Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

CR Adventures in Middle-Earth : Ragoût de Hobbit aux fines herbes (1/3)

Publié le par Nébal

 

Suite de notre campagne d’Adventures in Middle-Earth ! Nous visons la Mirkwood Campaign – mais, en guise de prologue, nous commençons par la « mini campagne » de Wilderland Adventures.

 

 

Si vous souhaitez remonter au début de la campagne, vous pouvez suivre ce lien.

 

Cette séance correspond à la première partie du deuxième scénario, « Of Leaves & Stewed Hobbit » (pp. 20-36).

 

 

À noter, je me suis référé, pour la version française, au supplément Contes et légendes des Terres Sauvages pour L’Anneau Unique, où le scénario original avait été traduit sous le titre « Une histoire d’herbe à pipe et de ragoût de Hobbit ».

 

Il y avait cinq joueurs, qui incarnaient…

 

 

… Aeweniel, une Haute Elfe de Fondcombe (Érudite 2)…

 

 

… Agariel, une Dúnedain (Vagabonde 2)…

 

 

… Aldamar le Laconique, un Homme des Bois (Protecteur 2)…

 

 

… Jorinn, un Bardide (Chasseur de trésors 2)…

 

 

… et enfin Nárvi, un Nain du Mont Solitaire (Guerrier 2).

 

Pour la bande originale, je ne suis pas allé chercher bien loin : j’ai utilisé les compositions de Howard Shore pour la trilogie du Seigneur des Anneaux de Peter Jackson – mais je songe à passer à autre chose pour la suite, nous verrons bien…

 

La plupart des illustrations sont empruntées aux gammes de L'Anneau Unique et d'Adventures in Middle-Earth. Mais j’en ai aussi chipé à l'excellent compte rendu de campagne très détaillé signé Ego, que vous trouverez ici sur le forum Casus NO.

 

Pour ceux que ça intéresserait, vous trouverez juste en dessous l’enregistrement brut, ou « actual play », de la séance :

Mais en voici autrement le compte rendu écrit...

 

3A 2946

 

 

Un peu moins d’un an s’est écoulé depuis que les compagnons ont escorté Baldor et Belgo le long du Sentier des Elfes. Ils avaient ensuite choisi de suivre le marchand jusqu’à Fort-Bois, où Aldamar a pu rendre à son peuple la fameuse Mâcheloup – ce qui a valu aux héros un accueil chaleureux, non seulement à Fort-Bois, mais aussi à Bourg-les-Bois et jusqu’à Rhosgobel.

 

Au printemps, Agariel avait repris son errance perpétuelle, franchissant à nouveau les Monts Brumeux pour retourner à Fondcombe afin de remplir son devoir de Dúnedain en Eriador Oriental ; quand notre aventure débute, la vagabonde vient tout juste de revenir dans les Terres Sauvages, en empruntant le Haut Col. Là, elle a pu constater, et les autres rôdeurs de même, que l’activité des Gobelins dans les Monts Brumeux connaissait une certaine recrudescence, sans que l’on puisse en déterminer une raison particulière. Agariel n’a pas eu à en pâtir elle-même, mais les signes ne trompent pas, et les rumeurs en l’espèce sont fondées. Les Orques s’étaient tenus tranquilles depuis la Bataille des Cinq Armées, qui avait considérablement amoindri leur pouvoir, à Gobelinville comme au Mont Gram ou au Mont Gundabad, mais ils n’avaient de toute évidence pas été anéantis – ce n’était qu’une trêve fortuite, et il semblerait bien qu’elle touche à son terme.

 

Aeweniel est retournée à Fondcombe avec Agariel, pour rendre compte de sa mission à Dale et à la Ville du Lac. Elle a entendu les mêmes rumeurs que la Dúnedain, dès lors, et sait qu’elles doivent être prises au sérieux. Les compagnes se sont ensuite séparées quelque temps, mais vont se retrouver, et leurs autres camarades, alors que l’été touche à sa fin, à l’orée de l’Entrée de la Forêt.

 

Nárvi quant à lui a passé du temps sur le tracé de la Vieille Route de la Forêt, entre celle-ci et le Vieux Gué désormais tenu par les Béornides – lesquels exigent certes un péage, mais ils valent assurément mieux que les brigands qui dominaient dans la région il y a peu encore : ils se contentent de ce péage ! Du coup, les voyageurs tendent à devenir plus nombreux dans les environs, devenus bien plus sûrs. Nárvi sait que Bofri, fils de Bofur, a été chargé de veiller à la restauration de la Vieille Route des Nains – ayant entendu dire que Bofri faisait de la prospection dans la région, il a cherché à le rencontrer, mais il a joué de malchance : où qu’il se rende, c’était systématiquement quelques jours à peine après que Bofri avait quitté les lieux… Mais Nárvi n’est donc pas le seul Nain à vadrouiller dans la région : plusieurs, qu’ils viennent du Mont Solitaire comme lui, des Monts du Fer ou même des Montagnes Bleues, se sont rendus sur place, désireux de se rendre utiles – et ceux qui, depuis tant d’années, font le long voyage d’est en ouest et retour, tendent à s’attarder un peu plus dans la région. Pour l’heure, cet intérêt marqué n’a débouché sur rien de concret, mais il n’en est pas moins de bon augure.

 

Aldamar est resté dans la lisière occidentale de la Forêt Noire. Il a chassé avec les siens, et fait preuve d’une certaine fougue quand leurs expéditions les ont confrontés avec des araignées… Il n’a pas oublié ce qu’elles ont fait à Gast ! Ceci étant, il a consacré du temps à dresser un autre limier de la Forêt Noire, qu’il a baptisé Fest.

 

Jorinn enfin s’est attaché aux pas de Baldor, accompagnant et assistant le marchand dans ses pérégrinations à l’ouest de la Forêt Noire, et découvrant mille endroits intéressants, peuplés par des Hommes des Bois ou des Béornides non moins intéressants.

 

L’ULTIME AVANT-POSTE DE LA COMTÉ

 

 

Une rumeur a rassemblé les compagnons au même endroit, non loin de l’Entrée de la Forêt, alors que l’été touche à sa fin : une auberge a ouvert au milieu de nulle part, il y a quelques mois à peine, qui est tenue par des petites créatures très étranges, lesquelles se présentent comme étant des « Hobbits ».

 

Nárvi a forcément entendu parler des exploits de Bilbo, notamment en s’en entretenant avec Bofur, mais il n’en a jamais vu de ses yeux – pour Jorinn, l’existence même de ces créatures tenait plus de la rumeur qu’autre chose, semi légendaire. Agariel et Aeweniel ne sont jamais allés jusqu’à Bree et au-delà, mais elles sont bien sûres conscientes de l’existence de ce peuple étrange, et ont même pu, à l’occasion, croiser Bilbo à Fondcombe. Quant à Aldamar, il ne sait absolument rien de tout cela…

 

L’existence même des Hobbits a suscité la curiosité de bien des voyageurs qui se sont rendus dans cette très incongrue Auberge Orientale… et qui s’y sont attardés, la recommandant ensuite aux leurs, du fait de l’excellente qualité de la nourriture, de la boisson et de l’herbe à pipe – fumer n’est pas un passe-temps très répandu dans les Terres Sauvages, mais les propriétaires s’emploient à y remédier ! Autant de bonnes raisons, pour nos héros désireux d’échanger quant à leurs aventures respectives, de se retrouver en fin de saison à l’Auberge Orientale, pour apprécier tout cela d’eux-mêmes !

 

 

Quand les compagnons arrivent à l’auberge, ils y sont accueillis comme tous les autres voyageurs – par un gros et beau chien au poil blanc, qui s’approche lentement d’eux, pas le moins du monde menaçant, et passe un temps déconcertant à leur renifler les mains. Après quoi, enfin satisfait, l’animal retourne prendre sa place au coin du feu…

 

 

… à moins qu’il ne décide d’accompagner dans leurs jeux bruyants les deux garçonnets hobbits, fils des propriétaires, qui font les quatre cents coups dans la campagne environnante.

 

 

L’auberge est visiblement de construction très récente – entièrement en bois, elle n’a pas encore jauni sous l’effet de la fumée, et, à vrai dire, elle sent encore un peu la colle et la sciure. Mais elle est assurément confortable et bien conçue – avec une grande salle commune très agréable, où l’on peut se délasser devant l’âtre, tandis que l’étage accueille des chambres destinées aux voyageurs, les Hobbits y préférant probablement le trou qui a été judicieusement aménagé en dessous.

 

Les voyageurs sont aussitôt accueillis par un Hobbit particulièrement volubile, qui se présente comme étant le propriétaire, M. Dodinas Brandebouc, ou « Dody » pour ses amis ; or il est le meilleur ami de tout le monde – très bavard, mais jamais pénible, plutôt du genre à gagner par sa simple présence les sourires de ses invités, et bondissant d’une table à l’autre pour régaler ses clients de sa verve imparable.

 

 

Sa femme, Agatha, « née Touque » précise-t-elle à tous ses clients même si pas un ne sait ce que cela peut bien signifier au juste, est d’aspect plus sévère, et on devine sans peine que c’est elle qui tient les cordons de la bourse. Intransigeante, elle tient à ce que les clients de l’auberge fassent preuve des bonnes manières des meilleurs Hobbits, et obtient d’un œil noir que les plus barbares des Béornides fassent un usage correct des couverts et des serviettes. Moins bavarde que son époux, elle s’avère pourtant elle aussi très sympathique une fois la glace (très rapidement) brisée, et étonnamment aventureuse elle aussi – elle ne saurait dissimuler son ravissement à l’idée de se trouver en plein dans les Terres Sauvages, si loin de la Comté, et d’avoir ainsi tant d’occasions de faire la rencontre des bien étranges personnes qui vivent dans la région.

 

 

Parmi le personnel, un vieux Nain du nom de Frier attire sans peine l’attention (de Nárvi notamment) : c’est le « Nain à tout faire », ici. Il a aidé à la construction de l’auberge, puis a été engagé par Dodinas pour effectuer les travaux de menuiserie, de charpente, participer à la cuisine, servir la bière en cas d’affluence, dissuader les indélicats de faire des bêtises, et mille autres choses.

 

 

Les Nains forment d’ailleurs un contingent non négligeable de la clientèle, des voyageurs sur la route entre les Montagnes Bleues et les Monts du Fer. Il y en a toujours quelques-uns, attablés ici ou là, qui se régalent de la bonne bière de « Dody » et enchaînent les chansons avec un enthousiasme communicatif – les autres clients, essentiellement des Béornides, et quelques rares Hommes des Bois, tendent à se montrer plus austères, voire sévères, mais apprécient visiblement le service et la compagnie.

 

Il faut dire que Dodinas s’adapte à ses clients. D’autorité, il leur sert les boissons qui leur conviennent le mieux : de la bière pour les Nains, de l’hydromel pour les Béornides, un exceptionnellement rare Elfe de passage se verra servir un excellent vin, etc. C’est bien ainsi qu’il procède avec la compagnie, et personne ne songerait à s’en plaindre, dans la mesure où, de fait, Dody sait parfaitement ce qui conviendra à chacun, et tout le monde se régale de ses attentions.

 

Ce qui vaut aussi pour l’herbe à pipe : Aeweniel entreprend d’instruire Nárvi, qui s’est mis récemment à la pipe (un bel objet de sa propre confection, taillé dans un bois ramassé dans le Royaume Sylvestre), et les deux se lancent bientôt dans un concours de ronds de fumée auquel Dody ne manque pas de se joindre (il l’emporte, bien sûr, mais ne s’en vante pas).

 

 

Le propriétaire ne manque pas de raconter son histoire à tous ses clients. Fût un temps, il se croyait grand voyageur, pour un Hobbit de la Comté : après tout, il était allé jusqu’à Bree ! Soit le voyage de toute une vie – non, de deux vies. Seulement, là-bas, au Poney Fringant précise-t-il comme si tout le monde savait forcément de quoi il s’agit, il a fait la rencontre de « M. Bilbo Sacquet, de Cul-de-Sac », dont tout le monde a forcément entendu parler (non – mais, pour le coup, c’est le cas de tous les compagnons sauf Aldamar, et Agariel comme Aeweniel ont donc pu le rencontrer) ; comme de la Comté, d’ailleurs, qui à l’entendre ne saurait être autre chose que le centre du monde. Quoi qu’il en soit, le naïf Dody a ainsi découvert que le monde était bien plus vaste qu’il n’osait l’imaginer. De retour dans la Comté, Bilbo, dont il fait lourdement entendre qu’il est devenu « un intime », et il n’en est pas peu fier, M. Sacquet donc n’a pas manqué d’inviter Dodinas et son frère Dinodas à venir lui rendre visite à Cul-de-Sac pour une petite collation, qui s’est avérée épique comme il se doit, et abondamment arrosée. Le soir même, un projet était né (encore que les conditions exactes de l’accouchement aient conservé quelque chose d’un tantinet brumeux) : les frères Brandebouc iraient établir une auberge aux confins des Terres Sauvages ! « L’avant-poste le plus oriental de la Comté, en quelque sorte. »

 

Agariel l’interroge sur les conditions de leur voyage. Dody confesse que le caractère brumeux de la naissance du projet s’est étendu aux premiers jours de l’expédition… Mais, oui, le voyage s’est bien passé, très bien même, merci : ayant fait le plein de victuailles ainsi que du nécessaire pour un voyage au long cours, incluant mouchoirs brodés et argenterie, ils ont gagné Bree (la halte a duré quelques jours, il fallait bien se renseigner auprès d’un expert en auberges tel que « M. Prosper Poiredebeurré à l’enseigne du Poney Fringant, n’est-ce pas »), puis le long de la route (il ne saurait y en avoir d’autre). M. Sacquet ayant eu la bonté de munir Dodinas de lettres de recommandation auprès des grands de ce monde, les frères ont même eu l’opportunité exceptionnelle de passer une nuit à Fondcombe, « chez ce bon M. Elrond » – après quoi ils ont grimpé le Haut Col, descendu dans la vallée, franchi l’Anduin au Vieux Gué, rencontré « ce bon (et très impressionnant) M. Beorn » (une lettre de recommandation, là encore) qui a bien voulu les laisser s’installer sur ses terres, et, voilà ! L’Auberge Orientale était née. Rien de plus simple au fond – et le voyage a été une promenade de santé… même si bien des Hobbits de la Comté n’emploieraient probablement pas cette expression.

