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"Jason et les Argonautes", de Don Chaffey

Publié le par Nébal

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Titre original : Jason And The Argonauts.
Titre alternatif : Jason And The Golden Fleece.
Réalisateur : Don Chaffey.
Année : 1963.
Pays : Royaume-Uni ; Etats-Unis.
Genre : Péplum / fantastique.
Durée : 104 min.
Acteurs principaux : Todd Armstrong, Nancy Kovack, Gary Raymond, Laurence Naismith, Jack Gwillim, Nigel Green...
 
Le cinéma, dès ses origines, a eu, entre autres, une vocation pour le spectaculaire, en témoigne L’arrivée d’un train en gare de La Ciotat. Il ne s’agit ici, cependant, que de capturer le réel, dans une tradition « photographique ». Mais on trouve bien vite des auteurs d’un naturel plus poétique derrière les caméras, qui comprennent à quel point ce nouvel art peut se faire porteur de rêves et de réjouissantes illusions. Méliès, fasciné par la prestidigitation, fut probablement le premier maître de cette lignée, qui connut par la suite bon nombre de génies. Et, au-delà du vieillissement des effets spéciaux, à l’heure d’un tout-numérique hélas si souvent bien fade, il n’est sans doute pas inutile, à l’occasion, de se pencher sur l’histoire du genre et d’en ressusciter quelques pionniers, dont les visions surréalistes, en imprimant la pellicule, ont su tirer le meilleur parti de moyens souvent réduits pour susciter l’émerveillement du spectateur.
 
Et, dans cet histoire, Ray Harryhausen est un incontournable. Un cas unique, aussi, dans un sens : le monde du cinéma, trop souvent, ne retient le qualificatif « d’artiste » que pour les réalisateurs et les acteurs, et oublie les artisans de l’ombre – scénariste, directeur photo, monteur, compositeur, directeur des effets spéciaux, maquilleur… – qui ont pourtant parfois un rôle déterminant dans la réussite d’un film. Il y a des exceptions, certes, des génies qui ont su imposer leur nom sur le devant de l’affiche contre vents et marées. Et on en trouve même deux pour ce Jason et les Argonautes de 1963, réalisé par Don Chaffey : la bande-originale est en effet signée par le légendaire Bernard Herrmann, auteur de fabuleuses compositions pour, entre autres, Orson Welles, Brian DePalma et, surtout, Alfred Hitchcock ; mais intéressons-nous d’abord à Ray Harryhausen, donc, lequel, non content de diriger les effets spéciaux, co-produit en outre le film, sans doute une de ses plus grandes réussites (on peut noter qu’on le retrouvera aux côtés de Don Chaffey trois ans plus tard pour le cultissime, bien que très kitsch, Un million d’années avant Jésus-Christ).
 
En effet, il est inutile de se leurrer : le principal intérêt du film réside dans ses extraordinaires effets spéciaux ; Ray Harryhausen s’en est donné à cœur joie, et a réalisé quelques tours de force encore stupéfiants d’audace et d’inventivité aujourd’hui, quand bien même le temps y a nécessairement laissé sa griffe. Et quoi de mieux, alors, qu’un péplum fantastique pour laisser s’épanouir l’imagination dans un déferlement de fantaisie ? L’histoire de la quête de Jason pour trouver la fameuse Toison d’or était un sujet de choix, dont les auteurs ont su tirer le meilleur parti, en abandonnant d’ailleurs si nécessaire « l’authenticité » mythologique pour privilégier le spectacle (c’est du moins ce qu’il m’a semblé).
 
Rappelons l’histoire en quelques mots. L’usurpateur Aétès, favorisé par Zeus, s’empare du royaume de Thessalie et en tue le roi ; de crainte qu’un descendant de ce dernier ne cherche à se venger et à reprendre sa couronne, Aétès se rend dans le temple d’Héra et y tue les deux filles du roi défunt. Héra n’apprécie guère, et prédit à Aétès qu’il sera tué par un homme qui n’aura qu’une sandale, et qu’il s’agira de Jason, l’héritier légitime de Thessalie qui est parvenu à échapper au massacre ; elle affirme en outre qu’Aétès ne pourra tuer Jason sans se tuer lui-même. Zeus – un peu pataud, ici – accepte de jouer le jeu avec son épouse – qui n’a rien de la mégère de la légende… Bien des années plus tard, Jason rentre en Thessalie et, du fait d’une intervention d’Héra, sauve la vie d’Aétès sans même connaître l’identité de ce dernier, à qui il fait part de ses projets : il compte tuer Aétès et restaurer le moral du peuple et sa confiance en les dieux de l’Olympe – qu’il méprise un peu lui-même, ceci dit – en lui rapportant la légendaire Toison d’or, une peau de bélier magique qui se trouve dans la lointaine Colchide, et qui aurait le pouvoir de venir à bout de tous les fléaux. Aétès, qui reconnaît Jason et se souvient de la prédiction d’Héra, lui suggère de commencer par rapporter la Toison afin de s’assurer le soutien de tous, mortels et dieux. Jason accepte, Héra, en Olympe, lui offre son aide, et il monte bientôt son expédition, en sélectionnant pour équipage les meilleurs guerriers et athlètes de toute la Grèce (parmi lesquels le demi-dieu Héraclès – bon, ils disent Hercule, et on ne va pas pinailler… – et, à son insu, Acaste, le fils d’Aétès, qui compte bien saisir la moindre occasion de trahir son capitaine…), et tout ce beau monde embarque à bord de l’Argo, puissant navire construit par le fameux Argos. Mais Jason dilapide bien vite l’assistance d’Héra et les obstacles se multiplient ; il lui faudra pourtant atteindre la Colchide et s’emparer de la Toison d’or… et y trouver aussi l'amour, auprès de la belle Médée, grande prêtresse d'Hécate.
 
