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"Outback", de Pierre Pelot

Publié le par Nébal

 

PELOT (Pierre), Outback, [s.l.], Baleine, coll. Club Van Helsing, 2008, 231 p.

 

Dernière livraison en date pour le Club Van Helsing, Outback était en ce qui me concerne le roman de la dernière chance : la collection, qui avait connu quelques très jolies réussites (et quelques abominations aussi...) dans sa première saison, tendait en effet à sombrer dans des abysses de médiocrité pour sa cuvée 2008. On pouvait bien espérer, cela dit, que le très professionnel et prolifique Pierre Pelot (auteur majeur mais que j’avoue, honte sur moi, n’avoir pas vraiment pratiqué ; mais je vous en avais tout de même dit du bien pour La Rage dans le troupeau) serait en mesure de remonter le niveau. Peut-être était-ce aussi l’opinion de Guillaume Lebeau, désormais seul directeur de la collection depuis que l’excellent Xavier Mauméjean a claqué la porte ; on expliquerait en tout cas ainsi ce choix étrange – et en principe « exceptionnel » – de passer du format poche à un format intermédiaire, ce qui fait moyen dans les rayonnages... et « justifie » maladroitement une augmentation du prix pour le moins draconienne, de 10 à 15 €. Parce que franchement, l’argument reposant sur la longueur du roman ne convainc pas vraiment. Bref, ça sent l’arnaque (et limite le razzie)... et un peu la fin de parcours.

 

Mais ne mettons pas la charrue avant les bœufs.

 

Outback, de Pierre Pelot. Un roman qu’il est difficile à résumer, d’autant que son « intrigue » (?) n’est pas linéaire, mais toute en flash-back et flash-forward, et mêlant en outre « réalité » et hallucinations. C’est que nous sommes dans le désert australien, et que le héros, Cran Barker (heu… ?), est un Aborigène. Et qui dit « Aborigènes » dit « Temps du Rêve ». Un sujet délicat à manier, et pouvant facilement sombrer dans les lourdeurs New Age. Pierre Pelot n’évite pas toujours cet écueil, hélas, surtout à mesure que l’on s’approche de la fin, mais, bon, ç’aurait pu être pire… En effet, dans son traitement du « Temps du Rêve », Pelot se montre finalement assez « lynchien », comme c’est qu’on dit parfois (et souvent à tort) ; Outback est ainsi traversé par un certain onirisme glauque et étouffant, tour à tour déconcertant et fascinant, à la Lost Highway et Mulholland Drive, mâtiné de road-movie à la Sailor et Lula (avec un zeste de Mad Max quand même, eh, on est dans le désert australien, non mais oh).

 

Le problème, c’est que « lynchien » peut aussi souvent se traduire par « on y capte que dalle »… Et, autant le dire de suite, l’immersion dans Outback n’est pas évidente. Pendant un bon moment, Pierre Pelot nous ballade à travers le temps et le rêve, et l’on peine un peu à voir où il veut en venir. Du coup, on s’ennuie… Et puis, hop, d’un seul coup, Cran Barker, l’ancien flying doc et plus ou moins chaman, fait la rencontre de l’intriguante Teenalee dans une station service paumée au milieu du désert, ornée de cadavres de dingos et de peaux de serpents, et où s’abrutissent à la bière quelques rares spécimens de routiers rednecks façon bush australien, plus ou moins Wolf Creek. Scène superbe, atmosphère malsaine et étouffante, personnages et conversations intriguent : l’intérêt revient, et l’histoire se met (enfin) en place. Et puis le voyage se poursuit… avec plus ou moins de réussite. On baille régulièrement ; on se réveille à l’occasion, mais, dans l’ensemble, la somnolence domine.

 

Outback fait partie de ces romans qui ne se rattachent au Club Van Helsing que de manière très artificielle : ici, le lien avec Hugo et ses chasseurs de monstres ne convainc pas pour un sou, et nuit même passablement au récit, en l’apauvrissant et en l’alourdissant. Le roman aurait sans doute gagné à être publié hors collection, et tranche franchement avec l’atmosphère générale des précédents opus. Ici, on a du mal à parler de « chasseurs » et de « monstres »…

 

Et on se retrouve face à quelque chose de bien autrement ambitieux que les bisseries / zèderies plus ou moins réjouissantes auxquelles on avait eu droit jusqu’alors. Outback, sous cet angle, pourrait éventuellement être rapproché de Délires d’Orphée, à mon sens le meilleur volume de la collection… à ceci près que Catherine Dufour, tout en pliant les contraintes de la collection à ses envies, n’en jouait pas moins le jeu : il y avait bien dans son roman un (superbe) chasseur et un « monstre », des gimmicks et personnages secondaires renvoyant à la méta-histoire, etc. Ici, rien de tout ça.