 

Et c’est un endroit très agréable et sûr, ici. En fait, ça ressemble beaucoup à la Comté – « disons une Comté pas très bien entretenue, et qui aurait bien besoin d’être un petit peu tondue, n’est-ce pas ». Et en même temps c’est exotique : « L’aventure au coin de la route ! » Dody lui-même n’a pas vécu d’aventures, certes – il est pour le moins dégourdi, pour un Hobbit, mais cela ne signifie pas pour autant qu’il serait capable de pénétrer dans l’antre d’un dragon ou toutes ces autres choses absolument folles qui ont fait la juste renommée de M. Sacquet ! Cependant, l’auberge accueille des personnages biz... intéressants, et qui ont bien des choses à raconter.

 

 

Peut-être d’ailleurs ses tout derniers invités sont-ils eux-mêmes des aventuriers ? Nárvi le confirme sans peine, exposant leur périple à travers la Forêt Noire – ce qui éveille chez Dody des souvenirs de ce que Bilbo avait dit de son propre voyage. « Mais la route est aujourd’hui beaucoup plus sûre, n’est-ce pas ? »

 

Ici, les Nains attablés non loin s’invitent dans la conversation – l’un d’entre eux avançant que « c’est en train de changer ». Il évoque des rumeurs telles qu’Agariel et Aeweniel ont pu en entendre, tout spécialement touchant le Haut Col – certains disent qu’il y aurait un Nouveau Grand Gobelin à Gobelinville… En même temps, comment pourrait-on le savoir ? Mais il n’y a pas que des rumeurs de ce genre : c’est certain, les Orques s’agitent, il y a eu des attaques… Dodinas blêmit. Agariel n’en confirme pas moins ces inquiétantes nouvelles.

 

Un des Nains, l’air un peu rêveur, avance qu’il faudrait que le roi Dáin, ou peut-être même le roi Bard, y fassent quelque chose – la Bataille des Cinq Armées, mine de rien, c’était six ans plus tôt, et il serait affligeant que tout ce qui a été obtenu alors soit réduit à néant… Mais un de ses comparses, plus cynique, éclate d’un rire sombre et chargé de dépit : Erebor et Dale sont bien loin, ils ne feront rien par ici… Nárvi s’insurge : il y a une alliance des Peuples Libres du Nord ! « Oui, mon ami, mais vous-mêmes avez souligné que traverser la Forêt Noire n’est pas une mince affaire. Et ce ne sont pas les Béornides qui… » Ici le Nain s’interrompt, jette un œil à la table d’à côté, et se reprend : « Beorn et ses gars font un travail formidable, mais… Enfin, bref, faudrait faire quelque chose pour le Haut Col, quoi ! »

 

 

Dodinas, un peu abattu, reconnaît que tout cela est très préoccupant. Il a visiblement une requête à formuler aux compagnons, mais aimerait les jauger un peu d’abord. Agariel a éveillé son attention, elle qui s’intéresse beaucoup aux mouvements des Gobelins, et qui connaît visiblement bien la région. Échanger avec elle permet de mettre en avant que ses compagnons également ont de la ressource. En même temps, le tableau très noir qu’elle dresse de leurs rencontres le long du Sentier des Elfes, ou de ses propres aventures dans les Monts Brumeux ou en Eriador Oriental, contribue à abattre encore davantage un Dody visiblement très inquiet...

 

Il finit par lâcher le morceau : il y a quelques mois de cela, son frère Dinodas a repris la route de la Comté – il fallait refaire les stocks, en produits de première nécessité, comme la bière, l’herbe à pipe et les mouchoirs… Il a franchi le Haut Col avec une petite compagnie, sans difficultés, a mené ses affaires dans la Comté, puis a gagné Bree pour les derniers préparatifs – là-bas, il a confié une lettre à un rôdeur, qui l’a transmise, etc., et la missive est parvenue il y a assez longtemps maintenant à l’Auberge Orientale. Trop longtemps sans doute, car, dans cette lettre, Dinodas annonçait son départ de Bree dans les jours qui suivraient, accompagné d’une petite troupe de gardes, une demi-douzaine d’hommes, avec des poneys bien chargés, et, à ce compte-là, il aurait déjà dû arriver à l’auberge depuis une bonne semaine… Or rien. Dody est bien conscient qu’il y a toujours des imprévus dans les voyages, des retards qui s’accumulent – mais, à ce stade, il est tout de même inquiet… Maintenant que Dodinas lui explique tout cela, Agariel se souvient qu’à Fondcombe, juste avant son propre départ, elle avait entendu parler d’un marchand hobbit qui y avait fait une brève halte – et les dates évoquées semblent confirmer que Dodinas a raison d’être inquiet : Dinodas aurait dû arriver à destination, à cette date. La Dúnedain l’évoque sans ambages, ce qui abat encore un peu plus son hôte…

 

Lequel finit par formuler sa requête : Agariel et ses amis accepteraient-ils de se rendre au Haut Col, pour s’assurer que la caravane de Dinodas le passe sans difficultés, et l’escorter jusqu’ici ? Soit environ une semaine de trajet à l’aller, autant au retour. Il ne le dit pas expressément, mais redoute qu’il soit déjà trop tard… L’incertitude le ronge, il faut qu’il sache ce qui s’est passé. Tous les compagnons sont volontaires (Nárvi est saoul…), même si Agariel ne comptait pas retourner au Haut Col de sitôt, ce qui perturbe un peu ses plans (Aeweniel la reprend : des vies sont en jeu !) ; ils ne réclament même pas de paiement, l’affaire est vite conclue – mais la détresse de Dody est palpable, qui contraste avec le naturel joyeux dont il avait fait preuve jusqu’alors… Il leur offre bien sûr le gîte, et promet un salaire adéquat, mais sur un ton très morose : il n’a pas vraiment le choix, de toute façon… Les compagnons le perçoivent, et ça les refroidit un brin en retour.

 

Agariel interroge Dody mais aussi Agatha (qui prend les choses en mains) sur Dinodas, sa personnalité ; il en ressort un portrait moins aventureux, plus posé : « Dindy » n’aurait jamais pensé de lui-même à s’installer au milieu de nulle part dans les Terres Sauvages – il a suivi son frère, et s’y est fait, mais il apparaît clair qu’à plus ou moins long terme, disons une fois fortune faite, il compte retourner dans la Comté et y créer une auberge plus… « normale ».

 

Les compagnons passent une bonne nuit à l’Auberge Orientale, Agariel consacrant beaucoup de temps à s’assurer que tous les préparatifs nécessaires sont accomplis. Aeweniel et Aldamar vont cueillir des herbes médicinales, mais ne trouvent guère qu’un peu de sorcelle ; Nárvi fait le plein d’herbe à pipe de bonne qualité.

 

Et il est temps de partir !

DU PAYS DE LA RIVIÈRE À CELUI DE LA MONTAGNE

 

 

L’itinéraire à suivre est évident pour Agariel. Il va s’agir de partir vers le sud, le long de l’Anduin, en territoire béornide, dans les Moyennes Vallées Est, et ce jusqu’à ce qu’ils croisent les reliquats de la Vieille Route des Nains. Ils devront alors prendre la direction de l’ouest jusqu’au Vieux Gué pour franchir le fleuve et passer dans les Moyennes Vallées Ouest.

 

Cette première partie du trajet est très sûre, c’est ensuite que les choses peuvent se compliquer : il leur faudra poursuivre à l’ouest sur ce qui demeure de la route jusqu’à ce qu’elle se mue en guère plus qu’un sentier de montagne, qu’il s’agira de grimper afin de gagner le Haut Col – et là, ils verront bien.

 

De l’Auberge Orientale au Haut Col, de la sorte, ils en auront bien pour cinq à sept jours de marche.

 

 

Le départ s’effectue sous les meilleurs auspices : la compagnie est bien préparée, la fin de l’été agréable, le pays sûr et magnifique.

 

Si les héros ne croisent pas homme qui vive, dans ce territoire très peu densément peuplé, les signes de la présence de la faune ne manquent pas – mais inutile de chasser pour l’heure. Surtout, les grosses abeilles typiques de la région, qui produisent le miel avec lequel Beorn lui-même prépare ses fameuses pâtisseries, sont absolument omniprésentes, mais en rien menaçantes.

 

Une vraie promenade de santé, dans les meilleures conditions.

 

 

Un soir, les voyageurs sont récompensés de leur bon rythme de marche dans la journée par une vision absolument splendide : le soleil se couche alors qu’ils sont à proximité du Carrock. Ce spectacle magnifique leur met du baume au cœur.

 

Au-delà, à l’ouest, tandis qu’ils continuent de longer l’Anduin, les collines marquent les premiers contreforts des Monts Brumeux – ce sont des terres plus sauvages, mais, vues ainsi, elles n’ont rien d’intimidant.

 

La compagnie atteint enfin la Vieille Route des Nains – un spectacle qui enchante comme de juste Nárvi, lequel y passerait bien un peu plus de temps... Mais du temps, ils n’en ont pas : ils suivent donc la route vers l’ouest, jusqu’à atteindre le Vieux Gué.

 

Des Béornides le gardent, taciturnes, qui exigent le paiement d’un péage – cinq pièces de cuivre par tête. Les héros savent très bien ce qu’il en est, et payent sans rechigner.

 

Nárvi fait preuve d’un peu d’appréhension, car il se souvient que, notoirement, Beorn n’aime pas trop les Nains… En même temps, il est très curieux de goûter à ces fameux gâteaux au miel ! Et il en fait la remarque. Mais les gardiens du péage l’ignorent totalement… Tant pis !

 

 

C’est ainsi qu’ils traversent l’Anduin – là encore, dans les conditions les plus sûres. Mais, à mesure qu’ils progressent en direction de l’ouest, les collines à l’horizon se muent en montagnes : ce sont les Monts Brumeux, et, désormais, ils sont pour le moins intimidants, en plus d’être majestueux. Mais, haut les cœurs ! cette vague appréhension n’est pas du genre à peser sur nos héros, qui font preuve d’une grande détermination.

 

Cependant, le changement d’atmosphère se fait toujours un peu plus sentir à mesure qu’ils s’éloignent de l’Anduin. Jorinn, qui part devant en éclaireur, y est particulièrement sensible. Il est amené à trouver, à proximité d’un bosquet, un ensemble de piques plantées dans le sol, arborant des têtes de loups – un spectacle peu ragoûtant… Jorinn, qui y regarde de plus près, comprend que ces têtes ont été rongées çà et là, et tout récemment encore – un prédateur rôde probablement dans les environs, qui ne fait pas de difficultés… Un Warg, peut-être ? Mais Jorinn étant conscient de ce danger, et le signalant à ses amis, ils peuvent passer au large en se montrant simplement un peu plus prudents, un peu plus discrets. En définitive, la conscience de ce que leur groupe sait se montrer attentif en pareille affaire renforce un peu leur sentiment de communauté et leur détermination.

 

L’OMBRE DU PASSÉ

 

 

En milieu d’après-midi, les héros commencent l’ascension du Haut Col. Ils ne pourront guère marcher beaucoup plus longtemps aujourd’hui, il va bientôt leur falloir trouver un endroit où dresser le camp.

 

 

Jorinn, toujours en tête, repère alors que le soleil est prêt à se coucher les ruines d’une vieille ville, et suppose que ce serait un bon endroit pour s'installer. En même temps, le sentiment produit par le spectacle des têtes de loups fichées sur des piques persiste : le Bardide ne craint pas qu’un prédateur rôde dans les environs, mais éprouve comme un malaise indéfinissable… Il s'en fait écho à ses compagnons, et Agariel partage son trouble. Toutefois, ils ne trouveront pas de meilleur endroit avant que le soleil ne se couche…

 

Aeweniel, et de manière beaucoup plus floue Jorinn, qui doit sans doute cela à ses voyages en compagnie de Baldor, comprennent que cet endroit doit correspondre à ce que les Béornides appellent « le Bivouac d’Elendil ». L’Elfe sait cependant qu’en vérité ces ruines n’ont rien à voir avec celui qui fut jadis, exilé de Númenor, le fondateur des royaumes d’Arnor et de Gondor en même temps que l’allié de Gil-Galad, le grand héros qui a péri des mains mêmes de Sauron lors de la Dernière Alliance des Elfes et des Hommes. Pourquoi son nom a-t-il été associé à ces ruines ? C’est là un mystère, une de ces bizarreries dont l’histoire est coutumière. Non, il s’agit en vérité des ruines d’une petite ville du nom de Combefoin, bâtie par les Hommes du Nord ancêtres des Hommes des Bois, au cours du Troisième Âge, à l’époque où ils entreprenaient d’étendre leur domaine depuis la Forêt Noire en direction des Monts Brumeux – une tentative à laquelle le Nécromancien de Dol Guldur a mis un terme, contraignant bientôt les Hommes des Bois à retourner à la lisière de la Forêt Noire, aussi bien ceux qui refusaient sa domination que ceux qui en étaient venus à l’accepter de plus ou moins bon gré.

 

 

Il faut se résoudre à planter le camp ici. Agariel en a bien conscience, notamment – si elle perçoit bien le changement d’atmosphère, et Nárvi plus encore. La Dúnedain fait appel à son savoir de rôdeuse, et veille à ce que leur campement soit aussi sûr que possible, sans angles morts, etc. Elle fait en sorte que le feu les réchauffe, mais sans émettre trop de lumière.

