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"Curiosités judiciaires et historiques du Moyen Âge. Procès contre les animaux", d'Emile Agnel

Publié le par Nébal

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AGNEL (Émile), Curiosités judiciaires et historiques du Moyen Âge. Procès contre les animaux, [n.c.], [n.c.], [1858] 2011, [édition numérique]

 

Quand bien même j’ai lâchement abandonné ma thèse, je n’en suis pas moins toujours intéressé par l’histoire du droit (et notamment du droit pénal) et celle des institutitions, sans même parler des idées politiques. Aussi, quand, en farfouillant dans la boutique Kindle, je suis tombé sur cette monographie au titre plus qu’alléchant, ça n’a pas fait un pli : je me suis rué dessus.

 

La matière de ce très bref article a en effet quelque chose de fascinant. Intenter des procès à des animaux nous paraît a priori absurde, et c’était déjà le cas pour certains esprits du temps (l’auteur cite ainsi Philippe de Beaumanoir et sa fameuse Coutume de Beauvaisis). Pourtant, cette pratique que nous jugeons irrationnelle a longtemps perduré (le Moyen äge, tel qu’il est entendu ici, s’étend à vrai dire jusqu’au début du XVIIIe siècle, et les cas les plus fréquents renvoient plus à la Renaissance qu’au Bas Moyen Âge)… et, si je ne m’abuse, elle perdure encore aujourd’hui dans notre vaste monde (je crois me souvenir d’un procès intenté à un âne, en Turquie, il y a quelques années à peine).

 

Les procès contre les animaux sont souvent liés aux procès en sorcellerie, sujet qui m’a toujours passionné. On peut cependant distinguer deux types de procès aux implications bien différentes.

 

Les premiers concernaient généralement des animaux assez gros, auxquels on reprochait blessures ou homicides, et se tenaient devant les juridictions laïques. Les cas sont nombreux : taureaux, chevaux… mais surtout (et de loin) des porcs, accusés de dévorer des enfants jusque dans leurs berceaux. Le respect de la procédure frappe ici, mais il est encore plus étonnant et pittoresque dans les seconds types de procès.

 

Ceux-ci se tenaient cette fois devant les juridictions ecclésiastiques, et visaient ce que l’on désignera communément du nom de « vermine » (rats, sauterelles, fourmis, etc.). Là encore, on trouve de nombreux cas, qui ne sont pas sans faire polémique : les dommages infligés aux cultures par ces animaux ne témoignent-ils pas de la colère de Dieu ? Aussi, en conclusion du procès, on trouve souvent une admonestation aux plaignants, afin que ceux-ci purifient leurs mœurs et, surtout, s’assurent de bien payer la dîme… C’est du moins un point sur lequel insiste l’auteur, témoignant peut-être d’un certain anticléricalisme bien de l’époque. Le fait n’en est pas moins attesté. Parallèlement, les défendeurs (les animaux, qui ont leurs avocats, sont sommés de se présenter au procès, etc.) se voient généralement intimer l’ordre de déguerpir dans un certain délai (trois heures, trois jours…)… sous peine d’excommunication, ce qui paraît quand même un peu dingue. Le fait est pourtant là aussi très souvent attesté, et l’auteur rapporte de jolies sources évoquant des animaux dociles se faisant un devoir d’obéir !

 

 On le voit, le thème traité ici est tout à fait passionnant. On regrettera cependant, outre la brièveté de l’article, son caractère purement anecdotique ; on aurait pu tirer là une fascinante étude d’histoire des mentalités, mais l’auteur n’a en rien l’intention de persévérer sur ce terrain. Dommage… Reste néanmoins une lecture intéressante, qui porte certes l’empreinte de son temps mais est très sourcée et tout à fait édifiante.

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