"Ecstasy", de Ryû Murakami
MURAKAMI (Ryû), Ecstasy, [Ecstasy], traduit du japonais par Sylvain Cardonnel, Arles, Philippe Picquier, coll. Picquier poche, [1993, 2003] 2006, 378 p.
Ryû Murakami, nouvelle tentative, après deux déceptions relatives, Les Bébés de la consigne automatique et son premier roman Bleu presque transparent. Cette fois, avec Ecstasy, j’entame donc la trilogie des « Monologues sur le plaisir, la lassitude et la mort ». Tout un programme.
Va pour le « plaisir ».
…
Bon, on va faire vite.
Tout commence (plutôt bien) alors que le jeune Miyashita, membre d’une équipe de tournage pour un clip bidon, rencontre dans le Bowery, à New York, un clochard nippon qui lui demande s’il sait pourquoi Van Gogh s’est taillé une oreille. Point de départ incongru d’une lente descente aux enfers sado-masochistes, un jeu fatal fait de rencontres marquantes. Miyashita va en effet se retrouver partie prenante dans un étrange ménage à trois SM par-delà les continents (Tôkyô, New York, Paris) ; trois personnages, la fascinante Kataoka Keiko (dominatrice jouant parfois le rôle de la victime), le clochard richissime Yazaki (sadique tourné en masochiste) et la belle Reiko (masochiste... devenue sadique ?), seront ainsi amenés à se confier au narrateur fasciné, et à lui dévoiler lentement le caractère pour le moins singulier de leurs relations.
Ecstasy est ainsi un roman « porno » (ou « érotique », comme on voudra) SM, saupoudré de drogue (essentiellement cocaïne et ecstasy, donc), de pisse et de vomi. Ouep, c’est bien un roman de Ryû Murakami, pas de doute à cet égard.
Hélas, c’est surtout un roman très chiant. Les confessions sordides sont interminables et, ce qui n’arrange rien, confuses. La dissection du sado-masochisme, fondé ici essentiellement sur l’humiliation (la douleur y est morale, jamais – ou presque – physique), et heureusement détaché des clichés porno-chic à base de cuir et de cravache, aurait pu être intéressante. Elle aurait pu… Elle ne l’est pas. Les scènes rapportées s’enchaînent, répétitives, sans véritable intérêt : ni émoustillantes, ni écœurantes (plus lassantes qu’autre chose), pas davantage édifiantes ou profondes, elles défilent dans un ennui mortel teinté de nostalgie, augurant sans doute de la mélancolie du deuxième tome. À peine s’il surnage ici ou là quelque scène intéressante (mais bien moins que dans les autres romans que j'ai pu lire de l'auteur), notamment vers le début du roman, ou à sa toute fin… Quoi qu’il en soit, je n’échangerai pas une ligne de Sade (entre autres) contre un baril de Murakami.
Quant aux personnages, ils sont certes intrigants, mais se révèlent en définitive bien moins fascinants que ce que Ryû Murakami prétend par le biais de Miyashita.
Et, surtout, il est pénible de voir à quel point Ryû Murakami se répète... On retrouve en effet dans Ecstasy les mêmes thèmes que dans Bleu presque transparent ou Les Bébés de la consigne automatique, et notamment, bien sûr, la critique de la société japonaise, avec une envie flagrante de choquer le bourgeois. Mais, cette fois, ça ne prend tout simplement pas…
Bref, en fait de « plaisir », c’est plutôt raté en ce qui me concerne…
On verra bien ce qu’il en sera de la « lassitude ». J’en suis las d’avance…
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