Titre alternatif : Ninja: Silent Assassin.
Réalisateur : Godfrey Ho.
Année : 1987.
Pays : Hong Kong.
Genre : Actions / Arts martiaux / Ninjas… Nanar / 2-en-1
Durée : 1h25.
Acteurs principaux : Richard Harrison, Alphonse Béni, Pierre Tremblay, Stuart Smith, Grant Temple…
Ah, les ninjas… Les légendaires guerriers de la nuit, assassins sans pitié rejetant le bushido, espions imprévisibles et invisibles… Leurs légendaires tenues no… non, pardon : jaunes, roses, rouges, et de préférence qui pète bien. C’est qu’on est ici dans un film de Godfrey Ho, voyez-vous. Produit par Joseph Lai, qui plus est. Or les deux bonhommes sont parmi les plus impitoyables margoulins de l’histoire du cinéma, et on ne me fera pas croire qu’ils ne prenaient pas les spectateurs de leurs innombrables films de ninjas pour des cons (‘fin, en même temps, c’est bien légitime, hein…).
Godfrey Ho est le grand maître du 2-en-1 made in Hong Kong. Mais qu’est-ce donc qu’un 2-en-1, demande le jeune lecteur candide qui n’ose pas fréquenter Nanarland ? Eh bien, mon petit, un 2-en-1, chez le Monsieur en tout cas, ça consiste en ça : tu tournes (mal) des scènes toutes pourrites et quasiment sans scénario avec des gweilos (des blancs, quoi ; parce que c’est de toute façon destiné à l’exportation), et, pour que ça te revienne encore moins cher au final, tu complètes les séquences « originales » (faut l’dire vite…) avec des images extraites d’un petit film asiatique (philippin, thaïlandais, etc.) déjà tourné, qui n’a pas trouvé de distributeur, et dont tu as acquis les droits (enfin… peut-être ; parce que quand on voit la musique de ces films – Kraftwerk, Vangelis, Pink Floyd, ici le générique de Deux flics à Miami, etc. –, on se dit que le sieur Godfrey Ho a une conception bien particulière de ce qu’est la « musique de stock »…) pour pas cher du tout. Mais alors (dit le jeune candide), on a deux films abrégés et qui n’ont rien à voir entre eux ? Comment on fait pour que ça se tienne ? Eh bien sache, jeune candide, que ça ne se tient pas (ça, c’est fait) ; mais c’est pas faute d’avoir essayé, en usant de divers expédients, parmi lesquels la post-synchronisation, les champs / contre-champs destinés à faire croire (très maladroitement) que deux personnages qui ne jouent pas dans le même film discutent malgré tout ensemble, une variante très courante à base de conversation téléphonique (en plus, si le combiné du téléphone est en forme de Garfield, c’est carrément trop la classe) ou encore, petit détail que j’adore, le fait pour les personnages de se distribuer des photos des personnages de l’autre film en disant « il faut surveiller ce type »… Mais c’est scandaleux, et en plus c’est nul, s’exclame le jeune candide ! Oui, petit merdeux, mais c’est aussi très drôle, en témoigne ce Black Ninja du meilleur tonneau…
Un truc très alléchant, déjà : un casting de fous furieux, réunissant pas mal de trognes jusqu’alors vues surtout séparément. Jugez-en : Richard Harrison (qui n’en revient toujours pas d’avoir figuré dans autant de films de Godfrey Ho), Alphonse Béni (le Black Ninja, donc, très sémillant dans son costume jaune poussin, mais qui se prend à l’occasion pour l’inspecteur Harry), Pierre Tremblay (l’homme aux plans diaboliques, et qui peut recommencer autant de fois qu’il le veut, dans l’inénarrable – et c’est le cas de le dire – Flic ou ninja), Stuart Smith (le cabotinage effréné fait homme, une de mes idoles, personnellement), Paulo Tocha (vague sosie de Stallone, qui, pour reprendre la belle expression de Barracuda, fait ici « de la figuration à peine intelligente »)… N’en jetez plus, nous sommes déjà comblés…
Par contre, me demandez pas de raconter le film d’un bloc, c’est infaisable (et chiant, en plus) ; déconstruisons donc le 2-en-1.
La partie occidentale, pour commencer. Le début se passe en France, avec Alphonse Béni. Comment le sait-on ? Ben, facile, une bouteille d’Evian, et des baguettes de pain… Oui, mais attention : les baguettes servent en fait à dissimuler de la cocaïne ! Ca commence fort. Bon : pour faire simple, Alphonse Béni (Alvin) et son pote Richard Harrison (Gordon) sont, comme d’hab’, des agents d’Interpol. Les vilains trafiquants de drogue, aidés par des flics nécessairement corrompus, s’en prennent à Dirty Béni en envoyant des ninjas tuer sa femme ; Alphonse a beau les éliminer, vêtu d’un simple caleçon, la dame y passe (longue, longue scène d’agonie d’un ridicule achevé). Vengeance ! Avec son pote Richard Harrison, le Black Ninja va foutre la pâtée aux vilains (parmi lesquels, donc, Stuart Smith). D’où, régulièrement, ces magnifiques bastons en mousse qui arrivent comme un cheveu sur la soupe, avec les transformations ninjas à base de frénétiques moulinets des bras, les costumes ridicules, les apparitions / disparitions avec ou sans bombinette à fumée, les chorégraphies molles même quand elles sont accélérées, les acrobaties qui ne servent à rien, les armes qui apparaissent ou disparaissent comme par magie… C’est stupide, c’est ignoble, et on en redemande. D’autant plus qu’il faut bien reconnaître que le reste est assez chiant, même si, pour notre plus grand plaisir, les acteurs jouent atrocement mal (sans surprise), et les doubleurs se sont lâchés, multipliant les intonations ridicules et autres réparties stériles sous tranxène réservant quelques jolis éclats de rire (quelques extraits dans la chronique de Barracuda, d’ailleurs).
La partie asiatique est pas mal aussi, dans le genre (alors que c’est souvent là que le bât blesse, dans ce genre de productions). Le héros est un Chinois qui s’appelle Edmond (allons bon…) ; et Edmond est grave véner, parce que des méchants mafieux ont fait assassiner son pôpa. Alors lui aussi il veut se venger (original, hein ?). Le lien avec la partie occidentale ? Cherchez pas, c’est très léger (en gros, les chefs des méchants sont, de loin, les mêmes pour les deux films…). Mais Edmond part en croisade, donc, assisté de quelques potes à lui particulièrement funky (magnifique chorégraphie nanarde quand Edmond apprend la mort de son père), et d’une drôlesse prétendument très masculine. Edmond est particulièrement stupide, et c’est tant mieux : c’est ainsi avec une jubilation sadique qu’on le voit se ramener à tout bout de champ pour foutre des types à poil (à la recherche d’un tatouage en forme de phénix qui désignerait l’assassin de son père), provoquer des bastons, et fuir après avoir dit qu’on ne lui faisait pas peur. Le tout étant souvent hyper-accéléré, ce qui donne au final des grands moments de nawak bennyhillesque.
Bref, un chouette nanar à base de ninjas, qui repousse très très loin les limites du mauvais goût et de l’escroquerie.
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