"Voisins d'ailleurs", de Clifford D. Simak
SIMAK (Clifford D.), Voisins d’ailleurs, ouvrage proposé et publié sous la direction de Pierre-Paul Durastanti, traduit de l’américain par Pierre Paul Durastanti, P.J. Izabelle, Olivier Girard, Michel Lederer et Gilles Goulet, Saint Mammès, Le Bélial’, [1953-1954, 1956, 1971, 1974, 1980] 2009, 304 p.
De ce classique parmi les auteurs de science-fiction qu’est Clifford D. Simak, je n’avais lu jusqu’à présent que son plus célèbre ouvrage, le splendide Demain les chiens. Mais quelle baffe ! Voilà un roman (un astucieux fix-up, plus exactement) pour lequel le qualificatif de chef-d’œuvre n’est certes pas galvaudé. Aussi, la parution de ce recueil de nouvelles aux éditions du Bélial’ ne pouvait que m’interpeller. C’était l’occasion d’en découvrir un peu plus sur cet auteur. Et l’on peut bien remercier Pierre-Paul Durastanti et Olivier Girard, car ils nous ont gâté : neuf nouvelles écrites sur une trentaine d’années, dont quatre inédites, les autres étant présentées le plus souvent dans des traductions révisées pour le moins nécessaires. Une très belle initiative, semble-t-il appelée à être poursuivie. Miam !
D’autant que Pierre-Paul Durastanti, outre d’excellentes traductions, a fourni un excellent travail d’anthologiste. Le recueil est d’une cohérence et d’une progression judicieuses. S’y dessine un aperçu singulier de l’œuvre de Simak, passant souvent par des sortes d’utopies rurales caractérisées par la quiétude (certes, on ne fait pas exactement dans le progressiste, ici…), où les extraterrestres, quand il y en a, sont aux antipodes des classiques bug-eyed monsters d’antan, mais sont bien plutôt, comme le dit le joli titre, des « voisins », assez sympathiques en fin de compte. Le tout donne une SF plutôt optimiste, en somme, ce qui, avouons-le, nous fait des vacances.
Détaillons un peu la bête. Les trois premières nouvelles correspondent en tous points au schéma défini ci-dessus. Aussi sont-elles assez proches les unes des autres, et en même temps subtilement différentes. « La Maternelle » (pp. 13-64) et « Le Bidule » (pp. 67-77) partagent d’ailleurs, avec plus loin « Le Cylindre dans le bosquet de bouleaux » (pp. 151-180), un même point de départ : la découverte inopinée d’un mystérieux artefact extraterrestre.
« La Maternelle » nous décrit ainsi une étrange machine prodigue en cadeaux pour les Terriens qui viennent à sa rencontre, puis se déroule selon une trame qui ne manque pas d’évoquer furieusement Rencontres du troisième type.
« Le Bidule », bien plus courte, adopte une structure à chute, et peut quant à elle faire penser à la manière de Theodore Sturgeon, avec sa figure centrale d’enfant maltraité. Mignon… mais pas terrible.
« Le Cylindre dans le bosquet de bouleaux », enfin, texte cette fois pas du tout « paysan », introduit de manière astucieuse la thématique du voyage dans le temps, sur laquelle on aura l’occasion de revenir.
Mais, auparavant, « Le Voisin » (pp. 79-104), à mon sens la première grande réussite du recueil, est sans doute la meilleure illustration de ce thème de l’utopie rurale. Un petit bijou, politiquement peut-être un brin douteux, mais, soyons francs, on s’en bat allègrement les coucougnettes, alors, bon…
Suit « Un Van Gogh de l’ère spatiale » (pp. 107-126), unique incursion du recueil dans le space op’ ; une jolie réussite, là encore, poétique et posant adroitement la question depuis rebattue de la communication entre des espèces résolument différentes.
« La Fin des maux » (pp. 129-148), variation un brin paranoïaque sur le thème du don extraterrestre (et donc des trois premières nouvelles), tranche un peu sur le reste du recueil par son ambiguïté. Une nouvelle plus anecdotique, sans doute pas la plus intéressante du volume.
On y préférera largement, par exemple, le long inédit qu’est « La Photographie de Marathon » (pp. 183-241). Cette nouvelle sur le voyage dans le temps le prend (son temps, aha), et se disperse peut-être un peu trop, mais réserve de très belles séquences et de beaux personnages. Un autre sommet du recueil.
Et un autre suit immédiatement, avec « La Grotte des cerfs qui dansent » (pp. 243-266), superbe nouvelle au canevas improbable (mais c’est pas grave), lauréate des prix Hugo, Nébula, Locus et Analog, rien que ça, ma bonne dame. Le pire étant que ces distinctions sont amplement méritées. Une très belle nouvelle, finalement assez originale, avec un joli travail d’atmosphère.
J’avouerais, par contre, avoir été moins convaincu par le dernier texte, « Le Puits siffleur » (pp. 269-301), pourtant brillamment écrit, mais à mon sens un peu trop dispersé. Ça n’en reste pas moins un fort joli récit sur le retour aux sources, étrangement lovecraftien par endroits…
Bref : un recueil tout à fait sympathique, et sans doute salutaire, même, tant ces textes pour bon nombre d’entre eux introuvables auparavant méritent le détour. Je ne suis pas contre une deuxième rasade…
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