 

Cette ambition est également frappante en matière de style et de construction. On est très très loin de l’épouvantable Léviatown, aucun doute là-dessus : Outback n’est pas un roman « bourrin », et son écriture est bien plus fine et soignée que tout ce que l’on avait pu lire jusqu’alors dans le CVH (à l’exception, là encore, du volume de Catherine Dufour, et, de manière moins convaincante, de celui de Xavier Mauméjean). Mais avec plus ou moins de réussite, là encore : certaines scènes, certains tableaux, sont absolument superbes ; mais, parfois, le style dérape tristement, accumulant lourdeurs et répétitions… Et le tout est donc étrangement bancal, et finalement laborieux.

 

Alors ? Alors Outback aurait pu être un bon roman. Bien meilleur que la plupart des volumes précédents. Oui, il aurait pu… mais il ne l’est pas. Souvent ennuyeux, très inégal, il n’a pas grand chose à faire dans le CVH, et ce rattachement lui nuit. Très décevant…

 

A l’instar du CVH en général. Bon public de nature, demandeur de fantastique vaguement bisseux et distrayant, de chouette littérature populaire, quoi, j’avais fondé un certain nombre d’espoirs sur cette collection. J’aimais bien son côté « série TV », léger et drôle, ultra-référencé. Que des auteurs aussi doués que Catherine Dufour, Xavier Mauméjean ou Johan Heliot participent à l’expérience, c’était la cerise sur le gâteau. Aussi, et quand bien même les bouses de Tabachnik et de Le Roy figurent parmi ce que j’ai lu de pire, le bilan à la fin de la première saison me paraissait assez positif. Las, avec la deuxième, c’est la dégringolade ; si le volume de Jean-Marc Lofficier était correct, le reste était de plus en plus mauvais… Je ne peux pas prétendre être étonné que Xavier Mauméjean ait quitté la collection, qui vire de plus en plus au gros nawak ridicule, publiant tout et n’importe quoi, n’importe comment. L’effet buzz est passé, la curiosité ne joue plus. L'augmentation du prix énerve. Et quand je vois le « Classement CVH 2007 », j’ai peur pour l’avenir. S’il y en a un.

 

Bref : marre de faire le cobaye. Je n’ai plus envie de faire l’acheteur et lecteur compulsif. A marche pu.


Game over.

CITRIQ

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N
Sur le premier point, je crains d'avoir fait un peu d'ironie à mon tour, Maître... Quant à l'intérêt de cette collection, je me suis longuement exprimé là-dessus, mais la réponse définitive, bien triste (et tardive, mais voir plus bas) est que non. Quant à prendre de l'air, rassurez-vous, Maître : dans les Fnac en tout cas, c'est dans le rayon polars / thrillers, pas SF. Whittemore est donc sauf, mais je ne doute pas que ses ventes vont exploser dès la fin du CVH.<br /> <br /> Abondamment, n'exagérons rien. Mais j'avoue être en quête, à l'occasion, de la fameuse "bonne littérature populaire". Perversion ? Peut-être. Ou naïveté. Ou curiosité. Ou stupidité. Après tout, Nébal est un con.
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G
Noble Nébal,<br /> le changement de format et de prix aurait à voir avec la faible diffusion que ça ne m'étonnerait pas. Ce qui me surprend, c'est qu'un socio-juristo-économiste de votre force ne l'air pas pressenti. Le problème reste d'ailleurs de savoir si cette série a un intérêt quelconque et si elle n'accumule pas des bouquins qui prennent inutilement de l'air à d'autres. M'enfin, ils font sûrement mieux que Whittemore. Alors?<br /> <br /> Ce qui m'étonne aussi, c'est que vous lisiez et rendiez compte abondamment de trucs pareils. Mais à chacun ses perversions.
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