 

Des tours de garde sont mis en place ; Agariel compte notamment sur la capacité d’Aeweniel de faire appel à ses Rêves Elfiques plutôt que de dormir à proprement parler, ainsi qu’à sa bonne vision nocturne – Jorinn et Nárvi, à leur manière, sont aussi des guetteurs tout désignés à cet égard.

 

Les heures défilent... Le Nain du Mont Solitaire, alors que son tour de garde touche à sa fin, s’agace un peu de ce que Jorinn, qui doit lui succéder, tarde à se montrer. Finalement, il décide d’aller le réveiller… et constate que le Bardide a disparu. Il alerte aussitôt Agariel, puis réveille les autres. Ils le cherchent dans les environs – ce qui est compliqué : ils sont dans des ruines en pleine nuit et leur feu n’éclaire pas… Aeweniel et Nárvi sont moins embarrassés à cet égard, cependant – et l’Elfe a un autre atout… qui lui permet de déceler une présence fantomatique non loin, une sorte de spectre humanoïde, armé d’une grande lance, et qui s’avance très lentement, sans un bruit, dans leur direction !

 

 

Elle voit en outre Jorinn un peu plus loin – qui, d’une manière ou d’une autre, a été emporté par l’esprit ; mais le Bardide a été à moitié enfoncé dans un petit étang boueux, avec comme une croûte à sa surface – il y sombre, inconscient, et risque de périr noyé dans cette vase !

 

Nárvi s’avance dans la direction du spectre, ainsi qu’Aeweniel brandissant son bâton. Jorinn commence à étouffer dans sa mare mais sans que cela ne le réveille de son sommeil magique. Le fantôme part à l’assaut du Nain, mais sans rien lui faire pour l’heure. Aldamar saisit une torche qu’il va allumer au feu de camp. Agariel dit à l’Elfe d’aider Jorinn, et, munie de son épée, part au devant du spectre.

 

Nárvi assène à ce dernier un coup de hache, qui rate – et il se demande si son acier pourra faire quoi que ce soit à cette créature éthérée… Aeweniel obéit à l’injonction d’Agariel et se précipite au secours de Jorinn – toutefois, le temps qu’elle arrive, le Bardide se réveille de son sommeil magique, mais en fait encore les frais : l'épaisse croûte de boue le maintient sous l’eau ! Et la créature s’en prend à Agariel, lui plantant sa lance spectrale dans le torse – spectrale ou pas, elle lui fait des dégâts... La Dúnedain riposte, mais sans succès… Elle réclame à grands cris le feu et la lumière – Aldamar un peu indécis s’en charge, mais cela demande du temps !

 

Le Nain du Mont Solitaire, qui a vu les dégâts infligés par le spectre à la rôdeuse, fait de son mieux pour attirer l’attention du mort-vivant – cette fois, son coup porte, mais n’inflige que des dégâts diminués, et il le comprend sans peine. Aeweniel parvient au niveau de Jorinn au moment où le Bardide réussit à se dégager de la vase dans une profonde inspiration empreinte de panique. L’Esprit de la Nuit, leurré d’une manière ou d’une autre par les grands gestes de Nárvi, décide de s’en prendre à lui, mais sans succès.

 

Aldamar se précipite avec sa torche en direction du combat, tandis que Jorinn et Aeweniel font de leur mieux pour retrouver au plus vite leurs compagnons. La créature recule devant la torche d’Aldamar – elle semble en avoir peur ! Ce qui facilite la tâche d’Agariel et Nárvi engagés au combat – le fantôme est bien affecté par leurs coups, même si pas autant qu’un être vivant. Aldamar fait virevolter sa torche, tandis que Jorinn à son tour, aux mouvements rapides, se joint à la bataille – attirant l’attention du spectre.

 

Mais l’Homme des Bois décide finalement de tenter de traverser la créature avec sa torche ! Une expérience qui porte pour partie ses fruits… mais ne le laisse pas indemne : Aldamar est souillé par le froid spectral dans lequel il s’est plongé ! Quant à Nárvi, surpris par le mouvement, il frémit également au contact du fantôme, et lâche sa hache… Mais l’Esprit de la Nuit est clairement sur la défensive.

 

En définitive, un ultime coup asséné par le Nain du Mont Solitaire, s’il produit toujours cette sensation très déconcertante de faucher le vide, entraîne la dissolution du fantôme dans un douloureux et perçant hurlement spectral… Les compagnons ont survécu à la rencontre, mais si, en dehors d’Agariel, ils n’ont pas subi beaucoup de dégâts physiques, l’impact de cette fâcheuse rencontre sur leur esprit et leur moral est tout autre !

 

Il ne fait aucun doute que cette créature était à l’origine du malaise qui s’était emparé de plusieurs d’entre eux en pénétrant les ruines de Combefoin. Aeweniel avait déjà entendu parler de ce genre d’esprits maudits – elle tend à croire que le cadavre d’un guerrier doit se trouver quelque part dans les ruines, dont était issu ce spectre vengeur, né de la haine et de la rancune. S’ils ont vaincu la créature, l’Elfe ne pense pas que ce soit définitif – il est probable que le fantôme se reconstituera pour s’en prendre à d’autres voyageurs… Retrouver le cadavre du guerrier pourrait permettre d’y mettre un terme – mais ils n’ont pas le temps de fouiller ces ruines : il leur faut gagner le Haut Col au plus tôt ! Ils doivent encore attendre l’aube, mais Jorinn a hâte de quitter les lieux… Et ils s’empressent de partir dès que le soleil point à l’horizon – au-dessus de la Forêt Noire au loin.

 

DANS L’ATTENTE DE L’ASSAUT

 

 

Les compagnons reprennent donc l’ascension du Haut Col – la route n’est plus guère qu’un sentier de montagne à ce stade. Et c’est un voyage épuisant : Aldamar et Jorinn tout spécialement en font les frais.

 

Dans les heures qui suivent, à mesure qu’ils progressent, les héros ne manquent pas de repérer des traces, toujours plus nombreuses : pour Agariel, qui en a une longue et douloureuse expérience, il ne fait aucun doute que ces traces ont été laissées par des Gobelins des Monts Brumeux – et nombreux : une bonne bande en maraude de plusieurs dizaines d’individus. Les montagnes sont ici infestées de tunnels discrets, qui grouillent de Gobelins – ceux-ci craignent la lumière du jour, aussi les compagnons n’ont-ils pas grand-chose à craindre dans les heures qui suivent, mais, la nuit tombée, ou dans les tunnels, il en ira tout autrement…

 

Mais Agariel finit par repérer également un poney, à demi dissimulé sous une corniche, avec une flèche gobeline dans le flanc – un animal de bât typique des convois franchissant le Haut Col avec des marchandises (reste le harnachement, mais l’essentiel de la charge a disparu). Aldamar parvient à s’approcher de la créature apeurée, et à la calmer – elle est blessée, mais, à voir comment l’animal se comporte, Agariel et Aeweniel supposent que, par chance, la flèche n’était pas empoisonnée. La guérisseuse elfe soigne le pauvre poney, qui devrait s’en remettre assez vite. Agariel, jetant un œil au peu qui reste des marchandises portées par la bête, trouve plusieurs petites boites contenant de l’herbe à pipe – et de la meilleure, de la Feuille de Longoulet : tout indique que ce poney faisait partie de la caravane de Dinodas Brandebouc… Sans l’ombre d’un doute, il vient de plus haut – du col. Le poney est en état de les suivre, même s’il les ralentira quelque peu ; toutefois, en le chargeant un peu, Jorinn et Aldamar pourraient récupérer de leur fatigue tout en continuant l’ascension du Haut Col, et c’est donc ce qu’ils font.

 

Ils reprennent la route, mais ne parviennent au Haut Col qu’en fin d’après-midi. Et ils y repèrent un grand feu de bois : tout le contraire de celui d’Agariel à Combefoin, celui-ci est fait pour être vu, et de loin ! Le crépuscule est proche quand ils l’atteignent – découvrant qu'il a été allumé au centre d’une sorte de petit fort circulaire ; encore que ce soit un bien grand mot : c'est à peine une petite muraille qui tient en même temps du talus.

 

 

Tandis qu’ils approchent, ils aperçoivent quatre hommes, dans ce « fort », qui s’activent, paniqués : d’aucuns comblent à la hâte un pan de mur qui s’était effondré, tel autre prépare des flèches qu’il plante dans le sol à côté de lui…

 

Et c’est un Hobbit qui entretient le feu au centre du « fort ». Sa ressemblance avec Dodinas ne laisse aucune place au doute, il s’agit bien de son frère Dinodas !

 

 

Des quatre hommes présents, l’un est plus âgé que les autres, et son visage dur marqué de cicatrices témoigne de ce qu’il a connu son lot de voyages et de combats. C’est probablement un Béornide. Les trois autres sont bien plus jeunes, d’origine indécise, et leur équipement est bien moins martial. Tous sont exténués et apeurés – certains, dont le chef, sont blessés.

 

Ils ont remarqué l’arrivée des héros, mais n’ont pas interrompu leur tâche pour autant : ils ont à faire, et c’est urgent ! Agariel se signale à eux, mais le vieux guerrier ne perd pas de temps en présentations – il faut les aider à fortifier le camp, les Gobelins ne vont pas tarder à lancer l’assaut ! Cela fait trois jours qu’ils attaquent à la tombée de la nuit, et ils sont de plus en plus nombreux…

 

Agariel se signale aussi au Hobbit, en l’appelant : « Oh, vous connaissez mon nom ! C’est sans doute ce bon vieux Dodinas qui vous envoie. Eh bien, merci à lui, et à vous, je suis comme de juste enchanté que vous soyez passés prendre le thé, mais je crains que nous ayons quelques invités surprise et assurément indésirables qui approchent… Aussi, je vous prie de bien vouloir m’excuser si je… me dissimule sous toutes ces caisses, bon sang, qu’ai-je fait pour mériter cela ! »

 

Bien sûr, redescendre le Haut Col en pleine nuit, avec des Gobelins en maraude, serait purement et simplement suicidaire… Ils n’ont pas le choix : ils vont devoir passer la nuit sur le col – et tout indique qu’elle sera agitée. Le Béornide le confirme, en même temps qu’il se présente, sous le nom d’Iwgar Longuefoulée (il est blessé, et Aldamar et Aeweniel s’occupent de lui, du moins quand il veut bien  les laisser faire – les préparatifs défensifs sont autrement urgents, et les nouveaux venus y participent). Les Gobelins les assaillent depuis trois nuits, et il ne fait aucun doute qu’ils vont remettre ça dans les heures, non, les minutes qui suivent – et dire que le Haut Col était censément devenu plus paisible… Oui, deux des gardes de la caravane sont déjà morts lors des précédentes attaques !

 

 

Mais ce petit fort est une chance inespérée : il ne vaut pas grand-chose, mais ça demeure le meilleur endroit pour résister à l’assaut des Gobelins. On n’y accède que par deux passages, qu’il va s’agir de garder : l’arrivée des héros est très opportune, ils vont pouvoir se charger d’un de ces accès, tandis qu’Iwgar et ses compagnons (trois jeunes gens de Bree nommés Andy Noirépine, Bill l’Archer et Tom Face-de-Grumeaux) garderont l’autre. Il est à craindre que les Gobelins tentent en même temps de grimper sur le talus, mais, ce faisant, ils s’exposeront et seront relativement plus faciles à repousser – une petite plateforme vers le nord sera sans doute utile aux archers des deux groupes. Tous se disposent au mieux.

 

 

Et à peine ont-ils pris position qu’une forte bande de Gobelins apparaît au sud ! Elle comprend également des archers, qui restent en arrière, avec des loups à leur côté – mais il faut aussi compter des soldats orques autrement plus solides que la masse grouillante des Gobelins…

 

 

Bientôt la première flèche vole… et le combat s’engage !

 

À suivre…

Voir les commentaires

CR Adventures in Middle-Earth : Ne quittez pas le Sentier (2/2)

Publié le par Nébal

 

On s’est donc lancé dans Adventures in Middle-Earth, avec pour objectif la Mirkwood Campaign – mais, en guise de prologue, nous commençons par la « mini campagne » de Wilderland Adventures.

 

 

Pour cette séance en particulier, il s’agissait d’en achever le premier scénario, « Don’t Leave the Path » (pp. 7-19), dont vous trouverez la première séance ici.

 

 

À noter, je me suis référé, pour la version française, au supplément Contes et légendes des Terres Sauvages pour L’Anneau Unique, où le scénario original avait été traduit sous le titre « Celui qui s’écarte du sentier ».

 

Il y avait cinq joueurs, qui incarnaient…

 

 

… Aeweniel, une Haute Elfe de Fondcombe (Érudite 1)…

 

 

… Agariel, une Dúnedain (Vagabonde 1)…

 

 

… Aldamar le Laconique, un Homme des Bois (Protecteur 1)…

 

 

… Jorinn, un Bardide (Chasseur de trésors 1)…

 

 

… et enfin Nárvi, un Nain du Mont Solitaire (Guerrier 1).

 

Pour la bande originale, je ne suis pas allé chercher bien loin : j’ai utilisé les compositions de Howard Shore pour la trilogie du Seigneur des Anneaux de Peter Jackson.

 

Et la plupart des illustrations sont empruntées aux gammes de L'Anneau Unique et d'Adventures in Middle-Earth.

 

Pour ceux que ça intéresserait, vous trouverez juste en dessous l’enregistrement brut, ou « actual play », de la séance :

Mais en voici autrement le compte rendu écrit...

