"Contes de l'entre-deux", de Pascal Malosse
MALOSSE (Pascal), Contes de l'entre-deux, Noisy le Sec, Malpertuis, coll. Absinthes, éthers, opiums, 2014, 119 p.
Les Contes de l'entre-deux sont la première publication du jeune (puisque plus jeune que moi, ce qui est absolument scandaleux) Pascal Malosse. Le monsieur est d'origine belge, mais a pas mal écumé l'Europe centrale, ce qui imprègne ses textes. Avec ce (très) court recueil de nouvelles (assez courtes elles aussi), l'auteur fait dans l'étrange, oscillant entre fantastique et surréalisme, avec une très légère touche de science-fiction de temps en temps, et en tout cas un goût prononcé pour l'absurde ; j'aurais même envie de dire que tout cela, à l'occasion, sent un peu son Kafka, du moins dans l'intention : en pratique, c'est un peu différent...
Il est fort probable que je n'aurais jamais entendu parler de la chose si son éditeur ne me l'avait pas gentiment mise dans les mains. Mais, dès lors, j'étais assez curieux, dois-je dire. Vient maintenant la rude tâche d'en causer, d'autant plus rude que je ne vais pas avoir beaucoup de bien à en dire, même si... Bon : en étant gentil, à la lecture de ces Contes de l'entre-deux, on pourrait qualifier l'auteur de prometteur ; mais cela implique aussi qu'il n'a encore accompli aucune promesse... Essayons de voir en quoi.
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Et commençons par dire que le recueil s'ouvre sur ce qui pourrait être une erreur fatale, avec « Le Réveil », nouvelle tout simplement calamiteuse, de très loin la pire de cette compilation. Jamais un truc pareil n'aurait dû être publié, à mon sens ; encore moins, du coup, en tête d'ouvrage : le premier contact est ainsi franchement désastreux (alors lui offrir en plus la couverture, ça tient presque du gag...). Cette « histoire » très décousue est rédigée dans un « style » abominable, il n'y a pas d'autres mots. L'auteur est jeune, je l'ai déjà dit ; mais je ne peux m'empêcher de penser (peut-être un peu gratuitement, mais tant pis), que cette atrocité est la plus vieille du recueil, et de loin, sans doute rédigée alors que Pascal Malosse était un ado enthousiaste mais franchement pas compétent. Je ne lui jetterais pas forcément la pierre, j'ai fait de même et sans doute pire ; non, c'est ici un problème éditorial (désolé). Le contraste est terrible entre ce premier récit et la suite du recueil ; le style devient alors tout à fait correct, et même sans doute un petit peu plus que ça, ouf. Mais ma conviction n'en est que plus forte : jamais, ô grand jamais, il n'aurait fallu publier ce machin, du moins pas sans une sérieuse révision ; lui confier la tête de l'ouvrage relève du suicide.
La suite immédiate fait moins mal aux yeux, sans convaincre toutefois : « L'Église de Konrad », sans doute assez jeunette également, est totalement dénuée d'intérêt. « La Fabrique » de même, mais on notera toutefois que c'est sans doute avec ce texte que le style commence à devenir honnête ; contraste, contraste...
Je ne me sens pas de détailler outre-mesure la suite : ces nouvelles sont tellement courtes, façon Fredric Brown ou Jacques Sternberg (non, peut-être pas quand même, mais bon), qu'on ne peut guère les raconter sans les vider totalement. Notons seulement que la plume, passée cette introduction effrayante, devient donc tout à fait honnête, et que l'on peut noter chez l'auteur un goût pour les constructions un poil alambiquées, notamment à base de récits dans le récit, ou encore de reprises, qui lui donne malgré tout une certaine singularité.
À partir de là, on peut vaguement classer ces contes en plusieurs catégories, en fonction de leur réussite. Certaines sont pas mal du tout, voire plus : on peut relever dans cet ensemble les quatre nouvelles qui suivent immédiatement « La Fabrique » (contraste, contraste !), à savoir « Droit dans la brume », avec son architecture folle et ses emplois de bureau tout aussi guedins, « Les Yeux noirs », ou la quête d'une entêtante mélodie, « Bain de cendres », astucieux voyage temporel façon paysage intérieur, et « Jeu d'enfant », nouvelle évocatrice a fortiori pour quiconque a été un gamin cloîtré dans ses livres ; « Dissociation », plus loin, est également tout à fait satisfaisante, avec son spécialiste de l'histoire de la Renaissance italienne qui vit littéralement ses cours. Oui, franchement, il y a là des choses tout à fait intéressantes, dans le fond comme dans la forme.
D'autres nouvelles ne manquent pas d'intérêt, mais pèchent généralement sur le fond, et souffrent notamment de fins peu convaincantes : « Clandestine » (fond absurde assez convenu, mais ambiance relativement oppressante malgré tout), « Le Fleuve oublié » (amusant récit colonial à la conclusion bâclée), « Le Casino des âmes » (absurde encore, et encore un peu convenu), et enfin « L'Idée » (ou la transmission d'une dangereuse réflexion, prise au pied de la lettre ; c'est un peu laborieux, mais pourrait presque intégrer la catégorie précédente).
Le reste est à mon sens absolument dénué d'intérêt : « L'Homme qui avait toujours raison » (nouvelle à cadre judiciaire qui commence très bien, voire superbement ; le bâclage de la fin n'en est que plus désolant), « Filature par une nuit d'été » (très convenue), « Gare centrale » (absurde classique et vaguement pénible), « Maîtrise de l'Illusion » (qui fait dans la parano dickienne, mais en pontifiant et laborieux) et enfin « En boîte » (qui joue sur le double sens du titre de manière un peu facile).
Ce qui nous donne au final un recueil fort inégal, mais dans l'ensemble médiocre. Tout n'est pas à jeter dans ces Contes de l'entre-deux, il ne faut surtout pas commettre l'erreur de s'arrêter à la première impression donnée par les nouvelles d'introduction ; non, je le maintiens, il y a quelque chose, parfois d'intéressant et même prometteur dans les nouvelles de Pascal Malosse. Mais beaucoup, hélas, ne sont à mon sens pas abouties, et auraient mérité davantage de travail ou de réflexion avant publication. Wait and see ?
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