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"Légendes et glossaire du futur", de Cordwainer Smith & Anthony Lewis

Publié le par Nébal

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SMITH (Cordwainer) et LEWIS (Anthony), Les Seigneurs de l’Instrumentalité, IV. Légendes et glossaire du futur, traduit de l’américain par Simone Hilling et Pierre-Paul Durastanti, [Paris], Gallimard, coll. Folio-SF, [1950-1966, 1984, 1993, 2000, 2004] 2006, 340 p.
 
Après Les Sondeurs vivent en vain, La Planète Shayol et Norstralie, voici venu le temps de conclure le cycle des « Seigneurs de l’Instrumentalité » avec ce dernier volume quelque peu atypique, et plus ou moins annexe. Ce très court volume (340 pages en gros caractères…) se compose en effet de deux parties.
 
On commence avec les Légendes du futur, regroupant six nouvelles de Cordwainer Smith gravitant autour du cycle. La première d’entre elles tient à vrai dire de l’anecdote : « La Guerre n° 81-Q (version originale » (1928 ; pp. 11-16) est en effet une très courte (trop courte) première version de la nouvelle éponyme publiée dans Les Sondeurs vivent en vain ; un brouillon, quasiment, très expéditif, et beaucoup moins riche que la version définitive… Seulement il s’agit du premier récit de science-fiction publié (dans un journal de lycéens) par Cordwainer Smith, alors âgé de 15 ans, et sous le pseudonyme d’Anthony Bearden. Pas grand intérêt, donc.
 
Le récit suivant, « La science occidentale, quelle merveille ! » (1958 ; pp. 17-39), est autrement plus intéressant. Ce récit ne s’intègre pas dans le cycle des « Seigneurs de l’Instrumentalité », mais, à en croire Anthony Lewis, il ne présente pas de contradictions avec ce dernier, ce qui justifie son intégration ici. Mouais, faut voir… Quoi qu’il en soit, cette nouvelle humoristique et déjantée (et anti-communiste, mais bon…), qui n’est pas sans évoquer Fredric Brown, est plutôt réussie, amusante et sympathique. Une nouvelle plus qu’honnête.
 
« Nancy » (1959 ; pp. 41-62), à en croire une lettre de l’auteur, doit être intégrée dans le cycle. Un récit très intéressant sur les dangers du voyage spatial et sur la solitude, très juste dans le fond comme dans la forme. Sans doute une des nouvelles les plus intéressantes de ce recueil.
 
La plus intéressante à mon goût, ceci dit, est probablement la suivante, « Le fifre de Bodhidharma » (1959 ; pp. 63-77), qu’Anthony Lewis ne parvient à insérer dans le cycle des « Seigneurs de l’Instrumentalité » qu’au prix d’un tour de passe-passe qui me laisse plutôt sceptique… Peu importe. Cette nouvelle originale, où la science-fiction se teinte vaguement de fantasy, conte bouddhiste aux allures de fable, est parfaitement séduisante et réussie.
 
« Angerhelm » (1959 ; pp. 79-116) est bien différente, quoique là aussi difficilement intégrable dans le cycle (d’autant qu’elle a une petite atmosphère fantastique). Ce récit, une fois de plus, m’a quelque peu rappelé Fredric Brown, mais pas dans son registre le plus célèbre : davantage celui de certains textes de Lune de miel en Enfer ou de Fantômes et farfafouilles, où l’humour, s’il est toujours présent, n’exclut pas, bien au contraire, une certaine tristesse, une douleur aigre-douce. Déstabilisant.
 
Reste enfin « Les bons amis » (1963 ; pp. 117-126), nouvelle assez vague et quelque peu téléphonée, reprenant plus ou moins le thème de « Nancy » avec beaucoup moins de réussite.
 
Tout le reste du volume, et donc plus de la moitié, est consacré à l’essai d’Anthony Lewis intitulé Concordance de Cordwainer Smith, maintes fois remanié et nominé au prix Hugo 2000 (devait vraiment pas y avoir grand chose d’autre cette année-là…). Si l’auteur a choisi ce titre en raison de ses connotations « religieuses », certes appropriées pour traiter du cycle des « Seigneurs de l’Instrumentalité », ne nous y trompons pas : c’est bien d’un index, ou plus exactement d’un glossaire, qu’il s’agit ici. En effet, en-dehors d’une courte préface et d’une brève « Chonologie de l’Instrumentalité », passablement floue mais néanmoins fort utile pour la compréhension du cycle, c’est ici à une exploration de A à Z de l’univers créé par Cordwainer Smith que nous convie l’auteur. Et si ce glossaire ne manque pas d’intérêt pour éclairer certains points et faire le lien entre les différentes étapes du cyle, il est cependant bien lapidaire le plus souvent, et ne nous apprend finalement pas grand chose, se contentant le plus souvent de rassembler des informations éparses sans les synthétiser ou véritablement les analyser pour autant…
 
Un exemple, « Instrumentalité du genre humain » (p. 227) : « Etablie après le succès de la rébellion de Laird, Juli vom Acht et la Bande des Cousins contre les Jwindz, elle a pour but de servir l’humanité de manière bienveillante, sans manipulations. [RA] [« La reine de l’après-midi », voir Les Sondeurs vivent en vain] Il s’agit du gouvernement (de l’administration ?) du plus clair de l’humanité. [BI] [« Le bateau ivre », voir La Planète Shayol] « Surveille, mais ne gouverne pas ; arrête la guerre, mais ne la déclare pas ; protège, mais ne contrôle pas ; et, par-dessus tout, survis ! » [BI] Elle nous protège, ainsi que nos mondes, des Arachosiens. [CG] [« Le crime et la gloire du commandant Suzdal », voir Les Sondeurs vivent en vain]. Elle laisse ses agents commettre des erreurs, des crimes, et se suicider. Elle agit comme un ordinateur ne le peut pas envers les humains. [CG] Elle lutte pour que l’homme reste l’homme. [ST] [« Sous la Vieille Terre », voir Les Sondeurs vivent en vain] Elle refuse d’agir à l’encontre de Wedder, mais délivre un passeport universel à Casher O’Neill. [SG] [« Sur la planète aux gemmes », voir La Planète Shayol ; un oubli dans la liste des abréviations, d’ailleurs…] Elle donne des pots-de-vins à ses propres membres. [NO] [Norstralie] » Et c'est tout. Voilà, voilà… un peu léger, non ?
 
Ce glossaire est néanmoins utile à deux titres : d’une part, c’est le seul moyen, dans cette édition, de se reporter aux dates de composition et de publication des textes composant le cycle… D'autre part, il y a à l’occasion une analyse un peu plus poussée concernant les inspirations de Cordwainer Smith ou les significations cachées de tel ou tel nom, parfois un peu tirée par les cheveux, mais souvent intéressante, et témoignant en tout cas de la vaste érudition de Cordwainer Smith.
 
En définitive, ce dernier volume se révèle donc plutôt accessoire : il fournit une annexe utile aux amateurs du cycle, mais n’est en rien indispensable…

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