Titre original : Lord Of Illusions.
Titres alternatifs : Clive Barker’s Lord Of Illusions, Maître de l’illusion.
Réalisateur : Clive Barker.
Année : 1995.
Pays : Etats-Unis.
Genre : Fantastique / Horreur / « Film noir »
Durée : 1h44.
Acteurs principaux : Scott Bakula, Kevin J. O’Connor, Famke Janssen, Daniel Von Bargen…
Hop, un lieu commun pour commencer : Clive Barker est un homme aux multiples talents, comme on dit. D’abord et surtout connu et plébiscité en tant qu’écrivain de fantastique ayant révolutionné l’horreur (avec notamment ses Livres de sang) mais lorgnant également du côté de la fantasy plus ou moins horrifique (comme avec son excellent Imajica), il s’est aussi exercé au cinéma, que ses œuvres soient indirectement transposées (lui se contentant du scénario et éventuellement de la production, comme avec le très bon Candyman de Bernard Rose) ou qu’il se charge lui-même de les imprimer sur la pellicule, ainsi pour le fameux Hellraiser et, donc, Le maître des illusions, en 1995.
Une chose est claire : cela ne plaira pas à tout le monde. Déjà, quand Clive Barker fait dans l’horreur, il ne le fait pas à moitié ; certaines scènes de ses films, et notamment de celui-ci, sont particulièrement éprouvantes, et il ne refuse pas d’injecter un peu de gore à l’occasion. En même temps, Barker assume totalement ces films comme étant de pures séries B, et cela se sent. Pour certains, cela peut être rédhibitoire, mais pas pour moi…
Le maître des illusions s’appuie sur une nouvelle de Clive Barker intitulée « La dernière illusion », datant de 1985, et publiée dans les Livres de sang. Une étrange histoire, mêlant horreur, fantasy et « film noir », pour un résultat original et efficace.
Dès les premières minutes du film, en tout cas, l’ambiance est posée. Ca sera sordide et glauque… Le générique défile sur un fond d’images très travaillées de cadavres d’animaux dans le désert, pour un résultat assez intriguant, constituant une bonne entrée en matière. Nous sommes en 1982, dans le désert de Mojave. Un magicien du nom de Nix y dirige une secte fanatique, à la Charles Manson en pire encore. Il retient captive une petite fille, qu’il torture à l’occasion. Un jeune homme du nom de Swann, ancien disciple de Nix, arrive alors, accompagné de quelques amis, afin de délivrer la jeune fille. Il y a quelques victimes dans le combat qui s’ensuit, mais Nix a le temps de montrer ses véritables pouvoirs : il lévite, crée des flammes, suscite des illusions en enfonçant ses doigts dans le crane de Swann ; il confère en fait une partie de ses pouvoirs au jeune homme, désireux de le rendre fou, avant d’être abattu par sa captive. Swann lui fixe alors un étrange masque sur le visage, directement vissé sur le crâne (gueuh…).
Dix ans plus tard. Harry D’Amour est un détective privé dans la grande tradition du genre, avec une fâcheuse tendance à tomber sur des affaires étranges où le surnaturel a sa part (sur ce plan, il fait donc également penser à Harry Angel dans Angel’s Heart et à John Constantine – dans l’excellente BD Hellblazer, plutôt que dans sa version hollywoodienne très fade). Conduit par une enquête à Los Angeles, il tombe par hasard sur une scène horrible, un cartomancien du nom de Quaid étant torturé à mort par deux maniaques d’apparence vaguement skinhead qui parviennent à prendre la fuite.
Swann, entre temps, est devenu un illusionniste de renom. La nouvelle de la mort de Quaid (un des hommes qui l’avaient accompagné dans son expédition contre Nix) le perturbe. Sa femme, la sublime Dorothea (dont on comprend bien vite qu’elle est la jeune prisonnière de Nix libérée par Swann) s’en inquiète, et décide de contacter Harry D’Amour, mentionné dans le journal comme principal témoin de la mort de Quaid, afin d’enquêter sur cet assassinat pour éliminer tout danger concernant éventuellement Swann. Mais celui-ci, le soir même, meurt de manière horrible alors qu’il effectuait sur scène un nouveau tour… D’Amour se retrouve ainsi mêlé dans une étrange enquête dans le monde factice des illusionnistes ; mais les morts s’accumulent bien vite, les non-dits sont nombreux, et une magie plus « authentique » semble entrer dans la partie…
Le tout dans une ambiance très glauque. Dès le prologue, on est servi, et ça ne fait que s’aggraver par la suite. Certaines scènes horrifiques, relativement originales, suscitent un profond malaise chez le spectateur, et Clive Barker se montre dans l’ensemble un réalisateur compétent et efficace, en dépit de quelques fautes de goût de temps à autre. Certaines scènes sont assez remarquables, avec une petite touche d’humour assez appréciable, ainsi le très kitsch et expressionniste spectacle de Swann, suivi par une scène d’horreur remarquablement bien amenée, puis une scène d’action assez efficace. Ca fonctionne, et même très bien. Le mélange entre horreur, fantasy et « film noir » est assez bien vu, et l’on se prend aisément au jeu, cherchant, ainsi que D’Amour à percer le secret que cachent ces illusionnistes, faux-culs par définition. Le rythme se maintient tout au long du métrage, sans véritable temps mort.
L’interprétation est également assez correcte. Si Scott Bakula, en tant qu’Harry D’Amour, fait un peu « sous Harrison Ford », Kevin J. O’Connor compose par contre un Swann très convaincant (dans le genre cabotin, mais on ne s’en plaindra pas). Quant à Barry Del Sherman, dans le rôle de l’énigmatique maniaque Butterfield, il est assez effrayant, et fait fortement penser à Bob Geldof dans The Wall, du moins les scènes « nazies ». Enfin, Famke Janssen, outre qu’elle joue plutôt bien, est décidément très très belle, alors… heu… pardon.
Le principal intérêt du film, cependant, réside bien dans ses quelques débordements d’horreur très graphique et éventuellement surréaliste. Cela peut donner à l’occasion un côté un peu kitsch, impression renforcée par le budget que l’on supposera limité (même si les effets spéciaux sont dans l’ensemble très corrects, voire très bons, notamment dans les dernières scènes – je n’en dirais pas plus, mais le sort des derniers disciples de Nix constitue une scène d’horreur tout bonnement anthologique…). Mais le résultat est là : le film est assez angoissant, on sursaute régulièrement, on fait de temps à autre une moue de dégoût, et on en redemande.
Le maître des illusions est ainsi au final une série B d'horreur très sympathique et généreuse, assez représentative des délires les plus intéressants de Clive Barker. Pour ma part, j'ai passé un excellent moment devant ce film, et vous encourage donc à y jeter un oeil.
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