 

AU CHÂTEAU DES ARAIGNÉES

 

 

Nous avions laissé Agariel, Aldamar et Jorinn en plein combat contres des araignées, dans les ruines d’un vieux château, où les horribles créatures avaient emmené Baldor. Jorinn a pu libérer le marchand de son cocon, mais c’est alors que les attercops se sont montrées – et, si elles n’arrivent que lentement, et plutôt individuellement à ce stade, la situation est critique : Aldamar est inconscient, et son chien Gast blessé ; Agariel également est amochée, et, pour lui venir en aide, Jorinn a sauté du mur, laissant un Baldor terrorisé seul à huit mètres de hauteur, avec le grappin lancé par la Dúnedain dont il ne sait visiblement que faire…

 

 

Gast parvient à achever l’araignée qui avait si méchamment blessé son maître. Agariel intime Baldor de se reprendre et de descendre du mur en usant du grappin, mais Jorinn n’est pas convaincu que le vieil homme ait entendu ces paroles… Et une nouvelle araignée arrive par le sud.

 

Agariel crie au Bardide d’aller s’occuper de Baldor – quant à elle, elle va stabiliser Aldamar : elle sait que l’Homme des Bois a sur lui de la quenouille d’eau, idéale en l’espèce ! La Dúnedain réussit à soigner Aldamar. Jorinn escalade le mur pour venir en aide à Baldor, tandis qu’une autre attercop arrive encore par le sud.

 

Aldamar à peine remis décoche une flèche un peu faible à l’araignée la plus proche. Agariel vient l’aider, mais ne se montre pas très efficace… Sur le mur, Jorinn, qui perçoit bien que Baldor n’arrivera pas à descendre seul, l’attache à la corde afin de le forcer à descendre sans le mettre en danger, et il s’y prend très bien. Mais les araignées ne cessent d’arriver, toujours plus nombreuses, et les héros ne parviennent à en éliminer qu’exceptionnellement…

 

 

Gast prend le relais de son maître – les morsures du limier de la Forêt Noire sont terribles. Baldor assisté par Jorinn parvient à atteindre le sol, tandis qu’Agariel n’arrive à rien avec son épée. Jorinn descend à l’aide de la corde, qu’importe s’il faut abandonner le grappin. Une autre araignée arrive par le nord-est, cette fois – soit la voie qu’avaient empruntée les héros pour gagner le château en ruine depuis la clairière où ils avaient dressé le camp.

 

Or l’araignée blessée par Gast atteint de nouveau Aldamar – qui s’évanouit une fois de plus sous le coup de la douleur… Baldor, débarrassé de son harnais, fuit vers le nord : la forêt y est plus épaisse, mais gagner le sentier à l’est semble compliqué, Agariel s’en rend bien compte ! Jorinn attaque une des araignées pour protéger la fuite de Baldor – mais il en vient toujours plus. Et la créature monstrueuse riposte, frappant Jorinn de son dard venimeux… Une autre s’en prend à Gast – et le tue !

 

 

Il faut fuir – Agariel se désengage et se saisit d’Aldamar inconscient ; elle entend suivre Baldor dans le bois touffu au nord. Jorinn fait de même. Les araignées les poursuivent, mais assez lentement, même si l’une d’entre elles parvient à planter son dard dans la Dúnedain. Aldamar est alors à l’agonie… Mais, par chance, les attercops ne suivent les héros qu’un temps : Agariel sait se repérer dans la forêt, ils courent vite (même Baldor, qui surprend à nouveau les compagnons à cet égard), et surtout les araignées n’osent pas se rapprocher vraiment du Sentier des Elfes. Une fois la situation plus calme, Agariel stabilise à nouveau Aldamar : ça n’est vraiment pas passé loin !

 

DANS LA CLAIRIÈRE

 

 

Mais, pendant ce temps, dans la clairière où les héros avaient dressé le camp, deux araignées, plus téméraires que les autres, s’étaient déjà attaquées à ceux qui gardaient les poneys. Si ceux-ci demeurent toujours aussi étonnamment calmes, se contentant de se regrouper, le petit Belgo est visiblement terrorisé.

 

Nárvi s’avance pour défendre ses camarades. C’est un guerrier compétent, mais il n’en subit pas moins les attaques des attercops. Le Nain riposte, mais sa cible s’avère plus vive que lui, et lui plante son dard dans l’épaule – cependant, Nárvi résiste aux dégâts de poison, et est donc bien moins amoché que la créature ne l’espérait.

 

L’autre araignée s’en prenait à Aeweniel, mais l’Elfe parvient à lui asséner un bon coup de bâton. Belgo essaye de se montrer courageux et prend sur lui pour approcher l’araignée avec son propre bâton, mais il ne va visiblement pas lui faire beaucoup de dégâts. Il fait par contre une cible de choix, ce qui embarrasse Aeweniel ! Elle fait en sorte de s’interposer, et subit elle aussi un assaut de dard – qui ne lui fait pas grand-chose, par chance. Nerveuse, elle riposte, mais Belgo la gêne et elle rate – le petit garçon bien sûr ne brille pas davantage…

 

Nárvi de son côté parvient enfin à placer un bon coup de hache à son adversaire, mais subit ses morsures. Il fait appel à son second souffle : requinqué et emporté par la fureur de la bataille, le Nain fait virevolter sa hache, et échappe au dard de sa proie. Un coup de plus le débarrasse enfin de l’attercop.

 

Aeweniel assène de violents coups de bâton à l'araignée restante, mais elle est résistante ! Or l’attercop décide de s’en prendre à Belgo – par chance, elle rate le téméraire enfant. Aeweniel s’interpose aussitôt, et Belgo comprend qu’il n’a pas à faire preuve de courage : il vaut mieux pour tout le monde qu’il se retire. L’araignée le suit cependant – mais rate à nouveau ! C’est le moment : Aeweniel s’applique dans son attaque, et achève la monstrueuse créature.

 

Contrairement à ce qui s’était passé au château, aucune autre araignée n’est apparue durant ce combat : la clairière est très proche du Sentier des Elfes, et ces deux attercops étaient sans doute des éclaireuses, et bien téméraires…

 

Quelque temps plus tard, après avoir couru comme des dératés dans la forêt, Agariel, Jorinn, Baldor, et un Aldamar en très sale état parviennent à retrouver la clairière et leurs camarades Nárvi et Aeweniel – qui s’en sont bien mieux tirés. Le premier groupe est exténué et très abattu par ce qui s’est produit : ils savent qu’il s’en est fallu de peu pour qu’ils finissent eux aussi dans des cocons, puis dans les ventres de la colonie, et Aldamar a perdu son chien dans l’affaire, ce qui l’affecte énormément – d’autant bien sûr qu’il est lui-même passé à deux doigts de mourir.

 

Ils récupèrent – certains en ont bien besoin. Aeweniel s’occupe notamment d’Aldamar. Un repos long leur ferait du bien… mais, en principe, il faut se trouver dans un sanctuaire pour en bénéficier. Cependant, Agariel connaît bien la Forêt Noire Septentrionale : elle sait où trouver un refuge qui fera l’affaire, une sorte de grand tronc d’arbre creux, où l’on peut s’installer à plusieurs, faire du feu sans attirer l’attention, et s’assurer qu’aucune créature hostile ne parvienne à s’approcher discrètement. Cependant, ce précieux refuge se trouve plus loin sur le Sentier des Elfes, à bien trois jours de marche. Il leur faut donc se reposer un peu ici avant de se risquer à ce trajet. Les talents de guérisseuse d’Aeweniel, et l’usage méthodique de préparations à base de quenouille d’eau, permettent à tout le monde, et au premier chef à Aldamar, de récupérer un peu – suffisamment pour reprendre la route à l’aube, en espérant gagner sans autre incidents le refuge d’Agariel.

 

Et ce qui s’est produit dans la clairière est largement élucidé. Aeweniel et Agariel avaient à vrai dire une petite idée de ce qui s’était produit, si, dans le feu de l’action, elles n’y avaient pas immédiatement pensé : « Ne buvez pas de l’eau de la Rivière Enchantée » est un adage presque aussi connu que « Ne quittez pas le Sentier ». Ils étaient alors en plein milieu de la Forêt Noire Septentrionale, bien loin de la Rivière Enchantée, laquelle est (plus ou moins) soumise aux desiderata de Thranduil, mais il y a de nombreux petits cours d’eau dans la forêt qui alimentent cette rivière – et il faut croire que le ruisseau qui bordait la clairière en était un, qui avait ses propriétés particulières.

 

 

Les chausses maculées de boue de Baldor constituaient un indice précieux : avant sa crise de folie, il s’était de toute évidence rendu au bord du ruisseau, et en avait bu l’eau, un peu trop nonchalamment. Le marchand a aussitôt été victime d’un charme bien cruel : l’eau bue lui a fait perdre tout souvenir des cinq dernières années. Il a revécu, comme sur le moment, cette nuit terrible où Smaug a fondu sur Esgaroth – et il était obsédé par le besoin de sauver sa femme Halla et son fils Belgo ; c’est pourquoi il ne reconnaissait pas ce dernier : pour lui, Belgo était forcément un petit garçon de cinq ans, pas cet imposteur plus âgé et visiblement désireux de jouer à l’adulte !

 

 

La crise n’a pas duré très longtemps : dans les ruines du château, Baldor a bien perçu que les héros, qu’il ne reconnaissait pas davantage que son fils, étaient venus le sauver de la cruelle menace des araignées. En discutant avec le marchand après coup, les compagnons ont reconstitué la scène, et le marchand, d’abord incrédule, a dû se rendre à l’évidence : les cinq dernières années de sa vie ont tout simplement disparu.

 

Et à jamais. Les victimes de la Rivière Enchantée peuvent espérer que Thranduil en personne les guérisse de leurs afflictions – mais ce ruisseau n’est pas la Rivière Enchantée. Aeweniel notamment en est bien consciente : Baldor ne retrouvera jamais la mémoire. Guérisseuse de profession, elle sait que la guérison de l’âme fait également partie de ses attributions. Durant tout le reste du voyage, elle s’entretient régulièrement avec le marchand, de sorte qu’il comprenne bien sa situation, ce qu’il fait sur le Sentier des Elfes, et, peut-être par-dessus tout, que ce Belgo est bien son Belgo – son fils adoré.

 

 

Celui-ci, hélas, vit très mal les événements. Un petit garçon de dix ans ne peut pas rationaliser ce qui s'est produit et prendre sur lui : seule demeure cette image terrible de son père qui ne le reconnaît absolument pas, il ne parvient pas à s’en débarrasser. Le très dynamique Belgo est devenu très morose, et ne parvient pas à échanger avec son père. Mutique, Belgo se tient de plus en plus souvent à l’écart de la compagnie, manipulant sans cesse l’amulette passée autour de son cou… Et ce spectacle bien triste afflige les héros eux-mêmes, conscients d’être totalement désarmés dans cette affaire.

L’ERMITE DE LA FORÊT NOIRE

 

 

Le voyage reprend donc : la compagnie poursuit sur le Sentier des Elfes, plus consciente que jamais qu’il ne faut pas quitter le Sentier…

 

Trois jours plus tard, les héros approchent du refuge connu par Agariel. Cependant, Aldamar, qui est très sensible à l’évolution du climat, perçoit sans l’ombre d’un doute qu’un très gros orage se prépare : il tombera bientôt des trombes d’eau. Agariel le perçoit également, et sait que la tempête va se déchaîner avant que la compagnie n’atteigne l’arbre creux – cependant, ils n’ont pas vraiment le choix : aucun autre abri n’est disponible à des lieues à la ronde ! Aussi pressent-ils le pas, dans la mesure du possible : Agariel et Aeweniel en sont parfaitement capables, mais Aldamar souffre encore de ses blessures, et les autres sont épuisés… Ils font de leur mieux, sachant que la douche ne va pas tarder.

 

 

Et, de fait, la compagnie, alors qu’elle n’est plus qu’à une dizaine de minutes du refuge, se retrouve bientôt assaillie par une très violente et très désagréable averse : c’est comme si tout le Long Lac se vidait sur la Forêt Noire ! Et il fait noir comme en pleine nuit ou peu s’en faut…

 

Aeweniel, qu’Agariel avait déjà emmenée dans ce refuge, remarque pourtant quelque chose, même si c’est très diffus : de la fumée s’échappe du tronc – quelqu’un a fait un feu à l’intérieur. Mais pas le choix : il faut s’y abriter !

 

 

Les compagnons progressent dans le dédale de racines noueuses qui précède l’entrée, Jorinn passant en avant pour s’assurer qu’aucune menace ne les attend dans le tronc. Le Bardide découvre qu’il n’y a personne dans le refuge, mais qu’on y a bien fait un feu, et il y a peu de temps – la personne qui s’en est chargée ne doit pas être bien loin dehors, et, avec ce déluge, elle ne manquera pas de revenir bientôt. Une sorte de petite marmite est placée sur le feu, avec de la viande en train de cuir. Des couches ont été aménagées et une a été utilisée tout récemment.

 

 

Un peu partout, contre les parois du tronc, des sortes de planches de bois ont été disposées, qui sont gravées, de manière très primitive. Elles représentent des scènes cauchemardesques : visages déformés par la haine ou par la peur, figures monstrueuses plus ou moins identifiables…

 

Jorinn, sur la base des gravures, mais aussi du matériel présent çà et là, tend à croire que leur hôte encore inconnu est un Homme des Bois – ce que confirme bientôt Aldamar, sans l’ombre d’un doute. Jorinn, qui est un personnage hanté, est très sensible aux choses représentées par ces gravures – il a même l’impression, un bref instant, qu’une menace pourrait en jaillir et s’en prendre à lui. Le graveur est clairement quelqu’un de tourmenté, mais probablement pas un serviteur de l’Ombre : ces gravures ont quelque chose de rituel, et visent sans doute à la protection contre les dangers qu’elles illustrent.

 

Jorinn suppose que l’abri est sans danger, et invite ses camarades à entrer à leur tour. Ils savent que leur hôte reviendra bientôt, et Aeweniel incite les compagnons à ne pas sembler le moins du monde menaçants.

