Titre original : The Blair Witch Project.
Réalisateurs : Daniel Myrick & Eduardo Sanchez.
Année : 1999.
Pays : Etats-Unis.
Genre : Horreur / « Fantastique » / Mockumentary.
Durée : 87 min.
Acteurs principaux : Heather Donahue, Joshua Leonard, Michael C. Williams…
Est-il encore nécessaire de présenter Le projet Blair Witch ? Probablement pas, tant ce petit film au budget dérisoire (20 000 $) a fait un carton à sa sortie. C’est qu’il en a fait couler, de l’encre, celui-là… Et moi, bien entendu, je ne l’avais encore jamais vu, toujours sceptique quand il y a un effet de mode. Ce qui n’est pas toujours bien malin, mais bon…
Allez, hop, pour le principe. Trois jeunes couillons, la gourdasse pseudo-goth Heather, le hippie surfer Josh et le gros beauf Mike, partent tourner un documentaire dans une forêt américaine, laquelle serait, dit-on, hantée par une sorcière ; ou bien y’aurait un cimetière indien, aussi ; et puis des gamins qui ont disparu ; des types plus âgés, aussi… Bref, tout un paquet de légendes plus ou moins sordides, à même de remplir des pages dans les tabloïds pour faire trembler Mme Michu. Leur « expédition », quoi qu’il en soit, est vraiment mal foutue : ah, ces jeunes (et notamment la petite poupouf de « réalisatrice »)… Bien sûr, ils disparaissent. Mais pas tout à fait sans laisser de traces : un an plus tard, on retrouve leur caméra 16 mm et leur caméscope, et on fait un montage. Et voilà.
Bien sûr, quand le film est sorti, la production a laissé entendre que tout le matériel du film était authentique, que tout ça s’était réellement passé. Et il s’est bien évidemment trouvé des ahuris pour le croire… Moi qui pensais être plutôt naïf, là, on m’a battu à plate couture. Peu importe. Laissons-les à leurs fantasmes. On avait connu les mêmes une vingtaine d’années plus tôt avec le légendaire et dérangeant Cannibal Holocaust de Ruggero Deodato ; et, de temps en temps, il se trouve encore un film pour susciter ce genre de polémiques… Mais il faut reconnaître que l’effet de réel est employé à fond, tant dans Cannibal Holocaust que dans Le projet Blair Witch – le premier étant d’ailleurs une influence évidente du second, ça a souvent été relevé. Certes, il suffit de faire preuve d’un minimum d’attention pour voir « le truc ». Je ne vais pas énumérer d’exemples, il y en a un paquet, d’autant plus que ceux qui « y croient » encore – c’est dingue, mais il y en a ! – ne peuvent certainement pas être convaincus du contraire ; de toute façon, ces gens-là savent que les Américains n’ont pas marché sur la Lune…
Surtout, ce n’est guère drôle, de passer son temps à chercher la petite bête. Pour apprécier le film, il faut jouer le jeu, suspendre son incrédulité. Et, de même que dans Cannibal Holocaust – et à vrai dire plus encore que dans ce dernier, puisque le procédé est ici employé du début à la fin –, tout est mis en œuvre pour nous plonger au cœur de l’histoire, pour nous y faire croire. Et, de ce point de vue, je dois reconnaître que c’est une franche réussite : les plans faussement hasardeux au caméscope ou en 16 mm installent très vite une atmosphère de réalisme total, rappelant les tentatives généralement désastreuses de bon nombre d’adolescents dans le même genre, de même que, dans l’excellent Festen, les « principes » hypocrites, barbares et réjouissants du Dogme se voient conférer une force remarquable par l’utilisation d’un petit caméscope, empruntant tous les traits du petit film de tonton René lors de l’anniversaire de tatie Josiane, pour nous assener dans la figure un cinglant : « Ceci est la réalité. » Et ça marche effectivement très bien, là aussi.
