la respiration hachée de Pierce Hawthorne des marmonnements indistincts. Or Michael avait entendu Tess et Dwayne s’entraîner à prononcer des incantations bizarres, et croit y reconnaître de ces mots étranges, « Sothoth », « Nyarlathotep »… Et Sarah hurle. Au plafond se trouve un large caractère aklo, qui émet bientôt une luminescence vermillonne tandis que Pierce Hawthorne achève son sortilège – et Michael et Sarah sentent leur peau qui se fragmente, et dont des lambeaux sont littéralement arrachés ! leur chair gicle de leurs propres corps pour s’agglomérer au symbole aklo… Pierce Hawthorne reste en arrière, et n’est pas affecté. Michael se jette sur lui : « Qu’est-ce que tu fous ? » Mais la douleur de la chair arrachée à sa jambe droite l’empêche de courir, et, même épuisé, Hawthorne n’a aucun mal à esquiver quand Michael cherche à le saisir par le col…
À suivre…