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"La Fiancée du Singe", de Michael Bishop

Publié le par Nébal


BISHOP (Michael), La Fiancée du Singe, [The Monkey’s Bride], illustré par Patrick Marcel, traduit de l’américain par Jean-Daniel Brèque, Dunkerque, Arachne, [1983] 1985, 62 p.

 

Suite et fin de l’expérience « Arachne », avec ce conte de Michael Bishop qui en fut la seconde et dernière publication. C’est d’autant plus regrettable que, là où l'anthologie Arachne, en dépit de qualités certaines, avait encore quelque chose d’amateur, ce très bref ouvrage a une allure bien plus professionnelle : couverture à rabats, « vraie » police justifiée, illustrations (de Patrick Marcel, donc, dans un genre très BD fort sympathique)… Rien à redire, cette fois.

 

Et la qualité est également au rendez-vous pour ce qui est du texte. Michael Bishop est un auteur injustement méconnu en France, à en croire Jean-Daniel Brèque. Il est vrai qu’on l’a fort peu traduit, et que je n’en avais lu auparavant, pour ma part, que son par ailleurs très bon roman de science-fiction en forme de pastiche Requiem pour Philip K. Dick. Mais je le crois d’autant plus volontiers après avoir lu sa nouvelle fantastique d’Arachne (la meilleure du recueil à mon sens), et plus encore ce petit conte tout à fait remarquable, sélectionné en son temps pour le World Fantasy Award.

 

Le prétexte en est très traditionnel : une « princesse », Cathinka, nécessairement jeune et jolie, se livre à une amourette avec le beau Waldemar. Las ! Ses parents s’opposent au mariage : son père a déjà accordé sa main au mystérieux Don Ignacio, qui lui a sauvé la vie il y a de cela bien des années, et auquel il avait dès lors promis de lui accorder ce qu’il désirait… Mais Don Ignacio n’est pas un homme comme les autres. Ce n’est d’ailleurs même pas un homme : c’est un singe. Vêtu et parlant, certes. Et doué du pouvoir d’exaucer des vœux…

 

En soi, cela pourait déjà fournir un conte tout ce qu’il y a de charmant. Mais Michael Bishop se montre bien plus astucieux : son conte, servi par une plume savoureuse (et une traduction irréprochable, sans surprise), est d’autant plus séduisant qu’il déstabilise de par ses nombreuses entorses aux codes. L’intemporalité du conte se pare ici d’anachronismes délicieux, d’un flou chronologique autorisant toutes les déviances : la princesse est révolutionnaire, l’Amérique latine la proie des guérilléros, et la science-fiction comme le fantastique surgissent tout à coup derrière les oripeaux du merveilleux.

 

Le résultat est tout simplement génial. La Fiancée du singe est une nouvelle magnifique et jubilatoire, parfois drôle, parfois émouvante, étrangement originale dans son faux classicisme. Un très beau texte qui vaut assurément le détour.

Oui, décidément, c’était bien, Arachne…

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