"Die Farbe", de Huan Vu
Titre original : Die Farbe.
Réalisateur : Huan Vu.
Année : 2010.
Pays : Allemagne.
Genre : Fantastique / Science-fiction / Horreur.
Durée : 85 min.
Acteurs principaux : Marco Leibnitz, Michael Kausch, Erik Rastetter, Ingo Heise…
Adapter l’œuvre de H.P. Lovecraft au cinéma est un exercice particulièrement délicat, et bien rares sont ceux qui sont parvenus à obtenir un résultat correct ce faisant ; finalement, si l’on excepte les films qui n’ont qu’une inspiration lovecraftienne, lesquels peuvent être tout à fait réussis (par exemple, The Thing ou L’Antre de la folie, tous deux de John Carpenter), et tout en accordant le bénéfice du doute aux rigolos Re-Animator de Stuart Gordon et Dagon de Brian Yuzna (en fait une adaptation du « Cauchemar d’Innsmouth »), je n’ai véritablement trouvé mon bonheur en la matière qu’avec les films pourtant très « amateurs » des joyeux drilles de la HPLHS (voyez mon compte rendu de The Whisperer In Darkness).
Mais j’avais entendu dire plutôt du bien de Die Farbe, adaptation teutonne de « La Couleur tombée du ciel », qu’un aimable citoyen a bien voulu me prêter. Pari risqué, cependant : « La Couleur tombée du ciel », très certainement une des plus belles réussites de Lovecraft, me paraissait à la base un texte particulièrement difficile à adapter, en ce qu’il repose énormément sur une ambiance magistrale, qui suinte avec délices du papier, mais qu’on pouvait douter de retrouver sur pellicule… Mais bon, fallait bien voir, hein.
Nous sommes au milieu des années 1970 : Jonathan Davis, un jeune Américain d’Arkham, Massachusetts, se rend en Allemagne, dans une région paumée près de la frontière française, pour y retrouver la trace de son disparu de père, qui y avait été en garnison à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Là, il tombe sur le fermier Pierske, qui se souvient d’avoir vu son père à cette époque… et se met à lui conter l’étrange histoire survenue à ses voisins les Gärtener, après qu’une météorite des plus mystérieuses s’est écrasée non loin de leur ferme, suscitant moult événements déconcertants…
Pas besoin d’en dire vraiment plus ici, vous avez reconnu la nouvelle originale (avec les noms germanisés). L’adaptation est ensuite assez fidèle, en dehors de quelques manipulations justifiées par le contexte, dont on peut se demander si elles étaient vraiment nécessaires. Reconnaissons cependant que le riche matériau lovecraftien est plutôt bien employé dans ce cadre-là, qui vaut bien les recoins les plus bouseux de la Nouvelle-Angleterre.
Maintenant, s’agit-il d’une bonne adaptation ? J’imagine que cela dépend de ce qu’on en attend… Mais j’avoue, au sortir du visionnage, avoir un sentiment plutôt mitigé. L’impression, en fait, que si le film tient la route – et il tient relativement la route –, cela vient du fait que le texte source est excellent, et que le scénario lui fait passer la frontière des arts avec une certaine astuce. Mais le film, hélas, me paraît dénué de qualités qui lui soient propres…
Dès les premières images, en effet, quelques fâcheux défauts font leur apparition, et ne lâcheront plus le spectateur tout au long du métrage : la réalisation est plus ou moins inspirée (même si certaines scènes d’horreur sont plus que correctes – quand elles ne sont pas gâchées par de vilains effets spéciaux numériques…), la photographie plutôt dégueulasse, et la direction d’acteurs franchement approximative (le cabotin Pierske – surtout dans sa version « jeune » –, Nahum Gärtener et son épouse étant heureusement ceux qui s’en tirent le mieux, mais c’est un mieux tout relatif).
Tout cela, en fait, renforce l’impression générale d’amateurisme de ce film. À l’évidence, Die Farbe est un film de fans, sincèrement intéressés par le matériau original pour le transporter à l’écran avec un minimum de bonheur, mais pas forcément très compétents pour autant, et flirtant parfois – bien malgré eux sans doute – avec le mauvais goût… Et, à ce compte-là, j’avoue préférer le « mythoscope » autrement plus ludique des productions de la HPLHS ; certes, Die Farbe est probablement l’adaptation de Lovecraft la plus « sérieuse » que j’aie jamais vue. Un bon point pour ce film, assurément. Je ne le qualifierais d’ailleurs pas de mauvais… Mais je maintiens : si Die Farbe se regarde, c’est parce que « La Couleur tombée du ciel » est une nouvelle excellente.
Sentiment mitigé, donc. Et je ne peux que regretter une fois de plus l’absence, à l’heure actuelle, d’une adaptation de Lovecraft véritablement réussie ET professionnelle.
Bon, alors, quelqu’un les fait, ces Montagnes hallucinées ?
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