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"Court Serpent", de Bernard du Boucheron

Publié le par Nébal

 

DU BOUCHERON (Bernard), Court Serpent, Paris, Gallimard, coll. Folio, [2004] 2006, 149 p.

 

Voilà un petit livre (même pas de SF, c'est scandaleux) que je comptais lire depuis un petit moment déjà, ayant lu ici et là (notamment à l'occasion de ma lecture du très différent mais également très bref Bastard Battle de Céline Minard) des avis dithyrambiques émis par des personnes hautement autorisées. Un premier roman publié à 75 ans (tout de même), simplement envoyé par la poste chez Gallimard... et qui a obtenu le Grand Prix du roman de l'Académie française 2004 (re-tout de même). Je sais, à vue de nez, ça fait un peu peur ; mais en fait, non. C'est un prix amplement mérité pour cette petite merveille, on peut bien d'ores et déjà le dire. L'occasion de vérifier que, comme disait l'autre, « rien ne sert de courir... », et que la sagesse populaire a bien raison ma bonne dame quand elle assure que « ce qui est petit est joli ».

 

Adonc, Court Serpent. Après l'excellent (mais rien à voir) Terreur de Dan Simmons, ce fut pour moi une nouvelle occasion de visiter l'enfer blanc du grand Nord. Et, oui, on y trouve bien des chômeurs (techniques), des pédophiles et des consanguins.

 

Nous sommes à la fin du XIVe siècle. L'Europe a depuis longtemps perdu le contact avec sa petite communauté installée à la Nouvelle Thulé (que je suppose se trouver au Groenland). L'abbé Montanus est chargé d'y conduire une expédition, à bord du bateau spécialement conçu d'après les techniques des anciens et baptisé Court Serpent, afin de retrouver cette colonie perdue et de lui porter secours, notamment en matière de foi.

 

Commence alors une terrible épopée, faite d'horreurs sans nom et de morts innombrables, dans un climat impitoyable.

 

La plume de l'auteur, volontiers archaïsante, est tout simplement parfaite. Tantôt laconique, tantôt délicieusement contournée, elle sait en toutes occasions dresser le tableau cruel des conditions de vie implacables à bord du Court Serpent et à la Nouvelle Thulé. L'horreur se déploie ainsi insidieusement au fil des pages, glaçante et saisissante. Les points de vue multiples (l'abbé Montanus, ou un regard externe) participent de cette horreur dantesque, pour un résultat sec et bluffant.

 

L'histoire est passionnante et fascinante, parfois portée par un souffle digne des sagas, d'autre fois cruellement naturaliste (d'une manière qui a pu me faire penser au très beau film de Shohei Imamura La Ballade de Narayama, d'après le très beau également roman de Shichirô Fukazawa). L'alternance entre ces deux méthodes est judicieusement pensée, et le résultat se révèle d'une justesse rare. Le récit se double ainsi d'un réquisitoire cinglant et fort contre le prosélytisme dans ce qu'il a de plus aveugle et mesquin.

N'en jetez plus (et je préfère ne pas en dire davantage...) : ce
Court Serpent est une merveille, un court roman historique éprouvant et beau comme un bateau tout vieux, original et fort, un sale petit chef-d'œuvre, dans tous les sens du terme, dont je vous recommande chaudement (aha) la lecture.

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U
Bawé.<br /> Cette notule me rappelle que je n'ai toujours pas lu "Effondrement" de Jared Leto.<br /> Il faut que je m'y attaque, au moins avant la fin du monde.
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