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"La maison de l'exorcisme", de Mario Bava et Alfredo Leone

Publié le par Nébal

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Titre original : La casa dell’esorcismo.
Titres alternatifs : Il diavolo e i morti, Lisa e il diavolo, Lisa et le diable, The Devil And The Dead, The Devil In The House Of Exorcism, The House Of Exorcism.
Réalisateurs : Mario Bava et Alfredo Leone.
Années : 1973, 1975.
Pays : Italie, RFA, Espagne.
Genre : Fantastique / Horreur.
Durée : 91 min.
Acteurs principaux : Elke Sommer, Telly Savalas, Sylva Koscina, Alida Valli, Alessio Orano, Robert Alda…
 
Triste histoire que celle de ce film, où, une nouvelle fois, l’intérêt financier triomphe de l’art… Mais commençons par le commencement. En 1973, Mario Bava, le fameux réalisateur du Masque du démon déjà évoqué par ici, obtient le feu vert de son producteur Alfredo Leone pour tourner le film de son choix, en totale indépendance. Bava a son sujet, qu’il médite depuis plusieurs années, et tourne ainsi dans l’enthousiasme Lisa et le diable, film très personnel, passablement baroque, d’un fantastique teinté d’onirisme et plus orienté sur la suggestion et l’effet psychologique que sur l’horreur démonstrative. Ce film étrange et fascinant, sulfureux aussi (le thème central étant l’évocation d’un aristocrate décadent et nécrophile), est présenté au festival de Cannes en 1973, et y gagne semble-t-il l’estime du public et de la critique… mais ne trouve pas de distributeur. Plutôt ennuyeux pour Bava, qui avait mis beaucoup de lui-même dans ce métrage ; mais c’est également ennuyeux pour Leone, qui y avait mis quant à lui son argent… et qui entend bien le récupérer.
 
Or, la même année que Lisa et le diable est apparu sur les écrans un autre excellent film fantastique, au succès néanmoins incomparable : il s’agit bien sûr du génial L’exorciste de William Friedkin. Le public se rue dans les salles, L’exorciste obtient un succès auparavant quasi impensable pour un film d’épouvante. Et bientôt déferlent les pales copies, visant à profiter de l’engouement pour cette horreur « satanique », plus démonstrative et « naturaliste », dans un sens, que ce que l’on connaissait jusqu’alors.
 
Leone va tenter lui aussi de profiter du filon, et va ressortir Lisa et le diable de ses cartons à cette occasion. Il va tout simplement demander à Bava de tourner de nouvelles scènes rajoutant à l’original le thème de l’exorcisme alors en vogue… Bava est sceptique : Lisa et le diable n’a rien à voir avec ce genre d’horreur, c’est un film qu’il voulait très personnel, il aurait quelque peu l’impression de se prostituer en obéissant aux injonctions de son producteur. Il le fait, pourtant, à reculons, contraint et forcé ; puis il en vient à être tout simplement remplacé par Alfredo Leone lui-même, et exige que son nom soit retiré du générique (il ne collaborera plus avec ce producteur). Le film sortira cette fois en salles, composé pour moitié de scènes tirées de Lisa et le diable, et pour moitié de nouvelles scènes, certaines tournées par Bava, les autres par son producteur, le tout constituant une aberration totalement incohérente… mais qui n’en remporte pas moins un certain succès, allez comprendre…
 
Triste histoire, donc. Car il faut bien reconnaître que cette Maison de l’exorcisme est un film bancal, un film bâtard, on pourrait même dire un « 2-en-1 », tant les scènes du premier film et les nouvelles sont incompatibles : Lisa et le diable jouait la carte de la suggestion et de l’onirisme, développant un certain nombre de thèmes classiques du fantastique (nécrophilie, double, simulacres), La maison de l’exorcisme celle de l'horreur démosntrative et du réalisme à la Friedkin. Elke Sommer – par ailleurs assez convaincante tant dans le registre éthéré de l’original que dans le plagiat (en plus âgée, certes) de Linda Blair – navigue ainsi d’un film à l’autre, le long de deux trames narratives qui ne se rejoignent pas vraiment (pas facile de résumer le film, du coup...), tour à tour jeune fille perdue dans cette étrange maison au luxe baroque (où il n'y a pas d'exorcisme, contrairement à ce que le titre laisse entendre...), tantôt possédée secouée de spasmes épileptiques dans une froide chambre d’hôpital. Le film manque ainsi profondément d’unité, et devient vite assez pénible à suivre. Et, tant qu’à faire, les scènes jouant sur la vague de L’exorciste deviennent rapidement des plus ridicules, tant le plagiat est éhonté : allez, hop, de la bave verte ; hop, un brin de contorsionnisme ; hop, un chouïa de télékinésie (mais version très light) ; hop, les insultes scabreuses sur la sexualité du prêtre (sauf que c’est beaucoup moins glauque que dans la bouche de la petite Linda Blair ; les dialogues de ces séquences ont de toute évidence été écrits par-dessus la jambe, et ça ne joue pas en faveur du film ; par contre, il y a les inévitables plans nichons et foufounette, qu'est-ce qu'on ferait pas pour attirer le gogo...), etc. On pourrait hélas continuer longtemps. En outre, à la différence d’Elke Sommer, Robert Alda, qui joue ici l’exorciste (lequel arrive d’ailleurs vraiment comme un cheveu sur la soupe, là encore à la différence de « l’original »), est consternant de nullité et d’anti-charisme…
 
Tout n’est pas à jeter, certes. Bava reste un grand professionnel à la réalisation irréprochable, et qui nous mitonne à l’occasion quelques plans de toute beauté, essentiellement, comme de bien entendu, dans les scènes originales, mais aussi, à l’occasion, dans les scènes « d’exorcisme », parfois d’une violence assez impressionnante. Et, si l’on excepte Robert Alda, les autres acteurs sont dans l’ensemble corrects, ou ont du moins une présence indéniable à l’écran, notamment Telly Savalas et Alessio Orano. La musique de Carlo Savina, enfin, n’est pas inintéressante, même si elle tente un peu vainement de sonner « à la Bernard Herrmann » ou se repose à l’occasion sur le Concerto de Aranjuez.
 
Reste que La maison de l’exorcisme est une œuvre bâtarde et bâclée, que Bava a très légitimement renié : lors des scènes « d’exorcisme », quand Elke Sommer hurle « Je ne suis pas Lisa ! », on sent à vrai dire toute la frustration du réalisateur… dépossédé. Un film terriblement décevant, donc (je ne connaissais pas l’origine du film avant de le visionner, et ça m’a fait comme un choc : on se rend compte dès les premières minutes qu’il y a quelque chose qui cloche…). Il semblerait par contre que Lisa et le diable soit ressorti depuis dans sa version d’origine, et j’avoue que je suis curieux de voir ce que cela pourrait donner… mais le résultat ne peut être que meilleur, les principaux défauts de cette Maison de l’exorcisme étant son manque d’unité le rendant totalement incohérent et son opportunisme affligeant.

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