"24 Hour Party People", de Michael Winterbottom
Réalisateur : Michael Winterbottom.
Année : 2002.
Pays : Royaume-Uni.
Genre : Comédie / Biopic / Musical / « Documenteur ».
Durée : 117 min.
Acteurs principaux : Steve Coogan, Lennie James, Shirley Henderson, Mike Pickering, Andy Serkis, Sean Harris…
Je suis présentement en pleine lecture du (jusque-là) très chouette Manchester Music City de John Robb, dont je vous entretiendrai prochainement. Ce qui m’a incité à replonger dans les divers avatars de la scène mancunienne et de ce que l’on a pu faire et dire à son sujet. Si je n’ai pas à nouveau regardé Control d’Anton Corbijn (mais j’ai hésité…), je me suis fait un très chouette documentaire sobrement intitulé Joy Division, par exemple. Et aujourd’hui, j’ai envie de tricher un peu en vous causant d’un film que je n’ai pas revu récemment… mais que j’ai si souvent regardé que je le connais à force presque par cœur.
Il s’agit donc de l’excellent – à mes yeux, mais j’imagine que ça peut prêter à polémique ; n’hésitez pas à rebondir sur la question si jamais – 24 Hour Party People (le titre est bien entendu emprunté aux Happy Mondays) de Michael Winterbottom, qui se présente sous la forme d’un biopic farouchement comique (malgré la scène nécessairement tragique du suicide de Ian Curtis – on est cependant bien loin de l’atmosphère, uh uh, de Control) de Tony Wilson, le patron du légendaire label Factory (superbement interprété, dans le genre cabotin, par Steve Coogan) ; ce qui offre une magnifique occasion de revenir sur l’histoire de la scène musicale mancunienne, de 1976 à la faillite du label et la fermeture de l’Haçienda (la vraie, hein).
Tout commence donc en 1976, quand les Buzzcocks à peine formés et pas encore au point invitent les Sex Pistols encore inconnus à venir jouer à Manchester. Or, comme disait John Ford (et Tony Wilson dans le film), « When the legend becomes fact, print the legend ». C’est là l’optique adoptée par Michael Winterbottom pour l’ensemble de son film – à plus ou moins bon droit, je vous laisse en débattre (mais cela implique de ne pas tout prendre au sérieux dans 24 Hour Party People – même si, de l’avis des principaux intéressés, le plus dingue est souvent tout à fait authentique…). La légende, ici, c’est que ce premier concert a eu lieu devant seulement 42 personnes, parmi lesquelles on trouvait déjà bon nombre des futurs acteurs de la scène mancunienne. Ici, les témoignages divergent sur l’authenticité de la chose ; mais ce qui est certain, c’est que quand les Sex Pistols ont joué à Manchester, cela eut l’effet d’une authentique révolution…
Tony Wilson était alors présentateur à Granada TV. Dans son émission So It Goes, il se met à passer les groupes punks dont personne d’autre ne voulait. Puis il va organiser les soirées Factory dans une boîte minable, soirées où s’illustreront bon nombre d’artistes locaux, dont un groupe alors inconnu du nom de Warsaw, qui deviendra Joy Division, puis – après la mort du chanteur Ian Curtis (assez joliment interprété par Sean Harris, même s’il ne lui ressemble pas vraiment, en tout cas bien moins que Sam Riley dans Control) – New Order. Voilà sans doute les deux signatures les plus célèbres du label Factory qui sera monté ensuite, véritable symbole de la musique indépendante ; mais il y en aura bien d’autres, comme A Certain Ratio, ou, plus tard, les Happy Mondays (en fait, si deux groupes occupent le devant de la scène – uh uh – dans 24 Hour Party People, ce sont clairement Joy Division et les Happy Mondays, un peu au détriment du reste…). Et Manchester deviendra même Madchester, à l’âge d’or de l’Haçienda, la boîte créée par le label avec la thune de New Order, âge d’or de l’acid house et des raves, à la fin des années 1980… Le film, à travers le point de vue nécessairement biaisé de Tony Wilson – qui s’adresse directement au spectateur, procédé fort intéressant de « mise en abyme », adopté dès les premières minutes du film, et souvent hilarant –, permet ainsi de survoler l’histoire – pour l’essentiel culturelle, mais pas uniquement en fin de compte – de Manchester, et dresse un magnifique panorama de la musique indépendante anglaise – surtout – de l’époque. Et pour qui s’y intéresse, c’est un véritable régal.
« Icarus », donc : le film, sans jamais (ou presque…) se départir de son caractère de comédie, adopte une structure de (double ?) « rise and fall », pour le coup parfaitement appropriée. Il permet d’en apprendre long sur ce sujet passionnant – même s’il faut donc parfois se méfier –, et accessoirement (ou pas ; non, sans doute pas…) de régaler ses oreilles avec les chefs-d’œuvre musicaux de la scène mancunienne et au-delà (24 Hour Party People est nettement plus un film musical que Control). Régal des yeux, également, tant la réalisation de Michael Winterbottom comme le montage sont inspirés, sans même parler du jeu des acteurs, tous très bons (outre Steve Coogan et Sean Harris, déjà évoqués, on ne manquera pas de relever la très belle – et étonnante, et hilarante – performance d’Andy Serkis dans le rôle du fameux producteur Martin Hannett). Mais (surtout ?) 24 Hour Party People offre l’occasion de nombreuses et franches barres de rire, avec ses héros si pittoresques ; on ne compte pas à cet égard les scènes d’anthologie…
Il y aurait sans doute encore bien des choses à dire, mais je préfère m’arrêter là. C’est que 24 Hour Party People repose pour une bonne part sur un enthousiasme communicatif, que j’espère (?) avoir réussi à retranscrire dans ces quelques lignes. Si vous êtes fans de Joy Division, New Order, des Happy Mondays, etc., il y a fort à parier que vous jubilerez tout au long du film, dès lors incontournable. Mais – et là je parle d’expérience : c’est que, dans ma passion pour le film de Michael Winterbottom, je l’ai infligé à bon nombre de personnes qui s’en battaient les coucougnettes de Factory et de tout ce qui gravitait autour… – ce n’est pas là une condition sine qua non : il est parfaitement possible de regarder 24 Hour Party People comme une pure comédie définitivement anglaise, avec des retours de Trainspotting. Preuve à mes yeux difficilement contestable de la réussite du film sur tous les plans.
Je l’ai découvert un peu par hasard, mais il eut sur moi le caractère d’une révélation, m’incitant – enfin – à aller au-delà de Joy Division. Ne serait-ce que pour cette raison, j’ai envie de multiplier les éloges. Et le fait est que, après des dizaines de visionnages, et même si je le connais aujourd’hui par cœur, 24 Hour Party People suscite toujours en moi le même enthousiasme débridé, et les mêmes crises de fou rire. C’est un euphémisme que de dire que je vous engage chaudement à regarder cette petite merveille, aussi passionnante que drôle ; pour ma part, je ne m’en suis toujours pas lassé.
Je reviendrai très vite sur le sujet, avec Manchester Music City, qui, de manière plus sérieuse (encore que…), m’a fait encore davantage approfondir le sujet et m’en a appris beaucoup. À bientôt, donc.
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