Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

"H.P.L. (1890-1991)", de Roland C. Wagner

Publié le par Nébal

Roland-copie-1.jpg

WAGNER (Roland C.), H.P.L. (1890-1991), version anglaise traduite par Jean-Daniel Brèque, Paris, Nestiveqnen – Actusf, coll. Les trois souhaits, 2006, 57 p.
 
Dans cette courte nouvelle (publiée une première fois dans le recueil Musique de l’énergie, paru aux éditions Nestiveqnen, et récompensée par le prix Rosny Aîné en 1997), l’écrivain de science-fiction français Roland C. Wagner se livre à un véritable fantasme de fan, en écrivant la biographie fictive du grand Howard Phillips Lovecraft.
 
Lovecraft est probablement un des plus admirables écrivains du XXe siècle, un auteur qui compte, tant dans le domaine du fantastique que dans celui de la science-fiction (il est à vrai dire particulièrement difficile à classer de ce point de vue). Son œuvre a révolutionné la littérature de l’imaginaire, et donné une forme nouvelle à la peur. Nombreux sont ceux, aujourd’hui encore, qui lui doivent beaucoup, si ce n’est à peu près tout. Plus nombreux encore sont ceux qui, jeunes adolescents, se sont éveillés à la littérature en frissonnant devant ses textes les plus singuliers, tels « Le cauchemar d’Innsmouth », « Les montagnes hallucinées », « L’appel de Cthulhu », ou encore son unique roman L’affaire Charles Dexter Ward (et j’en suis…) ; la « mythologie matérialiste » lovecraftienne, si troublante et réelle, en a parfois amené à prolonger l’expérience, en lisant ses pasticheurs, certains renommés, tels ses amis Robert Bloch ou Robert E. Howard, d’autres beaucoup moins, et au talent plus contestable. C’est qu’il y a un manque, ici, qui se fait cruellement sentir : la mort de Lovecraft, fauché par un cancer en 1937, nous a privés à jamais de son imagination si fertile, et de sa prose unique.
 
C’est inacceptable. Alors autant ne pas l’accepter… Roland C. Wagner nous explique ainsi que le gentleman de Providence n’est pas mort en 1937 : son cancer était bénin, il s’en est préoccupé dès les premiers signes, et une simple opération l’en a à jamais débarrassé. Lovecraft, dès lors, est libre de poursuivre sa carrière, et en tant qu’écrivain professionnel, tant qu’à faire, plus officiellement rattaché à la science-fiction, et – soyons fous – reconnu et admiré de son vivant… C’est l’occasion de voir le reclus de Providence se brouiller avec un August Derleth trahissant son œuvre, polémiquer avec Robert Heinlein, ou prendre sous son aile un jeune écrivain débutant du nom de Philip K. Dick (en écrivant un texte en collaboration avec ce dernier, notamment ; je donnerais tout et n’importe quoi pour lire une chose pareille…).
 
C’est l’occasion de voir Lovecraft changer, aussi. Pourquoi pas ? Nous sommes dans l’uchronie, tout est imaginable : alors, autant construire un Lovecraft idéal, débarrassé de ses plus vilains aspects… Le Lovecraft que nous connaissons était un salaud de réactionnaire, antisémite, raciste et un temps pro-hitlérien ? Mais l’homme a eu le temps de changer : matérialiste convaincu, il se distancie de toute pseudo-science, condamne le racisme et le nazisme, joute en pro-démocrate contre un Heinlein aux tentations totalitaires ; il est même suspecté un temps durant la « chasse aux sorcières » ! Un Lovecraft de rêve est nécessairement de gauche…

Cette notice nécrologique érudite et plus vraie que nature (avec moult notes de bas de page tout aussi fantaisistes que le corps du texte) est ainsi bel et bien un fantasme, le vœu pieux d’un fan. Et tout admirateur de Lovecraft ne pourra qu’apprécier cet hommage pour le moins original. Alors ce n’est probablement pas une lecture indispensable, on pourra trouver l’écriture anodine, ou se dire que 5 €, c’est quand même bien cher pour une si courte (trop courte) nouvelle… en deux exemplaires (?!?), même s’il y a une sympathique couverture de Caza… En même temps, que ne donnerait-on pas pour que cette biographie fictive soit vérité, et avoir ainsi le bonheur de lire, encore et encore, tous ces textes merveilleux que Lovecraft n’a pas eu le temps d’écrire ?

CITRIQ

Commenter cet article

Y
Il y a une erreur dans ce que vous dites. HPL fut publié une première fois par "L'Astronaute Mort" en 1995, dans un catalogue qui comptait également Philippe Curval, André Ruellan, Gérard Klein,<br /> René Durand, Norman Spinrad et Jean-Claude Forest.<br /> Certains, dont l'auteur, ont tendus à minimiser cette publication du fait de la remise du prix Rosny Aîné à un éditeur qui n'avait rein à voir avec la genèse de la nouvelle. J'avais passé commande<br /> de cette nouvelle à Wagner pour une édition à tirage limité en lui imposait du reste quelques restrictions thématiques. Vous jugerez avec moi qu'on peut trouver saumâtre qu'une autre maison<br /> d'édition s'attribue le prestige du prix et que l'on pense par dessus le marché qu'il fut le premier à l'éditer...
Répondre
N
Je ne savions point. Merci de ces précisions.
Répondre
D
Salut Nébal,<br /> <br /> Petites précisions. Cette nouvelle a été publiée successivement :<br /> - 1995 chez l'Astronaute mort, collection Bibliothèque sublunaire n°2 sous le titre H.P.L.<br /> - 1996 dans l'anthologie Cyberdreams 08 : Les mondes d'à côté, DLM éditions<br /> - 1998 dans l'anthologie SF98 : les meilleurs récits de l'année, Bélial<br /> - 2001 dans l'anthologie Les Navigateurs de l'impossible, Imaginaire Sans Frontières<br /> en plus des deux éditions que tu signales.
Répondre