Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

"L'Archipel du Rêve", de Christopher Priest

Publié le par Nébal

L-Archipel-du-Reve.jpg

 

PRIEST (Christopher), L’Archipel du Rêve, [The Dream Archipelago], édition augmentée, traduit de l’anglais par Michelle Charrier, Paris, Gallimard, coll. Folio Science-fiction, [2009-2010] 2011, 413 p.

 

Je découvre petit à petit Christopher Priest, auteur certes majeur dans la science-fiction contemporaine, mais dont je n’avais lu jusqu’à présent que deux romans, les excellents La Séparation et Le Prestige. Mais avec L’Archipel du Rêve, nous sommes dans un territoire bien différent. Ce recueil de nouvelles (qui en contient une de plus que l’édition Lunes d’encre, « Vestige », que j’avais déjà pu lire et apprécier dans L’o10ssée Folio SF), souvent comparé, et c’est à bon droit du moins sur certains points, au fantabuleux Vermillion Sands de J.G. Ballard, se situe dans le même univers que La Fontaine pétrifiante (une nouvelle, « La Négation », y faisant directement écho).

 

Un univers hors du temps, marqué par une guerre trois fois millénaire entre les deux superpuissances du Nord, qui s’affrontent sur le continent austral. Mais, au milieu, se trouve l’Archipel du Rêve, constellation d’îles neutres qui exercent une étrange fascination sur tout un chacun. On vient y chercher la liberté, et/ou la réalisation de ses désirs les plus intimes. Car l’Archipel est une zone propice à l’érotisme, qui constitue le thème central de la plupart des nouvelles du recueil. Autant dire que je ne savais pas à quoi m’attendre, et que j’ai été pour le moins surpris par cette donnée.

 

Et un peu déçu, disons-le tout de suite. En effet, cet érotisme omniprésent m’a régulièrement paru un peu lourd, ne suscitant guère chez moi qu’un ennui poli. Si l’on excepte le tour de passe-passe de « La Cavité miraculeuse », les situations sont souvent assez convenues, voire trop convenues (« La Crémation »), et, en dépit de sa fin hautement prévisible, seule « Le Regard », jouant astucieusement du voyeurisme dans un contexte d’observation ethnologique, m’a pleinement convaincu. Le reste m’a semblé un peu terne, voire un peu vide.

 

Je ne vais pas non plus cracher dans la soupe : il y a de très bonnes choses dans L’Archipel du Rêve. Déjà, les nouvelles qui ne sont pas « perturbées » par le thème érotique sont irréprochables. « L’Instant équatorial », qui tient peu ou prou du poème en prose, est une très jolie introduction. « La Négation » est un texte fort (et qui l’est encore davantage, je suppose, pour qui a lu La Fontaine pétrifiante), sur l’absurdité de la guerre, l’instrumentalisation de l’art et l’engagement. « Vestige », enfin, constitue une belle saynète émouvante, à l’érotisme cette fois diffus, et relevant plus du fantastique que de la science-fiction.

 

Pour ce qui est du reste, il y a donc à boire et à manger. « Les Putains », avec ses crises de synesthésie, offre quelques jolies scènes, mais ne mène nulle part. « La Cavité miraculeuse », longue nouvelle initiatique toute en réminiscences, contient de même quelques beaux moments, mais le tour de passe-passe qui en constitue le cœur, s’il joue intelligemment sur nos perceptions et préjugés, n’est pas tout à fait honnête et tend un peu à bouffer tout le reste. « La Crémation », nouvelle sur l’incompréhension mutuelle dans un cadre culturel étranger, ne convainc donc guère. Dans ce registre, « Le Regard » est sans doute la plus grande réussite : cette longue nouvelle est très bien conçue, riche d’images fortes et de situations érotiques délicieusement perverses. Reste enfin « La Libération », un peu en contrepoint de « La Négation », nouvelle assez correcte dans l’ensemble, mais qui connaît des baisses de tension.

