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"Foetus-party", de Pierre Pelot

Publié le par Nébal

Foetus-party.jpg

 

 

PELOT (Pierre), Fœtus-party, Paris, Denoël, coll. Présence du futur, 1977, 188 p.

 

S’il est un auteur que la lecture de  La Science-fiction en France de Simon Bréan m’a donné envie de découvrir plus avant, c’est à n’en pas douter Pierre Pelot (qui signait auparavant Suragne au Fleuve Noir). Il faut dire que le bonhomme m’a franchement bluffé avec son chef-d’œuvre (hors SF, cela dit)  C’est ainsi que les hommes vivent ; mais j’en avais bien aimé aussi, à un degré incomparablement moindre certes mais tout de même, La Rage dans le troupeau, et d’autres titres (souvent bizarres, les titres) me faisaient de l’œil depuis pas mal de temps déjà. Cette virée dans les romans de science-fiction français des années 1950-1980 était donc une occasion de choix pour découvrir un peu plus l’auteur, probablement un des plus importants des années 1970 pour ce qui est du genre, et le plus représentatif (avec Jeury ?) des « réalités truquées » plus ou moins dickiennes qui fondent, à en croire Simon Bréan, le paradigme de la science-fiction française de ces années-là. Ce qui, bien évidemment, ne peut que me parler. Je me suis donc emparé d’un certain nombre d’ouvrages dudit Pierre Pelot (généralement assez courts), et ai décidé un peu au pif (mais le titre me plaisait bien) de commencer par Fœtus-party.

 

Dans le futur glauque décrit par Pierre Pelot (se situant a priori aux environs de l’an 2600), la Terre paye les pots cassés du grand gâchis capitaliste de notre époque et de politiques paradoxales ayant abouti à une situation intenable. La nature n’est plus. Il n’y a plus de villes, il y a la Ville, qui recouvre les trois quarts de la planète. Et y vivent (vivent ?) tant bien que mal quinze milliards d’habitants. C’est trop, à l’évidence. Le problème de surpopulation est ici central (on pense, entre autres, à Soleil Vert, dont on retrouve la conséquence fameuse du recyclage des cadavres, bouffés par les vivants).

 

Le Saint-Office Dirigeant est à la tête de la société. Mais, s’il a été fondé sur des bases humanistes (comme un syncrétisme de diverses tendances religieuses réagissant au grand gâchis), il est aujourd’hui contraint à des mesures bien loin de ses origines et ambitions premières. Et la préoccupation constante de la société décrite dans Fœtus-party est la mort. Souvent (en principe, du moins) volontaire : on incite, par des slogans, les vieux au suicide ; lors des « fœtus-parties », on donne aux fœtus la possibilité de choisir de vivre ou non ; on joue au Poniachet, où le vainqueur comme le vaincu se voient offrir la mort… Mais il y a aussi, bien sûr, la répression, implacable, et qui fait grand usage de la peine capitale. Il faut, d’une manière ou d’une autre, que la mort de l’individu soit au bénéfice du plus grand nombre.

 

Mais les dés sont pipés. Au Poniachet, le Rebelle perd toujours. Et, au-delà, c’est la réalité elle-même qui est truquée, par les deux bouts : les fœtus, donc, se voient offrir un simulacre de vie destiné à déterminer s’ils veulent ou non vivre ; les suicidés à la pilule H-O, dit-on, se voient également offrir une autre vie, qui, pour eux, dure des années, quand seulement quelques secondes s’écoulent à l’extérieur. Comment, dès lors, être sûr de vivre ? Ne baigne-t-on pas dans l’illusion ? La question obnubile régulièrement les personnages de Fœtus-party.

 

Les personnages. Parlons-en. Il y a, outre les candidats du Poniachet que nous retrouvons de temps à autre, Gédéon Trash, qui a illégalement laissé tomber son emploi à la biscuiterie SOD pour devenir un minable petit trafiquant de drogue, en l’occurrence d’HYP – 1000, une substance supposée augmenter les chances du fœtus de choisir la vie. Il y a, du coup, ses premiers clients de la journée (l’action du roman reste centrée sur une seule journée), Mark et Eva Lipton ; ils en sont à leur troisième et dernière tentative d’avoir un enfant (les deux premiers ont choisi la mort lors de la fœtus-party), d’où leur recours au HYP – 1000. Et il y a, enfin, amnésique, le Visiteur. Ross ? Jent ? Le Visiteur. Qui, comme tel, se voit offrir un tour d’horizon de la Ville. Et qui pourra apprendre bien des choses au cours de son périple, à l’instar du lecteur.

 

J’avouerai que, au cours de ma lecture, je suis longtemps resté sceptique, voire un peu déçu, par Fœtus-party. Pourtant, au final, c’est une impression très positive qui demeure. Du fait, probablement, de l’ambiance merveilleusement glauque que Pierre Pelot parvient à instaurer en moins de 200 pages – belle performance –, une atmosphère très noire, désespérante, sordide, teintée (une fois n’est pas coutume) de cynisme, voire de misanthropie. Avec une louche d'absurde en prime.

 

« Le bien, comme le mal, n’existe pas. Rien n’existe. Sauf la connerie. »

 

Trash nous le dit très rapidement. Dès lors, la morale semble dépassée par le cauchemar humain de Fœtus-party. Le roman ne laisse absolument aucune échappatoire… si ce n’est la mort. Toujours. Horizon indépassable, solution unique, et tant qu’à faire pour le plus grand bien de tous.

 

Vraiment ?

 

Une réussite, donc. Au goût de vomi, certes, mais une réussite. Un bon Pelot, qui laisse augurer du meilleur pour mes lectures ultérieures.

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