 

Effectivement, après quelques minutes, une personne arrive, qui ne cherche pas à être discrète. Les compagnons la sentent en fait avant de la voir : l’odeur très désagréable d’un homme qui ne s’est pas lavé depuis longtemps, et même ce déluge n’est pas totalement en mesure d’y remédier…

 

 

Apparaît dans le « tunnel » qui marque l’entrée du refuge un vieil homme aux yeux un peu fous, vêtu d’une simple peau de bête quasiment pas retravaillée après avoir été arrachée à la carcasse de l’animal. D’une corpulence assez maigre, mais qui conserve les traces d’une carrure supérieure dans de meilleurs jours désormais bien lointains, l’homme a un arc dans le dos et une lance entre les mains… qu’il braque aussitôt sur les intrus. Il ne les attaque pas, cela dit – mais on n’est jamais trop prudent. Surpris, il demande aux compagnons qui ils sont et ce qu’ils font chez lui ! De simples voyageurs qui se protègent de l’orage…

 

Aldamar joue de la solidarité des Hommes des Bois, ce qui semble éveiller de vagues souvenirs chez le vieux bonhomme. Il est sans doute le plus à même de le calmer et de faire en sorte qu’ils puissent cohabiter en paix – même s’il ne s’y prend pas forcément très bien initialement…

 

Le discours de l’ermite est toujours très confus. Le nom de Rhosgobel lui évoque bien quelque chose, « il y a longtemps », mais il semble avancer qu’il est impossible que des gens y vivent encore : « Y a le magicien, mais l’a pas pu faire grand-chose, hein ? » Le vieil homme est particulièrement méfiant à l’encontre d’Aeweniel et de Nárvi, et Aldamar entend le rassurer sur leur compte. Mais l’ermite, de toute façon, n'écoute pas vraiment cette réponse – il est obsédé par l’Ombre qui rampe dans la forêt, partout, toujours plus grande, il l’entend sans cesse, qui approche… Ils sont peut-être des agents de l’Ombre ! Ce qu’il leur demande de but en blanc, brandissant de nouveau sa lance. Agariel le rassure, en expliquant au passage qu’elle a régulièrement utilisé ce refuge, ce à quoi le vieil homme répond : « C’est mon r’fuge ! C’est ma forêt ! » Elle l'assure pourtant qu'il est connu de ceux qui combattent l’Ombre, comme elle. L’ermite n’est pas forcément très convaincu, « ceux de l’Ombre, y s’déguisent », mais il passe de toute façon à autre chose : il y a eu une « lumière », qui a chassé l’Ombre, mais ça n’était que pour un temps, elle revient, elle revient toujours, et toujours plus forte… Aldamar s’étonne de ce qu’il reste seul : ne vaudrait-il pas mieux être bien entouré pour contrer la menace de l’Ombre ? Non : « Seul, c’est mieux. On fait moins d’bruit. On s’fait moins r’pérer. Pis on peut avoir confiance en personne. Tout l’monde peut être un agent d’l’Ombre. » Aldamar propose au vieil homme de lui offrir des herbes médicinales pour qu’il leur permette de rester à l’abri le temps de l’orage, mais il est surtout intéressé par la nourriture (il est las des écureuils…), et ça n’est pas un problème pour les compagnons : Nárvi lui offre aussitôt de son excellent saucisson, et Jorinn y rajoute une outre de vin. Dès lors, le bonhomme, pas étouffé par la politesse, se baffre littéralement, puis s’allonge sur une couche pour dormir : il ignore les compagnons, qui peuvent rester ici le temps que l’orage se calme – ils bénéficient d’un repos long très bienvenu.

 

Quand la pluie cesse, après une petite dizaine d’heures, Agariel et Aldamar vont chasser pour offrir leur gibier à l’ermite, en paiement de son hospitalité. Pendant ce temps, Aeweniel, curieuse, interroge le vieil homme, sur « l’ombre » et la « lumière ». Il est difficile d’en tirer quelque chose de bien précis, ne serait-ce que son nom : « J’avais un nom avant, mais j’en ai pus b’soin. J’sais qui j’suis, vu que j’suis moi, j’ai pas besoin d’nom, c’est les aut’ qui doivent avoir un nom. » Mais l’Elfe peut comprendre certaines choses : en son temps, l’Homme des Bois était un guerrier. D’une manière ou d’une autre, et pour quelque raison que ce soit, il a été fait prisonnier, et jeté dans un cachot sans la moindre lumière, sous une « colline », dans la forêt, loin au sud. Un jour, alors que cela faisait bien trop longtemps que ses geôliers (des Orques, et des « hommes mauvais ») ne lui avaient rien apporté à manger, il a réalisé qu’il pouvait sortir de sa prison – en raison de cette mystérieuse « lumière ». Il était absolument seul – il a quitté la colline. Il ne se laissera plus enfermer. Aeweniel est très intriguée par cette « lumière », mais l’ermite n’a pas grand-chose à en dire – il ne l’a pas vue lui-même. Il suppose que ça venait peut-être d’un magicien, « mais le Brun, l’est pas vraiment comme ça ». Qu’importe : ça n’a rien réglé, l’Ombre revient toujours. Agariel de retour et Aeweniel comprennent qu’il parlait de la « Colline de la Sorcellerie », Dol Guldur (toutefois, si elles ont entendu parler du Nécromancien, elles ne sont pas en mesure de l’identifier avec Sauron et ne savent rien de l’assaut mené par le Conseil Blanc cinq ans plus tôt).

 

 

Aldamar, sans se montrer indiscret, a par ailleurs remarqué, posée par terre, une tête de hache, dépourvue de son manche, qui a éveillé son attention. Il sait qu’il s’agit de Mâcheloup, un artefact très ancien et très précieux des Hommes des Bois, de Fort-Bois plus précisément, dont on avait perdu la trace – les gravures permettent de l’identifier. Nárvi, intrigué, apprécie ce travail – ça n’a rien à voir avec les merveilles de la forge naine, mais c’est clairement très au-dessus du lot, pour des Hommes des Bois. Aldamar désigne Mâcheloup à l’ermite : comment a-t-il hérité de cette hache légendaire ? Du temps où il avait un nom, « là-bas », il était un guerrier, un grand guerrier – et c’était sa hache… Il est plus sage maintenant : grand guerrier ou pas, quelle importance – l’Ombre l’emportera… Puis il s’abîme dans ses méditations – et finit par en conclure que, si ça se trouve, la hache attire l’attention de l’Ombre… C’est pour ça qu’elle continue de le suivre ! Aldamar avance qu’il pourrait dans ce cas l’abandonner, l’enterrer quelque part dans la forêt – et le vieil homme se met aussitôt à creuser avec ses mains la terre à l’intérieur du tronc ; il ne parvient à en extraire que quelques centimètres d’épaisseur et dépose Mâcheloup dans cet ersatz de trou qui ne dissimule absolument rien, entassant le peu de terre dégagée au-dessus… Agariel avance qu’Aldamar pourrait hériter de cette tête de hache, et la ramener à Fort-Bois ? Ce qui permettrait peut-être d’identifier l’ermite… Aldamar lui en fait la proposition, et le vieil homme accepte aussitôt : « Prenez ! Prenez ! Et partez ! C’est chez moi, ici, c’est chez moi ! »

 

Oui, il est bien temps de partir – la compagnie reprend la route, sur le Sentier des Elfes…

CE QUI RAMPE DANS LES PROFONDEURS

 

 

Les jours défilent. C’est toujours la Forêt Noire, mais les héros peuvent apprécier sa diversité. Ils ont encore quelques quatre ou cinq jours de voyage avant d’arriver à l’Entrée de la Forêt, mais la végétation tend à s’éclaircir quelque peu, demeurant dense mais plus au point de masquer la lumière du jour. Par ailleurs, c’est le plein été, et des voyageurs tels qu’Agariel ou Aldamar savent que, durant les plus fortes chaleurs, il est des endroits où il fait en fait plus chaud encore au couvert des arbres. Cela devient particulièrement sensible, chaque jour un peu plus. Si le paysage est moins oppressant, et la luminosité retrouvée y est pour beaucoup, les compagnons n’en ressentent pas moins une profonde langueur, qui s’installe et persiste, pas forcément désagréable mais quelque peu épuisante, tandis que partout autour d’eux bourdonnent les envahissantes mouches de la Forêt Noire, d’une taille conséquente.

 

Au terme ou peu s’en faut d’une journée particulièrement harassante, qui affecte plus encore Baldor et Belgo – en fait, seul l'endurant Nárvi échappe au sentiment général –, les compagnons, arrivés dans un endroit propice, décident d’installer le camp, même si la nuit ne tombera que dans quelques heures : ils n’en peuvent plus.

 

Agariel remarque cependant que les poneys, qui s’étaient montrés d’un calme impressionnant tout au long du voyage, sont nerveux, et même un peu récalcitrants – peut-être risqueraient-ils de fuir ? Les héros s’en occupent, et parviennent à les calmer, mais leur nervosité demeure palpable – ils ne présentent du moins plus le risque de déguerpir.

 

Agariel s’en inquiète – et Aeweniel se demande s’il ne vaudrait pas mieux dresser le camp ailleurs, que ce soit plus loin sur la route, ou en arrière. Mais l’épuisement général le prohibe… Ils resteront ici – mais devront tout spécialement faire preuve de vigilance.

 

Et Agariel va jeter un œil dans les environs, à l’affût de traces animales ou humanoïdes – mais elle ne trouve rien qui sorte de l’ordinaire, en fait seulement le passage de petits animaux communs dans la Forêt Noire, écureuils, lapins, etc. Agariel trouve l’endroit assez agréable, elle – le comportement des poneys n’en est que plus étonnant. Elle est dans son élément. Elle poursuit son repérage un peu plus longtemps, un peu plus loin… Elle a le temps, pendant que ses compagnons dressent le camp.

 

Jorinn s’est allongé un peu, sans dormir pour autant – il n’en pouvait plus. Il fait des efforts pour ne pas sombrer… Mais, tournant la tête, il croit voir quelque chose qui brille, à quelque distance – quelque chose de curieux, et qui pourrait valoir une petite somme ? C’est un peu plus loin au nord – un rayon de soleil a frappé très fugacement quelque chose, et ça n’est pas banal dans le coin… Jorinn se lève et va y regarder de plus près.

 

Aldamar aussi est très fatigué – par ailleurs, depuis qu’ils ont quitté l’Ermite, il est obsédé par Mâcheloup, il ne parvient pas à penser à autre chose. C’est une très belle pièce : un objet révéré par son peuple. Aldamar sait que le bon geste serait de ramener Mâcheloup à Fort-Bois, pour que la hache retrouve sa place légitime dans le trésor des Hommes des Bois. En même temps… eh bien, elle lui appartient, c’est lui qui l’a trouvée, ou plutôt l’Ermite la lui a donnée ! Pourquoi devrait-il l’abandonner, après tout ? D’autant qu’Aldamar a parfois le sentiment d’être un paria au sein de sa communauté… Il jugera de ce qu’il faudra faire en fonction de leur accueil : s’ils se montrent méprisants ou condescendants, eh bien, tant pis pour eux, mais il gardera Mâcheloup ! Et leur opinion n’est d’aucune importance. Au fond, Nárvi n’avait pas tort, quand il avait proposé, quelques jours plus tôt, de tailler un manche pour cette tête de hache. Aldamar s’y était opposé, préférant laisser aux Hommes des Bois le soin de rendre à l’arme toute son intégrité, mais, s’il arrivait à Fort-Bois, non seulement avec Mâcheloup, mais avec en main une véritable hache à même de trancher des nuques, et en faisant bien comprendre qu’il n’hésiterait pas à s’en servir, eh bien, on le respecterait davantage – on le respecterait comme il le mérite ! Or il y a, un peu plus au nord, un bosquet de chênes vigoureux – Aldamar est certain d’y trouver de quoi faire un manche plus qu’adéquat pour Mâcheloup ! Et nul besoin de requérir les services d’un Nain. Un Homme des Bois est plus à même de juger ce qui est bon en la matière – et le possesseur de Mâcheloup est par définition bien au-dessus du lot. Il faut qu’il fabrique un manche pour cette hache – lui et personne d’autre. Mais ça n’est peut-être pas le meilleur moment, s’éloigner du camp ne serait peut-être pas une très bonne idée… Aldamar est tourmenté par ses désirs, mais parvient dans l'ensemble à se raisonner.

 

Aeweniel s’active, de son côté. En dépit de la fatigue, elle s’occupe du feu – elle dispose de connaissances qui font défaut aux autres, après tout... même si ça n’est probablement pas si marqué pour des tâches aussi prosaïques. Elle saurait probablement repérer le meilleur bois pour le feu, mais admet que cette tâche n’est pas forcément de son ressort. Cette forêt, cela dit, regorge de trésors inaccessibles aux autres, ses connaissances et sa perspicacité leur faisant défaut. Ils ont totalement ignoré, par exemple, les vestiges qui se font de plus en plus nombreux à mesure qu’ils se rapprochent de la lisière occidentale de la Forêt Noire – autant de témoignages du passé, de la présence des elfes comme des hommes dans cette région, il y a des siècles, des millénaires peut-être de cela : là un pan de mur perçant sous les fougères, ici les reliquats d’une ancienne voie pavée, là-bas des pierres dressées et gravées de symboles antiques… Il faudrait étudier tout cela de plus près. S’éloigner du campement ne serait peut-être pas une bonne idée… Mais inutile d’aller bien loin : là, tout près de la clairière, se dresse une pierre gravée – elle doit avoir été érigée par les Hommes du Nord, les Éothéod, le « peuple du cheval », dont sont issus les frustes Hommes des Bois comme les Béornides, mais aussi les cavaliers du lointain Rohan, descendus dans le Sud avec leur chef Eorl le Jeune, pour répondre à l’appel de Cirion l’Intendant du Gondor… Autant de récits appris dans les manuscrits de Fondcombe, mais Aeweniel se voit ainsi offrir l’occasion d’étudier un vestige direct des temps anciens, et non un témoignage de seconde main…

 

Nárvi quant à lui a consacré son temps aux poneys – sans faire bien attention à quoi que ce soit d’autre. Il a suffi de très peu de temps, mais, quand il se retourne, il découvre stupéfait que seul Aldamar et Baldor sont restés auprès de lui dans la clairière ! Tous les autres, dont Belgo, ont disparu, où que ce soit. Quelque chose cloche : le nain dégaine sa hache et appelle les absents. Mais il n’obtient aucune réponse… Aldamar et Baldor n’ont aucune idée d’où les autres sont passés – ils n’ont pas fait attention, eux non plus, perdus qu'ils étaient dans leurs pensées… L’Homme des Bois fouille les environs en quête de traces – il découvre que les absents sont tous partis vers le nord, mais chacun de son côté. Il siffle – un code convenu avec Agariel et Aeweniel.