 

Au final, je ne peux que m’avouer déçu par ce recueil dont on m’avait dit tant de bien. Si je n’irais certainement pas jusqu’à le qualifier de fondamentalement mauvais, n’exagérons rien, je suis bien obligé de faire part de l’ennui que sa lecture a suscité chez moi. Et si je veux bien admettre la comparaison avec Vermillion Sands, c’est tout de même en plaçant ce dernier recueil deux bons crans au-dessus, au moins. En tout cas, je n’ai pas retrouvé dans L’Archipel du Rêve le brillant auteur de La Séparation et du Prestige. Priest romancier serait-il donc à mes yeux plus convaincant que Priest nouvelliste ? La lecture de ce seul recueil ne me permet probablement pas d’en juger, et je vais donc m’en abstenir. Mais, tout de même, déception…

CITRIQ

Commenter cet article

U
<br /> Un avis qui mérite d'être énoncé deux fois.<br /> <br /> Ahem...<br /> <br /> Faut que je relise, ça date tout ça, même s'il me reste des impressions assez entêtantes et difficilement explicables.<br /> <br /> <br />
Répondre
N
<br /> <br /> Pas sûr que la relecture soit une bonne idée, dans ce cas. M'enfin bon.<br /> <br /> <br /> <br />
B
<br /> Je partage ton avis, beaucoup des nouvelles de Priest sont très très ennuyeuses, et les nouvelles érotiques ne font ni chaud ni froid. Dans son Livre d'Or, je garde un bon souvenir de 3<br /> nouvelles:<br /> <br /> Une Priestidigitation par excellence:<br /> <br /> - "Le monde du temps-réel" se déroule en huis clos. Une équipe de scientifiques isolés dans un observatoire spatial remettent en cause leur perception du monde extérieur.<br /> <br /> 2 histoires romantiques:<br /> <br /> - "L'été de l'Infini". En 1940, des "geleurs" venus du futur apparaissent soudainement (au coin d'une rue, au milieu d'un bistrot...) pour "geler" des personnes ou des évènements dans un dessein<br /> mystérieux.<br /> <br /> - "Et j'erre solitaire et pâle". Un enfant s'égare dans un Parc Municipal au milieu duquel se trouvent des passages temporels. (malgré un fond mélancolique assez chiant, le jeu incessant de<br /> va-et-vient entre passé, présent et futur est intriguant)<br /> <br /> Je préfère les romans.+1 J'ai trouvé l'uchronie "La Séparation" captivante, le seul fait de toucher à un mystère historique d'une grande importance au travers un récit superbement romancé rend sa<br /> lecture tout à fait géniale, et émouvante. Et, le Monde Inverti est simplement un de mes livres préférés de SF, l'univers et le glissement de réalité sont superbes.<br /> <br /> J'ai commencé la Fontaine Pétrifiante, mais le personnage principal très antipathique ne me facilite pas la lecture.<br /> <br /> <br />
Répondre
N
<br /> <br /> Noté. Merci !<br /> <br /> <br /> <br />
B
<br /> Je partage ton avis, beaucoup des nouvelles de Priest sont très très ennuyeuses, et les nouvelles érotiques ne font ni chaud ni froid. Dans son Livre d'Or, je garde un bon souvenir de 3<br /> nouvelles:<br /> <br /> Une Priestidigitation par excellence:<br /> <br /> - "Le monde du temps-réel" se déroule en huis clos. Une équipe de scientifiques isolés dans un observatoire spatial remettent en cause leur perception du monde extérieur.<br /> <br /> 2 histoires romantiques:<br /> <br /> - "L'été de l'Infini". En 1940, des "geleurs" venus du futur apparaissent soudainement (au coin d'une rue, au milieu d'un bistrot...) pour "geler" des personnes ou des évènements dans un dessein<br /> mystérieux.<br /> <br /> - "Et j'erre solitaire et pâle". Un enfant s'égare dans un Parc Municipal au milieu duquel se trouvent des passages temporels. (malgré un fond mélancolique assez chiant, le jeu incessant de<br /> va-et-vient entre passé, présent et futur est intriguant)<br /> <br /> Je préfère les romans.+1 J'ai trouvé l'uchronie "La Séparation" captivante, le seul fait de toucher à un mystère historique d'une grande importance au travers un récit superbement romancé rend sa<br /> lecture tout à fait géniale, et émouvante. Quant au Monde Inverti, il est simplement un de mes livres préférés de SF, l'univers et le glissement de réalité sont superbes.<br /> <br /> J'ai commencé la Fontaine Pétrifiante, mais le personnage principal très antipathique ne me facilite pas la lecture.<br /> <br /> <br />
Répondre