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"Superman, 1959", de Bill Finger, Otto Binder, Wayne Boring et Curt Swan

Publié le par Nébal

Superman-1959.jpg

FINGER (Bill), BINDER (Otto), BORING (Wayne) et SWAN (Curt), Superman, 1959, [s.l.], Panini Comics / DC, coll. Archives DC, série Superman, [1959] 2007, 236 p.
 
 
Ce deuxième volume des « Archives DC » consacrées au Superman de « l’âge d’argent » constitue à bien des égards une invitation au voyage dans le temps. On est très loin, ici, des comics contemporains, et a fortiori de la période « sombre et dure » qui a suivi le génialissime Watchmen d’Alan Moore et l’excellent Dark Knight de Frank Miller. Ici, nulle violence, le réalisme se voit gentiment congédier, et les questionnements existentiels de même. Superman vit dans un monde coloré et innocent, et ses aventures visent clairement un public enfantin ; on comprend d’autant mieux l’importance, quelques années plus tard, de la création de l’univers Marvel par Stan Lee et Jack Kirby (sans oublier Steve Ditko, John Buscema, etc.). En 1959, on n’en est pas encore là. Et, autant le dire de suite, c’est franchement niais ; c’en est même souvent consternant. Et le lecteur, à maintes reprises, ne pourra que difficilement se retenir d’éclater de rire, ou de murmurer avec un sourire, la main devant les yeux, un « Oh la la » un rien moqueur…
 
Est-ce inintéressant, alors ? Est-ce illisible aujourd’hui, surtout pour un lecteur adulte ? Sûrement pas. C’est même franchement divertissant. Il y a une contrepartie agréable à la naïveté enfantine de ces épisodes antédiluviens, et c’est que tout y est permis. L’imagination ne saurait rencontrer de limites ; la vraisemblance, la cohérence et le bon goût sont relégués aux oubliettes, et tout devient possible (avec Superman, c’est de suite plus convaincant qu’avec le nabot arriviste, non ? Mais je m’égare…). Le point de départ des aventures laisse souvent pantois, les retournements de situations sont tous plus ahurissants les uns que les autres, et la résolution du mystère fait souvent appel à des trésors d’inventivité. Oui, dans ces pages, l’imagination prend le pouvoir. Et toc. Du coup, c’est extrêmement rafraîchissant et très drôle, pour peu que l’on accepte, le temps d’une BD, de retrouver son âme d’enfant (enfin, ce qu’elle a de mieux à nous proposer, faut pas déconner non plus…) et de se laisser emporter dans un monde fantaisiste et coloré oublieux des soucis de la vie quotidienne, les grands comme les petits (enfin, pour peu que le lecteur consente à débourser 26,00 € quand même ; ouch…).
 
Superman est de toutes façons un personnage qui m’a toujours semblé particulièrement inintéressant dans ses aventures sérieuses. L’est parfait, le bonhomme. Il sait tout faire. En plus il est beau, intelligent et Américain (enfin, sauf dans l’excellent Red Son de Mark Millar, à lire tout prix…). Autant dire que ce surhomme par excellence est vite lassant… Seulement voilà : il suffit qu’il enfile des lunettes, et il devient le journaleux maladroit Clark Kent ; et personne ne reconnaît en lui Superman ; et c’est déjà pas crédible pour un sou… Pour peu que l’on accepte ça, dès lors, on pourra s’amuser en feuilletant le présent volume, dont ce n’est que la moindre des invraisemblances. Et c’est avec plaisir, finalement, que l’on retrouvera ici "l'homme de demain" et ses vieux potes, Lois Lane, bien sûr (particulièrement perfide et prête à tout pour percer le secret de l’identité de Superman, elle en mériterait des baffes, franchement ; l’est bien gentil, le Clark Kent ! Ah, l’amour…), Perry White, et enfin Jimmy Olsen, qui en vient ici à péter un plomb et à déclarer la guerre à Superman ! Autre moment intéressant, et qui vient un peu contredire ce que je disais jusque-là, mais pas complètement non plus, l’histoire plus sérieuse (relativement) et surtout un tantinet tristounette qui vient rappeler au bon souvenir de Kal-El une de ses premières amourettes, et probablement la plus touchante, avec la sirène Lori Lemaris… Plus anecdotique, on croisera à l’occasion la « super-famille » de Superman, avec l’inénarrable Krypto le super-chien… Du côté des vilains, il y a aussi du beau monde : Lex Luthor, bien sûr, plus intelligent et machiavélique que jamais, qui devient le temps d’un épisode le terrible (et puéril…) Kryptonite Man ! On notera aussi l’arrivée de Bizarro dans les aventures de Superman (il avait déjà rencontré Superboy auparavant ; et qui c’est qui le ramène ? Ben oui, Luthor, bien sûr…) : un personnage finalement plus touchant (si l’on est bon prince) que méchant, et qui vit avec Lois une romance à la King Kong… Et puis Titano, Metallo, ou encore le gueudin Mr. Mxyzptlk… Rien de trop méchant, on le voit (en-dehors du nazillon du premier épisode, responsable d’un « projet X » particulièrement original…). Mais de quoi connaître un certain nombre d’aventures amusantes.
 
Car l’humour est au final le maître mot de ces vieux comics. C’est souvent très drôle, et les auteurs n’hésitent d’ailleurs pas à ridiculiser leur héros de temps à autre, par exemple en en faisant le doyen arthritique de Métropolis, ou en suivant le temps d’une aventure Clark Kent en pompier, qui use et abuse de son légendaire et ridicule super-souffle… pour, comme de bien entendu, en arriver à l’éloge de ces authentiques héros de tous les jours (ben oui, on est ici dans une BD morale, Môssieur…). Des fois, on a même franchement le sentiment que les auteurs s’amusent beaucoup, jusqu’à glisser des blagounettes douteuses : pour ma part, le costume de plomb de Superman m’a comme qui dirait un peu surpris ; enfin, surtout l’emplacement de la caméra, quoi…
 

Bilan : si vous voulez lire un truc très couillon mais divertissant, c’est fait pour vous ; et si vous voulez faire de l’archéologie des comics, c’est fait pour vous aussi. Régalez-vous… puis relisez Suprême d’Alan Moore, eh eh eh…

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