"Une étoile m'a dit", de Fredric Brown
BROWN (Fredric), Une étoile m’a dit, [Space on my Hands], traduit de l’américain par Jacques Papy, [Paris], Denoël – [Gallimard], coll. Folio Science-fiction, [1954, 2000] 2005, 300 p.
Après une longue interruption, retour à Fredric Brown, avec ce troisième recueil de nouvelles de SF, bien différent des excellents Lune de miel en enfer et Fantômes et farfafouilles. Là où l’on (enfin, moi, en tout cas) connaît surtout l’auteur de l’indispensable Martiens, go home ! en tant que spécialiste des short stories vraiment très très short, Une étoile m’a dit n’est composé que de huit nouvelles de taille « conventionnelle ». Et, par ailleurs, si l’auteur est connu pour faire dans la SF humoristique, qui domine dans les deux recueils précités, ce n’est clairement pas le cas dans celui-ci, sauf rares exceptions qui n'en sont pas totalement : les récits sont généralement teintés d’une certaine gravité (que l’on avait déjà pu constater, néanmoins), et se place clairement sous le signe de la folie.
Il en va ainsi dès la première nouvelle, « Quelque chose de vert… » (pp. 9-24), variation sur le mode tragique de Robinson Crusoë. Une nouvelle glaçante, quand bien même largement prévisible.
« Anarchie dans le ciel » (pp. 25-68), avec son postulat improbable et son excellente chute, ramène le sourire, mais contient malgré tout au fond un certain malaise dans son portrait de l’homme confronté à l’absurde (ou au nonsense, comme vous voudrez), et il en va dans un sens un peu de même pour les récits policiers SF « Tu n’as point tué » (pp. 69-95) et plus encore le long « Cauchemar » (pp. 133-197), un texte interrogeant la réalité et la folie derrière une enquête policière impossible.
Entre temps, si « Les Myeups » (pp. 97-114) nous a ramené au versant le plus humoristique de Fredric Brown, « Un coup à la porte » (pp. 115-131), pour n’être pas dénué d’une certaine malice, s’est montré à son tour plutôt sombre et grave. Rappelons ces superbes premières lignes, caractéristiques du talent de l’auteur : « Je connais une jolie petite histoire d’épouvante qui tient en deux phrases : Le dernier homme sur la Terre était assis tout seul dans une pièce. Il y eut un coup à la porte… » Balaise, tout de même.
Retour ensuite à quelque chose de plus léger (en apparence ?) avec « Mitkey » (pp. 199-232), sa souris astronaute et son savant fou nécessairement allemand doté d’un accent à couper au couteau…
Mais c’est en définitive l’angoisse de la folie qui clôt ce recueil, avec le terrible « Tu seras fou » (pp. 233-300), quand bien même la folie, selon l’usage comique, consiste ici à se prendre pour Napoléon Bonaparte. Mais supposons un instant que ce soit vrai ? Très fort.
Une étoile m’a dit est donc un recueil tout ce qu’il y a de recommandable. Ce n’est sans doute pas la meilleure porte d’entrée à l’œuvre de Fredric Brown, ni l'ouvrage le plus représentatif de son talent. Aussi, à la différence de Lune de miel en enfer et de Fantômes et farfafouilles, on n’en fera peut-être pas une lecture indispensable. Elle vaut néanmoins le détour, et éclaire d’une facette plus ou moins inattendue le talent d’un auteur phare qui avait décidément plus d’un tour dans son sac.
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