BRETIN (Denis) et BONZON (Laurent), Mickey Monster, [s.l.], Baleine, coll. Club Van Helsing, 2007, 185 p.
Club Van Helsing, deuxième approche, après un réjouissant abordage avec le Délires d’Orphée de Catherine Dufour. Je ne reviendrai pas ici sur la présentation de la collec’ (pas que ça à fout’, non mais ho… Voyez ma note sur Délires d’Orphée ; de toute façon, Dufour, c’est bon, mangez-en).
Il n’est sans doute pas inutile, par contre, de procéder à une petite présentation du binôme à l’origine de ce Mickey Monster, pas forcément bien connu des amateurs d’imaginaire. A vrai dire, j’en avais jamais entendu parler, moué, mais bon, c’est pas un critère très pertinent. Donc, si j’en crois la petite notice biographique figurant sous leur jolie photo de psychopathes, Denis Bretin et Laurent Bonzon ont écrit ensemble « trois romans policiers flirtant avec le fantastique » : La Servante du Seigneur, Le Nécrographe et Malo Mori, et plus récemment Eden, complex 1, « première étape d’un écolo-thriller en forme de trilogie », ce qui est très tendance. On notera enfin que Denis Bretin a également publié en solo un roman intitulé Le Mort-Homme, pour lequel il a reçu le prix littéraire du festival de Gérardmer ; bon, je suis le premier à dire que le palmarès de Gérardmer pue régulièrement du popotin, mais on avouera tout de même que c’est plutôt bon signe pour un auteur (co-)écrivant un volume du CVH. Parce que, je sais pas vous, mais moi, c’est bien du fantastique un peu couillon, tendance gros bis rougeaud, voire réjouissant Z, que j’en attends.
Le « héros » du roman répondant au nom de Roger McOrman (aha), et le monstre étant clairement désigné en quatrième de couv’ comme étant un blob, on peut déjà supposer qu’on va être gâté de ce côté-là. Chouette.
Histoire d’être original, on va commencer par le commencement. Réunion au Club Van Helsing, où quelques-uns de nos chasseurs (dont le big boss et notre harponneur préféré) assistent à une conférence du professeur Guineas Sörberg, éminent membre du club et authentique psychopathe (une fois, il a bouffé son porteur pour être en mesure de traquer sa proie…). Il raconte au cercle distingué sa dernière expédition, agrémentant son récit de photographies (du genre : « Ainsi que vous le voyez, sur la fig. 27, on distingue encore les mains de la précédente victime ; nous pouvons en déduire ceci du régime alimentaire de la bête : etc., etc. »). Les chasseurs s’emmerdent. Pas le lecteur, qui s’amuse beaucoup dans cette hilarante introduction.
Sörberg ne tarde cependant pas à être interrompu, quand un petit homme grotesque et obèse se présente devant la porte de Bedlam Asylum. Un aveugle, à en croire ses lunettes noires en pleine nuit et sa canne blanche. Avec une étrange cicatrice sur le visage, pas totalement dissimulée par ses verres fumés. L’homme – de toute évidence un Américain – se présente comme étant Roger McOrman, l’inventeur de la fameuse machine à Mickey. La machine à quoi ? La machine à Mickey ; il a une licence et un brevet. Ah. Et ça sert à quoi ? A faire des Mickey. Ah. Bon. Et… ? Et Roger McOrman a une histoire à raconter ; il est venu tout spécialement des Etats-Unis pour rencontrer Hugo Van Helsing. Le leader du club, intrigué par cette étrange cicatrice, introduit l’aveugle dans la salle de conférence pour l’écouter avec attention.