 

Cette dernière l’entend – et se rend compte alors qu’elle est seule dans un coin de la forêt qu’absolument rien ne distingue des autres. Elle a le vague souvenir d’avoir entraperçu une pierre gravée, mais il n’y a rien de tel dans les environs. Elle entend des bruits de pas un peu plus loin au nord… Elle s’avance pour y jeter un œil.

 

 

Jorinn de son côté est à nouveau attiré par un rayon de soleil qui frappe quelque chose par terre et la fait briller. Il s’approche, curieux… et découvre un trou dans le sol, une sorte de puits, mais qu’on ne distingue pas autrement car il n’y a pas de margelle. Quand il se penche pour dégager l’herbe au bord, là où il avait vu l’éclat luminescent, il a la sensation de quelque chose qui jaillit du puits et passe à toute vitesse juste à côté de lui ! Il a failli tomber dans le puits, mais y a échappé de justesse…

 

Agariel sort à son tour de sa rêverie, et aperçoit Jorinn qui tombe par terre à quatre pattes non loin d’elle – elle ne l’avait pas repéré auparavant. Elle aussi entrevoit le puits.

 

Aeweniel qui s’était avancée aperçoit les deux autres… mais aussi Belgo qui court comme un dératé vers le puits. L’Elfe l’appelle, elle lui crie de faire attention, mais le petit garçon l’ignore ; des larmes plein les yeux, il gémit : « Maman ! Maman ! » Agariel le voit à son tour, un peu tard : il est au bord du puits ! Elle se jette sur lui pour le plaquer au sol – il se débat, mais elle le maintient par terre.

 

Nárvi et Aldamar ont entendu ces cris et rejoignent leurs compagnons à toute vitesse…

 

Il y a quelque chose dans ce puits ! Quelque chose d’indéfinissable… mais de menaçant. Des tentacules en jaillissent, innombrables, qui essayent de saisir les compagnons et Belgo pour les attirer dans les ténèbres !

 

Aeweniel hurle, il faut qu’ils s’éloignent du puits ! Jorinn est juste à côté… et a vu Agariel plaquer Belgo. Le Bardide a repris ses esprits, et vient aider la Dúnedain pour éloigner le petit garçon du puits. Nárvi s’avance, hache en main, perplexe… Et c’est un nouvel assaut de tentacules : l’un saisit Agariel et l’attire au bord du puits – elle n’est pas tombée au fond, mais risque de le faire bientôt ! Nárvi était bien plus loin, mais lui aussi est saisi par un tentacule, et se retrouve dans la même situation… Belgo et Jorinn y ont cependant échappé. Aldamar se saisit de son arc court et décoche une flèche, visant un tentacule – il rate. Agariel plante sa dague dans le bras qui l’a saisie, quitte à y laisser la lame ; elle n’inflige que peu de dégâts, mais n’est plus sous l’emprise de la créature du puits, qui l’a relâchée – elle rampe un peu plus loin.

 

Aeweniel court vers Belgo pour l’éloigner du puits – l’enfant est visiblement sous le coup d’un charme que ses camarades ne sont pas parvenus à dissiper, et il résiste ; mais Jorinn parvient à l’emmener un peu à l’écart. Nárvi se libère à son tour du tentacule qui l’avait saisi d’un violent coup de hache – mais la créature assène un coup assommant à Agariel, même si elle ne parvient pas à saisir à nouveau la Dúnedain ; en revanche elle entraîne Aeweniel dans le puits ! Cette fois, la flèche d’Aldamar touche, mais sans faire beaucoup de dégâts. Agariel est en très sale état, et fuit hors de portée des assauts de la chose dans le puits, mais non sans avoir porté d’abord un coup de son épée longue, plus douloureux visiblement : elle lâche Aeweniel, du coup.

 

Laquelle s’éloigne autant que possible – Jorinn fait de même, mais fait aussi usage de son arc. Les tentacules qui se trouvaient à la surface se replient tous dans le puits. La créature n’est pas morte, ils le savent tous, instinctivement, mais ils l’ont tout de même dissuadée de s’en prendre à eux. Mieux vaut s’éloigner du puits, mais la menace semble conjurée – et plus personne, désormais, n’est sous le charme, y compris Belgo. Ils quittent les environs : la Forêt Noire recèle des choses bien étranges, des choses sans nom… Mais celle-ci ne les menacera plus pour le moment.

 

Ils retournent au camp hâtivement dressé – les poneys sont désormais très calmes… Agariel a souffert dans la bataille – elle s’est cassé un os et redoute une hémorragie interne… Elle bénéficie de soins d’Aeweniel, qui use d’une préparation à base de quenouille d’eau, mais il faudra faire mieux quand les circonstances s’y prêteront. Ils doivent reprendre la route, ils seront sans doute un peu ralentis...

LA FIN DU VOYAGE – LE DÉBUT DE L’AVENTURE

 

 

Le voyage ne connaît cependant pas d’autres incidents. Quelques jours plus tard, la compagnie atteint l’Entrée de la Forêt – on la dit gardée par les Elfes, mais ceux-ci ne se montrent pas.

 

Les héros prennent conscience de ce qu’ils ont traversé la Forêt Noire ensemble, affrontant ensemble bien des dangers, et les surmontant. Ce qui n’est pas rien, car même le Sentier des Elfes est une voie périlleuse, et cette compagnie assemblée un peu fortuitement a noué dans l’épreuve des liens durables. Le mauvais départ, au Palais de Thranduil, a été amplement compensé.

 

Et ils sont parvenus à destination : Baldor les avait engagés jusque-là, supposant que le reste de son périple, vers le sud en pays béornide puis dans la Lisière Ouest jusqu’à Fort-Bois, ne requérait pas la présence de gardes. Le marchand tient sa promesse, et verse à chacun des compagnons le salaire convenu de 50 pièces d’argent.

 

 

Mais tous décident d’accompagner Baldor jusqu’à Fort-Bois, sans réclamer le moindre paiement supplémentaire – Aldamar en est tout particulièrement désireux, car il faut régler le sort de Mâcheloup. Mais Agariel y tient aussi, qui aurait bien besoin de soins dans la durée. Nárvi en profitera pour jeter un œil à l’extrémité occidentale de la Vieille Route de la Forêt, qu’il entend bien contribuer à restaurer un jour. Jorinn a apprécié l’aventure et la compagnie : le Bardide est plus loin de chez lui qu’il n’a jamais été, mais entend bien aller plus loin encore ! Et Aeweniel est curieuse de rendre visite aux Hommes des Bois, même si cela doit différer son retour à Fondcombe – elle y pense cependant quand ils dépassent le Vieux Gué.

 

 

À Fort-Bois, contre les préventions d’Aldamar, les Hommes des Bois leur font comme de juste très bon accueil : les enfants raffolent bel et bien des jouets de Baldor, et leurs parents sont curieux des nouvelles du vaste monde. Aldamar, qui hésitait encore un peu, se résout à présenter Mâcheloup aux Hommes des Bois – et à laisser la tête de hache au peuple qui l’a forgée il y a bien longtemps de cela. Son intuition s’avère fondée : il ne fait aucun doute qu’il s’agit bien de Mâcheloup. Les anciens, dans la maison longue, sont formels – et la description de l’Ermite leur fait penser au dernier titulaire connu de Mâcheloup, un fier guerrier du nom d’Odovacar, qui avait disparu il y a une vingtaine ou une trentaine d’années dans une embuscade tendue par des Orques, plus au sud. Les anciens apprécient le geste d’Aldamar – et la nouvelle de ce qu’un Homme des Bois a retrouvé Mâcheloup et l’a déposée dans le trésor de Wuduseld gagne bientôt les autres établissements majeurs des Hommes des Bois dans la Lisière Ouest que sont Bourg-les-Bois et même Rhosgobel, dont Aldamar est originaire.

 

Nárvi offre en outre de concevoir un manche adéquat pour Mâcheloup, et les anciens acceptent, qui savent ce qu’il en est de l’artisanat nain, outre que leur invité a su faire la démonstration de ses talents en ébénisterie. Il produit un très beau travail, gravant sur le manche les aventures qu’ils ont vécu dans la Forêt Noire, les tentacules de la chose dans le puits jaillissant à l’extrémité. Avec le bois qu’il avait ramassé près du Palais de Thranduil, il confectionne en outre une flûte, instrument moins encombrant et déroutant que sa cornemuse, ainsi qu’une pipe de bonne qualité – il cherche de l’herbe à pipe ; Aeweniel lui en fournit, mais ils entendent tous deux une rumeur à ce propos… On y reviendra dans un prochain épisode !

 

Aldamar et Agariel, durant l’automne, chassent dans la Forêt Noire en compagnie des Hommes des Bois – mais la Dúnedain consacre aussi du temps à Baldor et Belgo, pour que leur relation se restaure ; Belgo les accompagne parfois dans la forêt, et retrouve goût à la vie en apprenant de nombreuses astuces de chasseurs et de voyageurs.

 

Jorinn aussi passe du temps avec Belgo – et avec les autres enfants de Fort-Bois, en fait ; il joue avec eux, ravi comme eux des merveilles des jouets de Dale – et il leur montre avec passion celui qui l’accompagne depuis toujours, une sorte de boîte à musique pleine de surprises…

 

Quant à Aeweniel, elle est aux petits soins avec Baldor – guérisseuse, elle sait que sa tâche concerne l’âme aussi bien que le corps ; elle aide le vieux marchand à retrouver autant que faire se peut la mémoire des cinq années qui lui ont été volées par l’eau traîtresse de ce petit ruisseau, affluent de la Rivière Enchantée… Baldor comme Belgo font preuve de gratitude pour ses efforts.

 

Une compagnie s’est formée – qui n’en est qu’au début de ses aventures !

 

C’est tout pour « Ne quittez pas le Sentier », à ceci près que vous pouvez également vous reporter au journal tenu par Nárvi pour avoir son point de vue sur cette aventure 

Autrement, l’histoire se poursuit avec « Ragoût de Hobbit aux fines herbes ».

 

Alors, à suivre

Voir les commentaires

CR Adventures in Middle-Earth : Ne quittez pas le Sentier (1/2)

Publié le par Nébal

CR Adventures in Middle-Earth : Ne quittez pas le Sentier (1/2)

Cette fois, ça y est, c’est parti ! On se lance dans Adventures in Middle-Earth, avec pour objectif la Mirkwood Campaign – mais, en guise de prologue, nous commençons par la « mini campagne » de Wilderland Adventures.

 

 

Pour cette séance en particulier, il s’agissait d’en jouer le premier scénario, « Don’t Leave the Path » (pp. 7-19), qui, disons-le, a tout d’une introduction au système et à la gamme – on a même pu parler de tutoriel. Ce qui était utile, doublement même, car il nous fallait aussi découvrir les options offertes par Roll20 en la matière (le vocal se faisait via TeamSpeak).

 

 

À noter, je me suis référé, pour la version française, au supplément Contes et légendes des Terres Sauvages pour L’Anneau Unique, où le scénario original avait été traduit sous le titre « Celui qui s’écarte du sentier ».

 

Il y avait cinq joueurs, qui incarnaient…

 

 

… Aeweniel, une Haute Elfe de Fondcombe (Érudite 1)…

 

 

… Agariel, une Dúnedain (Vagabonde 1)…

 

 

… Aldamar le Laconique, un Homme des Bois (Gardien 1)…

 

 

… Jorinn, un Bardide (Chasseur de trésors 1)…

 

 

… et enfin Nárvi, un Nain du Mont Solitaire (Guerrier 1).

 

Pour la bande originale, je ne suis pas allé chercher bien loin : j’ai utilisé les compositions de Howard Shore pour la trilogie du Seigneur des Anneaux de Peter Jackson.

 

Et la plupart des illustrations sont empruntées aux gammes de L'Anneau Unique et d'Adventures in Middle-Earth.

 

Pour ceux que ça intéresserait, vous trouverez juste en dessous l’enregistrement brut, ou « actual play », de la séance :

Mais en voici autrement le compte rendu écrit...

 

UNE RENCONTRE AU BORD DU LONG LAC

 

 

L’aventure commence dans les environs d’Esgaroth, la Ville du Lac, rebâtie à un emplacement un peu différent après sa destruction intégrale par Smaug cinq années plus tôt. Nos héros se retrouvent, fortuitement, non loin de l’ancien site de la ville, dont quelques rares vestiges peuvent être aperçus çà et là – on dit même que, parfois, il est possible d’entrapercevoir, sous l’eau, le squelette du grand ver, voire les fameuses pierres précieuses qui décoraient son poitrail…

 

Certains de nos héros se connaissaient déjà : d’une part, Aeweniel et Agariel s’étaient parfois croisées à Fondcombe, et elles ont plus ou moins suivi la même route pour se rendre à Esgaroth, si pour des raisons très différentes – et elles se sont retrouvées à cheminer avec Aldamar. D’autre part, Nárvi et Jorinn se sont rencontrés à Dale, alors que le Nain sortait d’Erebor pour la première fois depuis bien longtemps – le Bardide raffolait des jouets conçus par la mère de Nárvi, et c’est dans sa boutique qu’ils se sont rencontrés et mutuellement appréciés comme des personnes de ressource.