D’où, à mon sens, le caractère totalement infondé d’une critique qui a souvent été adressée à Festen, et plus encore à celui-ci, une fois que la hype est retombée (le calamiteux deuxième opus n’ayant guère arrangé les choses…) : « Y’a pas de film. C’est moche, c’est mal filmé. » Ben oui. Et du coup, non. C’est bien là que réside l’intérêt, dans cette volonté de « faire » vrai, quitte à en rajouter des caisses : la caméra tremble probablement plus que de raison, le cadrage est – faussement – hasardeux, les raccords se font dans tous les sens… Ben oui. Parce que trois couillons d’ados qui partent dans une forêt, sans expérience et avec une 16 mm louée et un petit caméscope, il y a plus de chances que cela ressemble à ça qu’à, disons, Apocalypse Now… Et je suis pour ma part persuadé, contrairement à ce qu’avancent certains critiques du dimanche, que, au-delà d’un minimum d’improvisation (qui semble avoir été encouragée chez les acteurs), le reste – réalisation, mise en scène – ne doit strictement rien au hasard. Sur ce plan, le film est réfléchi et pertinent : pas une escroquerie marketing, comme on l’a prétendu, mais un vrai travail de mise en abyme, comparable à certains égard aux scènes prétendument « sur le vif » de l’excellent C’est arrivé près de chez vous.
Deuxième critique récurrente : « Ca ne fait pas peur. » Ici, le problème est de savoir ce que l’on veut. Même si j’apprécie pour ma part les films gores ou les films d’horreur jouant énormément sur les effets spéciaux, je n’en pense pas moins que l’horreur suggestive est généralement plus efficace que l’horreur démonstrative pour générer la peur (ce qui n’enlève pas tout intérêt à l’horreur démonstrative, loin de là ; seulement elle ne fait pas appel aux mêmes émotions, et ne recherche pas le même impact…). Effectivement, « on n’y voit rien », et, à mon sens, c’est tant mieux ; notamment pour les scènes où l’on entend… Il s’agit là encore de faire fonctionner l’imagination du spectateur ; à lui de jouer le jeu. Et, dès lors, sans être anthologique en la matière, Le projet Blair Witch n’en est pas moins à mon sens relativement efficace, en tout cas bien plus que la majeure partie des films d’horreur de ces dernières années (par contre, on est d’accord sur un point : la comparaison inévitable avec L’exorciste et Shining, ça, c’est bien du marketing, et c’est absurde…).
Une autre critique est souvent liée à la précédente : « C’est un film d’ados. » Oui. Et mille fois plus pertinent que les trop nombreux teenage movies mâtinés de slasher qui ont suivi Scream. Ici, pas de blondasse à gros seins et de jeunes beaux au brushing impeccable, mais des ados crédibles, comme on en croise dans la rue. Et qui ont des peurs d’ados. Ca donne en quelque sorte une version attardée des récits au coin du feu des campeurs dans la forêt, vous savez, ceux où Bobby essaye de foutre les jetons à Cynthia pour que Jimmy puisse la réconforter et se la taper (à charge de revanche)… Une certaine mise en abyme, là encore, mais cette fois des fonctions, des ficelles et des effets du récit. Plutôt bien vu, je trouve…
(Je sais, j’ai employé deux fois l’expression abominable « mise en abyme »… Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, hein : Le projet Blair Witch n’est pas un film d’horreur génialissime et supra-intelligent ; ce que j’entends montrer, c’est simplement qu’il n’est pas aussi con qu’on pourrait le croire, et, surtout, qu’il n’est pas aussi gratuit. C’est juste un film d’horreur sympa, hein… Seulement j’ai fait le tour des « critiques » d’internautes, épreuve toujours édifiante, et j’ai lu tellement de conneries sur ces divers points que j’ai ressenti le besoin – stupide, OK – de justifier mon appréciation du film en démontant ce qui me semble être des arguments inadéquats… Pfiou…)
Une dernière pour la route ? Allez : « Ils jouent mal. » Non. Honnêtement, je les ai même trouvés plutôt bons, assez naturels dans leurs répliques, assez authentiques dans leur peur et leur souffrance. Notamment Heather Donahue (« Mike » étant le moins convaincant). Encore une fois (voir plus haut), il serait aberrant de les critiquer justement en raison de cette interprétation « naturelle ». Après, je conçois très bien qu’on puisse les trouver artificiels – je l’ai lu par endroits –, et, là, la critique serait fondée. Mais ce n’est pas mon point de vue : une subjectivité contre l’autre…
Allez : un bon petit film d’horreur, qui ne méritait sûrement pas autant de ramdam dans un sens comme dans l’autre, mais a pour lui d’être original et relativement unique. Moi, j’ai bien aimé…
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