C’était après qu’il ait vendu 49 machines à Mickey, lors de la foire de Babbits, à des Japonaises pas rancunières pour Hiroshima et Nagasaki. En route vers son home, sweet home avec 2300 dollars en poche et l’envie d’achever cette bonne journée en regardant la finale où les Cubs vont massacrer les Astros, et en sirotant une Bud, tant qu’à faire, le VRP du Wisconsin (qui sera décidément le plus bel endroit du monde quand il y aura un sénateur républicain) s’égare un peu dans la cambrousse. C’est qu’il faisait sombre, et il pleuvait des cordes, vous voyez. Et là il a percuté… une bête. Peut-être un truc protégé ? McOrman, craignant d’avoir des ennuis avec les gardes forestiers, emballe la… la… la bête, et la fourre dans son coffre, qui n’est heureusement plus encombré par les machines à Mickey. Enfin, heureusement…
C’est ainsi que McOrman a ramené chez lui le blob. Une bestiole bizarre, visqueuse, gélatineuse, informe. Ridicule. Et terrifiante. Qui révèle bien vite un goût prononcé pour les chats, avant de s’attaquer à cette vieille peau de voisine. Le résultat est pas beau à voir. Comme si les victimes étaient aspirées de l’intérieur, ne laissant plus qu’une mince couche de peau ou de fourrure. Le blob attaque par les yeux, et aspire. Mais Roger McOrman, il le sait bien, maintenant, est un héros, vous voyez. Les forces spéciales n’intervenant décidément pas et les flics perdant leur temps à persécuter les honnêtes citoyens comme Roger McOrman, c’est à lui d’agir. Lui, Roger McOrman, l’inventeur de la fameuse machine à Mickey. Une arme terrifiante… monstrueuse.
Ouep, on est bien dans du gros bis rougeaud, voire du réjouissant Z, avec monstre improbable et séance de drive-in inclus. Et plein de scènes agréablement gores, avec détails sordides et gros plans racoleurs, comme au bon vieux temps. Miam miam. C’est que McOrman est un conteur prolixe, ne rechignant pas à la digression type « 3615 ma vie » ou « philosophie de comptoir », et capable en même temps d’insister avec force détails sur ce que désire avant tout le lecteur. Même du cul, tiens, alors que sa fiancée (depuis 14 ans) Becky, aussi vulgaire que lui, tente désespérément de lui pomper le dard qu’il a tout ramollo après avoir trouvé dans sa voiture le bras déchiqueté de sa voisine (on n’ose imaginer la tête de Van Helsing et compagnie lors de cette scène hautement improbable) ; heureusement, des jeunes délinquants (pléonasme) viennent interrompre ce grand moment de romantisme…
On est donc bien dans la ligne éditoriale du CVH. Avec une originalité, néanmoins : le « héros », pour une fois, n’est donc pas un chasseur. « Héros », d’ailleurs, et quoi qu’en dise le principal intéressé, c’est un peu forcé pour cet abject petit con, antipathique au possible, égoïste, borné, gros (bien sûr…) beauf caricatural d’une Amérique pro-Bush ne jurant que par l’individualisme, la propriété privée, la liberté d’entreprendre et la nécessaire supériorité du « pays de la liberté » sur le reste du monde. Roger McOrman a bien une vision du monde idéal : devant chaque pavillon de banlieue, la bannière étoilée, et, partout, des Mickey, de toute taille, produits à partir de tout et n’importe quoi grâce à la machine à Mickey (dont il est l’inventeur, avec un brevet et une licence). Un pauvre type, pour faire simple. La caricature est féroce, accumulant les poncifs, avec toutefois, la plupart du temps, un minimum de distance ironique venant relativiser la charge et les éventuelles accusations d’anti-américanisme bien franco-français. Et puis merde : c’est drôle, alors ça passe bien.
Mickey Monster est en effet avant tout un roman très drôle et divertissant, prenant aussi, les inévitables cliffhangers en fin de chapitre tenant plus du clin d’œil rigolard que de l’artifice de narration. Tout ce qu’on pouvait en souhaiter, quoi. Ca se lit agréablement, c’est plutôt bien écrit (moins bien que le Dufour, mais ça reste plus que correct). Un bémol, pourtant : j’avoue avoir été très déçu par la fin du roman, certes hautement série B, mais peut-être un peu trop, là ; c’est à la fois prévisible et artificiel, et vraiment trop con pour le coup…
Pas rédhibitoire, ceci dit. Mickey Monster reste un bon roman de divertissement, et une réussite dans la gamme du Club Van Helsing. Seulement, je ne serais pas aussi élogieux qu’on a pu l’être, et j’avoue sans hésitation lui préférer Délires d’Orphée. En tout cas, ça me donne toujours envie de m’enfoncer plus avant dans cette collection plutôt décriée mais à propos de laquelle je n’ai franchement pour l’instant (deux romans, certes, et parmi les mieux côtés) rien à redire.
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