 

Nárvi… joue de la cornemuse. Et cet instrument relativement rare suscite la perplexité, voire pire, chez ceux qui n’y sont guère habitués – c’est pourquoi le Nain a choisi de s’écarter un peu d’Esgaroth pour pratiquer, et s’est rendu sur les berges du Long Lac, en compagnie de Jorinn, toujours très curieux. Les gémissements produits par l’instrument attirent l’attention d’Aeweniel, Agariel et Aldamar (ainsi que de Gast, le Limier de la Forêt Noire de ce dernier), qui profitaient d’une agréable promenade sur les berges, en cueillant ici ou là quelques herbes utiles – mais Nárvi, qui subit en rougissant maints sarcasmes, ne compte certainement pas s’arrêter de jouer pour répondre aux questions perfides de ces importuns…

 

Le Nain, abîmé dans sa représentation toujours un peu plus embarrassante, est sourd à ce qui se passe autour de lui – mais les autres croient entendre un cri, plutôt aigu, et, s’ils se posent d’abord la question, ils comprennent vite que ce n’est pas la cornemuse qui a émis ce bruit. Aeweniel intime à Nárvi de cesser de jouer – il n’en tient pas compte, bien sûr, et Jorinn décide de balancer un seau d’eau froide sur le Nain pour qu’il cesse son vacarme.

 

 

Après quoi la source du bruit est identifiée – les compagnons voient un petit garçon d’une dizaine d’années qui court comme un dératé dans leur direction, en criant : « À l’aide ! Au secours ! » Agariel s’avance vers lui, et le garçon s’effondre à ses pieds ; le souffle coupé, il explique (difficilement) que son père est agressé par… ses propres gardes ? Qui vont le tuer ! La Dúnedain demande au gamin de se calmer, mais il n’en tient pas compte : il repart en courant en direction de la forêt, multipliant les gestes pour que les héros le suivent. Ce qu’ils font.

 

 

Ils finissent, après cinq minutes, par découvrir un homme relativement âgé et au ventre un peu rebondi, acculé contre un arbre, et menacé par trois hommes d’allure peu commode, épées courtes en main. Le père du petit garçon manie une lourde branche, et le front ensanglanté d’un de ses agresseurs témoigne de ce qu’il a eu à s’en servir comme arme.

 

Jorinn reconnaît aussitôt les trois malandrins (lesquels ont sans doute une idée de qui il est) : ce sont des brutes répondant aux noms de Jonar (le plus massif), Kelmund et Finnar. Jadis, ils étaient au service du Maître d’Esgaroth, de sinistre mémoire : supposés incarner la loi, ils n’étaient guère que des caïds corrompus jusqu’à la moelle et tout disposés à abuser de leur autorité. Mais le nouveau Maître, plus judicieux que son prédécesseur, a choisi de se passer de leurs services. Depuis, ils officient en tant que mercenaires, quand ils ne s’affichent pas comme les brigands qu’ils sont.

 

Nárvi réclame des explications, hache en main – mais Jonar lui répond de dégager, avec ses amis : c’est pas leurs oignons ! Agariel se montre plus diplomate que le Nain, mais les ruffians ne l’en gratifient pas moins d’insultes. Cependant, ces derniers réalisent progressivement que les importuns ne sont pas n’importe qui… Et la présence d’un Nain et d’une Elfe, notamment, les intimide un peu – de même que les grognements de Gast. Mais c’est Jorinn qui trouve les mots pour les faire partir : ses sarcasmes empreints de menaces voilées les déstabilisent, au point qu’ils offrent aux compagnons une part du butin s’ils veulent bien détourner les yeux quelques secondes. Mais les héros ne mangent pas de ce pain-là ! Les brigands repartent la queue basse, en faisant un grand cercle pour éviter de passer trop près de ces gêneurs…

 

 

Le vieil homme, dans un soupir, remercie les héros – qui sont arrivés juste à temps. Il se présente comme étant Baldor, un marchand de la ville de Dale (avec son fils Belgo, qui craignait de voir son père mourir, et qui a des étoiles dans les yeux en dévisageant ses sauveurs). Il explique qu’il avait monté une expédition pour traverser la Forêt Noire, dans le but d’aller vendre notamment des jouets de Dale aux Hommes des Bois, qui en sont très friands, dit-on – sa destination finale étant Fort-Bois. Il sait que la Forêt Noire est dangereuse, aussi avait-il embauché des gardes pour assurer la sécurité de l’expédition… mais il apparaît qu’il avait très mal choisi.

 

Baldor, entre deux remerciements, ne manque pas de dévisager ses sauveurs… Ils ont l’air d’aventuriers capables – et il y a même un Homme des Bois parmi eux ! Peut-être… Accepteraient-ils de faire office de gardes pour son expédition ? Il les récompensera bien ! Vingt pièces d’argent chacun – non, cinquante ! Et les compagnons acceptent – tous ; car ils ont tous de bonnes raisons de traverser la Forêt Noire pour se rendre dans la vallée de l’Anduin, comme de venir en aide au marchand, qui, de toute évidence, ne pourrait survivre dans la forêt s’il s’y engageait seul. Qu’importe si l’on parle ici d’une longue expédition – car traverser la Forêt Noire requiert bien une bonne trentaine de jours. Et si leur groupe s’est formé de façon fortuite, pourtant ils ressentent déjà qu’ils sont liés d’une manière ou d’une autre…

 

Il leur faut toutefois un peu de temps pour se préparer – ils conviennent de retrouver Baldor dans deux jours. Celui-ci avait hâte de partir, mais comprend qu’il est nécessaire de différer un peu.

 

Et, le jour venu, ils entament leur voyage.

 

INVITÉS (?) DES ELFES

 

 

Si Baldor n’a jamais traversé la Forêt Noire lui-même, et est d’un tempérament anxieux, il est cependant un homme sérieux et organisé (le chargement parfait de ses quatre poneys, bien dressés, en témoigne, qui inclut des vivres pour un bon mois), et qui bénéficie de contacts utiles : du temps où il était marchand à Esgaroth, il avait pu nouer des liens avec les Elfes de la Forêt Noire, et tout spécialement un certain Lindar, le maître des caves de Thranduil – Baldor lui faisait régulièrement parvenir de bons crus du Dorwinion. Depuis, c’est un autre marchand d’Esgaroth, du nom d’Halbrech, qui a hérité de ce marché fructueux, mais les Elfes n’ont pas oublié le bon Baldor. Il n’a jamais rencontré Thranduil en personne, mais ses liens avec Lindar sont précieux – le maître des caves a d’importantes fonctions commerciales, mais aussi, car elles en sont dérivées, diplomatiques.

 

Aussi a-t-il pu faire appel à l’aide des Elfes pour le début du voyage. Il s’agira dans un premier temps de remonter la Rivière de la Forêt jusqu’à un point de rendez-vous, où des bateliers elfes embarqueront l’expédition à destination du Palais de Thranduil – après quoi les Elfes accompagneront les voyageurs jusqu’au point où la Rivière Enchantée croise le Sentier des Elfes.

 

Le reste du voyage s’accomplira en suivant ce dernier jusqu’à l’Entrée de la Forêt, et c’est là que les compagnons accompliront véritablement leur office de gardes. C’est presque proverbial : « Ne quittez pas le Sentier ! » La Forêt Noire est un endroit dangereux et oppressant, mais le Sentier des Elfes, à condition de bien s’y tenir, est probablement le moyen le plus « sûr », relativement, de la traverser – une chose dont sont bien conscientes, surtout, Agariel et Aeweniel, qui l’ont déjà emprunté à plusieurs reprises, et tout récemment avec le jeune Aldamar.

 

 

Les voyageurs se mettent en route, remontant la Rivière de la Forêt à travers la lisière est de ce qui fut Vertbois-le-Grand – et, dans cette région, il en demeure quelque chose, sans doute du fait de la magie des Elfes : ce n’est pas la Forêt Noire éprouvante et oppressante que l’on rencontre partout ailleurs.

 

En chemin, les héros font un peu plus connaissance avec Baldor. Il était autrefois marchand à Esgaroth, mais il a tout perdu lors de cette nuit fatidique au cours de laquelle Smaug le Doré a fondu sur le Long Lac – pas seulement sa fortune, et il était un homme aisé : sa femme, Halla, a péri dans les flammes, Baldor ne parvenant à sauver que leur fils Belgo, alors âgé de cinq ans à peine. Le drame a considérablement affecté Baldor. Il n’était certes pas le seul dans ce cas – et, comme beaucoup, Baldor a suivi Bard à Dale pour se reconstruire. Mais, si certains ont su tirer partir des événements pour refaire rapidement fortune, Baldor n’a pas eu cette chance : quelques mauvaises décisions, une concurrence effrénée, et un nombre non négligeable de coups du sort, l’ont empêché de retrouver son rang. Oh, il n’est pas sans le sou – et les compagnons n’ont rien à craindre concernant leur paiement. Mais cette expédition un peu désespérée n’en est pas moins vitale : tout marchand qu’il soit, Baldor n’est pas le plus bassement matérialiste des hommes – mais il veut avoir quelque chose à léguer à Belgo, qui est « un bon petit ». Les compagnons n’ont aucun doute quant à la sincérité de ses propos : le marchand se livre volontiers à ceux qui lui ont sauvé la vie.

 

Lors des pauses, Baldor fait à ses nouveaux amis quelques démonstrations des jouets de Dale qu’il compte vendre aux Hommes des Bois. Ce sont des objets assez incroyables – en fait au point où leurs propriétés ont quelque chose qui paraît relever de la magie. Le marchand est très enthousiaste – et Nárvi en rajoute, en exhibant un des jouets conçus par sa mère, une très belle pièce. Belgo fait celui qui ne s’y intéresse pas plus que ça – il a dix ans, c’est un grand –, mais ça ne trompe personne : les jouets le fascinent – il est un gamin de dix ans.

 

 

Après environ trois jours de marche, la compagnie parvient au point de rendez-vous fixé par Baldor avec les Elfes. Des bateliers les y attendent, qui accueillent courtoisement les voyageurs, et tout particulièrement leur vieil ami le marchand. Ils reconnaissent Agariel et Aeweniel pour ce qu’elles sont, visiblement ; ils se montrent plus réservés à l’encontre de Nárvi, mais c’est un ami de Baldor, aussi se montrent-ils polis à l’égard du Nain. Belgo les fascine et les amuse – il n’y a que peu d’enfants chez les Elfes, à vrai dire de moins en moins.

 

Les Elfes, comme l’avait évoqué Baldor, murmurent à l’oreille des poneys pour les calmer et les faire monter sur les radeaux. Remonter la Rivière de la Forêt jusqu’au Palais de Thranduil demande bien trois autres jours, sur un rythme très posé, indolent, que les chants des Elfes mettent en musique. C’est assez agréable…

 

Nárvi discute de la Vieille Route de la Forêt avec Baldor et les Elfes – mais leur constat est sans appel : ce qui fut autrefois une véritable merveille, un témoignage éloquent de la puissance et du savoir-faire des Nains, a été depuis longtemps englouti par la Forêt Noire, et la route est en tant que telle inutilisable. Avec les Monts de la Forêt Noire juste au nord, et le Cœur de la forêt au sud, c’est un endroit extrêmement dangereux – les araignées y sont particulièrement nombreuses, et on dit qu’il y aurait même un loup-garou qui rôderait dans les environs… L’entreprise de Nárvi visant à restaurer la Vieille Route des Nains est noble, et ambitieuse ; mais, d’ici-là, le Sentier des Elfes est une bien meilleure option pour traverser la forêt. Nárvi grogne, mais il est bien obligé d’admettre que ses interlocuteurs disent vrai.

 

 

Puis la compagnie se met à emprunter des voies plus tortueuses, qui, à plusieurs reprises, les font emprunter des tunnels, et mettent à mal leur sens de l’orientation. C’est ainsi qu’ils parviennent enfin à une des entrées du Palais du Roi des Elfes, une grande porte taillée à même la roche les surplombant ; quant à eux, ils poursuivent jusqu’à un petit quai en pierre, idéal pour débarquer marchandises et passagers.

 

 

Lindar arrive bientôt, qui salue Baldor avec un grand sourire. Il supervise les opérations de déchargement tout en discutant. Il est intrigué par Aeweniel et Agariel, et assez franchement sceptique devant Nárvi – lequel se montre pourtant d’une extrême courtoisie (il ne partage pas les préjugés communs de son peuple ; en fait, il est même très intéressé par les Elfes et leur culture).

 

Baldor est supposé séjourner deux jours dans le palais. Lindar l’invite à le suivre – se retournant pour s’adresser aux compagnons, il avance qu’ils comprendront que, employés de Baldor ou pas, ils ne sauraient pénétrer plus avant dans la demeure de Thranduil… Mais ils disposent d’un logis assez confortable, d’où ils pourront veiller sur les marchandises de Baldor, et Lindar fera en sorte qu’on leur apporte de la nourriture et du vin.

 

Une perspective qui stupéfie Aeweniel : elle a l’impression que Lindar les traite, et elle tout spécialement, comme des chiens ! Elle émet une réclamation. Las, elle s’y prend très mal… Bien trop condescendante aux yeux de Lindar, et portée à mettre sans cesse en avant son statut d’émissaire de Fondcombe, elle met en valeur à peu près toutes les raisons qu’aurait le maître des caves de leur refuser l’accès au palais – au point où l’extrême déférence de Nárvi, dans ses propos, a des connotations ironiques. Aldamar ne comprend tout simplement pas de quoi Aeweniel se plaint : ils sont au palais de Thranduil ! C’est en soi extraordinaire ! Agariel n’en pense pas moins… mais ne peut guère intervenir.

 

Lindar… est furieux. Pas du genre à s’emporter en public, surtout pas face à pareille compagnie, il fait cependant bien comprendre à tous que sa décision est irrévocable, et qu’il vaudra sans doute mieux pour tout le monde écourter le séjour au palais : de manière catégorique, Lindar exige leur départ le lendemain à la première heure – Baldor ne s’y attendait pas, mais doit faire avec ; Lindar lui conserve certes son amitié, en dépit de ses mauvaises fréquentations, mais la tranquillité du palais importe davantage que leur vieille camaraderie. Le marchand est un peu gêné – mais davantage pour ses employés que pour lui-même, semble-t-il.

