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"Fiction", t. 8

Publié le par Nébal


Fiction, t. 8, Lyon, Les Moutons électriques, automne 2008,  335 p.

 

Ils sont un peu agaçants, chez Fiction, des fois. Cette « anthologie périodique » est généralement de très haut niveau, avec à l’occasion des numéros exceptionnellement bons (le tome 7, par exemple), et d’autres nettement en dessous de ce que l’on est en droit d’attendre. Hélas, ce tome 8 en est un triste exemple à mes yeux. D’autant que ce numéro, par ailleurs rare en textes francophones, est régulièrement traduit avec les pieds, et – j’en ai l’impression, du moins – encore plus saturé de coquilles que d’habitude (un exploit !), et parfois même émaillé de fâcheux oublis dans le suivi des corrections (dont un éloquent « ??? » dans l’article de Raphaël Colson – p. 316 – qui m’a fait sourire, je le confesse). En fait, pour toutes ces raisons, auxquelles il faut ajouter la relative brièveté du numéro – et l’édito n’a fait que renforcer cette impression –, j’ai eu le sentiment de tenir entre les mains un numéro tout simplement pas fini. Ce qui m’effraye un peu : cela commencerait-il à sentir le sapin ?

 

Évoquons tout d’abord l’aspect graphique, traditionnellement un des points forts de Fiction. En dehors de la jolie couverture, il y a cette fois à boire et à manger. Côté positif, on retiendra notamment les illustrations de J.-J. Grandville qui émaillent le numéro, ainsi que les portfolios d’Hans Georg Rauch (pp. 241-246 ; impressionnant) et de J. Allen St. John (pp. 303-308 ; du pulp tout ce qu’il y a de savoureux). De l’autre côté de la balance, hélas, David de Thuin nous livre une courte BD totalement dénuée d’intérêt (« Prémonition », pp. 103-106), et Béatrice Tillier (pp. 196-209) nous inflige d’insupportables ‘tites fées banales au possible (je hais ce genre de fées, bordel ! qu’est-ce que ça vient foutre ici ?).

 

Tant qu’on est dans les reproches, profitons-en pour évacuer rapidement un des points faibles habituels de Fiction : les non-fictions (eh eh). Les deux chroniques d’André-François Ruaud, sans grand intérêt (« Féerie en exil », pp. 162-169, qui arrive bien après la bataille, et pontifie laborieusement ; « Pour s’envoyer en l’air le regard. De mythe en mythe », pp. 322-331, pas inintéressant, comme d’habitude, mais pas forcément à sa place) tendent à confirmer que le monsieur est bien meilleur éditeur qu’essayiste ou chroniqueur. Cependant, cette fois, il sauve un peu l’honneur, tant sont mauvaises les deux seules autres non-fictions de ce numéro : une « analyse » (faut le dire vite) de La Route par le compère Raphaël Colson, qui arrive carrément après la guerre, et se pose tristement en bande-annonce du pas glorieux Science-fiction. Les Frontières de la modernité (« La Route, ou le crépuscule de la civilisation », pp. 309-321) ; et la chronique ultra-dispensable de Serge-André Matthieu, totalement à côté de la plaque (« Carnet de bal. À travers le monde du vrai », pp. 210-219).

 

Passons maintenant aux nouvelles. Pour les Français (etc.), ça sera vite vu : Timothée Rey est tout seul dans son coin ; la médiocrité et l’artifice de son texte oulipien-chiant n’en ressortent que davantage (« Évasion sans issue », pp. 221-225).

 

Pour le reste, il y a un peu de tout. « Le Calorique » de Paolo Bacigalupi (pp. 7-39) ne parvient décidément pas à m’intéresser à cet auteur ; son texte anti-OGM, s’il a gagné le prix Theodore Sturgeon (mais pourquoi ?), m’a paru affreusement convenu. Mais il y a pire dans le genre, ainsi qu’en témoigne immédiatement le creux « Tikuka » d’Anna Feruglio Dal Dan (pp. 41-71).

 

En farfouillant un peu, je n’ai rencontré que des éloges pour le texte suivant, « Cordes » de Kathleen Ann Goonan (pp. 73-89) – et de même, plus loin dans le numéro (pp. 257-302), pour « Dernier été à Mars Hill » d’Elizabeth Hand (qui a d’ailleurs raflé les prix Nebula et World Fantasy) ; pour ma part – mais les traductions au polonium y sont peut-être pour quelque chose –, j’avoue avoir peiné sur ces deux textes dégoulinants, sirupeux, et pitoyables (dans tous les sens du terme). Comme quoi, hein…

 

Le premier texte à avoir retenu mon attention est une vieillerie, « Le Professeur et le médium » d’Harry Morgan (pp. 91-102), une sympathique variation sur le thème de Flatland – que l’on retrouve plus tard avec Vandana Singh, dont « Le Tétraèdre » (pp. 171-195) est en outre agréablement dépaysant.

 

Suit ce qui constitue à mon sens le meilleur texte de ce numéro, dû à l’habitué Jeffrey Ford : son « Whiskey nocturne » (pp. 107-129), inventif et adroit dans la description de son bled paumé, m’a séduit et touché. Ouf. Autre bonne nouvelle, « Urdumheim » de Michael Swanwick (pp. 131-161), chouette fantasy babylonienne, donne envie de lire le dernier roman de l’auteur, situé dans le même univers.

 

Bien plus loin, après l’exercice de style laborieux de Timothée Rey, nous trouvons une succession de courtes nouvelles plus ou moins expérimentales. On commence avec le très correct « Noir, gris, vert, rouge et bleu : lettre d’un peintre célèbre depuis la Lune » de Ben Greenman (pp. 227-231). Kevin N. Haw nous explique ensuite les « Conditions à remplir pour obtenir la Médaille du Mérite Mythologique » (pp. 233-235) : amusant… Mais la « Grippe de personnages » de Robert Reed (pp. 237-240) ne m’a par contre pas convaincu. Ray Vukcevich livre ensuite un texte en demi-teinte sur le test de Turing ; c’est assez drôle, mais un peu bancal (« Glacial Réconfort », pp. 247-250). Le dernier de ces textes est à mon sens le plus réussi (« L’Esprit de Noël » de Kurt Luchs, pp. 251-255 – antidote salutaire au sirupeux précédemment évoqué, et sur lequel on enchaîne immédiatement).

Non, y’a pas : ce numéro de Fiction m’a déçu. J’espère que le tome 9 saura redresser la barre…

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T
Eh, eh.<br /> « médiocrité ; artifice »<br /> « chiant ; laborieux »<br /> Merci mon bon, deux substantifs (et autant d’épithètes) que je n’avais pas encore dans mon album. La collection s'enrichit de jour en jour. :)
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W
Donc à part le Goonan, on est complètement d'accord (en vérité je suis aussi passé à côté du Hand).<br /> <br /> Mais leurs numéros d'automne sont généralement moins bons.
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