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"Ces choses que nous n'avons pas vues venir", de Steven Amsterdam

Publié le par Nébal

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AMSTERDAM (Steven), Ces choses que nous n’avons pas vues venir, [Things We Didn’t See Coming], traduit de l’américain par Valérie Malfoy, Paris, Gallimard, coll. Folio Science-fiction, [2009, 2011] 2012, 214 p.

 

L’apocalypse est un thème étrangement porteur, en ce moment ; allez savoir pourquoi… Cela dit, je n’aurais pour ma part pas à m’en plaindre, dans la mesure où j’ai souvent trouvé mon bonheur dans la science-fiction la plus catastrophiste, que ce soit dans son versant populaire (comme  La Terre sauvage de Julia Verlanger) ou sous une forme plus intellectualisée (J.G. Ballard, évidemment), et, d’ailleurs, publiée en collection de genre ou non (dans ce dernier cas, il faut bien sûr mentionner  La Route de Cormac McCarthy).

 

Ces choses que nous n’avons pas vues venir, premier roman de l’Américain exilé en Australie Steven Amsterdam, se rattache à cette dernière catégorie (et la comparaison avec McCarthy coule presque naturellement de source), puisqu’il a été publié par Albin Michel l’an dernier avant d’être repris tout récemment en poche par Folio Science-fiction. Curieux, je me suis donc emparé de la bête… et dois aujourd’hui vous en entretenir, même si la tâche ne va pas être aisée, dans la mesure où c’est un sentiment de perplexité qui domine une fois la dernière page tournée.

 

Le roman s’ouvre sur une scène véritablement excellente : le narrateur est un enfant (un pré-ado, plus exactement) qui quitte la ville pour passer le réveillon de la Saint-Sylvestre à la campagne, chez ses grands-parents maternels. Mais pas n’importe quel réveillon : celui qui fait basculer le monde et les horloges dans l’an 2000… Le père du gamin, parano fini, charge la voiture de vivres et autres outils indispensables à la survie : c’est sûr, le « bug de l’an 2000 » va provoquer « l’effondrement de l’interdépendance »…

 

Puis, à partir de là, on suivra tout au long du roman ce gamin (mais est-ce vraiment lui ? J’avoue en avoir douté à plusieurs reprises…), luttant pour survivre dans un monde en proie au chaos. Mais pourquoi ? Quel chaos ? On ne le saura jamais vraiment, dans la mesure où Steven Amsterdam n’explique rien, ou presque, et où les liens entre les différents chapitres sont pour le moins ténus. On a en fait l’impression d’autant de variations sur le thème apocalyptique, du « bug de l’an 2000 », donc, à un éventuel jugement dernier, en passant par la crise climatique, la pandémie ingérable, l’effondrement des institutions, la diminution de la fertilité masculine et j’en passe. Difficile de s’y retrouver, du coup. Et ce même si cette approche foncièrement non didactique, passant par les seuls yeux du narrateur anonyme, ne manque pas d’intérêt et de pertinence.

 

Mais cela a donc de quoi rendre perplexe. Le lecteur de Ces choses que nous n’avons pas vues venir se fait balader de chapitre en chapitre, sans jamais savoir où il va. À chaque nouvelle scène, c’est comme si le roman dans son ensemble redémarrait : le contexte est à peine posé, le narrateur se retrouve dans une nouvelle situation sans lien avec la précédente, et hop ! démerdez-vous avec ça. Ainsi, nous verrons le narrateur alterner (ou combiner) délinquance et fonction publique, pillage et parasitisme. Tout est prétexte à survivre.

 

Mais cette apocalypse (ces apocalypses ?), étrangement, n’est pas si cauchemardesque que ça. Certes, il y a bien des épisodes douloureux, mais rien d’aussi frontalement horrible et désespérant que dans La Route, pour revenir à ce modèle. En fait, l’espoir de s’en sortir domine toujours. Et, s’il est des scènes véritablement apocalyptiques, d’autres ne donnent en fin de compte qu’une impression de léger dérèglement, nécessairement passager, et qui sera surmonté sans trop de difficultés. Aussi Ces choses que nous n’avons pas vues venir a-t-il un certain côté optimiste, qui tranche sur la production catastrophiste habituelle. Ce qui pourrait constituer un atout – le roman, bien que jouant d’un thème éculé, bénéficie effectivement d’une certaine originalité –, mais ne m’a pas plus convaincu que ça, mon tempérament pessimiste m’interdisant sans doute d’y croire. Bon, ça, ça n’engage donc que moi, hein…

 

Au-delà, cependant, il est d’autres aspects qui m’incitent à émettre un jugement mitigé sur Ces choses que nous n’avons pas vues venir. Ainsi, s’il est toujours agréable de ne pas être pris pour un con et donc de se voir épargner leçons de morale et cours d’apocalyptologie, j’aurais néanmoins tendance à trouver que Steven Amsterdam a poussé le bouchon un peu trop loin : le flou général, l’absence de données extérieures, après m’avoir séduit pendant un moment, ont fini par me lasser (en somme, on pourrait dire que j’ai fini par en avoir marre de ne pas savoir où je me trouvais…). D’autant que cela a des conséquences sur, notamment, la caractérisation des personnages, très minimaliste ; ce qui pourrait susciter un effet d’identification avec le narrateur, au mieux, mais ne débouche souvent que sur une esquisse guère satisfaisante. L’épure de ce roman est générale, elle vaut aussi pour le style, et convainc plus ou moins.

 

Au final, je ne sais donc pas vraiment que penser de Ces choses que nous n’avons pas vues venir. Roman déroutant, assurément, ce qui est souvent un bon point ; roman original malgré son thème, itou ; mais, après les très bons premiers chapitres, j’avoue ne m’être guère pris au jeu, et si le livre de Steven Amsterdam est trop court pour que l’on puisse véritablement s’ennuyer à sa lecture, le fait est que je n’en suis sorti guère satisfait. Un roman aux qualités certaines, oui, et pourtant pas totalement convaincant ; et en définitive une lecture dispensable, probablement : je crains en effet de n’en garder que peu de souvenirs, tant c’est la nébulosité qui domine en moi à cette heure… Un roman bizarre, quoi. Les amateurs de bizarreries, dont je suis en temps normal, pourront peut-être s’y retrouver (encore que ce ne soit probablement pas là le bon terme…), mais je suis un peu sceptique.

 

Bizarre, oui…

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