Très vite, le film devient un véritable festival d’effets spéciaux, servis au mieux par une réalisation dans l’ensemble académique, malgré quelques originalités (quelques scènes caméra à l’épaule notamment) ; l’interprétation, par ailleurs, n’est guère marquante, et, à vrai dire, Todd Armstrong ne m’a pas paru faire un Jason très charismatique, de même que Nigel Green est un choix étrange pour Hercule. C’est très correct, ceci dit, et l’on n’a de toutes façons pas le temps de s’ennuyer.
 
Les tous premiers effets spéciaux, étrangement, ne sont guère convaincants : les apparitions / disparitions d’Héra, la maladroite transformation d’Hermès en un géant et l’envol de Jason pour l’Olympe… Heureusement, cela va changer dès que l’Argo entame son périlleux voyage. Bien vite, les Argonautes abordent l’Île de Bronze, et doivent affronter le titan Talos, d’une taille colossale. Le monstre est assez lent, mais quelques passages sont particulièrement réussis, ainsi quand le titan enjambe un détroit pour s’emparer de l’Argo et le secouer en tous sens… Mais Ray Harryhausen, dans cette scène, n’a pas encore montré tout son talent. On en prend déjà davantage conscience à l’étape suivante, dans l’épique combat contre les harpies qui persécutent le devin aveugle Phinée, créatures ailées monstrueuses et remarquablement bien animées. Mais le premier grand morceau de bravoure suit bientôt, avec le passage du détroit des « roches broyeuses », quand surgit soudain un gigantesque triton – un acteur, cette fois – battant les flots de sa nageoire gigantesque et repoussant les falaises, laissant le champ libre à un Argo minuscule ; je défie quiconque, même aujourd’hui, de ne pas ressentir un subit accès d’émerveillement quand la titanesque créature surgit des flots… Suit au bout d’un moment un fort beau combat contre une hydre à sept têtes… et enfin, dernier morceau de bravoure, l’extraordinaire combat des Argonautes contre une troupe de squelettes à l’animation merveilleusement fluide et à l’incrustation parfaite ; on était bien loin du numérique, en ce temps-là, et pourtant le résultat est encore aujourd’hui sublime, les squelettes se déplaçant avec une harmonie remarquable dans une époustouflante chorégraphie, interagissant sans cesse avec le décor ; l’illusion est parfaite quand les épées et les boucliers s’entrechoquent.
 
Et la musique de Bernard Herrmann est la cerise sur le gâteau. Certes, ce n’est pas là une de ses plus brillantes compositions (Vertigo, Psychose, Pas de printemps pour Marnie, entre autres merveilles), mais c’est tout de même indéniablement au-dessus du lot, d’autant plus que, là encore, la musique semble tout entière vouée à servir au mieux les illusions de Ray Harryhausen. Aussi Herrmann n’hésite-t-il pas à recourir à des instruments inattendus pour « bruiter » les effets – c’est particulièrement flagrant pour ce qui est des squelettes – tout en construisant des mélodies entêtantes et efficaces, merveilleusement appropriées à ce qui se passe sur l’écran – ainsi la composition lourde et angoissante qui accompagne le combat contre Talos, ou le lyrisme épique du franchissement du détroit des « roches broyeuses ».
 
On a parfois désigné Hollywood du nom « d’usine à rêves ». Des films tels que celui-ci ne font certes pas mentir cette flatteuse réputation.

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L
<br /> es ce qe tu croi qe on va lire se truc vraimen pa interessant ta bien raison : le ridicule ne tue pas surtou dan ton cas<br /> <br /> <br />
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N
"Clash Of The Titans" ? Ah ben volontiers, c'est gentil !
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C
Je te le prèterai si tu veux ;-)
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N
Je crains, dans mon inculture crasse, de n'avoir jamais vu "Clash Of The Titans" (ou alors y'a longtemps... ou bien j'ai oublié... ou y sentait pas bon, mais là j'en doute uh uh), erreur que je compte bien réparer un de ces jours.<br /> <br /> Mais, pour ce qui est de celui-ci, le triton et les squelettes m'ont effectivement foutu par terre.
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É
Ton enthousiasme fait plaisir ! L'affrontement contre les squelettes est en effet un tour de force qui me laissera éternellement ébahi et demeure aujourd'hui encore une référence pour pas mal d'artisans des effets spéciaux. Dans l'oeuvre d'Harryhausen, j'avoue néanmoins une préférence pour "Clash of the Titans", qui contient vraiment mes monstres et séquences préférées (la Gorgone bien sûr et le Krâhken).<br /> <br /> É.
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