"B.I.A. : Ghost Dance"
B.I.A. : Ghost Dance
B.I.A., dont je vous avais parlé il y a peu, est bel et bien un jeu de la collection « Intégrale » des XII Singes et, en tant que tel, se suffit en théorie à lui-même ; aucun supplément n’était donc prévu. Mais c’était sans compter sur les gens de chez Studio 9 qui, devant la richesse du matériau offert, ont sorti plusieurs petits suppléments qu’on va qualifier de « semi-officiels », puisque réalisés avec la bénédiction des XII Singes. Ghost Dance est le premier d’entre eux (et un des plus longs, puisqu’il fait 80 pages), qui présente une nouvelle réserve indienne selon les mêmes modalités que celles qui sont présentées dans le jeu de base, puis une campagne en six scénarios aux liens relativement lâches, et qui peuvent donc être joués indépendamment ou intégrés à une campagne plus vaste.
Si vous êtes joueurs et que vous êtes susceptibles de jouer un jour à Ghost Dance (ce qui vaut pour mes petits camarades, mmmh ?), N’EN LISEZ PAS DAVANTAGE. Il est en effet impossible de parler de ce premier supplément semi-officiel sans balancer du SPOILER à tire-larigot… Vous êtes prévenus.
Adonc : pour faire simple, la « Ghost Dance », dans notre monde, est en gros un mouvement spirituel syncrétiste mélangeant croyances indiennes et christianisme. Mais il s’agit ici d’en remonter aux racines, avant le massacre de Wounded Knee ; le mouvement est alors plus frontalement hostile aux Blancs, et c’est bien dans cette perspective qu’un chaman traditionaliste shoshone essaye de le ressusciter. Il s’agit pour lui d’exécuter une série de rituels reposant notamment sur l’utilisation d’une drogue appelée « Spirit Cure » pour invoquer le wendigo Uktena et foutre une branlée mémorable aux envahisseurs. C’est essentiellement à travers le « Spirit Cure » que le lien va s’opérer aux yeux des joueurs, qui seront autrement baladés d’une réserve à l’autre : seuls le premier et le dernier scénarios font véritablement intervenir les mêmes personnages et le même cadre, à savoir la « nouvelle » réserve de Wind River, déchirée entre Arapahos et Shoshones, et souffrant de l’archaïsme de ses institutions, que le B.I.A. aimerait bien moderniser.
La campagne s’ouvre sur « Problem Solver », qui adopte donc pour cadre la réserve de Wind River. Les joueurs y sont confrontés, en gros, aux premiers « tests » du « Spirit Cure », aux conséquences dramatiques puisqu’ils débouchent sur l’intervention d’un wendigo (pas Uktena d’emblée, un « plus petit ») et sur la mort de plusieurs personnes, vaguement reliées entre elles. Le scénario, comme la plupart de ceux du présent volume, adopte le format déjà employé dans le livret des secrets de B.I.A. Il est ainsi découpé en scènes et événements, procurant chacun (ou pas…) des indices permettant de progresser dans l’enquête. Une assez bonne entrée en matière, plutôt bien ficelée.
« Romeo & Juliet », dans la Navajo Nation, fait intervenir un couple de jeunes Indiens désireux d’apaiser les tensions entre leurs peuples respectifs, les Navajos et les Hopis, et qui entendent pour ce faire réaliser un complexe rituel, qui doit les emmener dans les principaux sites spirituels de la Nation, à l’aide d’objets sacrés dérobés aux deux peuples… et de « Spirit Cure ». Pas inintéressant mais tout de même un cran en dessous.
« Get High » change complètement de cadre, puisqu’il se déroule, non pas dans une réserve, mais à Albuquerque, où une drogue dérivée du « Spirit Cure » fait des ravages, d’une part dans la mesure où elle aggrave les troubles causés par la guerre des gangs, d’autre part en plongeant ses consommateurs dans une spirale infernale de violence. Pas mal, l’idée de sortir des réserves est plutôt intéressante (même si, du coup, l’implication des agents du B.I.A. peut paraître un peu spécieuse).
« Guns N’Roswell » va plonger les joueurs dans un amusant délire conspirationniste, puisqu’on y parle tout d’abord d’un enlèvement censément accompli par des extra-terrestres… La vérité est ailleurs (bien sûr), même si conspiration il y a bel et bien : un chaman de la « Ghost Dance » a été enlevé par des militaires, qui le torturent à bloc pour étudier l’apparition des oiseaux-tonnerre et la formation de wendigos ; ces cons-là vont être servis… Très amusant à vue de nez.
« Faites vos jeux » adopte une structure différente des autres scénarios ; dans cette enquête réalisée incognito dans un casino d’Agua Caliente, les joueurs vont partir de menus larcins pas bien graves… pour être ensuite confrontés à l’invocation d’un wendigo particulièrement destructeur lors d’un événement de grande ampleur. Cette fois, je suis un peu sceptique, tout cela me paraît un peu trop tiré par les cheveux (surtout, à vrai dire, l’implication quelque peu « forcée » du chaman invocateur…).
Et la campagne de s’achever sur « Pow-Wow », qui ramène les agents à la réserve de Wind River, en pleine négociation entre Arapahos (qui l’ont dans l’os) et Shoshones. Le scénario est très intéressant, mettant en avant les différents rôles du B.I.A. tout en plongeant les joueurs dans les traditions indiennes et en les confrontant aux épineux problèmes rencontrés par les Amérindiens de nos jours. Mais je suis un poil sceptique, une fois de plus, cette fois sur la possibilité pour les joueurs de rassembler toutes les ficelles des précédents scénarios pour faire apparaître la cohérence de l’ensemble de la campagne. Mais ça se tente.
Au final, bilan plutôt satisfaisant, voire très satisfaisant, pour cette campagne à vue de nez assez alléchante. Les gens du Studio 9 ont accompli un travail sérieux, et, pour être « semi-officiel », Ghost Dance n’en est pas moins mûrement réfléchi, et permet de mettre en évidence les aspects les plus intéressants du jeu, au travers de scénarios variés et dans l’ensemble plutôt intéressants.
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