 

La maladresse, consciente ou pas, d’Aeweniel, jette une ombre sur les premières journées de leur long voyage à travers la Forêt Noire…

LA FORÊT S’ASSOMBRIT

 

 

Le lendemain à l’aube, la compagnie doit donc repartir. La promesse initiale de Lindar à Baldor vaut toujours, et les bateliers elfes convoient les voyageurs sur la Rivière Enchantée, jusqu’au moment où elle croise le Sentier des Elfes. C’est ici que les héros sont laissés à eux-mêmes – les Elfes, qui n'éprouvent pas eux-mêmes le courroux de Lindar à l'encontre des voyageurs, et qui demeurent donc courtois, leur rappellent qu’il ne faut pas quitter le Sentier, et qu’il ne faut pas non plus boire de l’eau de la Rivière Enchantée. Puis ils s’en vont, retournant au Palais de Thranduil.

 

Et la troupe se lance sur le Sentier des Elfes, à destination de l’Entrée de la Forêt – qu’elle n’atteindra au mieux que dans une bonne vingtaine de jours.

 

Agariel, sans surprise, remplit le rôle de guide ; Aeweniel et Nárvi font le guet, Aldamar remplit l’office de chasseur, et Jorinn celui d’éclaireur.

 

 

L’ambiance a changé : cette fois, la forêt tend bel et bien à s’assombrir – à devenir la Forêt Noire, là où le Royaume Sylvestre conservait quelque chose de l’antique Vertbois-le-Grand. Même en plein jour, la densité des arbres fait que la luminosité demeure très faible. C’est un cadre oppressant, que tout le monde ressent comme tel – et la maladresse commise avec Lindar pèse d’autant plus sur toute la compagnie.

 

Cela vaut aussi pour Baldor, visiblement très anxieux – il répète comme un mantra que tout se passera bien tant qu’ils ne quitteront pas le Sentier… Seul Belgo ne semble pas véritablement affecté : le petit est vaillant, et fait tout pour se rendre utile, notamment en s’occupant des poneys, lesquels se montrent très calmes, ainsi que le marchand l’avait promis.

 

Après quatre jours de marche le long du Sentier, une scène étrange se produit. Jorinn, parti un peu en avant, remarque, juste à côté du Sentier, un tas d’ossements – humanoïdes, impossible de se montrer plus précis. Mais, juste à côté, se trouve un squelette intact et séparé des autres ; adossé contre un arbre, il arbore autour du cou un bijou visiblement très ancien et d’un extrême raffinement – probablement de facture elfique, et d’une grande valeur. Aeweniel n’est pas en mesure d’en dire davantage. Jorinn est fasciné – et attiré… Il s’approche dans l’intention de toucher le bijou – mais Aeweniel s’interpose pour l’en empêcher, et le Bardide retient son geste ; d’une certaine manière, le chasseur de trésors entrevoit que s’emparer de ce bijou lui apporterait bien davantage d’ennuis que de fortune – et, dans l’ambiance pesante de la Forêt Noire, il perçoit combien ce geste serait futile, en plus de constituer une forme de dangereuse profanation… Il remercie l’Elfe pour son intervention, et cette communion implicite leur confère une forme d’inspiration.

 

La compagnie poursuit son chemin, avec la conviction que la forêt elle-même, d’une certaine manière, vient de les mettre à l’épreuve. Cette fois, ils s’en sont bien tiré… mais ils savent que ça n’est qu’une mise en bouche. La Forêt Noire n’est pas une forêt comme les autres.

 

CELUI QUI S’ÉCARTE DU SENTIER

 

Quelques jours plus tard, alors que le Sentier disparaît presque par endroits sous la végétation, et que les bons endroits où dresser le camp se font toujours plus rares, Aeweniel repère une agréable clairière juste au bord du sentier, où s’écoule un frais ruisseau : un lieu idéal où se requinquer ! En fait, elle suppose qu’il s’agit d’une de ces clairières aménagées par les Elfes du Royaume Sylvestre pour y prendre du bon temps – cela ne s’est sans doute pas produit depuis fort longtemps, mais il en reste quelque chose : on s’y sent en sécurité. À l’unanimité, la compagnie décide de s’y arrêter pour récupérer un peu, même si la nuit ne tombera pas avant quelques heures.

 

Des tours de garde sont naturellement organisés. Vers la fin de celui de Nárvi, au plus profond de la nuit, Baldor vient discuter un peu avec lui. Il explique qu’il n’arrive pas à dormir – de mauvais rêves… Il a visiblement besoin de parler, de façon relativement intime, et le Nain s’en rend bien compte. Le marchand évoque ainsi cette nuit terrible qui a vu Smaug fondre sur Esgaroth – et l’effroyable incendie qui en a résulté, durant lequel a péri Halla, la femme de Baldor, qui n’a pu sauver que leur petit Belgo, alors âgé de cinq ans. Bard a certes tué le dragon, comme le rappelle Nárvi, mais cela ne rendra pas sa femme au marchand… Il en fait des cauchemars depuis – presque toutes les nuits. Ce qui échappe un peu au Nain, guère porté sur l’empathie. Mais Baldor a tout perdu lors de ce tragique événement… Nárvi l’engage pourtant à se tourner vers le futur : ceux d’Erebor, ceux de Dale, ils vont reconstruire ce monde, et le rendre plus sûr ! Baldor l’espère… mais n’y croit pas forcément. Il suppose enfin qu’il vaudrait mieux qu’il se repose – ils ont de la route à accomplir demain… En dépit des mauvais rêves, il va donc essayer de dormir un peu : il remercie Nárvi pour son attention, et s’éloigne du Nain.

 

Mais, dix minutes plus tard environ, Nárvi entend Baldor pousser un grand cri de terreur – qui réveille tous les autres. Le marchand paniqué court en tous sens dans la clairière. Et il se fige en voyant la compagnie interloquée. Les yeux fous, il leur demande qui ils sont. Puis il semble regarder quelque chose à l’horizon : « La montagne… La montagne ! Elle est en feu ! Ces imbéciles ont réveillé le dragon ! Il faut que je retrouve Halla… Esgaroth est condamnée ! » Puis, retournant à la compagnie : « Vous êtes… Vous êtes des brigands ! Vous m’avez enlevé ! Où… où est Belgo ? » Nárvi suppose que le marchand est somnambule et s’approche pour le saisir et le calmer, mais n’y parvient pas. Belgo aussi s’est réveillé et regarde son père avec des larmes aux yeux : « Papa, qu’est-ce qui t’arrive ? » Mais Baldor ne reconnaît pas son propre fils ! « Qui est cet enfant ? Brigands… Vous m’avez enlevé ! Mais vous ne me retiendrez pas : je vais retourner à Esgaroth, je vais sauver Halla et Belgo ! » Et il court dans la forêt, bien loin du Sentier…

 

Si Nárvi n’a aucune envie de s’enfoncer dans la forêt, Agariel remarque que les chausses de Baldor étaient humides, sans doute venait-il du ruisseau, et, même si c’est la nuit dans la Forêt Noire, elle pense pouvoir pister le marchand sans trop de difficultés, car il laisse des traces assez visibles. Et Gast, le chien d’Aldamar, peut leur faciliter la tâche. Mais le marchand court vite – au point où la compagnie s’en étonne, qui ne se doutait pas qu’il en était capable après deux semaines de voyage à ses côtés ! Agariel, Jorinn et Aldamar ainsi que Gast se lancent sur la piste du marchand – Nárvi et Aeweniel restent surveiller le campement, avec Belgo effondré et les poneys toujours aussi étonnamment calmes…

 

 

Pister Baldor n’est pas un problème au départ pour la voyageuse aguerrie qu’est Agariel, outre qu’elle bénéficie du flair de Gast. Cependant, au bout de quelque temps, le limier de la Forêt Noire pile, un peu indécis quant à la direction à prendre – et les traces humides que suivait Agariel disparaissent subitement.

 

Les compagnons fouillent les environs, perdant de précieuses minutes, et remarquent enfin des toiles d’araignées un peu partout. Ils comprennent aussitôt ce qui s’est produit : des araignées de la Forêt Noire se sont emparées de Baldor, le capturant puis le hissant dans leurs toiles ! Il est dès lors vain de chercher davantage les traces humides du marchand. Mais, ainsi que les héros le comprennent un peu tardivement, un chemin se dessine dans les toiles, qui laisse deviner la direction prise par les araignées...

 

 

En suivant les toiles, les trois compagnons finissent par atteindre, sur une colline qui forme une nouvelle clairière, les ruines de ce qui avait dû être autrefois un petit château – impossible de dire qui l’a bâti, mais c’était il y a bien longtemps. Il n’en reste de toute façon pas grand-chose : un pan de mur à angle droit, et une petite tour ronde, pour partie effondrée, mais dont l’escalier en colimaçon demeure à vue de nez empruntable. Une sorte de passerelle de toile d’araignée relie les deux vestiges – et, au sommet de ce qui reste du mur, soit à quelque chose comme huit mètres de hauteur, un grand cocon s’agite, qui abrite visiblement une forme humanoïde en train de se débattre : il ne fait aucun doute pour les héros qu’il s’agit de Baldor.

 

Si les toiles abondent dans ces vestiges, les compagnons ne repèrent pas la moindre araignée dans les environs. Mais ils ne s’y trompent pas : les signes de leur présence sont absolument partout, et elles disposent d’une myriade d’endroits où se cacher – une colonie entière pourrait bien être tapie quelque part ! Chose dont Agariel est bien consciente… Et elle sait très bien que, si vaincre une de ces araignées n’est pas forcément très difficile, il en va tout autrement quand c’est une colonie entière, de plusieurs dizaines de créatures, qui constitue la menace…

 

Qu’importe : il faut sauver Baldor. Deux options s’offrent aux héros : escalader le mur, ou monter au sommet de la tour avec l’escalier, puis franchir la passerelle de toile. Quand ils seront au niveau du cocon, il faudra le défaire, probablement à la dague, et faire en sorte que Baldor retourne au niveau du sol, huit mètres plus bas, sans se faire mal.

 

Les héros se décident pour la passerelle de toile, conscients pourtant que leurs mouvements risquent d’attirer les araignées – mais cela aurait-il été si différent s’ils avaient préféré escalader le mur ? Jorinn, le plus agile en même temps que le plus discret de la compagnie, franchit la passerelle, tandis qu’Agariel et Aldamar se positionnent sous le cocon, pour récupérer Baldor s’il venait à tomber. Le chasseur de trésors bardide se montre très prudent en franchissant la toile – mais il ne se fait pas d’illusions : la moindre vibration a pu alerter les araignées, quels qu’aient été ses efforts. Toutefois, pas une seule ne se montre pour l’heure.

 

Jorinn progresse ensuite sur le pan de mur – rejoindre le cocon n’est pas très difficile à ce stade. Le Bardide essaye d’abord de défaire la toile précautionneusement et méthodiquement, mais n’y parvient pas ; il perce alors le cocon avec sa dague pour libérer Baldor qui se débat à l’intérieur.

 

Le marchand a toujours les yeux aussi fous, et il est visiblement terrorisé – mais, de toute évidence, il perçoit bien que ceux qu’il prenait pour des brigands sont venus à son secours, et que, d’une manière ou d’une autre, il vaudrait mieux pour lui retrouver son statut de « prisonnier » que de constituer le prochain repas d’une colonie d’araignées… Jorinn, qu’il ne reconnaît visiblement pas, le convainc sans peine de le suivre sans faire plus de difficultés.

 

 

Mais, en bas du mur, Agariel et Aldamar qui guettent les environs voient apparaître une première araignée, une Attercop, vers le nord-est. Elle avance très lentement et sans un bruit dans leur direction…

 

Agariel en prévient Jorinn et Baldor, et leur lance une corde pour descendre – mais elle remarque alors qu’une autre Attercop arrive, par le sud cette fois…

 

Gast n’attend pas les instructions de son maître, et se jette sur l’araignée la plus proche, qu’il mord violemment. Aldamar à sa suite décoche une flèche de son arc court, mais rate sa cible. Agariel de son côté s’en prend à l’araignée qui arrive par le sud, ce qui implique de s’éloigner de ses compagnons, mais l’Attercop se montre étonnamment vive et esquive son assaut sans souci – et riposte : sa morsure est très douloureuse ! Jorinn, debout sur le pan de mur, perce l’autre araignée d’une flèche bien placée, mais elle a le temps d’infliger une vilaine balafre à Gast, qui gémit bruyamment. Et une troisième araignée arrive à l’est…

 

Gast salement blessé s’écarte de l’araignée, revenant au pied de son maître – qui sort sa hache, et blesse leur adversaire. Agariel de son côté inflige également quelques dégâts à l’Attercop qui l’avait blessée, mais celle-ci se défend bien. Jorinn, hésitant, décide finalement de sauter du mur  pour rejoindre ses camarades – se réceptionner n’est pas un problème pour lui, mais Baldor reste en haut…

 

Gast repart à l’assaut, mais il est salement blessé. Aldamar ne parvient pas à achever l’Attercop qui s’en prend à eux, même si elle est maintenant à l’agonie – elle parvient pourtant à placer une dernière morsure… et Aldamar s’effondre inconscient. De l’autre côté, Agariel se défend mieux, tandis que Jorinn vient à son secours, plaçant une attaque sournoise qui achève la monstrueuse créature.

 

Mais la situation est de toute évidence critique : si Jorinn est indemne, Agariel est blessée, ainsi que Gast, et Aldamar est tout bonnement inconscient. Baldor paniqué est en haut du mur et ne sait pas quoi faire. Et tout indique que d’autres araignées ne manqueront pas d’apparaître bientôt…

 

À suivre…

Voir les commentaires